Les Souffleurs de Lumière

Chapitre 17 : Des papillons aux ailes de feu

8028 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:34

 

DES PAPILLONS AUX AILES DE FEU

  

Un silence atterré leur tomba dessus comme une chape de plomb.

Sans la Citrouille, qu'adviendrait-il d'eux ? Naufragés dans les profondeurs de la Terre, un sort atroce les attendait, sûrement…

Gunter fut le premier à se secouer.

- Il nous faut de la lumière, dit-il. "Où est Calcifer ?"

Le daemon ricana dans le noir.

- Ici, gloussa-t-il sans qu'ils puissent le distinguer dans l'obscurité oppressante du gouffre.

- Si… si… si… répéta l'écho avec ironie.

Quelque chose froufrouta à la lisière des ombres.

Frémissante, Wendy pointa sa baguette dans la direction d'où était venu le bruit. Scorpius fit un pas en avant, tendant instinctivement le bras devant Albus dont les pupilles vertes s'étaient rétrécies à deux fentes. Un rictus féroce retroussait les lèvres de l'éthologue et un grondement montait dans sa gorge.

- Il y a quelque chose, souffla la jeune mécano.

Christopher crispa une main sur le petit piolet qu'il portait à la ceinture. Poivre fit craquer ses doigts, fronçant ses gros sourcils broussailleux. Terrence leva plus haut sa baguette, essayant d'élargir le pâle cercle de lumière.

- Qui êtes-vous ? cria-t-il. "Ami ou ennemi ? Montrez-vous !"

Mais personne ne répondit.

Les jambes flageolantes, Matilda s'accrocha au bras de Vivienne. Le visage de l'astronome s'était durci et elle semblait parfaitement capable d'en découdre avec ce qui rampait autour d'eux, dissimulé à la vue.

- Calcifer ! Cesse tes farces et sors de ta cachette immédiatement ! jappa Euphrosine.

Une silhouette argentée se matérialisa soudain au milieu d'eux – celle d'un jeune homme avec un gros livre sous le bras – et la vieille magicienne poussa un cri perçant.

- Ne fais pas ça ! hoqueta-t-elle en chancelant.

Gunter la rattrapa et ses yeux flamboyèrent derrière ses lunettes rondes. Aucun d'entre eux ne l'avait jamais vu aussi furibond.

- IL SUFFIT ! rugit-il.

- Ce n'est pas très gentil de crier sur le pauvre Calcifer, chantonna la voix fluette du daemon.

Le fantôme brillant qui tendait la main vers Euphrosine se vaporisa et l'apparition redevint un feu-follet cramoisi dansant à un mètre du sol.

- Tch, fit Calcifer d'un air boudeur. "Allons-y, alors. La Citrouille n'est pas très loin. Elle attend."

Dans les bras de Gunter, la vieille femme ventilait et Terrence s'était précipité pour l'aider.

- Mais… mais ce qui nous guette, là… qu'est-ce qu'on fait pour ça ? bredouilla Christopher.

- Ne me dites pas que c'était lui qui s'amusait à nous faire peur ! s'écria Vivienne d'un ton irrité.

Calcifer eut un gloussement narquois.

- Nan-han, c'était pas moi. Oh, mais vous ne risquez rien tant que je suis là, par contre. Ils ne s'approcheront pas.

Comme pour confirmer qu'il ne plaisantait pas, ils entendirent à ce moment-là un caquètement de dents semblable à celui qu'aurait pu faire un squelette ricanant. Les poils se dressèrent sur leurs nuques et un frisson glacé picota leurs peaux.

Calcifer glissa dans les airs, s'enfonçant dans les profondeurs du gouffre, et ils n'eurent pas d'autre choix que de le suivre.

Autour d'eux, l'obscurité bruissait, épaisse, menaçante. Il leur semblait que des mains ou des griffes les frôlaient. Parfois, on entendait rouler de petites pierres, comme si un être invisible déguerpissait brusquement.

Les pupilles dilatées, Matilda avait du mal à avaler sa salive. Elle ne lâchait pas la manche de l'astronome qui, elle, gardait sa baguette levée, prête à cingler le danger. Albus clopinait derrière elles. Scorpius restait à côté de lui, les sourcils tellement froncés qu'ils dessinaient un V sur son front, comme une esquisse d'oiseau. Wendy vint les rejoindre, toujours en alerte. Elle jetait de fréquents coups d'œil autour d'elle et quand elle sursautait, croyant avoir surpris quelque chose, une gerbe d'étincelles fusait dans le noir, dispersant les ombres mouvantes avec un frrissht.

Gunter et Terrence soutenaient Euphrosine et Christopher fermait la marche, visiblement très nerveux.

- C'était lui, n'est-ce pas ? souffla-t-il à Poivre qui trottinait à côté de lui. "Le mec dont nous avons rêvé, qui était sur le bateau..."

Il baissa encore plus la voix.

- Le fiancé d'Euphrosine, hein ? Celui qui a disparu dans l'Axe…

Poivre se contenta de renifler d'un air hautain.

Une lueur apparut dans l'obscurité, blanche et mouvante comme un reflet de lune dans un étang. Ils accélèrent le pas et les ombres se pressèrent autour d'eux, irritées de sentir leurs proies leur échapper. L'éclairage de leurs baguettes et de leurs lampes frontales tremblotait, pâle et fade.

- Qu'est-ce que c'est que ce truc ? marmonna Vivienne.

- La Citrouille ! s'écria Wendy avec soulagement, au même moment.

Alors que les autres s'arrêtaient, stupéfaits, en se bousculant les uns les autres, la jeune mécano, elle, courut au-devant du véhicule qui cahotait vers elle comme un bon gros chien, grinçant et gémissant.

- Bonne fille ! Tu n'as rien ?

Wendy examina rapidement le ventre doré couvert de poussière, sans y trouver la moindre éraflure. Les grandes pattes articulées cliquetaient autour d'elle, comme pour essayer de lui dire quelque chose.

- C'est répugnant, dit la voix écœurée de Vivienne.

- C'est de très mauvais goût, ajouta Scorpius d'un ton irrité, pour cacher sa peur.

- A votre avis, il était à qui ? demanda Terrence avec intérêt.

Wendy se retourna et ses yeux s'écarquillèrent. Au centre de la lueur blanche se trouvait un promontoire de basalte gris nervé de violet, sur lequel était posé un crâne.

Un crâne humain.

Transparent comme du cristal.

Les flammes de Calcifer y jetaient des éclats rougeâtres qui donnaient des expressions inquiétantes aux orbites creuses et au sourire grimaçant.

- C'est peut-être Arne Saknussemm, proposa Albus.

Gunter se racla la gorge. Il laissa Terrence soutenir seul Euphrosine et s'approcha du crâne en nouant machinalement ses mains dans le dos, comme s'il était dans sa salle d'étude. Sans toucher le crâne lisse et brillant, il l'examina avec attention. Puis il se redressa, enleva ses lunettes et les essuya avant de les remettre sur son nez.

- Non, je dirais plutôt que c'est un vestige de Merlin, dit-il d'une voix un peu enrouée. "Regardez-moi ces zygomatiques, c'est exactement comme ça qu'on le décrit ! Et ces maxillaires… oh, on voit même les osselets de l'oreille, c'est formidable… vous savez qu'on dit qu'il avait les oreilles d'un elfe de maison."

Poivre s'inclina aussitôt.

- Allez, arrêtez, lança Cadwallader d'un ton incrédule. "C'est un presse-papier en verre bien imité, tout bêtement !"

Même Matilda lui adressa un coup d'œil condescendant.

- Qu'est-ce qu'il fait là ? demanda Vivienne, partagée entre le dégoût et son émerveillement devant une découverte de cette valeur.

- Les livres n'en parlaient pas. Euphrosine, vous l'aviez déjà vu ? interrogea Terrence en se penchant sur la vieille dame qui s'appuyait lourdement contre lui.

- Il y a peut-être une inscription, reprit Gunter.

Il fronça un peu les sourcils, frotta ses mains sur sa robe de sorcier puis, avec déférence, souleva le crâne de son piédestal.

Et disparut.

Le crâne, lui, retomba sur son socle avec un petit bruit d'os narquois.

Matilda piaula de terreur.

- Où est-il ? s'écria Vivienne, épouvantée.

Calcifer éclata de rire et s'évapora, les laissant seuls dans la lueur blanchâtre qui vacillait, terriblement vulnérables au milieu des ombres frémissantes.

Dans le brouhaha d'exclamations effrayées, Wendy tira en l'air un sortilège qui fusa comme une flèche bleue dans l'obscurité puis explosa, retombant en une pluie d'étincelles qui se perdirent dans le noir.

Albus mordillait l'intérieur de sa joue. Il rassembla ses béquilles dans une seule main et sauta à cloche-pied jusqu'au piédestal. Il réfléchit encore quelques instants, puis tendit soudain la main et la posa sur le crâne de cristal.

- NON ! hurla Scorpius.

Mais c'était trop tard. Albus s'était volatilisé lui aussi.

Dans la panique à son comble, Terrence laissa Euphrosine à Christopher et se fraya un passage sur le devant.

- Du calme, du calme ! cria-t-il. "S'il vous plaît, taisez-vous. On va trouver une solution."

L'elfe obéit immédiatement. Eperdue, Matilda se tourna vers le médicomage. Vivienne se redressa, les lèvres pincées et les poings serrés pour cacher ses mains qui tremblaient. Wendy ravala ses larmes et la Citrouille lui toucha légèrement la joue du bout d'une de ses mandibules. Scorpius ferma les yeux un instant et prit une grande respiration qui ramena un peu de couleur sur son visage exsangue.

Christopher, qui peinait sous le poids de la vieille magicienne, étira le dos avec un grognement.

- Vas-y, le génie, lança-t-il. "Eclaire-nous et fais vite. J'en ai assez de ce trou."

Terrence réfléchit à toute vitesse.

- D'abord, Poivre, essaie de voir si tu peux retrouver ton maître.

- Poivre est un être libre, répliqua l'elfe de sa voix monocorde. "Il va où il veut."

Il se concentra.

Et rien ne se produisit.

Etonné, il rouvrit les yeux.

- Poivre est toujours avec eux, constata-t-il. "Il n'a pas pu transplaner."

- Mais tout à l'heure, t-tu as pu, bégaya Wendy.

- Nous sommes coincés !

- Il y a un sérieux problème avec la magie, ici !

- Qu'est-ce q-q-q-qu'on v-va faire ?

Terrence leva les mains pour empêcher l'anxiété collective de gonfler davantage.

- Attendez, attendez. Bon.

Il se frotta le bout du nez, croisa les bras et contempla ses chaussures pendant quelques minutes qui parurent interminables aux autres.

- Bon, répéta-t-il finalement. "Ce crâne pourrait être un piège. Du style, il nous déphaserait. On croirait que Gunter et Albus sont partis, mais en fait ils seraient toujours là, mais invisibles à nos yeux et à nos oreilles. Ou alors, ça transforme les gens en poussière. Littéralement."

Quelque chose passa dans l'ombre, au-delà du cercle de lumière.

Un chuchotement ou un vif mouvement.

Wendy avait l'impression qu'un regard avide et cruel lui vrillait le dos. Si elle se retournait est-ce que…

- Mais je ne pense pas que ce soit le cas, continua Terrence. "La dernière possibilité, c'est que c'est un Portoloin."

- Mais il est toujours là ! couina quelqu'un.

- Un genre de Portoloin, précisa le médicomage. "Je pense qu'on devrait tous le toucher."

Une nouvelle tempête de protestations angoissées s'éleva.

- Et si ça nous envoie à plein d'endroits différents ?

- Ce n'est qu'une supposition !

- On v-va tous m-mourir !

- Tu es sûr de toi ?

Terrence croisa le regard déterminé de Wendy et sourit.

- Non, j'suis pas sûr, dit-il simplement. "Mais je pense que c'est notre meilleure option. Peut-être que c'est la seule porte de sortie pour ce gouffre, en fait. Une sorte d'épreuve intellectuelle."

La jeune fille hocha le menton.

- Faisons-le, croassa la voix chevrotante d'Euphrosine. "La lumière diminue."

Christopher jeta un coup d'œil inquiet autour de lui.

- Oui, et je doute qu'une poignée de pierres de lave puisse tenir en respect ce qui se cache dans les ombres.

Vivienne acquiesça et Matilda l'imita fébrilement. Scorpius inclina brièvement la tête, la main crispée sur sa baguette dont la lueur crachotait, proche de s'éteindre.

- Hum, dit Poivre.

- Les béquilles d'Albus sont parties avec lui et le sac de Gunter aussi, dit Terrence en se tournant vers Wendy. "Je pense que si tu grimpes sur la Citrouille et que tu t'y accroches fermement, elle devrait suivre."

L'obscurité s'agita, irritée. Scorpius crut voir scintiller brièvement un éclat qui aurait pu être celui d'un croc ou d'un œil. Quelque chose frôla la cheville de Matilda qui était un peu trop proche du bord du cercle de lumière rétrécissant rapidement. Elle étouffa un cri de terreur et agrippa la manche de Vivienne.

- Tout le monde est prêt ? demanda Terrence.

Une grosse goutte coulait sur son front.

Le crâne luisait dans le noir, illuminé de l'intérieur. Ils se serrèrent autour de lui, tendirent la main en retenant leur souffle.

A l'instant où leurs doigts effleurèrent la surface lisse et étrangement tiède, la sensation familière crocheta leur nombril, les arracha à l'obscurité qui fondait sur eux et les projeta à travers l'espace. Tout se mit à tourner, un million d'étoiles les éblouit, pétillant sur leurs rétines comme un crépitement de flashs, et ils furent brusquement recrachés dans un endroit rempli de lumière dorée.

Avec un fracas de métal cabossé, la Citrouille roula, rebondit et atterrit finalement en soulevant une vague d'eau.

- Ah, les voilà, s'exclama la voix joyeuse de Gunter.

- Et en un seul morceau, en plus, ricana Calcifer.

- Les gars, ça va ? demanda Albus d'un ton amusé.

Ils se redressèrent en grognant. Ils s'étaient écrasés pêle-mêle, comme des coquillages lavés dans un panier à salade et durent dépêtrer un imbroglio de bras et de jambes.

Quand ils y virent plus clair, ils restèrent si ébahis qu'ils ne purent rien dire pendant un moment.

- Incroyable, hoqueta finalement Scorpius.

- C'est magnifique, souffla Vivienne.

- J'y crois pas, balbutia Terrence.

Un papillon aux ailes semblables à du parchemin incandescent se posa sur le nez de Vivienne et ses pattes de soie la chatouillèrent à éternuer. Elle voulut le chasser mais Euphrosine l'en empêcha.

- Ne le touchez pas, pantela-t-elle. "C'est un Savoir. Il ne faut surtout pas essayer de les attraper ou de les posséder, simplement les laisser murmurer à notre oreille."

Wendy se leva, dégoulinante d'eau fraîche délicatement parfumée. Elle s'était écrasée un peu plus loin, entraînée par le véhicule, dans une rivière tapissée de sable blond. Un poisson frétilla dans sa manche et s'échappa d'un léger bond, traçant un bref arc étincelant avant de plonger de nouveau.

Ils étaient dans une forêt. De grands arbres aux troncs noueux déployaient leur feuillage verdoyant au-dessus de leurs têtes. La terre moelleuse était recouverte d'herbe d'un vert vif, de rochers moussus, de fougères aux nuances d'émeraude. Une clarté bienveillante tendait des voiles d'or à travers les frondaisons et les buissons joufflus, jouant avec les guirlandes de petites fleurs jaunes et bleues, mouchetant de lumière les champignons aux curieux chapeaux bruns. Des branches centenaires dentelées de lichens ployaient au-dessus de la rivière, piquetées d'aigrettes roses et de grappes de pétales blancs. Au milieu d'une clairière, des insectes bourdonnaient sans hâte dans une vapeur lumineuse.

Tout embaumait et des chants d'oiseaux cristallins répondaient au murmure aigrelet de la rivière. C'était…

- Le p-paradis, bégaya Matilda.

- Pour les végétariens et les biologistes peut-être, dit Gunter en riant. "Mais ça manque un peu de gibier et de confort moderne pour les autres, je crois. Wendy, avez-vous besoin d'aide pour sortir la Citrouille ? Je ne pense pas qu'il soit prudent de la laisser dans l'eau."

Le papillon qui butinait le nez de Vivienne s'envola et la jeune fille tressaillit, secouant la béate quiétude qui l'engourdissait. Elle se mit au travail. Albus, depuis la souche à l'écorce blanchie sur laquelle il était assis, l'aida à déplacer le véhicule vers un endroit plus stable et plus sec. Les autres, pendant ce temps, découvraient la forêt ensoleillée dont les milles odeurs les faisaient glousser de plaisir.

Deux heures plus tard, ils étaient merveilleusement bien installés. Il y avait quelque chose dans l'air ou dans l'eau qui ravivait les forces, délassait les muscles, effaçait les douleurs, vous donnait un sentiment optimiste.

Vivienne et Gunter chantaient un duo, l'une en brossant sa chevelure flamboyante, la tête en bas, l'autre en barbotant, les pieds dans l'eau. Scorpius était étendu à plat-ventre dans l'herbe douce comme de la soie et écrivait son rapport, les cheveux encore humides de son bain. Poivre revenait, les bras remplis d'une abondante cueillette de cèpes et de baies. Euphrosine se reposait dans un fauteuil en osier, savourant la brise légère qui virevoltait entre les arbres.

Matilda était agenouillée avec sa petite pelle, ses minuscules ciseaux et son énorme plume d'autruche rose. Les joues déjà badigeonnées de terreau, elle dessinait passionnément et gribouillait avec ardeur en collant des échantillons dans son herbier.

Terrence étiquetait des flacons : il avait lui aussi fait provision de plantes médicinales et de bizarreries à examiner de plus près. Dans le hamac suspendu sous une arche de verdure, Christopher ronflait, les bras croisés derrière la tête.

Wendy et Albus étaient partis… "voir s'il y avait des créatures". Ils n'avaient dupé personne. Ils revinrent au bout d'un moment, en se tenant par la main, et bien entendu, ils n'avaient rien déniché.

Calcifer était perché dans un arbre, presque invisible dans la clarté dorée, et semblait rêveur. La tête engoncée dans son jabot de flammes orangées, on aurait tout à fait pu le confondre avec une grosse poule rousse.

Les papillons aux ailes incandescentes dansaient dans le camp, aussi libres que des pensées.

Au souper, Poivre servit une magnifique omelette aux champignons, onctueuse à souhait, qui fut dévorée en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire le mot Quidditch, et il fut acclamé pour sa tarte sablée aux fruits rouges.

Tout le monde appréciait le revirement de situation, après la longue randonnée à travers les champs glacés de sastrugi, la chute interminable au fond de l'Axe, la marche pénible dans la galerie étroite, la descente éprouvante de la falaise et surtout l'horrible gouffre sombre. Mais beaucoup de questions restaient sans réponses et une fois l'estomac plein, le corps reposé par plusieurs heures de sommeil paisible – la nuit n'était jamais tombée, mais la lumière s'était tamisée pendant un moment – les membres de l'équipe se sentirent prêts à repartir à la chasse au mystère.

La Citrouille se souleva et gratta, perplexe, la mousse qui commençait à broder une dentelle verte sur son lourd ventre doré, puis elle suivit Wendy qui la sifflait.

Une nuée de papillons s'envola d'un buisson en laissant une traînée de poudre scintillante derrière elle et précéda le groupe, butinant sans se presser.

Terrence marchait en plaisantant d'une manière suffisamment forcée pour Christopher le remarque. Le géologue, cependant, ne dit rien. Il savait bien ce qui chiffonnait son collègue : il avait surpris la conversation de celui-ci avec Albus, la veille, en venant chercher une chemise de rechange à l'intérieur, au moment où le médicomage faisait son examen quotidien.

- Comment t'avais deviné que c'était un Portoloin et pas quelque chose de potentiellement mortel ?

- Je n'avais pas deviné, avait répondu Albus en baissant les yeux. "C'était ça ou crever dans les ombres. Je pensais que ça m'emmènerait peut-être à quelqu'un et que je pourrais négocier pour vous faire sortir de là."

Le visage de Terrence s'était figé, puis il s'était mis à fouiller dans sa trousse à pharmacie avec des gestes brusques.

- J'ai toujours su que t'étais un idiot, mais je pensais que tu débrouillerais pour me donner tort, avait-il grincé au bout d'un moment.

- Pardon, avait murmuré Albus.

Et ensuite ils n'avaient plus rien dit.

Christopher pensait que, parfois, ne pas avoir d'amis du tout était bien plus simple à vivre.

La forêt s'étendait sur des kilomètres et des kilomètres. Ils cherchaient encore d'où pouvait bien venir la lumière : il n'y avait pas de ciel, seulement la voûte d'une caverne, très loin au-dessus des arbres, frangée de longues stalagtites translucides qui étincelaient. La brise les accompagnait, légère et parfumée, et ils entendaient toujours les oiseaux, mais ils n'en voyaient aucun. Le sol meuble était souple et agréable sous leurs semelles et ils avançaient comme en promenade, en remontant la rivière, dans l'espoir qu'elle les mène à l'origine de quelque chose.

Les papillons allaient aussi dans cette direction, dans un froufrou de battements d'ailes. Christopher les craignait un peu : lorsque l'un d'eux s'était posé sur son bras, dans l'après-midi, il avait ressenti une vive douleur sous son pied. Et plus tard, il avait vu Terrence grimacer en frottant sa nuque, alors qu'un autre papillon lui butinait l'oreille.

Le lendemain, ils n'avaient toujours rien trouvé. Matilda était aux anges, mais les autres commençaient un peu à s'inquiéter. Vivienne avait émis l'hypothèse que tout ceci n'était peut-être qu'un autre piège, une cage dorée et plaisante pour remplacer celle terrifiante qu'ils avaient laissée au fond du gouffre.

Mais c'était difficile d'imaginer quoi que ce soit d'hostile dans cette forêt aux allures de paradis vierge.

A la fin de la matinée, ils découvrirent enfin une créature.

Ce fut Euphrosine qui la vit en premier. Avec un petit hoquet, elle s'arrêta pile et mis sa main en visière.

- Bonjour, dit-elle d'une voix douce.

Les autres suivirent son regard et plusieurs exclamations furent étouffées.

- Oh que c'est moche, souffla Vivienne.

C'était assez laid, en effet, même si Matilda maintiendrait jusqu'au bout qu'elle l'avait trouvé absolument adorable. On aurait dit une espèce de bébé fantôme potelé, affublé d'une tête grotesque qui roulait sur ses épaules avec un bruit de crécelle.

La créature semblait tout à fait inoffensive, intriguée de les voir, surtout. Perchée sur une large feuille, elle se contenta de les examiner. Puis elle fondit dans le paysage et disparut.

- Qu'est-ce que c'était encore ? grommela Christopher.

- Un dabberblimp, pouffa Albus. "Le dabberblimp est un animal aquatique nocturne-"

- N'importe quoi, soupira Wendy. "Arrête de te moquer d'elle."

- Elle qui ? demanda Gunter.

- La marraine de sa sœur, Luna Lovegood, répondit la mécano.

- Il y avait une demoiselle de ce nom-là à Poudlard, dit pensivement Poivre.

- Est-ce que vous croyez qu'il va revenir ? demanda Scorpius en fronçant les sourcils, baissant le carnet qu'il avait à la main.

Il n'avait pas achevé le dessin sous lequel il avait écrit "premier contact en terre inconnue."

Euphrosine eut un sourire en coin.

- Oh oui, dit-elle. "Et pas tout seul. Matilda, vous savez de quoi il s'agit, n'est-ce pas ?"

La biologiste hocha vivement la tête, les joues rougissantes.

- C'est un esprit sylvain, qu'on appelle aussi écho ou enfant de lune. On les trouve dans les forêts très saines, là où la végétation n'a pas été encore souillée par la pollution. C'est la première fois que j'en vois un."

- Ce que je voudrais savoir, dit Gunter gravement, c'est par où passe la lune. Il n'y a pas le moindre orifice dans le plafond de cette grotte – autant que nous le sachions – et nous sommes à des miles sous terre…

Un papillon incandescent se posa sur son épaule et il sourit, le cueillit sur le bout de son doigt puis le laissa s'envoler.

- Allons, continuons, dit-il.

La brise était douce et soufflait légèrement dans le feuillage riche des arbres.

Ils revirent un autre esprit sylvain un ou deux kilomètre plus loin.

- Ce n'est pas le même, dit Terrence. "Celui-ci a le visage plus allongé."

- J'aimerais bien qu'ils arrêtent avec ce bruit, marmonna Vivienne qui avait du mal à supporter l'écho de grelot désincarné que faisait la tête des petits bonshommes fantomatiques en tournant sur leur cou.

Deux ou trois autres enfants de lune se montrèrent ensuite, sortant de la terre brune comme des champignons sous la pluie. Ils se mirent à courir à côté des voyageurs et Matilda n'arrêta pas de s'extasier sur leurs petites fesses d'angelots, ce qui fit lever les yeux à Scorpius tellement de fois qu'il trébucha plus souvent sur des racines que la biologiste. Christopher et Terrence les trouvaient très amusants et leur faisaient des signes que les créatures imitaient immédiatement.

Wendy sifflotait et la Citrouille la suivait en enjambant des souches sur ses longues pattes articulées et en se débattant dans les longues lianes vertes qui cascadaient gracieusement des arbres.

Poivre s'était lancé dans un grand débat avec Albus au sujet de Luna Lovegood et Gunter les écoutait en riant doucement, tout en suivant des yeux le vol des papillons dorés.

Il leur fallut un moment pour réaliser que Calcifer avait disparu.

Mais avant que quiconque ne s'affole ou n'accuse le daemon de leur avoir faussé compagnie, Euphrosine posa un doigt sur ses lèvres.

- Il va revenir, chuchota-t-elle, les yeux pétillants de malice. "Il a peur des enfants de lune."

Et effectivement, ils ne revirent Calcifer qu'une seule fois, au moment du souper où il vint réclamer des couennes comme d'habitude. Il était en train de se vanter de sa voix pointue de pouvoir engloutir quatorze douzaines d'œufs lorsqu'un esprit sylvain se matérialisa soudain sur un coussin de mousse à côté de Christopher. Calcifer se hérissa en sifflant et se volatilisa immédiatement, oubliant son butin de lard. Tout le monde éclata de rire et l'enfant de lune fit rouler sa tête avec son habituel bruit de crécelle. Il était aussi inexpressif que tous ceux qu'ils avaient vus jusque-là, mais les membres de l'équipe auraient juré qu'il riait.

Dans la lumière tamisée qui s'étendait sur la forêt et tenait lieu de nuit, les papillons incandescents tourbillonnaient au-dessus de la rivière.

A l'aube – ou du moins quand l'épouvantable montre de Scorpius décréta que c'était l'aube – ils se remirent en route et ne tardèrent pas à se rendre compte que le paysage commençait à changer. Il y avait moins de fleurs et les troncs semblaient plus rapprochés, le bois plus sombre, les buissons plus touffus et la rivière plus lente, d'une brillance opaque.

Les petites créatures fantomatiques étaient plus nombreuses.

Les papillons aux ailes de feu aussi.

Finalement ils débouchèrent dans ce qui semblait être une clairière et qui se révéla être une grande étendue d'eau d'un vert scintillant, morcelée par de petites îlots moussus grappillés d'ombelles, caressée par la lumière dorée qui passait entre les arbres et se déposait sur la surface à peine ridée par la course rapide d'une araignée ou le baiser d'un Savoir.

Terrence sortit la longue-vue de son sac.

- On dirait qu'il y a l'entrée d'une autre caverne, là-bas, dit-il en tendant l'instrument à Gunter qui le porta à son œil et ne dit rien pendant un moment.

Accroupie sur la berge, Matilda récupérait des échantillons d'astilbes et de gratioles.

- D'après l'astrolabe, c'est dans cette direction aussi qu'on doit aller, dit Vivienne. Elle secoua une ou deux fois la boussole, puis soupira. "Je ne sais pas comment il marche sans étoiles, mais il est plus utile que cette chose qui a perdu le Nord."

Une brassée de papillons incandescents décolla derrière eux et s'en fut comme un long ruban doré et palpitant en direction de l'ouverture sombre à peine visible au-delà de l'étendue d'eau.

Les esprits sylvains grelottèrent tous ensemble, puis s'évaporèrent avec, pour la première fois, un étrange sourire sur leurs faces lunaires.

- On va traverser, dit Gunter.

- Je vais avoir besoin d'aide pour la Citrouille, avertit Wendy qui avait évalué la distance. "Elle est imperméable, d'accord, mais ce n'est pas un sous-marin."

- Peut-être qu'elle pourra passer d'un îlot à l'autre, dit Scorpius. "Si tu actives le mode Guerris, ça devrait déjà te soulager un peu."

La mécano réfléchit quelques instants, puis son visage s'éclaira.

- Oui, pas mal, dit-elle.

Terrence lança un coup d'œil vers Albus en redoutant déjà l'inévitable dispute : il ne pensait pas qu'il soit très sain de patauger dans de la flotte stagnante avec un moignon dans cet état.

- J'espère que ce n'est pas trop profond, dit Christopher.

Il sonda le fond de l'étang avec un bâton, soulevant un nuage de vase verdâtre, puis se jeta un sort pour rester sec et sauta dans l'eau où il fit quelques pas.

- Hum. Ça a l'air bon, pour l'instant. Matilda, est-ce que ça risque de changer de dénivelé ou est-ce que ça va rester comme ça tout le long ?

Surprise qu'on s'adresse à elle pour une question aussi importante, la jeune femme rougit.

- Euh, bredouilla-t-elle. "Je p-pense qu'on ne d-devrait pas a-avoir de p-problème, mais on ne sait ja-jamais… il y a p-parfois des t-trous d'eau…"

- Et c'est l'Axe, ici ! claironna Calcifer en apparaissant de nulle part. "Restez sur vos gardes !"

Tout le monde sursauta, mais la biologiste, devant laquelle il avait surgi, perdit l'équilibre et glissa sur la berge recouverte de mousse. Elle ferma les yeux, s'attendant à atterrir dans l'eau avec un plouf retentissant, mais rien ne se produisit. Elle heurta quelque chose de doux et soyeux, d'un peu tiède et ne se fit pas mal.

- Par la barbe de Merlin, articula quelqu'un d'une voix ébahie et elle ouvrit timidement les yeux pour s'apercevoir qu'elle était assise à la surface de l'eau.

Les autres la fixaient d'un air stupéfait.

- Whaouh, dit Terrence.

- Co-comment tu fais ça ? bégaya Vivienne.

Matilda essaya de se redresser et y parvint assez facilement. Les yeux écarquillés et les joues roses de plaisir, elle marcha un peu et ne s'enfonça absolument pas.

Sous ses pieds, l'eau ondoyait et de petits poissons argentés s'enfuyaient devant son ombre. Elle voyait parfaitement bien les algues graciles, les graviers mêlés d'éclats de mica et même quelques coquillages aux formes biscornues qui n'appartenaient pas au monde à l'extérieur de l'Axe.

- C'est fanta-a-astique ! s'écria-t-elle avec un petit sautillement de joie.

Christopher avait un air un peu dépité, debout dans la flotte jusqu'aux cuisses, mais Gunter et les autres avaient l'air épaté.

- Voyons voir si ça marche avec moi, dit soudain Terrence.

Sans hésiter, il descendit de la berge.

L'eau ne lui effleura pas même les chevilles. En quelques pas, il eut rejoint Matilda, lui aussi en suspension miraculeuse au-dessus de l'étang.

- Fabuleux, dit Gunter enchanté.

Il fit un pas pour imiter le médicomage et tomba lourdement, aspergeant tous ceux qui se trouvaient autour. Crachotant, trempé, il se releva, aidé par Christopher et eut une moue si désappointée qu'ils eurent pitié de lui et ne se moquèrent pas – enfin, sauf Calcifer qui se convulsa de rire.

- Alors ça ne marche pas avec tout le monde, marmonna Scorpius. "Voyons voir avec moi."

Il prit la peine de se protéger avec un sort d'imperméabilisation, puis s'avança prudemment.

Mais la magie s'opéra avec lui aussi et il leva les yeux, enchanté et perplexe, retenant à grand' peine une excitation de gosse.

Wendy prit son élan, courut – et se retrouva à patiner sur l'étendue d'eau, hurlant de joie.

Albus fut le prochain à se risquer sur la berge. Ils crurent d'abord qu'il allait couler, car ses béquilles s'enfoncèrent et lui firent perdre l'équilibre, mais aucun centimètre de son corps ne passa à travers la surface. Terrence vint vers lui et passa son bras sous les aisselles de son ami pour le soutenir.

Tout à son étonnement ravi, Albus ne protesta pas.

Les papillons aux ailes de feu étaient revenus et virevoltaient autour d'eux dans un joyeux battement d'ailes.

Euphrosine ramassa ses jupons et tendit une bottine méfiante vers l'eau à peine troublée par les glissades sauvages des jeunes.

La vieille magicienne prit une grande respiration. Elle croisa le regard de Gunter dont les cheveux gris dégoulinaient et il lui adressa un de ses sourires malicieux en faisant signe qu'il la rattraperait.

Mais Euphrosine ne coula pas. Elle éclata de rire lorsqu'elle s'en aperçut et ils eurent l'impression d'entendre une gamine farceuse.

Vivienne renifla et attacha sa lourde chevelure cramoisie en queue de cheval. Elle souffla entre ses dents, se concentra et quitta la berge…

… pour se retrouver au fond de l'eau trouble, mortifiée et trempée des pieds à la tête.

Poivre eut le même sort humiliant et Christopher dut l'attraper et le percher sur la berge, car l'elfe était si petit que seul le bout de son nez crochu dépassait de l'eau quand il était debout dans l'étang.

- Bon, ben, on va faire comme ça, alors, se résigna le chef d'équipe. "Allez, en route !"

Calcifer essuyait de fausses larmes d'hilarité et ceux qui n'avaient pas flotté ne furent pas mécontents quand un esprit sylvain apparut soudain derrière le daemon et tendit la main comme pour lui tirer sur la queue, provoquant un nouveau hululement de terreur.

Wendy sortit sa baguette et lévita la Citrouille. Ses talons basculèrent un peu, mais elle ne s'enfonça pas. Scorpius se joignit à elle et ils transportèrent le véhicule d'un îlot à l'autre, laissant la machine crapahuter quand elle le pouvait entre deux troncs d'arbres en forme d'arche. Euphrosine avançait gaiment, comme si elle se rendait à un pique-nique, accompagnée d'un essaim de poissons argentés visiblement fascinés par la danse des jupons au-dessus de la surface.

Terrence avait repêché les béquilles et les avaient allongées comme des sortes d'échasses pour permettre à Albus de se débrouiller seul. Le médicomage, ensuite, était revenu à la tête et scrutait les alentours avec la longue-vue.

Les papillons incandescents les accompagnaient, brillants à la lumière dorée qui filtrait à travers le baldaquin verdoyant, dessinant des arabesques et des serpentins sur la surface lisse de l'eau.

Christopher avait chargé Poivre sur ses épaules, malgré les protestations scandalisées de l'elfe. Gunter progressait lentement, gêné par sa robe de sorcier lourde d'eau. Le fond vaseux était troublé à chaque pas et Vivienne poussait de temps en temps un petit cri, prétendant qu'un brochet venait de la mordre, un poisson-chat de la chatouiller ou des sangsues de se glisser dans ses bottes. Mais personne ne l'écoutait.

Les théories allaient bon train, mais personne ne se satisfaisait d'aucune.

Terrence était le seul à ne rien dire. Il avait bien une idée de la raison pour laquelle certains avaient pu marcher sur l'eau et d'autres non, mais il la trouvait embarrassante et préférait la garder pour lui-même.

Après plusieurs heures, ils parvinrent enfin de l'autre côté, à l'orée d'une grotte. Christopher, qui était sec, alla y jeter un coup d'œil avec Scorpius et Terrence.

C'était une sorte de galerie en pente aux broderies de pierre délicates, creusée de gours d'un blanc d'albâtre et remplis d'une eau opaline glacée.

- Bon, à défaut de se baigner, on ne mourra pas de soif, déjà, dit Terrence d'un ton ironique.

Christopher rit avec lui et ils en furent tous les deux surpris.

Cet étrange voyage les avait rapprochés et ils avaient du mal à se rappeler pourquoi ils s'étaient tant détestés.

Les béquilles d'Albus cliquetèrent derrière eux et Terrence sursauta, la mémoire rafraichie.

Un papillon doré effleura l'oreille de Christopher et il étouffa une exclamation de douleur, soulevant vivement son pied pour machinalement vérifier qu'il ne venait pas de marcher sur une épine.

- C'est par là, alors ? demanda Albus. "Vivienne est en train de faire un procès à Gunter au sujet des alluvions dans sa culotte, alors ce serait bien si on pouvait annoncer le départ."

Wendy lui donna une tape sur le bras en s'approchant.

- Un peu de compassion, souffla-t-elle avec un éclair de malice au fond des yeux.

Scorpius, qui arrivait derrière elle, était sur le point d'ajouter une remarque sarcastique, lorsqu'un papillon frôla sa joue. Il se plia en deux de douleur, une main crispée sur son bras gauche.

- ça va ? s'inquiéta Wendy aussitôt.

- Il y a quelque chose de bizarre avec ces papillons, dit Christopher d'un ton grave.

Albus en cueillit un sur le bout de ses doigts.

- Mais non, dit-il doucement.

L'insecte gracieux lui toucha le nez en y laissant un peu de poudre dorée, puis s'envola.

Scorpius sourit, oubliant la brûlure dans son bras et Wendy se rapprocha pour quémander aussi un baiser.

Terrence se détourna et Cadwallader se sentit complètement ridicule.

Les papillons n'avaient certainement aucun lien avec le mot renoncer gravé sur leur peau. Ce devait être un effet de son imagination.

Matilda vint les rejoindre dans la grotte.

- On y va ? demanda-t-elle d'un air un peu affolé.

Christopher se força à sourire.

- Oui, répondit-il. "La galerie a l'air en parfait état."

Il devait déjà être tard, ils étaient tous fatigués et agacés d'avoir à supporter les plaintes de Vivienne à qui être mouillée n'avait pas du tout réussi. Sa queue de cheval magnifique s'était transformée en une masse de bouclettes flamboyantes, elle tremblait de froid malgré les sorts de chaleur qu'elle se jetait à répétition et son maquillage avait coulé de façon désastreuse. Calcifer, qui avait reparu dès qu'ils avaient été à distance respectable de la forêt, prétendit qu'il allait l'aider à se réchauffer et ne réussit qu'à lui frisotter un peu plus les cheveux. Une odeur de brûlé s'éleva dans la galerie et il fallut toute la diplomatie de Gunter pour apaiser l'astronome.

Poivre, qui avait faim, se mit à réciter une recette de cuisine qui leur mit l'eau à la bouche, puis Wendy entonna une chanson ridicule et tout le monde la reprit en chœur. La Citrouille cliquetait joyeusement derrière eux. La descente n'était pas très difficile. Ils contournaient les bassins de pierre naturelle et admiraient les dentelles de stalagmites en passant, mais avaient hâte d'arriver de nouveau dans une partie plus vivante – plus inattendue – de l'Axe.

Et ce fut exactement ce qui se produisit lorsqu'ils débouchèrent enfin à l'air libre.

Devant eux, sous un ciel bleu éclatant, s'étendait une plaine couverte de hautes fleurs jaunes que butinaient des milliards et des milliards de papillons incandescents.

Matilda réalisa tout de suite le danger et exécuta précipitamment un sortilège de Têtenbulle.

- Attention, ne r-respirez p-pas le p-pollen ! s'écria-t-elle.

Mais il était trop tard. Les autres avançaient déjà dans le champ poudré d'or d'un air absent, les yeux dans le vague, leurs mains effleurant rêveusement les pistils de safran.

  

A SUIVRE...

  

Prochain chapitre : ENFIN L'INDÉCIS POSERA SON FARDEAU

 

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