Les Souffleurs de Lumière

Chapitre 7 : Le p'tit blond qui rasait les murs

4910 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:35

 

LE P'TIT BLOND QUI RASAIT LES MURS

 

 

Le vieux choixpeau sentait le cuir bouilli, le shampoing pour fille et le gel bon marché.

Scorpius espérait que personne n’avait laissé quelques poux dans les plis et il fut plutôt soulagé quand la voix froufroutante eut fini de tergiverser avec elle-même et se décida à clamer le nom de sa maison.

- GRYFFONDOR !

La table désignée éclata en applaudissements chaleureux, mais Scorpius pâlit et faillit trébucher sur sa robe de sorcier en descendant les escaliers, hébété.

Gryffondor ? Ce n’était pas ce qui était prévu. Quelque chose allait terriblement de travers.

Il se glissa sur le banc où on lui faisait une place et considéra ses poings serrés d’un air très malheureux.

Comment allait-il annoncer à son père qu’il n’avait pas été réparti à Serpentard ? Et que dirait son grand-père ? Sans doute que ce n’était "pas étonnant qu’un raté comme Drago aie engendré une loque indigne de la gloire de Salazard"… et ensuite son père deviendrait blême et furieux et sa grand-mère interviendrait et la soirée tournerait à un énième désastre. Plus tard sa mère se mettrait à pleurer et elle supplierait de nouveau son mari de déménager en Inde ou n’importe où, loin du Manoir Malefoy.

Scorpius crispa les lèvres, luttant pour refouler ses larmes.

Il avait tellement désiré rendre son père heureux. Drago Malefoy avait eu l’air si fier sur le quai de la gare, réajustant le nœud papillon de son fils et l’enveloppant de son regard gris trop souvent mélancolique.

Pourquoi Gryffondor ? Stupide couvre-chef marmottant et sénile…

L’appel des premières années se termina sans qu’il s’en aperçoive et, quand il releva la tête en entendant le "bon appétit à tous !" qui clôturait le discours de bienvenue, il y avait en face de lui une fille au visage triangulaire encadré d'anglaises châtaines, qui avait l’air terrifiée par son assiette de rôti, et un garçon blond à lunettes rondes, occupé à tapoter sa baguette sur son verre de jus de citrouille en marmonnant une formule magique ridicule du style "Purée de pois, abracadabra, en bleu tu changeras".

Il risqua un coup d’œil autour de lui, croisa les regards peu amènes de quelques septièmes années et se rencogna sur le banc, sans comprendre pourquoi ils chuchotaient en le fixant. Les autres élèves semblaient s’occuper uniquement de leurs estomacs ou de rattraper le temps perdu pendant les vacances. On entendait des commérages, des gloussements de rire, des blagues qui auraient fait frémir les oreilles délicates de sa mère et apparemment, à sa table, personne ne savait se servir d’une fourchette.

Des fantômes virevoltaient sous le plafond magique rempli d'étoiles, suscitant des cris d'effroi ou de délice qui ne troublaient pas les professeurs absorbés par leur dîner. Un lièvre géant au poil galeux surveillait l’assemblée avec sévérité, assis sur le tabouret qui avait servi à la répartition.

Rien n’était comme à la maison.

Des assiettes dorées remplaçaient la vaisselle d’argent des Malfoy, il y avait tellement de bruit qu'on aurait été bien en peine d’entendre le quatuor de violons qui jouaient dans un coin de leur salle à manger s’ils avaient été présents… et puis il n’y avait pas sa mère au sourire d'ange au bout de la table, mais un ado renfrogné et couvert de boutons d'acné.

Scorpius sentit sa gorge s’obstruer. Tout, même refaire la traversée du lac dans ces barques grossières, lui paraissait soudain préférable à rester dans ce château bourdonnant de choses nouvelles et de gens malpolis.

- Hé, dit une voix à côté de lui. "Tu peux me passer les croquettes de poisson ?"

Il tourna la tête et rencontra deux yeux verts qui prirent une expression soucieuse en l'examinant.

- ça va ? demanda l'élève aux cheveux noirs ébouriffés qui venait de lui adresser la parole. "T'as l'air barbouillé. T'as eu le mal de mer sur le lac ?"

C'était un autre première année, pas très grand et plutôt maigrichon – bâti de la même façon que Scorpius, en fait. Il avait de longs cils sombres, un nez retroussé, un peu de mayonnaise au coin de la bouche et les doigts pailletés de miettes de chips.

- Hé, Albus, c'est ça ? lança un autre garçon en se penchant au-dessus de son assiette, bousculant la fille aux anglaises châtaines qui le fusilla du regard. "T'es le fils de Harry Potter ? La vache, mec !"

Celui-là avait un accent irlandais, des taches de rousseur, le crin coupé ras et des iris d'un bleu très clair.

- Craig Finnigan, se présenta-t-il en bombant le torse, sans se soucier de sa cravate qui balayait un pilon de poulet croustillant. "Mon père était à l'école avec le tien et mon frère Colin est en troisième année avec ton frère James", ajouta-t-il en pointant du doigt un groupe d'ados de leur maison, quelques bancs plus loin.

L'un d'entre eux passait nonchalamment la main dans sa tignasse de temps à autre, cherchant visiblement à attirer l'attention d'une quatrième année de Poufsouffle qui pouffait bêtement au milieu de son groupe de copines. Il ressemblait un peu au voisin de table de Scorpius, mais en plus âgé et plus… arrogant.

Albus adressa un sourire timide à Finnigan, supportant bravement les regards émerveillés des autres élèves, et le jeune Malefoy le considéra en levant un sourcil.

Potter.

Le nom que son père abhorrait.

Vraiment, il n'y avait pas de quoi être impressionné.

- Harry Potter, c'est le type qui a sauvé le monde, c'est ça ? demanda le blond à lunettes. "Il a vaincu Lord Ventdemort. Je l'ai lu dans l'Histoire de Poudlard."

La fille à côté de lui n'avait pas l'air impressionnée du tout. Elle s'était décidée à goûter à la quiche aux poireaux et semblait la trouver très à son goût.

- Lord Voldemort, rectifia quelqu'un à voix basse d'un ton choqué.

Un courant d'air froid se glissa sous la chemise de Scorpius.

Ce nom-là, Drago Malefoy ne le prononçait même pas, mais il le haïssait encore plus, si c'était possible.

- J'espère qu'on sera dans la même chambre ! continua Craig Finnigan avec excitation. "Mon père serait trop content ! Tu pourras m'avoir un autographe ?"

Albus protesta, mais personne ne l'écouta parce que les desserts venaient d'apparaître sur les tables, provoquant un nouveau glapissement effaré de la fille aux cheveux châtains.

Celle-là était définitivement d'origine moldue, mais Scorpius n'avait pas envie de se moquer d'elle. Il était fatigué par les longues heures de train, ses vêtements étaient toujours légèrement humides après la traversée du lac sous une bruine glacée, sa maison lui manquait et il avait mal à la tête.

Il poussa un soupir de soulagement quand la directrice annonça qu'il était l'heure de se coucher et se dépêcha de rejoindre leur préfet à la porte.

Après une randonnée interminable dans les couloirs froids de Poudlard et quelques épisodes effrayants avec les escaliers enchantés – le garçon à lunettes, qui s'appelait Terrence Swanson, faillit tomber dans le vide à plusieurs reprises – ils arrivèrent enfin devant le tableau qui masquait l'entrée de leur salle commune. Scorpius griffonna sur un bout de parchemin le mot de passe donné par le farfadet qui chevauchait un bouc morose dans une prairie aux tons passés, mais le préfet confisqua sévèrement tous les papiers avant de leur réciter les règles du dortoir.

- Avant, c'était une grosse dame, chuchota un garçon qui avait un nom comme Mule ou Moulin – Macmillan, peut-être ? – et quelqu'un pouffa de rire en marmonnant : "le tableau ou le préfet ?"

Le cinquième année qui les avait à sa charge roula des yeux furieux et les avertit que c'était la dernière fois qu'il tolérait ce genre d'insolence. Il leur indiqua leurs chambres, expliqua que leurs bagages s'y trouvaient déjà et s'en alla en grommelant quelque chose au sujet d'insupportables ouistitis en couche-culotte.

Scorpius découvrit qu'il partageait son dortoir avec Craig Finnigan, Terrence Swanson et… Albus Potter, mais il n'eut pas le temps de s'inquiéter de ce qui se passerait quand son père l'apprendrait. Il y avait bien trop de choses à régler.

D'abord le hibou débraillé du blond à lunettes, Grosdur, se mit à voleter partout en poussant des hululements surexcités et il fallut lui fourrer du Miamhibou au fond du gosier et lui bander les yeux avec une chaussette pour qu'il se calme.

Puis l'intarissable irlandais entreprit de lancer des sorts de glu éternelle sur ses posters de Quidditch et ne réussit qu'à s'arracher la moitié d'un sourcil. Il leur raconta que son père avait fait exploser Poudlard quand il était en septième année et ils firent semblant de le croire pour qu'il se taise et les laisse scotcher les affiches.

Dans la salle de bains, ce fut le bazar aussi, entre les éclaboussures et les comparaisons de brosses à dents : celle de Swanson était supposée être élecfrique, mais elle ne fonctionnait pas, celle de Potter se mettait à crier Taïaut ! quand elle tombait sur une carie et Finnigan avait du dentifrice qui faisait de la fumée rouge et avait un goût de piment.

Enfin, quand Scorpius eut réussi à se laver la figure et à enfiler son pyjama, il trouva entre ses draps un furet à l'air malade qui lui planta ses minuscules dents pointues dans la main.

- Cuillère, tu étais là ! s'écria Albus avec soulagement.

Il le prit dans ses bras et la méchante petite créature se pelotonna contre lui en toisant Malefoy qui écarquillait les yeux de colère et stupéfaction.

- Il m'a mordu !

- Fais voir, dit Terrence en s'approchant et en jetant un coup d'œil intéressé à la marque ensanglantée en forme de râtelier de rongeur. "Oh, c'est rien, tu vas survivre."

- Il est dangereux ! Peut-être même qu'il a la rage, balbutia Scorpius, hors de lui.

Ses narines étaient pincées et ses yeux lançaient des éclairs, mais il se battait intérieurement contre une terrible envie d'éclater en sanglots.

- Il n'a pas la rage, protesta Albus avec inquiétude. "En tout cas… je ne crois pas. Tu veux aller à l'infirmerie ?"

- Si c'est la rage, c'est trop tard, dit Finnigan joyeusement.

Scorpius hoqueta. Il fit volte-face d'un air courroucé et se fourra dans son lit, tirant brutalement sur les rideaux pour ne plus les voir.

- Pardon, dit la voix de ce crétin de Potter.

Le pire, c'est qu'il avait l'air sincèrement navré.

Il y eut encore des bruits et des chuchotements pendant quelques minutes, puis les trois autres furent aussi installés dans leur lit.

- J'espère que personne ne ronfle, avertit Craig. "Je vous préviens que mon père m'a appris un sortilège au cas où. Il parait qu'il y avait un horrible ronfleur dans sa chambre quand il était à l'école, alors..."

- Arrête de parler de ton père, ça saoule, grogna la voix de Terrence.

- Moi je ronfle, je crois. Je suis désolé, dit Albus timidement. "Je ne fais pas exprès, promis."

- Tant pis pour toi, annonça solennellement Finnigan. "Si tu t'étouffes avec ta morve, ce sera pas ma faute. J'suis un expert à lancer ce sort, même en dormant."

Scorpius leva les yeux au ciel derrière sa muraille de rideaux écarlates. Il se laissa couler plus profondément sous les draps, jusqu'à ce que seul son nez dépasse. Les bavardages idiots des autres s'atténuèrent rapidement et le silence s'établit dans la chambre.

La pluie s'était mise à tomber et une pâle lueur grise montait derrière la fenêtre, comme la vapeur d'un fantôme. Les couvertures avaient une odeur bizarre et elles piquaient un peu. Dans sa cage, le hibou somnolait en se balançant sur son perchoir avec de petits hooo-hooo-hooo satisfaits.

Un grattement courut sur le plancher. Sans doute l'abominable furet qui furetait au milieu de leurs malles ouvertes et de leurs affaires répandues partout.

Scorpius n'avait jamais vu des gens aussi désordonnés que ses camarades de chambrée. La vie à Poudlard allait être un enfer. Ses parents lui avaient parlé de la salle commune de Serpentard, des meubles élégants en vert et argent, des reflets du lac qui ondoyaient sur le plafond. Et maintenant il était coincé dans la tour cramoisie de Gryffondor où tout semblait râpé, usé, bouloché.

Il mordit sa lèvre pour essayer d'empêcher son menton de trembler, ferma les paupières très très fort. Il voulait être à la maison, sentir le baiser frais et doux de sa mère sur son front, entendre ses pas légers s'éloigner dans le couloir éclairé par la veilleuse. Son chat Isocèle se serait blotti contre lui pour lui tenir chaud, il aurait respiré le parfum familier de sa couette et tout aurait été parfait – comme il se devait.

Il plaqua les mains sur sa bouche pour étouffer un sanglot.

Onze ans, j'ai onze ans. Je suis trop grand pour pleurer.

Mais ses larmes gonflaient dans sa gorge sans tenir compte de son âge et elles n'allaient pas tarder à déborder.

Il ne savait pas que dans les autres lits, Terrence essuyait furtivement ses yeux en reniflant aussi discrètement que possible et que Craig avait mis son pouce dans sa bouche.

Ils avaient eu une longue journée, beaucoup trop d'émotions et ils étaient loin de leurs familles, dans un château perché au sommet d'un roc au fin fond de l'Ecosse.

Il n'y avait pas de magie qui puisse consoler trois jeunes pensionnaires le premier soir de cette année d'école.

Mais il y eut un miracle.

Un ronronnement paisible, rassurant, qui s'éleva dans le noir en faisant reculer les ombres. Un son qui les enveloppa de bien-être comme le moelleux d'un gâteau au chocolat, un rayon de soleil à la fin d'une journée d'été ou les bras tendres de leurs mères.

Au début, Scorpius crut que c'était le furet, puis en écartant les rideaux de son lit, il croisa les regards étonnés de Swanson et Finnigan qui l'avaient imité et comprit qu'il se trompait.

Cuillère était perché dans le dais au-dessus du lit de Potter et nettoyait sa fourrure miteuse d'un air suprêmement ennuyé.

C'était Albus qui produisait ce bruit de gorge étrangement réconfortant. Il était roulé en boule sous sa couverture, la bouche un peu entrouverte, profondément endormi.

Terrence posa un doigt sur ses lèvres et se renfonça dans son lit, vite imité par Finnigan dont les yeux pétillants s'alourdissaient de sommeil.

Scorpius laissa ses rideaux tirés, pour continuer à observer de loin le garçon qui dormait dans le lit en face du sien. Il se sentait bien, comme dans un cocon, mais un peu intrigué. Il bâilla, frotta son œil.

Est-ce qu'Albus avait ressenti comme eux la même détresse ? Savait-il qu'il ne ronflait pas pour de vrai ? Est-ce que…

Il sombra sans s'en apercevoir et ne fit aucun des rêves qui le troublaient d'habitude quand il était dans un lieu inconnu.

Le lendemain, quand il s'éveilla en sursaut en sentant le furet lui grignoter l'oreille, le pacte était conclu entre les occupants de la chambre.

Ce serait leur secret.

Et ce secret devait aider Scorpius à tenir pendant les longues semaines éprouvantes qui suivirent.

Avant la fin du premier semestre, Scorpius savait pourquoi son père détestait le nom des Potter. Si Harry ressemblait à son fils James, ce n'était pas étonnant.

Scorpius n'avait rien demandé à personne.

Il s'était délibérément mis de côté en voyant l'amitié naissante entre Terrence et Albus, et n'avait pas cherché à s'immiscer dans le trio que formait Craig Finnigan avec Samuel Flinch-Fletchley et Fabius Macmillan, deux garçons du dortoir voisin qui avaient tout le temps l'air d'avoir mangé trop de sucre. Il n'avait pas l'habitude de fréquenter d'autres enfants et avait appris à se faire discret en présence d'adultes. En conséquence de quoi, il était passé maître dans l'art d'être invisible, même quand il aurait souhaité s'impliquer.

Pourtant, la bande à Potter semblait avoir un radar pour le trouver.

Deux semaines après la rentrée, Scorpius arborait une bosse de la taille d'un œuf de pigeon. Quand on lui demandait ce qui lui était arrivé, il disait qu'il s'était cogné le front dans une porte, mais la vérité c'était que James et son pote Colin lui avaient enfoncé la tête dans les toilettes de Mimi Geignarde.

Fin Septembre, quelqu'un échangea toutes ses plumes pour des gadgets Weasley et il essuya reproche sur reproche quand les professeurs rendaient les devoirs : les siens étaient remplis d'obscénités et de fautes d'orthographe, quand ils n'insultaient pas carrément les enseignants.

Au réfectoire, il devait user de ruses élaborées pour ramener son dîner jusqu'à sa table sans que celui-ci ne termine tartiné sur le devant de sa robe de sorcier. Pour une raison que tout le monde ignorait, James Potter appréciait particulièrement quand c'était une part de tarte à la mélasse qui finissait plâtrée dans les cheveux de Malefoy. A force, la simple odeur du caramel donnait des haut-le-cœur à Scorpius.

Le mois suivant, il dormit en maillot de bain malgré la température nettement descendue : il y avait tous les soirs de nouvelles grenouilles dans son matelas qui sentait l'algue pourrie. Il finit par tomber malade et, lorsque les trois autres expliquèrent à leur professeur référent dans quel état était le dortoir, Hannah Abbott décida de les installer à l'infirmerie pour le week-end, le temps que des mesures soient prises pour assainir la chambre. Il en pleura de soulagement, jusqu'au moment où la honte le submergea. La tête enfouie sous son oreiller pour étouffer le bruit de ses sanglots, il entendait à peine le ronron familier d'Albus dans le lit voisin et il se sentait terriblement seul et misérable.

Des septièmes années se joignirent à la bande à Potter en Novembre et les persécutions prirent un tour encore plus vicieux. Scorpius détestait tout particulièrement quand ils se mettaient à susurrer des horreurs sur le compte de son père. James n'avait pas l'air de comprendre complètement pourquoi c'était amusant, mais il ricanait en passant la main dans sa tignasse et encourageait les autres. Le soir d'Halloween, ils le coincèrent dans un placard à balais et lui dessinèrent un horrible dessin sur le bras gauche, avec de l'encre indélébile. Quand il se résolut à le montrer à l'infirmière, celle-ci faillit s'évanouir. Elle le nettoya à grands coups de brosse à chiendents, manquant lui arracher la peau, et l'avertit sévèrement qu'elle allait devoir faire un rapport à la directrice. Scorpius se sentit encore plus mal, comme si c'était sa faute.

Mrs McGonagall ne l'appela jamais dans son bureau, mais il sentit plusieurs fois son regard perçant posé sur lui dans la Grande Salle.

Ses tourmenteurs quittèrent le château pour les vacances de Noël, mais Scorpius écrivit à ses parents qu'il ne souhaitait pas rentrer à la maison. Il n'était pas encore prêt à faire face à son père, surtout après la lettre polie mais froide que celui-ci lui avait envoyé en réponse à l'annonce de sa répartition. Et même s'il crevait d'envie de se blottir dans les bras de sa mère, il savait qu'il n'aurait jamais le courage de retourner à l'école s'il la voyait.

Les congés furent une période étrange. A Gryffondor, il ne restait que quelques élèves qui bûchaient leurs B.U.S.E.S – tous les dernières années semblaient avoir décidé de se reposer avant la longue lutte qui précèderait leurs examens – et puis Wendy Philips.

C'était la fille aux anglaises châtaines et au visage triangulaire et il s'était très vite avéré qu'elle était beaucoup moins peureuse qu'elle ne l'avait montré pendant son premier dîner à Poudlard. En fait, il n'y avait probablement rien qu'elle ne soit capable d'affronter – si ce n'était ses livres de classe. Elle se traînait à la fin du classement scolaire avec une ribambelle de T, mais elle récoltait des points pour Gryffondor dans toutes les matières où il fallait faire preuve de folie pour se porter volontaire. Elle fut la première à réussir à voler sur un balai et la dernière à revenir – en haillons mais victorieuse – quand ils durent passer un test dans un labyrinthe.

Ce n'était pas une mademoiselle maniérée, ni une gamine débile. En fait, Scorpius la trouvait tout à fait convenable pour une créature femelle et s'il avait dû avoir une sœur, il aurait probablement aimé qu'elle lui ressemble : sauf que bien sûr, une fille dont les chaussures étaient tout le temps boueuses et les doigts pleins d'encre n'aurait pas été acceptée facilement au Manoir Malefoy.

Wendy ne faisait pas de réflexions sur le teint pâle ou les cheveux presque blancs de Scorpius et ne chuchotait pas en ricanant quand il arrivait en retard en cours, en remettant à la hâte ses vêtements en place. Elle n'avait pas non plus le regard d'excuse d'Albus qui restait en retrait dans la Grande Salle ou celui, grave, de Terrence quand il soufflait de l'air chaud en douce sous le bureau, pour sécher les chaussettes trempées de Scorpius après une embuscade aux toilettes (Malefoy redoutait – et espérait malgré lui – que le blond surdoué ait tout compris et aille dénoncer la bande de Potter aux professeurs).

Wendy était maladroite comme lui, mais elle riait de ses erreurs ou menaçait les gens de les fracasser quand ils se moquaient d'elle, alors qu'il ne pouvait que river ses yeux au sol en espérant que ses joues ne prennent pas feu.

A Noël, elle lui fit cadeau d'un poing américain Made in China et lui conseilla de l'utiliser si quelqu'un l'embêtait. Scorpius se mit à rire malgré lui en imaginant la tête de James Potter avec deux cocards et Wendy eut l'air agréablement surprise. Elle lui annonça sans façon que c'était la première fois qu'il riait depuis la rentrée et il se rembrunit.

Il avait hâte d'être adulte et de quitter enfin ce damné Poudlard. Peut-être qu'aux vacances d'été, s'il arrivait à rassembler suffisamment d'audace, il demanderait à ses parents s'il pouvait être transféré à Beaux-Bâtons ou dans n'importe quelle autre école de magie.

Quelque part où il n'y aurait personne du nom de Potter.

En janvier, ce désir douloureux changea complètement.

En janvier, il arriva une fois de plus le dernier en cours de Potions, haletant et éperdu : Pique-la-lune était bien connu pour sa mauvaise humeur et ses postillons pouvaient faire tourner aigre la meilleure des préparations.

En janvier, dans le couloir qui menait aux cachots, il tomba sur Albus Potter accroupi devant un mur de pierres.

 

 

A SUIVRE...

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