Clair comme Nuit

Chapitre 1 : En plein vol

4845 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:00

 

EN PLEIN VOL

 

 

Albus donna un bout de viande à la chouette blanche posée sur son épaule. Elle goba sa récompense goulument, roula ses yeux petits et ronds avec un hululement satisfait, puis s'ébroua avant de retourner se poser sur une des hautes poutres de la volière.

L'adolescent la suivit du regard avec un sourire, puis s'installa sur le rebord d'une des grandes fenêtres en ogive. Il releva un genou, laissant pendre son autre jambe à l'extérieur, glissa la pointe de sa baguette dans le coin de l'enveloppe et déchira le rabat.

La tête appuyée contre les vieilles pierres ancestrales, il se mit à lire, savourant la brise acidulée et tiède qui ondulait dans ses épais cheveux noirs.

 

Cher Al,

Je profite que maman ne soit pas encore rentrée du ministère pour vite envoyer cette lettre, histoire qu'elle ne prenne pas toute la place avec ses recommandations ! Notre hibou a refusé d'emmener le courrier, la dernière fois, tellement il y avait de pages... Non, je plaisante. Je me disais juste qu'on pourrait parler d'homme à homme, pour une fois, toi et moi.

Je vais prendre contact avec les Swanson, essayer de voir comment s'organiser pour cet été. Je pense que ce sera une bonne chose pour toi de passer une partie des vacances chez ton ami et de découvrir un peu plus le monde moldu. Ton grand-père sera très jaloux ! Mais je suis certain que vous aurez encore plus à partager après cette expérience !

Est-ce que Wendy sera avec vous aussi ? Je ne vais pas commencer à te faire la leçon sur les abeilles que ta mère a assénée à James la première fois qu'il a commencé à s'intéresser à une fille, mais j'espère que tu sauras te montrer raisonnable.

 

Albus rougit et releva la tête de la lettre avec un gloussement embarrassé.

- Ce n'est pas comme si j'étais amoureux d'elle ! dit-il tout haut. "En plus c'était ridicule et à l'époque, James avait trois ans de moins que moi maintenant, papa, s'il te plait."

Les hiboux le fixèrent de leurs gros yeux ronds, vaguement surpris d'être pris à partie. L'un d'entre eux fit tourner sa tête complètement sur son cou et hulula en fronçant ses sourcils de plumetis gris.

- C'est bon, les gars… soupira Albus. "C'était pas à vous que je parlais."

Des éclats de voix lointains attirèrent son attention. Il se pencha pour regarder par la fenêtre. Loin en bas, dans la cour de l'école, des filles se crêpaient le chignon.

- Aïe, aïe, aïe… marmonna l'adolescent. "Pourvu que Lily ne soit pas dans le tas…"

Il se désintéressa de la dispute dont il ne saisissait même pas quelques bribes de paroles, posa la lettre sur ses genoux et contempla la vue immense qui s'offrait à lui depuis la plus haute tour de Poudlard.

Les flancs de la colline s'habillaient de vert tendre et le lac scintillait doucement sous la lumière printanière. L'air sentait bon. Même la Forêt Interdite semblait moins effrayante avec les quelques arbres fruitiers en fleur disséminés dans son manteau sombre comme des pompons de couleur pastel.

 

Poudlard doit être magnifique, en cette saison. Les entraînements de Quidditch seront plus agréables que cet hiver, même si j'ai entendu dire par une certaine personne que tu maîtrisais parfaitement ce sortilège de chauffe-bonbons que ton oncle – ce rascal ! – avait gardé secret pendant des années.

 

Albus gloussa de rire.

- Oui, et je ne suis pas le seul à apprécier le sortilège ! Le professeur Dubois a dit que c'était la meilleure chose qu'on lui a apprise depuis des années !

 

Maman a déjà envoyé ton cadeau d'anniversaire, mais j'avais une autre idée pour toi. Quinze ans, ce n'est pas n'importe quel âge, et je voulais t'emmener quelque part. Juste toi et moi. Est-ce que tu serais d'accord de sauter la prochaine sortie à Pré-au-lard ? Je pense qu'on n'aura pas de difficultés à obtenir l'autorisation de...  

 

Albus s'interrompit une nouvelle fois. La lettre dans les mains, pensif, il frotta son pouce contre ses lèvres. Il était assez fier de la ligne virile que commençait à prendre sa mâchoire mais ne se rendait pas compte que ses traits fins, lorsqu'il était plongé dans ses pensées, lui donnaient définitivement le look de poète dans la lune dont il essayait de se débarrasser.

- Où ça, papa ? Qu'est-ce que tu as en tête ?

Pour les seize ans de James, en juillet l'année précédente, ses parents l'avaient laissé inviter la moitié de l'école. Ils avaient dressé des chapiteaux dans le jardin et fait venir les Trolls de Rotherham. Il avait fallu trois jours entiers pour nettoyer la maison et les alentours après ça. Albus en avait encore le frisson. James était populaire et adorait avoir une foule de gens autour de lui. Il avait été enchanté, mais son frère, lui, était soulagé qu'on ne s'attende pas à ce qu'il réclame la même chose.

Une journée avec son père en pleine année scolaire, une excursion dans un lieu mystérieux qui serait sûrement chargé de souvenirs, un moment seul à seul – d'homme à homme, de cœur à cœur… oui, ce programme-là plaisait beaucoup plus à Albus.

Et il était presque sûr de savoir quel cadeau sa mère avait choisi pour lui.

Ce serait parfait.

Il se cala un peu mieux contre la pierre, releva ses deux genoux et s'apprêtait à continuer à lire lorsque la porte de la volière grinça à l'étage d'en-dessous. Un pas léger grimpa quatre à quatre les marches et une tête ne tarda pas à apparaître.

- Hé, Al' ! Je savais que tu serais là ! lança le garçon blond aux lunettes rondes en apercevant son meilleur ami.

Il brossa d'une main son pantalon enduit de toiles d'araignées, enleva ses lunettes et les essuya sur le bord de son sweater gris bordé de rayures rouge et jaune. Il avait des yeux couleur de lin et un épi sur la tête comme une antenne. Il était un peu moins grand qu'Albus, portait un bracelet de montre tressé et les lacets de ses chaussures avaient été remplacés par des opercules de canettes. Son sac de classe en cuir usé, customisé avec des pin's, pendait contre sa hanche, débordant de livres et de parchemins. Il tenait sous le bras son chaudron barbouillé d'une substance fushia un peu grumeleuse et, outre les multiples taches d'encre sur ses doigts, il avait aussi une belle éclaboussure sur la joue.

Albus le détailla de haut en bas, un peu inquiet.

- Terrence Swanson. Qu'est-ce que t'as encore imaginé comme expérience ? C'est vivant ?

- C'est rien du tout, assura l'autre garçon avec un geste de la main. "J'ai pris un peu d'avance sur le trimestre, c'est tout."

Albus repêcha le livre de potions de 7ème année qui dépassait du sac.

- Hum ?

- Quoi ? riposta l'autre avec un air innocent.

Il poussa Albus et s'assit sans façons sur le rebord de la fenêtre à côté de lui. Se pencha vers l'extérieur et tiqua avec condescendance.

- Ah, les filles… soupira-t-il. "Ta sœur vient de faire perdre 50 points à Gryffondor, au fait. Elle a balancé un maléfice de Chauve-furie sur Alison Corner. Où est-ce qu'elle a appris ça ? Le professeur Curtis était impressionnée. Elle nous a rendu dix points pour la quâliité de mâgiiheu."

Albus éclata de rire à cette imitation parfaite de l'accent aristocratique de leur professeur de DCFM, puis leva les yeux au ciel d'un air accablé.

- Aux dernières vacances, mon père a laissé échapper que c'était un sortilège que ma mère maîtrisait parfaitement quand elle avait l'âge de James, répondit-il. "Lily a passé tout son temps à s'entraîner, y'avait plus un seul endroit de la maison qui ne soit pas dévasté…"

Il soupira.

- Qu'est-ce qu'Alison Corner avait dit ?

Terrence haussa les épaules.

- Oh, je ne sais pas. Des histoires de gamines de 2ème année. En tout cas, c'était de la belle magie – un peu terrifiante, mais intéressante.

Il gloussa, remontant ses jambes pour s'asseoir en tailleur, posant le sac entre eux deux.

- Je me suis toujours demandé si tu n'avais pas été adopté, ajouta-t-il malicieusement. "Entre ton frère qui passe pas un jour sans se faire remarquer et le sale caractère de ta sœur, je ne sais pas comment tes parents ont réussi à pondre un type aussi discret et aussi peu désireux d'attirer les ennuis que toi. Je sais pas ce que tu fais à Gryffondor, franchement. Tu devrais être à Poufsouffle.

Albus lui asséna une tape sur le front avec son enveloppe.

- Et je me suis toujours demandé ce qu'un geek féru de grimoires comme toi faisait à Gryffondor ! Tu devrais être à Serdaigle.

Ils pouffèrent de rire. C'était un vieux sketch, et il ne se passait pas une semaine sans que l'un des deux ne l'amorce de nouveau.

- Bah, en tout cas on sait qui est à Gryffondor sans erreur de répartition pour sûr, dit finalement Terrence qui avait attrapé une mèche de ses cheveux blonds et en cassait les fourches distraitement. "C'est Wendy, pas de souci."

- Le choixpeau n'était pas encore sur sa tête qu'il criait "Gryffondor, Gryffondor" comme s'il avait été piqué par une abeille !

Le mot lui rappela la phrase de son père et ses joues s'enflammèrent. Terrence arqua un sourcil et se pencha, scrutateur.

- C'est quoi, ça ? Cette pensée, là, tout de suite… allez, dis.

Albus se tortilla, embarrassé, pour esquiver les pokes de son meilleur ami.

- Fiche-moi la paix, Ter.

L'autre garçon gonfla ses joues, pas dupe pour deux sous. Il était sur le point d'ajouter quelque chose, lorsqu'une cavalcade résonna dans les escaliers en bois.

- Al ! T'es là-haut ? Sérieux, tu…. pouvais… pas…. rester… dans la…. salle com… mune, se plaignit la jeune fille qui apparut en haut des marches, haletante.

Elle s'arrêta pour reprendre son souffle, accrocha son casque à la rampe et se pencha, les mains sur ses protège-genoux de Quidditch, le temps de reprendre son souffle.

Une longue queue de cheval châtain lui balayait l'épaule. Elle portait l'uniforme rouge et orange des joueurs de l'équipe de Gryffondor et arborait un pansement en travers du nez. De minuscules escarboucles brillaient à ses oreilles ainsi qu'au coin de son sourcil gauche en forme de pyramide. Elle avait des yeux gris en amandes et une bouche charnue dont elle avait tendance à mâchouiller la lèvre inférieure. Sa frange était plaquée sur le sommet de sa tête par une barrette plate.

Wendy Philips était un peu plus petite que les deux garçons et en quatrième année avec eux.

- Tu.. sais… qu'on… doit… s'en… trainer… tout… d'suite, dit-elle d'une voix hachée pleine de reproches. "ça fait un quart d'heure que Dubois nous fait la morale sur l'importance d'être à l'heure et c'est qu'une question de minutes avant qu'il ne se branche sur sonoris et qu'il ne rabatte ton nom à tous les échos !"

- ALBUS POTTER DESCENDS DE TA LUNE ET RAMENE TES FESSES AU TERRAIN IMMEDIATEMENT !

- Qu'est-ce que j'disais… soupira la jeune fille.

Albus rentra la tête dans les épaules et se leva précipitamment, fourrant dans ses poches la lettre et l'enveloppe. Il s'élança dans les escaliers, suivi des deux autres.

- Pourquoi tu ne me l'as pas rappelé au p'tit déj ? reprocha-t-il en dévalant les marches à toute vitesse.

- Je l'ai fait ! Et je t'ai envoyé Terrence, y'a une demi-heure ! répliqua la joueuse de Quidditch en fourrant dans le col de son pull le protège-menton qui tressautait contre son visage.

- Désolééééé, gloussa le garçon derrière eux.

- POTTER SI TU NE VEUX PAS MOISIR DANS LES CACHOTS PENDANT UNE SEMAINE TU FERAIS BIEN D'ETRE LA AVANT TRENTE SECONDES !

- ça va mal, ça va très mal, grommela la jeune fille entre deux respirations.

Albus augmenta le rythme, prit un visage serré et manqua renverser deux premières années qui poussèrent des piaillements effarés. Il leur lança des excuses par-dessus son épaule, sans ralentir.

Ils traversèrent la Grande Salle au pas de course, ralentissant juste assez pour ne pas écoper de remarque lorsqu'ils passaient à proximité d'un professeur, remontèrent en trombe l'immense hall d'entrée, coururent à perdre haleine de l'autre côté des pelouses, se ruèrent dans les vestiaires le temps d'un "accio balai" brouillon mais efficace, et déboulèrent finalement sur le terrain de Quidditch, rouges, échevelés et à bout de souffle.

- POTTER CETTE DISTRACTION SERA VOTRE PERTE UN Jour, ah vous voilà. C'est pas trop tôt, grogna le professeur aux cheveux coupés ras en enlevant de son cou la baguette qui amplifiait sa voix. "Il était où ? Non, ne répondez pas, Philips. Sur vos balais, les gars, on s'y met. On a perdu assez de temps. Non, Potter, pas la peine d'aller vous changer."

Les autres membres de l'équipe s'exécutèrent en secouant la tête. Albus distribua des coups d'œil d'excuse en enfourchant son balai, mais aucun des joueurs ne semblait vraiment lui en vouloir de son retard, à l'exception de son frère qui lui asséna une pichenette sur la nuque lorsqu'il passa à côté de lui.

- On va commencer par un trois contre quatre, lança le professeur depuis la tribune. Philips, vous faites équipe avec Bones et Shacklebolt, Potter – James – au poste de gardien pour aujourd'hui. Non, pas de réclamations. Les autres, vous me couvrez Potter – l'autre Potter, King, vous êtes stupide ou quoi ? Pas de vif d'or pour cette manche. Je veux que vous bossiez sur vos mouvements de chasse, c'était du grand n'importe quoi au dernier match.

- On a gagné, pourtant !

- Sandeszki, si je vous avais sonné, je le saurais, maugréa le professeur en rejetant en arrière les manches de sa robe de sorcier qui le gênait. Il leva une main, le ballon dans l'autre. "Attention… balle en jeu !"

Le souafle monta tout droit vers le ciel, puis roula sur lui-même et plongea vers le sol, suivi presque aussitôt par les deux cognards qui avaient jailli de la malle avec des geysers de fumée.

Tous les balais foncèrent au centre du terrain, à l'exception de James qui resta en vol stationnaire devant les grands anneaux des cages.

Jeremy Shacklebolt, qui était en 7ème année et le capitaine de l'équipe, récupéra la balle et la lança à Eleanor Bones en sifflotant comme s'il était en train de faire une partie de carte. Les deux poursuiveurs étaient à leur aise dans leur rôle habituel. Ce n'était pas le cas de Herveus Sandeszki qui adorait protéger les cages et jetait des œillades pleines de conseil dans la direction de James qui bâillait à s'en décrocher la mâchoire.

Wendy se redressa sur son balai et donna un coup de batte dans le cognard qui fonçait sur elle, l'envoyant voltiger dans la direction d'Albus.

- Ha ! lâcha-t-elle avec un sourire carnassier, la sueur dégoulinant sur son visage.

Albus vira gracieusement et évita sans peine la balle.

- Désolé, Wendy ! cria-t-il en lui faisant signe de la main.

Bruce King frappa l'autre cognard juste à temps avant qu'il ne percute son coéquipier.

- Concentre-toi, Al ! Si tu n'as plus de dents, tu ne pourras pas manger les tournedos de mon père cet été ! brailla Terrence, les mains en porte-voix, depuis les gradins où il s'était installé. Il avait étalé ses livres autour de lui et grattait du parchemin entre deux coups d'œil vers le terrain.

- SANDESZKI SORS LES DOIGTS DE TON NEZ ET METS-TOI EN MOUVEMENT !

Albus sursauta quand la voix du professeur tonna de nouveau et fila en piqué à la poursuite du souafle. Il n'avait pas l'habitude du gros ballon, mais il était conscient de l'importance des points marqués par les poursuiveurs – dont son frère – pendant qu'il chassait le vif d'or durant les matches.

Et il ne tenait pas à ce que James ne se venge du dépit qu'il n'avait toujours pas surmonté quand son frère était devenu attrapeur l'année précédente, au départ du 7ème année qui occupait auparavant cette place.

James avait le don de raconter absolument n'importe quoi sur lui quand il rentrait à la maison – les pannes d'oreillers d'Albus, l'amour immodéré que lui vouaient tous les animaux et créatures magiques sans exception (son dortoir était souvent envahi par les favoris à poil de ses voisins de chambre, les veracrasses amorphes eux-mêmes se vautraient en bavant sur ses mains quand il leur donnait de la laitue, et les hiboux se tenaient à peu près tranquilles le reste du temps, mais ne délivraient pas le courrier sans s'arrêter pour lui pincer l'oreille affectueusement). Il le tournait toujours en ridicule à cause de la fâcheuse tendance des profs à faire une distinction entre Potter-le-fauteur-de-troubles et Potter-l'élève-sans-histoires. Heureusement que leurs parents n'en croyaient pas un mot…

Tant qu'il pouvait rester à distance de son frère, Albus était parfaitement tranquille. Il aimait beaucoup James, mais s'en méfiait tout autant. Lily… bah, c'était sa petite sœur, quoi. On ne trainait pas avec sa sœur de 2ème année quand on avait quatorze ans, onze mois et vingt-trois jours.

La vie à Poudlard était simple, facile, heureuse. Il n'y avait pas de professeur sans âme – à l'exception de M. Binns qui était un fantôme, mais ça ne comptait pas dans ce contexte – pas de vendetta personnelle ou de persécutions injustes et cela faisait belle lurette que la réputation des Serpentards n'avait plus rien à voir avec les descendants des mangemorts dont le cours d'Histoire de la Magie avait une fois fait mention.

On ne leur parlait pas souvent de la guerre. En tout cas, pas de ce qui avait été horrible, insensé, irréversiblement cruel. On leur rabâchait les oreilles des améliorations apportées au gouvernement et on les obligeait à apprendre par cœur les fiches des héros de l'époque, mais ils ne savaient pas grand'chose sur Voldemort lui-même ou sur ce qui avait poussé Harry Potter à s'élever seul contre lui.

"Vie et Combat d'Harry Potter" était au programme de 7ème année seulement et Albus redoutait et désirait à la fois d'y arriver rapidement. Il n'aimait pas particulièrement les "oooh" qui suivaient son nom de famille quand les professeurs faisaient l'appel dans la grande salle.

 James, évidemment, s'en délectait.

Aucun des trois enfants du héros n'avait obtenu plus de détails de la part de leur père quand ils avaient découvert qui il était pendant leur première année.

Albus trouvait ça plutôt normal. Vraiment cool, en fait.

Et ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était le fait que ses deux meilleurs amis soient d'origine moldue et enfants uniques tous les deux. Ni Terrence ni Wendy n'avaient entendu parler d'Harry Potter avant leur arrivée à l'école et ils découvraient en même temps que son fils les exploits du passé. Ce n'étaient pas des curieux – ou plus exactement, ils avaient décidé de ne pas être curieux sur ce sujet précis, préférant rester aux côtés d'Albus et avancer à son rythme.

Ils étaient sensibles, loyaux, drôles et passionnés.

Juste parfaits.

Albus étouffa un sourire en remontant en piqué, le souafle sous le bras. Il aimait le Quidditch, il adorait voler et son cœur battait toujours plus vite quand Wendy était impliquée dans le jeu. Elle était forte, elle était dingue et elle était – vraiment belle.

Ce qu'il n'avait pourtant découvert qu'en revenant des vacances de Noël : un vrai mystère.

Il pirouetta, lança le ballon en l'air et l'expédia dans les cages d'un coup de brosse agile.

- Yes ! Yes, yes, yes ! criait Terrence dans les gradins où il était seul spectateur – à l'exception des deux chats, trois corbeaux et demi-douzaine d'araignées qui étaient des fidèles de l'entraînement – sautillant sur la place et projetant de l'encre noire partout autour de lui.

James lâcha un juron étouffé – il avait manqué la balle, et se concentra sur le jeu. Dans les tribunes, le professeur leva les yeux au ciel.

- Merci Potter, c'est le moment ou jamais, marmotta-t-il avant d'apercevoir quelque chose d'autre qui fit monter sa pression sanguine au maximum. "KING POUR L'AMOUR DU CIEL CETTE BATTE N'EST PAS SUPPOSEE VOUS SERVIR DE GRATTE-DOS !"

Wendy gloussait de rire, les jambes étendues de chaque côté de son balai, sa propre batte sur l'épaule.

Albus piqua jusqu'au sable qui recouvrait le terrain, cabra son balai au dernier moment et remonta en flèche, louvoyant entre les joueurs de la temporaire équipe adverse pour leur faire perdre le sens de la direction. Il ne faisait qu'un avec son balai, rapide, souple, glissant avec le vent comme une comète dans l'eau. Le sang se mit à pulser contre ses tempes mais son sourire s'agrandit encore. Il adorer voler. Bien qu'il soit plutôt bon dans la plupart des matières – être le meilleur ami d'un étudiant surdoué comme Terrence vous obligeait à apprendre vos leçons si vous ne vouliez pas avoir l'impression d'être un escargot – il n'avait jamais assez confiance en lui.

Sauf lorsqu'il volait.

Son cœur s'accéléra.

Il entendait – loin, très loin – la voix du professeur et savait qu'il devrait vite reprendre sa place dans le jeu, mais pendant quelques secondes, il se laissait griser par la vitesse et la vision très nette de Wendy Philips en train de le regarder avec la bouche en forme de O.

L'image se brouilla.

Pendant une seconde, son regard s'obscurcit. Surpris – c'était bien la première fois depuis qu'il était monté sur un balai qu'il allait vite au point d'avoir le souffle coupé – il imprima un mouvement de ralentissement au balai.

Le terrain de Quidditch réapparut, flou et terne. Puis s'estompa de nouveau.

Quelque chose bougeait, dans le coin gauche de son œil. Quelque chose de grand, de noir, comme un bout de tissu.

Les cercles des cages, les tourelles en bois avec leurs étendards colorés…

C'était… comme une sorte de…

Le soleil l'éblouit puis se voila.

Une aile. Comme un genre d'aile.

Il freina et arrêta son balai.

La voix du professeur Dubois se fraya un passage jusqu'à son esprit. Il criait, mais Albus ne comprenait pas ce qu'il disait.

Il cligna des paupières pour dissiper la drôle d'impression, se rendit soudain compte qu'il avait du mal à respirer.

Et puis la douleur fusa d'un seul coup.

Sa main se crispa sur son torse. Il hoqueta, plié en deux.

Ses oreilles se mirent à bourdonner et il ne sut plus du tout où il était.

Tout était noir, et dans cette obscurité où palpitait seulement la morsure dans sa poitrine, il y avait un œil vert fendu d'or qui le regardait.

La dernière chose qu'il entendit fut le cri de Terrence.

 

 

A SUIVRE...

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