Clair comme Nuit

Chapitre 26 : Rapport de Mission n°543210

1598 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 17:08

 

RAPPORT DE MISSION N°543210

 

 

Sa plume grattait furieusement le papier et d'infimes éclaboussures d'encre tachetaient le parchemin maintenu en place sur la table par le socle de la lanterne. Derrière la glace ouvragée, la bougie fumait plus qu'elle n'éclairait.

 

… confirmé le décès de Bercelak MacFusty, chef des insurgés, à la suite de sa chute dans la mer. Le corps a été retrouvé mercredi 10 avril sur les rives du Loch Indaal.

 

La pluie martelait la toile raide de la tente et l'humidité montait du sol, froide et désagréable, se glissant dans ses bottes, sous sa chemise et son pantalon comme si le brasero ne réussissait pas à l'éloigner.

 

… procédé à l'arrestation de l'ensemble des rebelles (51 personnes en tout – leurs noms sont listés sur l'annexe 4). Nous avons constaté qu'ils étaient soumis à une forme d'hypnose semblable aux effets de l'Imperium. Nous attendons l'arrivée de l'expert en Forces Obscures pour établir un diagnostic plus précis…

 

Il chercha l'annexe 4 dans la paperasse entassée à côté de lui et le geste brusque renversa sa tasse de café. Etouffant un juron, il tamponna le liquide brun épaissi par le marc mal filtré avant qu'il ne se répande sur son rapport.

 

… une fois brisé le lien avec l'Anghenfil. Le Noir des Hébrides fait prisonnier et sa femelle qui nous avait échappé ont été relâchés en toute responsabilité au large des côtes de Sanaigmore et confiés à la surveillance de Gudmund Gwyliwr, Bureau des Oubliators de Portnahaven, Île d'Islay, suite à la signature du traité. Le spécialiste envoyé par le ministère de la magie, Charlie Weasley, a certifié qu'ils ne présentent aucun danger pour la population maintenant qu'ils sont de retour à leur état naturel…

 

Il s'arrêta le temps de masser ses tempes, pinçant l'arrête de son nez avec une grimace. La migraine persistait malgré l'horrible potion avalée en guise de petit déjeuner – son estomac était bien trop noué pour accepter la moindre nourriture solide.

 

… grièvement. Sa forme animale, le dragon de fourrure surnommé "Crocmou" Il barra le nom qui avait été celui du doudou. Des inconnus qui n'avaient pas hésité à envoyer un enfant à la guerre n'avait pas le droit de le connaître est à considérer comme définitivement disparue, morte à la suite de ses blessures. En conséquence de quoi, Hermione Jean Granger, directrice du Département de Régulation et Contrôle des Créatures Magiques, a fait lever toute suspicion d'hybridité quant à Albus Severus Potter et révoqué les convocations issues préalablement (voir son rapport en annexe 7)…

 

Il trempa la pointe en métal de la plume d'oie dans la bouteille, sans se rendre compte qu'il la noyait. Il avait l'impression d'avoir du sable dans la cornée, son mal de tête battait de plus en plus fort sous son crâne et son épaule, qui était loin d'être complètement remise, lançait des vagues de souffrance sourde le long de son bras.

 

… que les transports devraient être rétablis aujourd'hui, vendredi 12 avril, ce qui permettra aux médicomages envoyés par Sainte-Mangouste de procéder aux soins qui n'ont pu être gérés par le médecin moldu de Glenegedale (voir les raisons exposées pour cette brèche du Code International du Secret Magique du secret magique en annexe 9). Les mineurs et les blessés les plus atteints seront immédiatement évacués en train à destination de Londres. Le service postier ayant repris depuis mardi dernier, un hibou informera les familles de leur heure d'arrivée…

 

Le parchemin devenait flou et il cligna des yeux pour lui redonner sa netteté. Il marmonna un autre juron en s'apercevant que les lignes partaient en vrille et que certains mots étaient à moitié écrits sur la table. Il n'avait plus qu'à recommencer... Il enleva ses lunettes et frotta ses yeux douloureux.

- Harry ?

Il tourna la tête en direction de la voix.

- Tu as une tête affreuse, soupira Hermione en s'approchant et en enlevant la capuche de son imperméable trempé. Elle ramassa les lunettes et les lui remit sur le nez. "Tu devrais te reposer. Lizzie ne t'a pas renvoyé de l'infirmerie pour que tu écrives ton rapport, mais pour que tu dormes un peu. Ça fait quatre jours que tu as à peine fermé l'œil, Harry."

Elle secoua la tête tristement.

- Et tu devrais manger un bout, aussi – même si c'est dur.

L'homme fuyait son regard soucieux. Il était hagard, ses joues émaciées dévorées par l'inquiétude et une barbe noire hirsute. Un frisson courait le long de son bras droit et la femme soupçonnait que l'humidité glaciale devait réveiller la douleur de son épaule disloquée pendant la dernière bataille.

- Oh, Harry…

Il grogna.

- Je vais bien, Hermione. Si je ne remplis pas la paperasse maintenant, je devrais le faire en rentrant et il n'en est pas question. Ma famille aura besoin de moi.

Elle acquiesça silencieusement, posa une main douce sur l'épaule valide de son ami.

- Comment sont-ils ? demanda Harry presque à mi-voix.

Hermione respira profondément.

- Occupés, répondit-elle simplement. "Les Aurors se sont donnés le mot. Les enfants n'ont pas un moment pour penser à ce qui est arrivé."

- Il le faudra bien, pourtant… murmura l'homme sombrement. "On devra tous s'habituer à vivre avec ça…"

Ses doigts s'étaient joints sur ses genoux, inconsciemment, et ses articulations avaient blanchi. Hermione s'accroupit devant lui et enveloppa ses mains dans les siennes.

- Tout ira bien. C'est pour Albus que c'est le plus difficile et regarde comme il est courageux.

Les lèvres d'Harry tressaillirent aux coins, se plièrent dans un rictus misérable.

- J'ai peur qu'il ne craque plus tard… quand on croira avoir réussi à surmonter ça…

Ses yeux injectés de sang se remplirent de larmes qui ne coulèrent pas mais brûlèrent sa cornée irritée par la fatigue.

- Il n'en a pas reparlé, mais… il sanglotait... Hermione… Il sanglotait si fort dans mes bras, quand il a compris… balbutia-t-il. "Et je ne pouvais rien dire… rien faire… juste le serrer contre moi… tout est de ma faute… je n'aurais jamais dû le laisser venir ici…"

La femme se releva et l'enlaça, sans un mot, étouffant les phrases qui faisaient trop mal – qu'on ne devait pas dire. Il ne chercha pas à se dégager, agrippa au contraire les manches de l'imperméable et se laissa aller contre elle, crachotant et respirant par hoquets, le visage enfoui, caché loin du monde, comme un enfant.

"Pleure, Harry. Pleure de tout ton cœur. Pleure maintenant, parce qu'ils auront besoin que tu sois fort. Pleure, comme tu ne te l'es jamais autorisé, alors que tu en avais le droit. Pendant toutes ces années, Harry… tu tenais grâce à ta rage, pour protéger le monde entier – ta famille – la paix. Mais tu avais le droit de pleurer… même un héros… même un père a le droit de pleurer…"

 

oOoOoOo

 

Dans l'infirmerie, Lizzie avait tiré les rideaux et jeté un sortilège pour établir un cocon de chaleur autour du lit d'Albus, le croyant endormi. A l'abri de l'humidité, du bruit de la pluie et des voix au-dehors, l'adolescent avait rouvert les yeux. Les bras à plat sur le drap, il regardait l'auréole translucide qui se formait sur le toit du chapiteau, au-dessus de lui.

Il était calme.

Il avait pris sa décision.

 

 

A SUIVRE…

 

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