Clair comme Nuit

Chapitre 28 : Epilogue

Chapitre final

2147 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:20

 

EPILOGUE

 

 

C'était une chaude journée de juin.

Dans le jardin, un cerisier à l'éclatant feuillage ployait sous le poids de centaines de cerises écarlates. Un gros chat rayé faisait sa toilette sur le toit d'ardoises d'un gris bleuté. Une mobylette pétarada soudain au coin de la rue et fit s'envoler dans un bruissement les deux pigeons qui roucoulaient sur le bord de la cheminée, puis tout redevint calme dans le Square Grimmaurd.

Le soleil en se glissant dans le bureau du deuxième étage du numéro 12 entrelaçait des arabesques dorées sur la table d'acajou et le tapis d'un vert sombre un peu passé.

Il y avait une légère couche de poussière sur les étagères en verre de la bibliothèque.

La porte s'entrouvrit et la voix d'Harry résonna depuis le rez-de-chaussée.

- Attends-moi dans le bureau le temps que je regarde ce que c'est que ce paquet. On voyagera par poudre de cheminette, j'ai déjà contacté Minerva, le réseau a été ouvert pour nous.

- Okay, répondit Albus.

Il entra et repoussa la porte derrière lui, étouffant la conversation en bas des escaliers.

La prothèse raidissait un peu sa démarche, mais elle était parfaitement invisible sous son pantalon d'uniforme.

Les longues et douloureuses semaines de rééducation ne seraient bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Il pouvait maintenant marcher sans grimace et le médicomage avait même promis qu'il pourrait remonter sur un balai dès le mois prochain.

Il posa son sac d'école sur le bureau et promena son regard autour de lui : les étagères bourrées de dossiers beiges débordant de Post-it qui se disputaient en chuchotant, les médailles encore dans leurs boîtes tapissées de velours rouge, les photos en noir et blanc d'Aurors accrochés par les épaules qui faisaient de grands signes à l'objectif, le Voltiflor offert par Neville à Noël dernier et qui commençait sérieusement à se flétrir.

 Ses yeux tombèrent sur le portrait de Severus et il sourit.

- Salut, lança-t-il en enfonçant les mains dans ses poches.

L'homme habillé de noir croisa ses longues manches et pinça les lèvres.

- C'est "bonjour, Professeur Rogue", rétorqua-t-il avec un mouvement de tête pour rejeter en arrière ses cheveux gras.

Albus écarquilla les yeux.

- Mais tu – tu parles !

- Vous a-t-on jamais enseigné la politesse, Potter ? soupira dramatiquement le portrait. "On vouvoie ses aînés."

L'adolescent s'approcha vivement, leva la main pour toucher le tableau, mais se ravisa au dernier moment.

- Alors c'est ici qu'il était… murmura-t-il, fasciné. Son sourire s'agrandit et son regard d'émeraude se mit à pétiller. "Bonjour, Severus. Je veux dire : Professeur."

Le coin des lèvres du portrait se releva imperceptiblement.

- Voilà qui est mieux. Vous retournez à Poudlard, Potter ?

Albus hocha la tête.

- Oui.

Une ride se creusa sur le front blême de l'homme.

- Vous avez peur ?

Le garçon hésita.

- Un peu.

Severus hocha le menton.

- Vous êtes un idiot, dit-il.

Albus plissa les paupières.

- Je vous aimais mieux quand vous ne parliez pas, riposta-t-il.

Le portrait lâcha un grognement ironique.

- Les enseignants ne sont pas là pour qu'on les aime, Potter. Votre père avait aussi du mal avec ça et je vois que c'est un gène à peu près aussi fort que celui qui vous a transmis cette masse de cheveux indisciplinés.

L'adolescent pouffa de rire.

- Je suis content que vous soyez là, lança-t-il. "Dans son bureau. Est-ce que vous parlez parfois du "bon vieux temps" tous les deux ? Je parie que vous vous plaignez ensemble de "ces idées modernes que l'on fourre dans la tête des jeunes de nos jours" et que papa finit par boire son thé froid !"

Severus se rembrunit.

- Votre père et moi n'avons jamais été trop doués pour bavarder, marmonna-t-il. "Nous étions bien trop occupés à nous observer mutuellement et à nous haïr de loin. Il y a des regrets qui ne pourront jamais s'effacer et il vaut mieux éviter de se parler, quand tant de mots pourraient risquer de blesser."

Ses yeux sombres croisèrent le regard vert qui ne comprenait pas, et il se hâta de conclure.

- Mais tout cela est dans le passé, maintenant. Ce sont des histoires de grandes personnes.

- Je ne suis plus un enfant, dit simplement Albus.

Et il y avait sur son visage une gravité qui n'était pas de son âge, comme une empreinte à peine décelable des horreurs traversées dans les Hébrides – et une sagesse qui ne se soumettait pas aux sables du temps.

Le professeur Rogue inclina sa tête aux joues creuses.

- Je sais, murmura-t-il.

Il humecta ses lèvres minces.

- C'est pour cela que tu ne dois pas avoir peur, Albus Severus Potter. Peu importe ce que l'on te dira ou la façon dont on te regardera. Peu importe ce que tu as perdu et les efforts qu'il te faudra faire à cause de cela. Sois conscient de ce que tu es.

- Ce que je suis, répéta le garçon dans un souffle.

L'homme l'enveloppa d'un long regard et quelque chose qui ressemblait à de la fierté effleura ses traits taillés à la serpe.

- Tu es courageux et généreux. Un ami sur lequel on peut compter. Quelqu'un qui fait de bons choix.

L'adolescent avala sa salive. L'émotion luttait avec une certaine rougeur sur son visage.

- J'espère que c'est vrai… souffla-t-il.

Severus inclina la tête de côté et un tic qui pouvait être amusé ou agacé agita le coin de sa bouche.

- Il y a un tas d'immondes crétins dans ce monde qui chercheront toujours à mettre les autres plus bas que terre, dit-il d'une voix un peu grinçante. "Mais il y a aussi des gens qui voient ce qu'il y a de beau en nous – et c'est un crime de ne pas les croire."

Albus lâcha un petit rire étranglé.

- Compris.

Dans le silence du vieux bureau, ses prunelles d'émeraude s'accrochèrent aux yeux étroits du professeur solitaire et un gros soupir s'échappa de sa poitrine.

- Ce ne sera pas facile, n'est-ce pas ?

Rogue hocha son menton fuyant.

- Rien n'est jamais facile dans la vie, Potter. Mais tu ne seras pas tout seul.

- J'ai Terrence, Scorpius et Wendy, Neville – toute ma famille, et puis… vous serez là aussi, compléta Albus lentement. "Dans la galerie."

Une grimace amusée se dessina sur son visage.

- Mais vous ne serez pas aussi bavard, ajouta-t-il avec malice. "On ne pourra pas se parler comme on le fait maintenant."

Les sourcils sombres de l'homme trampolinèrent à cette insolence.

- Est-ce que cela a jamais été un obstacle ? riposta-t-il avec sévérité.

- Non, pouffa Albus. "Non, ça n'a jamais été un problème."

Ils entendirent la porte se refermer au rez-de-chaussée avec un bruit sourd, puis les pas d'Harry qui montaient les escaliers.

- Al? Tu viens ? C'est bon, on peut y aller, appela la voix de l'Auror.

Le garçon récupéra son sac de classe sur le bureau. Sur le pas de la porte, il adressa un dernier regard au portrait.

- Severus ?

- Oui ? répondit l'homme au nez crochu dont les traits ne trahissaient pas la moindre émotion.

Albus sourit.

- Merci, dit-il avant de quitter la pièce.

Le battant resta entrouvert et sa voix et celle de son père résonnèrent encore quelques instants dans le couloir.

- N'oublie pas de bien articuler, recommandait Harry. "Tu ne voudrais pas te retrouver dans le conduit bouché de l'âtre de la salle commune de Poufsouffle. Prends-en une bonne poignée. Ah, je déteste voyager de cette façon. T'ai-je déjà raconté la première fois que j'ai voyagé avec de la poudre de cheminette ?"

- A peu près quarante-douze mille fois, répondit Albus. "C'était quoi, ce colis ?"

- Des chocolats à la menthe envoyés par Josias MacFusty. Une spécialité de leur coin. Des Furies Nocturnes, ils appellent ça. T'en veux un ?"

Le wouff bruyant de la poudre de cheminette engloutit le reste de leurs paroles, puis le calme revint au 12, Square Grimmaurd.

Dans le tableau sombre, Severus Rogue soupira et fit volte-face dans un large mouvement de ses robes noires…

… pour se retrouver nez-à-nez avec Dobby qui venait de faire irruption dans son cadre.

- Ah, professeur !

- Ne cours pas, articula entre ses dents l'homme au teint cireux qui avait sursauté.

- Dobby s'excuse, Dobby ne voulait pas interrompre la méditation de Severus Rogue, professeur, monsieur, pépia l'elfe sans perdre son air rayonnant. "Mais Dobby voulait juste dire que si le professeur venait tout de suite, il pourrait peut-être voir par le portrait de Giffard Abbot dans la Tour de l'Horloge, monsieur, l'arrivée du jeune maître à Poudlard. Ses amis ont mis une banderole et je crois qu'il va y avoir un feu d'artifice quand il passera dessous."

- Hum, dit le professeur. Il fronça les sourcils un instant. "Qu'en est-il de ce morveux qui chantonnait encore "Potter le malchanceux, Potter est devenu boiteux" hier soir ? Quel est son nom déjà ? Bilbo…? Buggins… ? Ah, Cadwallader. Oui, c'est ça. Christopher Cadwallader."

Les gros yeux globuleux de Dobby prirent une expression rusée.

- Il se pourrait que les elfes de la cuisine aient fait tomber un peu de poivre à vesser dans son déjeuner…

Rogue eut un rictus sarcastique.

- Bien. Ce ne sera pas le seul, je suppose, mais… pour aujourd'hui ça ira. Eh bien, allons-y, Dobby.

- En route pour Poudlard ! piailla l'elfe.

Quelques instants plus tard, leurs deux tableaux étaient vides.

Dans le bureau silencieux, sur les étagères de verre dont la poussière n'avait pas été faite depuis longtemps, le soleil scintillait en caressant un gros médaillon doré et cabossé, posé à côté d'une photo dans laquelle un jeune homme aux cheveux noirs indisciplinés faisait sauter dans ses bras un petit garçon aux yeux verts comme les siens.

Sur le banc derrière eux, il y avait un dragon de peluche noir et la bourrasque de feuilles d'automne qui tourbillonnaient se reflétait dans ses prunelles fendues d'or.

 

 

FIN

 

 

Et s'ils vous manquent déjà, retrouvez Albus, Scorpius, Terrence, Wendy et le dragon, sept ans plus tard, dans la dernière histoire de la trilogie...

LES SOUFFLEURS DE LUMIERE

Laisser un commentaire ?