Apprends moi à te haïr

Chapitre 2 : Une étrange proposition

3373 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/06/2015 16:11

Le Londres moldu a toujours été l'un de mes endroits préférés même si, à cette époque-là, je ne le regardais plus avec le même bonheur qu'auparavant. Tout me semblait noir, lointain, distant … Les gens qui passaient autour de moi me faisait néanmoins du bien, je me fondais dans la masse, je disparaissais dans l'anonymat urbain. Je ne supportais plus la compassion de Molly, elle tuait chaque jour qui passait. Je me souviens, aujourd'hui avec bonheur, des longues ballades que j'avais effectuées alors que je n'étais qu'une enfant avec mon père dans le centre historique de la ville. J'avais grandi loin de lui à Poudlard, je m'éloignais peu à peu comme le fait chaque adolescent de ces parents mais ces moment-là étaient les seuls ou tout redevenait comme avant. Rien ne semblait pouvoir changer cette immuable formule … Parmi cette foule immense, je ne pensais à rien puisque chaque bousculade me ramenait à la réalité. Ne penser à rien me faisait du bien, je cessais alors de tomber dans une spirale infernale de souvenirs heureux. Depuis plusieurs jours, les garçons tentaient, en vain, de me changer les idées. Plusieurs fois, Ron avait disposé devant moi son exemplaire décrépi de l'Histoire de la magie mais la lecture me dégoûtait. J'avais appris à lire avec lui, avec cette voix douce et chaque mot lu me soulevait le cœur.

«  Non, Hermione … On dit idiot, prononce le I s'il te plaît, ce n'est pas idot ».

Souvent il éclatait de rire parce que je finissais toujours pas me fâcher à chacune de ses remarques ; je lui soutenais alors que j'avais raison et qu'il ne comprenait rien. Chaque crise avait fini en fou rire. J'avais également la peur idiote de l'oublier, de finir par ne plus me souvenir de lui alors chaque fois que je retrouvais un semblant de sérénité, je finissais par me forcer à souvenir. Un passant me bouscula contre une vitrine, je me souviens m'être arrêtée, surprise par mon propre reflet. J'étais devenue si maigre et mon visage était mangé par mes cheveux hirsutes comme jamais. Je suis en deuil mais les gens autour de moi s'en moquait, ils me bousculaient comme si j'étais invisible. Je me sentais en marge de cette foule mouvante et préoccupée mais je m'y sentais bien. La douleur s'atténuait dans ce moment-là. J'aurais tant voulu retourner en enfance, pour croire à nouveau aux contes de fées, revenir au moment où mes nuits n'étaient pas peuplée de cauchemars. La chape de béton qui avait recouvert le cercueil de mon père avait scellée mon enfance, j'avais fini par ne plus croire au bonheur. J'étais devenue si cynique que tout le monde m'évitait, une aura de mort m'entourait. Deux semaines étaient passées et je ne parvenais toujours pas à sortir la tête de l'eau. Je n'écoutais personne parce que je ne voulais pas entendre leurs paroles creuses et leurs conseils cent fois rabattus. Je voulais avancer vers l'avenir sans me retourner mais la mort me retenait dans le passé, je me courbais pour m'en sortir seulement je n'y arrivais pas. Parfois il m'arrivait de pleurer lorsque je pensais être seule, je laissais mes sentiments et mes confusions partir loin de moi sans que cela ne me soulage vraiment au final. De mémoire, je crois m'être retrouvée par hasard devant le chaudron baveur. Le chemin de traverse était quasi vide surtout depuis la mort de Dumbledore, les gens devenaient paranoïaques. Je marchais lentement, évitant le peu de monde avec adresse. Presque toutes les boutiques étaient fermées. Celle de Georges et Fred étaient ouverte mais le décorum coloré de la boutique semblait presque déplacé dans cette atmosphère pesante. La gaieté qui se dégageait des farces et attrapes ne faisait pas mouche. Alors que je marchais vers Gringotts, quelqu'un me bouscula.

_ Excusez-vous hurla une voix que j'aurais reconnu entre milles. Je me souviens avoir soupiré avant de me retourner pour faire face à Malefoy Junior. La sang de bourbe ! S'étonna-t-il en me fixant de haut en bas avec un regard hautain. Un maigre sourire naquit sur mes lèvres à l'entente de cette insulte qui m'indifférait désormais. Malefoy avait toujours eu l'art de faire sortir de mes gonds mais je crois que cette fois-là fut l'unique fois ou mon cerveau ne lança pas le moindre signe de réaction.

_ Au revoir Malefoy lui dis-je finalement avant de lui tourner le dos. Je me souviens avoir été fière de n'être pas repartie dans l'une de nos trop nombreuses disputes qui toujours à base d'insultes que l'on saupoudrait généralement par de jolies menaces savamment tournées. Je le haïssais mais je crois n'avoir jamais rencontré quelqu'un qui me répondre aussi facilement hormis Tom évidemment. Je crois que j'avais fini par prendre goût à ces joutes verbales étranges.

_ Miss Granger. Je me retournais à nouveau en soupirant mais je reculais d'un pas alors que je me retrouvais face à la nouvelle directrice de Poudlard, Minerva McGonagall. Je vous trouve enfin ! Annonça-t-elle en me toisant de haut. Cette femme était si immense ou plutôt je me sentais si petite par rapport à elle. J'ai envoyé une missive au Terrier mais l'on m’a répondu que vous étiez sorti. Maintenant veuillez me suivre ordonna-t-elle en me tendant sa main. Je la pris et elle transplana. La première sensation que je ressentis fut le vent dans mes cheveux. La grille de Poudlard s'ouvrit devant nous. Nous entrâmes dans le parc dont le paysage était resté inchangé pendant l'été. Derrière nous, la forêt interdite se dressait forte, majestueuse et sombre. Le vent était léger et chaud. L'atmosphère était chaude, presque étouffante contrairement à Londres où le froid et la morosité régnait dans la ville. Elle me fit monter jusqu'au bureau directorial. Le chemin fut long et silencieux. L'imposante porte de bois s'ouvrit devant nous. Le bureau restait inchangé. L'immense fauteuil aux tons rouge et or trônait derrière le bureau ou se trouvait une pile de dossiers en vrac. Mon cœur se serra. Parfois il y'a des instants qui vous laissent vide. Pendant ces moments-là qui ne duraient que quelques secondes, j'étais étrangère à moi-même. Je disparaissais dans un au-delà flou et incertain. Mes émotions me quittaient pour s'envoler loin de moi, je n'étais plus rien. A dire vrai, j'avais fini par croire en l'insignifiance de l'existence. Qu’étions-nous, nous les sorciers, face à un sort ? Des mots pour tuer.

_ Miss Granger, j'ai un service à vous demander. La voix de McGonagall me ramena à la réalité. J'étais restée devant l'entrée tandis qu'elle était partie s'installer dans son fauteuil. Elle me désigna une chaise devant elle, chaise que je rejoignis d'un pas mécanique. Je m'installai droite comme I sur la chaise en bois malgré l'inconfort que je ressentais. Je voulais être sûre d'être attentive. Malgré le chaos de mes sentiments, je restai la même élève qu'auparavant. Cette idée fit même naître un sourire sur mes lèvres.

Au fond, avec le recul, je crois qu'à ce moment-là, j'aurais accepté n'importe quelle proposition. Je voulais fuir … fuir ma vie, les garçons. Je supportais de moins en moins leur sollicitude. Je voulais être seule. Partir. J'aurais pu tout accepter même de courir vers la mort. Peut-être qu'au fond le rencontrer revenait au même.

Je crois avoir mis un certain temps avant d'hocher la tête. Mon cerveau marchait au ralenti à cause de la fatigue que je ressentais.

_ Bien … Regardez cette photo me demanda-t-elle en me tendant l'objet dont les coins étaient jaunis. Elle était en noir et blanc et très vieille. C'était une photo sorcière que j'eus du mal à identifier.

_ C'est Poudlard dis-je finalement en fronçant les yeux en apercevant un morceau du ciel magique de la grande salle. McGonagall hocha la tête. En arrière-plan, on apercevait une masse d'élèves admiratifs qui regardaient un couple évoluer sur une piste de danse aménagée pour l'occasion. Il semblait si jeune, si beau et amoureux. Lui portait une élégante veste noire qui laissait apercevoir une chemise blanche impeccable. L'insigne de Serpentard luisait sur sa poitrine. Il semblait fort et sûr de lui alors qu'il faisait élégamment évoluer sa partenaire. Sa robe blanche aux manches à volant tournoyait autour d'elle, la faisant ressembler à un ange. Elle souriait, d'un sourire amoureux et chaleureux. Un détail cependant attira mon attention, un tout petit détail qui se balançait au cou de cette jeune inconnue. Un collier de forme octogonale que je ne connaissais que trop bien pour l'avoir souvent vu cet été.

_ C'est le collier de Salazar …

_ Serpentard termina McGonagall à ma place.

_ Je croyais que seul Voldemort ne l'avait posséder que bien plus tard dis-je en regardant plus attentivement la photo que je tenais toujours dans mes mains. J'étais fasciné par ces deux visages flous que je ne parvenais pas à identifier. Une main sur sa taille, il l'a guidait avec grâce et bonheur. C'était un couple amoureux a n'en pas douter. Sans que je n'en comprenne véritablement la raison sur le moment, cette image se grava dans mon cœur en même temps que la paix et le bonheur qui s'en dégageait apaisa ma peine.

_ Qui sont-ils ? Demandais-je finalement en rendant la photo à sa propriétaire.

_ Tom Jédusor et son premier et unique amour répondit-elle en me jetant un regard triste à la photo.

_ Quoi ! M'écriais-je.

_ Il n'a pas toujours été un monstre enfin visuellement parlant … Il était beau, adulé et respecté durant sa jeunesse à Poudlard. Ils étaient le couple de l'école, celui que tout le monde enviait surtout les filles.

_ Comment savait-vous tout cela ?

_ Je l'ai connu alors qu'il n'était qu'un adolescent. Nous sommes de la même année lui et moi avoua-t-elle en rangeant la photo dans un vieux dossier.

_ Il avait une petite amie … Pardonnez-moi mais c'est parfaitement incompatible avec l'image que j'ai de lui avouais-je.

_ Ils étaient parfait tous les deux ou plutôt ils se sont parfaitement détruit.

_ Mais qui est cette fille ? Demandais-je finalement.

_ Je l'ignore à dire vrai ou plutôt elle est arrivée à Poudlard avec un nom d'emprunt. Elle est morte avant d'avoir pu dire la vérité à quiconque même si je soupçonne fortement Albus de l'avoir connu avant son arrivée à l'école.

Je ne comprenais rien à son charabia. Pourquoi ne voulait-elle pas me révéler l'identité de cette jeune femme ? Pourquoi ce mensonge ? Ces questions me hantèrent longtemps avant que je ne comprenne la conséquence de ma réponse à la question qu'elle me posa ce jour-là. 

_ Je veux que tu la retrouve et que tu arrives à la convaincre d'agir pour le mieux. Elle est la seule à pouvoir détruire Voldemort, à mettre un terme à tout ça.

_ Pardon mais je croyais qu'elle était morte rétorquais-je en pensant que la directrice devenait folle.

_ En effet … Je veux que tu retournes dans le passé avoua-t-elle en plantant son regard dans le mien.

_ QUOI ! Je crois que mon cri se perdit dans les hauteurs du plafond du bureau mais il résonna longtemps. McGonagall grimaça avant de reprendre contenance.

_ Veuillez-vous calmer, je vous prie … Je ne vous proposerais pas cette option si elle était irréalisable.

_ Les retours dans le passé sont extrêmement dangereux soulignais-je.

_ Certes mais disons que celui-ci sera plus sécurisé que les autres.

_ Et comment est-ce possible ? Demandais-je, sceptique tout en croisant les bras contre ma poitrine pour lui montrer mon manque de coopération.

_ Parce qu'il n'y'aura pas de retour possible pour ce voyage-là rétorqua-t-elle en me montrant un retourneur de temps qui était placé dans un lourd étui à bijoux. Elle me le tendit mais quelque chose en moi me criait de sortir immédiatement et de fuir loin de cette proposition mais je restais plantée sur ma chaise. Même de loin, je voyais bien qu'il était bien plus grand que le mien et plus vieux également. Elle me le tendit à nouveau et je le pris cette fois-ci. L'objet était lourd dans ma main et il me parut encore plus ancien. Il possédait plusieurs cadrans et sur le plus gros d'entre eux était marqué une phrase en italique « Le temps ressemble à un hôte du grand monde, qui serre froidement la main à l'ami qui s'en va et qui, les bras étendus, embrasse le nouveau venu ». Aujourd'hui, cette phrase est à moitié effacée mais elle restera, à jamais, gravée dans ma mémoire. Si vous le chercher, il se trouve dans le dernier tiroir de mon bureau, convenablement rangé dans son vieil étui à bijoux. Je l'ai gardé avec moi pour une raison sentimentale malgré le risque, j'ai fini par m'attacher à cet objet avec qui tout avait commencé. Le deuxième cadran comportait de nombreux points incrusté dans le métal argenté. Le troisième cadran, lui, comportait trente et un chiffre tandis que le quatrième n'en contenait que douze heure. Un petit cadran entourait le centre de l'objet ou brillait ne brillait qu'une unique étoile dorée. Je tenais entre mes mains un objet dont tous les sorciers avaient un jour rêvé. Ce petit assemblage savant de pièce m'a coûté mon âme mais je l'ignorais à l'époque.

_ En quelle année dois-je revenir ? Demandais-je finalement en ne lâchant pas le retourneur de temps.

_ 1943.

Je crois avoir simplement hoché la tête pour réponse parce que je restais abasourdi par l'année annoncée, une année si lointaine et si long de la guerre, des morts jusqu'à ce que mon cerveau se mette à nouveau en route.

_ Vous voulez me forcer à quitter une guerre pour une autre ? Soufflais-je finalement presque déçue par cette perspective.

_ Oui et non avoua-t-elle. La seconde guerre mondiale n'était qu'un conflit moldu qui ne nous concernait pas. L'école était bien loin de ses préoccupations moldus à l'époque.

_ J'accepte dis-je finalement après quelques instants de réflexions. McGonagall se recula surprise dans son fauteuil, elle devait s'être attendue à une bataille plus rude. Peut-être aurait-elle dû l'être !

_ Bien, je dois vous prévenir d'une chose avant que vous ne partiez définitivement pour une autre époque, Miss Granger ; le temps est un cycle, un éternel retour alors chacune de vos actions auront des conséquences que vous ne pouvez imaginer pour le futur. Mesurez bien chacune de vos décisions ! 

J'hochais la tête, je connaissais déjà ce discours pour l'avoir entendu quelques années plus tôt lorsque j'avais reçu le même médaillon par Dumbledore.

Je connaissais son fonctionnement par cœur mais je me trompais lourdement sur l'idée que je ne commettrais pas d'erreurs. Je crois d'ailleurs que je n'ai fait que cela. Ce journal est en quelque sorte un rachat, une demande de pardon pour mon propre aveuglement.

McGonagall replaça avec vénération l'objet dans son étui de velours avant de le tendre.

_ Je vous prie de faire attention à vous. En espérant que Mr Potter et Mr Weasley accepte de vous laisser partir dit-elle en contournant son bureau afin de me faire face.

_ Je ne leur dirais rien avouais-je à demi-mot. Je préfère qu'ils me croient morte plutôt que partie pour une destination lointaine. Harry ne va pas comprendre et va croire que je l'abandonne comme tous ceux qui l'ont un jour aimé. Sa soif de vengeance le poussera à agir, peut-être que sa blessure ne se refermera jamais mais c'est le seul moyen pour qu'il reste en vie et se batte pour la liberté.

_ Je comprends répondit-elle finalement en me fixant de bas en haut. Elle me tendit ses doigts osseux afin que je lui serre la main, ce que je fis. Ce geste me laissa une étrange impression mais je crois l'avoir rapidement oublier. Alors que je m’apprêtais à sortir, elle me héla une dernière fois. Je partirai dès que possible en priant pour que les garçons ne me retrouvent pas d'ici-là. Je suis désolée de vous faire participer à ce mensonge, Madame mais il est nécessaire.

_ Faites en sorte de rentrer chez les Serpentards, ils y étaient tous les deux si ma mémoire est bonne ! Je me souviens que sa voix avait faiblit sur les derniers mots. Je comprends seulement aujourd'hui la raison de ce changement de ton.

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