Apprends moi à te haïr
Je l'ai aimé, peut-être même que je l'aime encore. Il est, pour ainsi dire, l'unique amour de ma vie. L'amour avec un grand A, celui qui hante votre vie jusqu'à votre mort et il a fallu qu'il soit un monstre. Combien d'hommes ais-je détruis après son passage, après qu'il ait brisé ma vie en mille morceaux. J'entends encore ses murmures au creux de mon oreille, cette voix qui me faisait frémir de désir à chaque fois que je l'entendais. Il a investi ma vie, mes souvenirs sans que je ne puisse contrôler, ne serait-ce qu'un instant, la tempête qu'il représenta dans ma vie.
_ Nous allons manger m'annonça Lily en entrouvrant la porte afin de laisser passer son visage et ses longs cheveux roux pour m'apercevoir. Lily Potter … Il m'est étrange de te regarder, de te parler, de rire avec toi quand je sais qu'il y'a bien longtemps de cela, tu n'étais que la mère décédée de mon meilleur ami. Tes yeux me transpercent tandis que tu me souris, un pinceau à la main et le visage couvert d'éclats de peinture cependant je devine la fatigue et la peur derrière ton masque. Au fond de toi, tu sais qu'il approche et tu as peur de laisser ton enfant seul car je sais déjà que tu es résolue à mourir pour lui. Harry. Ce bambin rieur au sourire trop présent, ce bébé dont le destin est entre mes mains. Je t'annonce que je me dépêche de finir mon chapitre. Vous pensez tous que j'écris mon prochain manuel scolaire. Ce journal est pour vous. Je veux que vous compreniez mon geste et ce qui sera sûrement dit au cours de cette ultime confrontation entre lui et moi. Doucement la porte se referme derrière toi sans un bruit. Un instant, je fixe cette vulgaire planche de bois dont la couleur verte me fait penser à mon passé. Je remonte le temps, ces moments de bonheur et de malheur défile devant mes yeux, dans mon esprit sans que je puisse rien changer. Leurs sourires, leurs voix, leurs pleurs et leurs morts pour certain me font mal aujourd'hui. Bien trop de morts jalonnent ma route à mon plus grand regret. Une larme s'échappe doucement de mon œil. Pardonnez-moi, je crois que je viens d’abîmer le papier. Je viens de l'essuyer d'une main tremblante, cette vieille main qui me rappelle chaque jour le chemin parcouru. Je suis vieille, trop vieille. J'ai vécue trop de vies dans une seule pourtant je ne regrette rien hormis lui, Tom Jédusor. Je suis les rides de ma main droite, caressant mes veines saillantes et comptant les taches brunes qui s'y étalent au passage. Je décide alors de reposer ma plume pour laisser la magie opérer, ma main est fatiguée ce soir. Face à moi s'étalent mes parchemins, mon histoire … Mon journal, raconté dans la plus grande exactitude de mes souvenirs, prend forme. Je me lève doucement, rester prostrée sur un bureau tout au long du jour n'est pas bon pour mes vieux os pourtant je ressens cet exposé de ma vie comme une obligation. Depuis longtemps, j'avance mes pions sur cet échiquier géant que Tom a mis en place il y'a bien longtemps alors que nous n'étions que des adolescents. Le 31 octobre marquera mon dernier coup, celui qui signera son arrêt de mort … ou le mien. Je jette un dernier coup d’œil au calendrier avant de sortir vous rejoindre. Les rires de James et Sirius me parviennent de la cuisine alors que ma porte est à peine entrouverte. Nous sommes le 20 octobre 1981.
***
_ Hermione hurla Henri depuis l'autre bout du couloir. Je me retournais en me forçant à rester sur place malgré mon envie de fuir. Je l'évitais depuis la rentrée, trois semaines pour être précise. Le temps passait trop rapidement, j'avais l'impression qu'il filait entre mes doigts sans que je ne puisse agir sur le cours des événements. Je courrais sans cesse en avant et j'étais heureuse, pour une fois, de pouvoir m'arrêter. Comment ça va lâcha-t-il finalement au bout d'une longue minute de silence. Je ne peux empêcher un sourire de naître sur mes lèvres tant sa question me paraît banale. Je savais qu'en l'évitant je mettais notre amitié, que je pensais alors fragile, en question mais j'avais trop peur des répercutions s'il revenait aux oreilles de Jédusor que je le fréquentais. J'avais la sensation que tout nous séparait désormais et que notre amitié n'avait été qu'une étoile filante dans un présent et un avenir qui ne me donnait aucune envie d'avancer. Je voulais stagner ou fuir, peut m'importait de l'échappatoire tant qu'elle me promettait une vie normale seulement chaque fois que cette idée me saisissait, je repensais à Harry et Ron qui devait sûrement se battre dans un futur ou je n'existais plus que dans le cœur de ceux qui m'aimait. Jédusor régissait ma vie avec brio, je dois bien l'avouer et j'avais, chaque jour, de plus en plus de mal à fuir les deux gardes qu'il avait engagé pour me surveiller. Je n'avais pas encore l'intention de me laisser faire et nos récentes fiançailles ne changeaient rien à mes yeux, il était odieux et sa présence me donnait de l'urticaire. Je senti Henri se braquer face à mon silence tandis que ses yeux se voilait, signe qu'il était déçu par mon attitude. Il vacilla un instant avant de tourner les talons pour repartir. Presque sans m'en rendre compte, je le retins dans un pur moment de folie.
_ Pardonne-moi murmurais-je alors en m'avouant vaincue. Je ne pouvais pas vivre en le sachant fâcher, il me rappelait trop Harry et la raison de ma présence au sein de ce passé pour que je le laisse partir sans chercher à le retenir.
_ Tu es déjà pardonnée et sache que si un jour, tu as besoin d'une épaule, je serais-là lâcha-t-il en continuant sa route comme si de rien n'était. Un léger sourire naquit sur mes lèvres, le premier depuis des lustres. Il avait compris et je remerciai le ciel, ce jour-là, de l'avoir fait naître parmi les sangs purs. Aurait-il compris ma démarche s'il avait été comme Harry élevé chez les moldus ? Je m'en voulais de lui faire mal, de ne pas avoir eu le courage de lui dire en face que nos entrevues étaient terminées, que ces moments de bonheurs et d'innocence volé n'existerait plus. Ce jour-là, je lui fis intérieurement mes adieux sans savoir que nous allions nous revoir en un très grand nombre d'occasions. A ce moment-là, je pensais, avec amertume, que ma vie ne serait qu'une longue suite d'adieu et je me remettais la faute sur le dos de Jédusor. Depuis notre retour, il s'était évertué à faire le vide autour de moi si bien que j'avais plus souvent l'impression d'être seule au monde chez les serpents plutôt qu'entourée par MA famille comme il se plaisait à me le répéter.
Le temps s'effilochait devant mes yeux sans que je ne puisse le retenir. D'une chambre commune, j'étais passé à une chambre unique ou Tom avait tenu à m'installer. A peine arriver, j'avais pris soin de désactiver tous les sorts de surveillance qu'il avait lancé à la pièce. Je crois que je ne remercierai jamais assez l'A.D pour m'avoir appris à ne pas être qu'une bonne élève. Les heures passaient lentement, trop lentement à mon goût. Je vivais ma vie par saccade, j'avais l'impression de constamment me réveiller avec de nouvelles diapositives devant les yeux sans parvenir à me souvenir de celles qui venaient de disparaître. Je ne voyais rien, ne vivait rien. Je n'étais plus moi-même et je me laissai dépérir à vue d’œil. Plusieurs fois, Cassiopeia et Lucrétia tentèrent de me parler avant de se faire repousser aussi sec par les deux bouledogues qui avaient appris, entre temps, à suivre malgré mes tentatives de fuites. Je me laissais guider par Tom qui décidait de ma vie sans que je ne tente même pas de me rebeller. J'avais tout laissé tomber. Chaque jour, mon esprit flanchait peu à peu tandis qu'il devenait plus facile de me trouver en sa présence. Les mois passèrent à mesure que je m'abandonnais, que je tombais dans son piège. Peu à peu, mon esprit flancha et mon cœur triompha. Ses paroles m’enivrèrent au point que je m'oubliais totalement, j'oubliais qui j'étais et la raison pour laquelle je me trouvais là. Je me renfermais sur moi-même et il était devenu le seul qui pouvait m'approcher. Je sentais le regard des filles sur moi mais je préférais les ignorer plutôt que de devoir subir des sermons sur mon attitude. Mes conflits intérieurs me pesaient, ma tête et mon cœur semblait vouloir se battre sans jamais me laisser de repos. J'avais de plus en plus de mal à trouver le sommeil malgré mon interdiction de penser, je fuyais la réflexion comme la peste.
_ Hermione chuchota-t-il à mon oreille.
Je me réveillai en sursaut, surprise de l'entendre si près de moi à une heure si matinale.
_ Qu'est-ce que tu fais-là hurlais-je en cherchant où j'avais bien pu mettre mon peignoir avant de me rendre compte que j'avais déjà habillée... avec mes vêtements de la veille.
_ Tu t'es endormie alors que nous parlions hier soir et comme je n'ai pas voulu te réveiller en bougeant, j'ai dormi ici m'expliqua-t-il visiblement vexé par mon attitude. Immédiatement, les battements de mon cœur se calmèrent.
_ Pardon, j'ai juste été surprise m'excusais-je en tentant de me remémorer la veille. Nous avions passé des heures à parler de magie. Chaque jour, il tentait de m'attirer vers la magie noire mais je m'y refusais. Je ne voulais pas abandonner et perdre mon combat malgré la fascination qu'exerçait la magie noire sur moi. Peu à peu, Jédusor me montrait un pouvoir sans limite que j'arrivais facilement à modeler et à utiliser tandis qu'il jouait au professeur dans la salle sur demande. Il ne m'apprenait que les bases mais je me refusais à aller plus loin, ce qui l'exaspérait sans qu'il ne l'avoue pourtant. À mesure que nous nous rapprochions, je découvrais des facettes de sa personnalité et je me prenais à espérer … un espoir fou. Je pensais réellement que je serais capable de le sauver de lui-même.
_ Je t'ai fait préparer le petit-déjeuner m'expliqua-t-il en désignant un plateau qu'il avait placé sur mon bureau. Rejoins-moi à la bibliothèque lorsque tu seras prête lança-t-il avant de sortir précipitamment. Je me levai en grognant, il était tôt et nous étions samedi, j'avais, pour une fois, trouver le sommeil et dormir un peu plus ne m'aurait pas fait de mal. Je bus rapidement le chocolat chaud en laissant les tartines à leur place avant d'aller prendre ma douche.
_ Enfin lâcha-t-il en m'apercevant.
_ Je ne suis pas en retard puisque tu ne m'as pas donné d'horaire rétorquais-je en m'installant face à lui.
_ Je t'attendais avant de commencer m'avoua-t-il, presque énervé. Je compris alors que ma réaction de la matinée ne lui avait vraiment pas plu et que son départ inopiné n'était pas dû qu'à une obligation. Je me retins de soupirer, il était très difficile à suivre parfois. Il sortit alors un énorme livre de son sac. Je fronçais les sourcils en regardant l'épais ouvrage dont la couverture semblait tenir par miracle les parchemins rassemblés en désordre à première vue.
_ Manuel séculaire de potion lisais-je à voix basse en me tordant le cou pour parvenir à lire le titre à l'envers. Et pourquoi tu vas le lire lui demandais-je alors.
_ Pour le devoir annuel en potion railla-t-il.
_ Attends le quoi m'exclamais-je, incrédule d'avoir pu oublier un devoir aussi important pour mes buses.
_ Tu sais celui que nous n'avons toujours pas commencé parce que tu refusais de me parler ironisa-t-il en m'adressant un immense sourire victorieux et fier.
_ Peut-être que si monsieur avait été plus sympathique avec moi, j'aurais accepté de m'y mettre avant rétorquais-je, piquée au vif par sa remarque. Je n'étais pas d'excellente humeur et je n'avais aucune envie de me laisser marcher sur les pieds.
_ Commençons avant de nous disputer argua-t-il en tentant de trouver une porte de sortie pour éviter une dispute en public. Malgré notre rapprochement, nos disputes étaient fréquentes et légèrement sonore. Je le remerciai intérieurement de nous laisser cette échappatoire. Peut-être n'était-il pas de si mauvaises humeurs finalement. Trouvons un sujet annonça-t-il en ouvrant le bouquin. Le nuage de poussière qui s'en échappa lorsqu'il l'ouvrit me fit éternuer. Depuis quelques jours, nous avions trouvé un arrangement afin de nous étriper moins souvent à coup de répliques acerbes, l'un de nous deux devait offrir une échappatoire à l'autre ; le problème restait que l'échappatoire n'était pas forcément évidente à trouver lorsque nous étions énervés. De son sac, il sortit un parchemin et sa plume tandis que je me dévissais à nouveau le cou pour lire le sommaire des potions.
_ Et si tu venais à mes côtés plutôt que de te dévisser le cou chuchota-il en commençant à lire l'ouvrage. Je grognais pour toute réponse tout en m’exécutant. Il avait le don de m'agacer au plus haut point. Il passait sa vie à me taquiner mais je dois bien avouer que je n'étais pas en reste même si j'évitais de le faire trop souvent à cause de son sale caractère.
_ Attends, c'est du fourchelang m'exclamais-je à voix basse.
_ Tu connais lâcha-t-il visiblement surpris en levant son regard vers moi. Cette fois-ci, je pus clairement lire son expression. Cela arrivait peu souvent tant il parvenait à garder son masque de froideur en toute circonstance. J'avais l'impression qu'il ne se détendait jamais même en ma présence, il était toujours dans la mesure. Au fond, nos disputes étaient les seuls moments où il pouvait calmer sa colère tandis que je devais rester concentrer afin de ne pas laisser échapper la moindre information sur ma véritable identité. Comment souffla-t-il seulement je compris immédiatement que ce n'était pas une question mais un ordre et surtout qu'il ne passerait pas sur une telle énormité. Je connaissais le fourchelang et je devais rapidement trouver une réponse plus logique que la vérité.
_ Pas ici, trop de monde je lui répondis précipitamment en lui intimant de sortir. Au vu de sa curiosité, je compris que je pouvais aisément mener la danse pendant quelques minutes le temps de trouver une solution. Malgré mon envie de fuir ces questions, je me force à rester pour lui répondre. Je paniquais en tentant de trouver une excuse valable surtout que je le savais capable de m'arracher les réponses si cette dernière ne la satisfaisait pas. Pour la première fois depuis sa demande, mon cerveau se réveillait et j'avais la sensation d'utiliser une vieille machine rouillée. De ma réponse dépendait énormément de choses et je n'avais aucune envie de me louper tandis que j’entraînais Jédusor vers l'extérieur du château. L'idée que sur ma réponse reposait l'avenir me traversa et faillit me rendre tétanique à cause du poids que cette révélation faisait soudainement renaître sur mes épaules pourtant je sentis un nouveau souffle envahir mes veines, j'avais une énigme à résoudre en urgence et mes vieux réflexes reprenaient le dessus avec plaisir. Arrivée dans le parc, je frissonnai à cause du léger froid qui régnait encore malgré l'arrivée prochaine du printemps.
_ Allons au lac souffla-t-il en m’entraînant par la main. Docile, je le suivis par peur de le contrarier. Nous nous arrêtâmes dans un coin reculé du parc. L'eau du lac scintillait à nos pieds grâce au soleil qui se reflétait à la surface qui semblait briller de mille feux. Autour de nous, les fleurs s'ouvraient doucement à la vie dans une herbe qui semblait reprendre vie. A mon plus grand soulagement, il ne semblait pas avoir envie de parler finalement comme si cette ballade lui avait fait oublier ce qui nous avait fait quitter la bibliothèque. Comme une enfant, je me mis alors à retirer les quelques fleurs écloses de l'herbe pour en former un micro-bouquet seulement ce geste banal fit remonter de vieux souvenirs à la surface. Amère, je jetai alors les fleurs à la surface de l'eau.
_ A quoi penses-tu quand tu as cet air triste me demanda-t-il alors en se rapprochant de moi.
_ A mon père lui avouais-je sans détour. Je ne voyais pas son visage, trop absorbée par la beauté du paysage, mais je devinai aisément son trouble. Il connaissait mon histoire familiale et le fait que mon père était moldu ne devait que trop lui rappeler les origines du sien.
_ C'était un sang de bourbe c'est ça me questionna-t-il en tentant vainement de cacher son dégoût.
_ Oui, c'était un moldu … un homme extraordinaire ajoutais-je en me remémorant les plus beaux souvenirs que j'avais de l'homme qui fut mon père.
_ Il reste un sang impur tout de même rétorqua-t-il
_ Son sang coule dans mes veines, cela te dégoûte-t-il, protestais-je hargneuse qu'il puisse insulter ma famille en me retournant vers lui. Ses yeux s'assombrirent tandis que son teint devenait plus blanc mais je maintins son regard sans sourciller. Alors le provoquais-je à nouveau en voyant qu'il ne souhaitait pas me répondre seulement je voulais l'entendre sa réponse. Je voulais savoir ce qu'il pensait de moi, sentir la haine que je devais lui inspirer lorsqu'il devait repenser à mon statut sanguin. J'avais besoin d'entendre sa haine pour me détacher de lui, me libérer de cette paix qu'il m'offrait, pour que mon esprit batte enfin mon cœur. En une phrase, il pouvait me libérer de ses chaînes, de cette cage dorée …
_ Parce que je t'aime m'avoua-t-il alors. Mon cœur explosa dans ma poitrine tandis que je sentais mes dernières défenses tomber au sol. Sa réponse me laisse pantoise, inerte entre ses bras. Je restai là, face à lui sans pouvoir répondre, incapable de faire naître la moindre pensée cohérente dans mon cerveau. Ce jour-là, je me sentis stupide. Je tiens à toi plus que tu ne le penses, Hermione et ton statut m'importe peu car je suis loin d'être parfait moi aussi continua-t-il en espérant visiblement que cela me fasse réagir. Un électrochoc me parcourut alors. Il venait de m'avouer son secret même si ce n'en était pas un pour moi. Son aveu me fit entrevoir une fragilité que je n'avais pas encore devinée chez lui et je fondis comme neige au soleil. Sans réfléchir à la conséquence de mon geste, je me jetai sur lui et l'embrassai. Immédiatement, il intensifia le baiser comme s'il attendait ça depuis longtemps et peut-être était-ce le cas puisque cela n'était plus arrivé depuis nos fiançailles. Je m'étais tenue éloignée de lui au niveau de tout ce qui touchait de près ou de loin à une relation physique. Tout comme notre premier baiser, ses lèvres me transportèrent vers un ailleurs ou je me sentais bien. Ses bras serrés autour de mon corps me faisait sentir vivant, je sentais le poids de son corps sur le mien et cela m'excitait. Je découvrais le désir d'une manière violente et subite qui ne m'avait jamais effleurer l'esprit.
Soudainement je fus coupée dans mon élan par une idée absolument stupide qui me traversa l'esprit à la vitesse de la lumière : tout lui avouer. Lui dire la vérité, raconter toute mon histoire, lui expliquer la raison de ma présence, me décharger de ce secret. Je stoppa le baiser en le repoussant, il se releva surpris mais resta silencieux en se rasseyant comme si rien ne s'était passé. Tout lui dire n'était peut-être pas une si mauvaise idée mais je connaissais ses desseins monstrueux or je n'étais pas persuadée que lui avouer qu'il parviendrait à réaliser ses rêves mégalomaniaques allait l'aider à se détourner, pour mes beaux-yeux, du chemin qu'il était lentement en train de prendre. Au fond, je crois que j'aurai aimé lui faire comprendre que je le connaissais mieux que personne, que je savais tout ce qu'il était et ce qu'il avait fait pour le devenir … et que malgré son passif, je l'aimais. Bien sûr, je me tus ce jour-là mais chaque jour depuis, je me demande si notre histoire aurait-été différente si j'avais avoué mon secret. Cette envie de lui dire mon secret me fit comprendre, bien plus vite que ma lente chute vers la solitude, que je l'aimais et qu'au fond, il était parvenu à me convaincre de devenir sa partenaire. Sans même m'en apercevoir, je l'étais devenue au cours de ces trois derniers mois alors une question, que je me pose encore aujourd'hui, naquit dans mon esprit : comment, malgré ma connaissance de son passif, je pouvais être amoureuse de lui.
Je crois que ce fus mon idéalisme qui parla en premier après sa demande. Au cours des mois, j'entrevis une bonté et un cœur qu'il cachait aux yeux de tous et j'espérais pouvoir le faire renaître derrière toutes ces couches de souvenirs douloureux, de haines et de noirceurs.
Je n'étais pas encore totalement dépendante de sa présence. Je savais que je pouvais m'échapper pour oublier, fuir les problèmes qu'il ne manquerait pas de faire naître pourtant je ne le souhaitais pas. Ma curiosité l'emporta et puis, j'étais bien dans ses bras et je voulais rester dans ce cocon protecteur et jouissif.
_ J'ai peur que tu m'abandonnes pour le pouvoir lui avouais-je alors, la voix tremblante.
_ Jamais. Sa voix assurée cingla l'air et j'eus l'étrange impression qu'il avait fait plier le monde à sa volonté pendant quelques secondes.
_ Pourquoi moi lui demandais-je finalement au bout de quelques minutes de silence.
_ Je ne saurai pas l'expliquer même sous la menace chuchota-t-il en plongeant son regard dans le mien. Je sais que je t'aime, c'est suffisant non ?
_ Oui répondis-je en lui tendant la main. Immédiatement, il attrapa mes doigts pour les nouer au sien avant de me faire basculer pour que je pose ma tête contre son torse. Nous restâmes assis là, au milieu de ce paysage fantastique durant ce qui me sembla durer des heures. Nos cheveux s'envolaient dans tous les sens à cause du vent qui soufflait fort sur le château et le parc mais nous nous en moquions. En silence, nous regardions le soleil atteindre son zénith à petit pas.
_ Tu connais le fourchelang lâcha-t-il finalement avec désinvolture. Je me relevai de ma position qui avait fini par devenir inconfortable avec plaisir.
_ Ma mère possédait quelques livres dans cette langue, ils étaient exposés dans notre bibliothèque et le jour où j'ai posé la question à mon père, il se trouve qu'il connaissait la réponse. Ma mère avait tenu à lui faire partager son univers lui expliquais-je rapidement, énervée de devoir inventer un mensonge de plus sur ma vie, mon passé. A chaque mensonge, j'avais l'impression de perdre mon identité, d'oublier qui j'étais pour embrasser celle que je devais être pour eux.
_ Tu n'aimes pas parler de tes parents, pourquoi me demanda-t-il alors. Au fond de moi, je fus soulager qu'il m'ait cru.
_ Ils sont morts. Je n'ai jamais connu ma mère mais mon père a été formidable en me donnant tout l'amour qu'il pouvait me donner, je lui expliquais maladroitement pour lui faire comprendre à quel point évoquer des souvenirs heureux pouvait être difficile quand la personne concernée par ces souvenirs n'était plus là.
_ Je ne sais pas ce que c'est …. Personne n'a jamais été là pour moi murmura-t-il comme s'il n'avait pas voulu que j'entende sa réponse.
_ Alors laisse-moi te montrer ce qu'aimer et être aimer signifie, Tom chuchotais-je à son oreille avant de déposer un léger baiser sur sa joue. Il tourna vers moi, un regard surpris avant de laisser un immense sourire, presque enfantin, naître sur ses lèvres.
_ Je veux bien répondit-il en susurrant avant de m'attraper le menton pour que je l'embrasse.