HP et l'attrait des ténèbres
Sa marque provoquait en lui une douleur lancinante. Quelque chose se produisait. Severus s'approcha de la lourde porte. Il entendait Potter parler. Mais ce n'était pas possible. Sirius s'était endormi dans le salon, et lui même était devant cette porte.
Il approcha un peu plus son oreille, et se pétrifia.
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-Qui es-tu ?
-Mais je suis toi Harry, je fais partie de toi.
-Non. Tu n'es pas moi, je ne suis pas …
Un rire caustique s'échappa de la gorge du survivant. Un rire grave, long douloureux, involontaire. Les mains du jeune homme se posèrent sur sa gorge, ses ongles griffèrent son cou et sa nuque pâle.
-Tu n'es pas moi, je ne suis pas un monstre !
Le jeune homme fit craquer son cou, et ses yeux semblèrent se révulser. Son souffle se faisait rauque, sa respiration anarchique. Un fin filet de sang s'écoula de ses lèvres entrouvertes et il luttait pour reprendre une bouffée d'air.
-Crois tu que tu es quelqu'un de bien ? Crois-tu que sans moi, tu es parfait ? chuchota-t-il, la tête ramenée contre ses genoux- Je ne suis pas Voldemort. Voldemort est mort, tué par tes propres mains. Alors qui puis-je être si ce n'est toi ?
Sa voix n'était plus qu'un murmure. Des rires résonnaient sans qu'il ne puisse discerner s'ils étaient réels ou présents seulement dans son esprit.
Ses mains venaient encore griffer sa gorge, et s'attaquaient à son visage. Il était perdu, ne savait plus s'il se blessait lui-même ou si c'était l'autre qui le broyait sous ses doigts sales.
-Tu vas mourir, et tu le sais n'est-ce pas Harry ? Si tu restes ici, ils vont te tuer. ils vont nous tuer.
-Et bien qu'ils le fassent. Qu'ils me tuent si ça peut te faire disparaître.
-Pourquoi tant de haine Harry ? siffla-t-il - Je suis comme toi, je suis toi. Je connais tes défaites et tes pleurs. Je connais ta souffrance, tes démons.
Sa main agrippa ses cheveux, faisant basculer sa tête en arrière en heurtant lourdement le mur de pierre sur lequel il s'était adossé. Deux doigts appuyèrent avec force le long de sa mâchoire, le long de sa gorge, en suivant la trajectoire de sa trachée. Ses ongles s'enfoncèrent dans sa propre peau et un flot d'images se mit à danser dans son esprit. Il était là, par terre et couvert de sang. Un homme se tenait au dessus de lui et enfonçait avec lenteur une longue lame dans son ventre. La douleur le frappa avec une telle force qu'il cria mais les images ne cessèrent pas de défiler. Dans chacun de ses souvenirs, il était en sang, frappé, blessé.
-Arrête ! Hurla-t-il – Sors de mon esprit, va-t'en.. !
Sa demande était une supplique. Son corps se contorsionnait sous la douleur et sa tête basculait dans tous les sens.
Mais il se figea, glissa sa main dans sa poche et en ressortit une fine lame de rasoir. Un sourire mauvais se dessina sur son visage et le froid métal s'approcha lentement de sa peau crasseuse. La lame semblait danser contre sa peau sur une musique connue d'elle seule.
Le sang commença à s'écouler lentement sous les coupures peu profondes qui recouvraient son bras.
-Harry ? tu as souffert, je le sais. Mais pourquoi te penses-tu meilleur que moi ? Réponds moi, crois-tu être un homme bon ?
Un nouveau rire moqueur résonna dans la cellule et de nouvelles images apparurent aux yeux du jeune homme. C'était encore lui, mais cette fois, il était celui qui blessait, qui tuait et torturait : il était le bourreau et chaque coup qu'il infligeait au mangemort se répercutait sur son propre corps. La lame accéléra sa danse effrénée et de profondes entailles se formèrent sur sa peau. Le sang ne coulait plus : il giclait hors de son corps en de lourds flots poisseux.
-Tu es comme moi Harry, car je suis toi. Tu dois assumer cette partie de ton âme. Tu dois m'accueillir comme un ami car c'est ce que je suis
Les phrases qu'il prononçait devenaient inaudibles et son visage se vidait de toute couleur, un vertige terrifiant se saisit de lui et sa tête percuta le sol rouge.
-Harry ! hurla Sirius
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-Comment as-tu pu rester derrière cette porte sans rien faire ?! Il était en train de se vider de son sang ! hurla l'animagus
Il était entré dans la cellule du jeune homme lorsqu'il avait entendu des cris. Snape se tenait devant la porte et ne semblait pas réagir. Il avait alors fait irruption dans la pièce et avait trouvé son filleul sur le sol, livide, en sang, et à deux doigts d'une mort certaine. Ils avaient du lui apporter des soins en urgence et compresser ses plaies pour que le sang cesse de s'écouler en larges flots. Il en avait perdu beaucoup mais son état semblait stable et il s'était endormi.
Sortant de ses pensées, Sirius reprit
-Réponds Servilus ! Pourquoi n'avoir rien fait ?
Le maitre de potions était amorphe. Le monologue de Potter qu'il avait entendu à travers la porte, le triste spectacle qui s'était affiché devant lui peu après et la douleur qu'avait provoquée la marque des ténèbres à ce moment-là semblaient avoir eu raison de ses facultés mentales. Il y avait trop de choses qu'il ne comprenait plus désormais.
-Je ne m'attendais pas à ça. Je l'ai entendu parler tout seul et j'ai pensé que c'était peut-être le moment pour lui de se battre contre l'esprit du Lord. Je n'ai pas imaginé que..
-Qu'il se couperait le bras comme si c'était un morceau de viande ? - Le coupa Sirius avec violence - Il aurait pu y rester !
Snape arborait un air peu habituel. Il fixait un point imaginaire et semblait marmonner des choses que Sirius ne comprenait pas.
-Snape ! Où tu es là ? demande Sirius, presque inquiet désormais
-Il a conjuré une lame malgré toutes les barrières. Il s'est mutilé. Je ne sais pas… - les propos du potionniste étaient incohérents, et ses mains ne cessaient de triturer les boutons qui ornaient sa longue cape noire.
-Severus ! aboya Sirius – je n'ai pas besoin d'un deuxième taré dans cette maison !
Ces paroles eurent l'effet d'une douche froide sur l'homme en noir. Il reprit ses esprits et planta ses yeux noirs dans ceux de l'animagus.
-Je suis désolé Sirius. J'aurais du intervenir. J'ai cru que ça irait, qu'il s'en sortirait.
L'animagus baissa la tête et une larme coula le long de sa joue malgré les efforts constants qu'il faisait pour s'empêcher de pleurer. Il cacha maladroitement son visage de sa main rugueuse et se détourna de Snape. Aucun son ne sortait de sa bouche, aucun sanglot n'entachait sa douleur. Il avait mal, il avait honte, et se sentait infiniment coupable de ne pas pouvoir arranger les choses pour le fils de son meilleur ami.
-Et s'il ne gagnait pas cette bataille là Snape ? Si c'était lui qui disparaissait ?
La question resta sans réponse mais Severus ferma les yeux. Oui, il y avait pensé dès qu'il avait entendu Harry dire que mourir ne le dérangerait pas. Le gosse n'était peut-être pas assez fort. Il allait peut être se laisser emporter, et peu à peu son esprit s'effacerait, comme on jette un mouchoir usagé.
-Cela n'arrivera pas Black. Nous y veillerons – assura-t-il, comme une promesse.
Les deux hommes se regardèrent alors avec une franchise qu'ils ne se connaissaient pas : ils n'avaient plus à parler, plus à se battre. Ils n'avaient qu'à se regarder, et se comprendre.