Le lion et le serpent
Je me réveillai pour la première fois dans le dortoir aux teintures rouges. C’était mon premier jour de classe et mon cœur en battait d’appréhension.
Je retrouvai Rose dans la salle commune. Après avoir tellement entendu James m’en parler, j’arrivais à peine à croire que j’y étais vraiment. Certes, il n’y avait pas de lutins qui volaient sous le plafond, et les fenêtres ne donnaient pas sur un enclos à dragons, mais c’était quand même génial.
Nous avions un cours de métamorphose avec le professeur Eagle en première heure. C’était une femme avec de longs cheveux noirs et elle ne tenait de son nom que son regard perçant. Nous avions cours commun avec les Serdaigle dont elle était la directrice. Elle ne fit cependant aucune différence de traitement pendant son cours, bien que ses élèves participent plus que nous, si on omet Rose évidemment. Elle était tellement pressée de montrer ce qu’elle savait que je crus qu’elle allait arracher les yeux au pauvre Jared qui était assis devant nous et levait la main régulièrement. Pour ma part, j’essayais de suivre mais je trouvais le cours ennuyeux sans magie et les schémas qu’elle présentait compliqués.
Je ne m’étais pas trompé. Je me sentais comme chez moi dans la salle commune de Serpentard. Et mon premier cours était potion, une chance ! J’aimais tester des choses chez moi et je savais que j’allais apprécier cette matière.
Ma joie fut cependant de courte durée lorsque j’appris que nous avions cours avec les Poussouffle. Je m’installai en lançant un regard inquiet en direction d’Alice. Pourvu qu’elle ne fasse pas sauter son chaudron. Quelque chose dans sa manière de faire tomber ses affaires sans arrêt me disait qu’elle en était tout à fait capable…
Le professeur, Monsieur Cauldron, était le directeur de Serpentard. Il était autoritaire et n’hésitait pas à crier après les élèves inattentifs, bien que je jurerais qu’il faisait semblant de ne pas entendre Fiona, qui ne cessait de chuchoter des choses que personne n’écoutait.
Le moment de préparer notre première potion arriva enfin, et je sortis mes ingrédients avec plaisir. C’était quelque chose de vraiment simple, que tout le monde pouvait réussir du premier coup, ce qui n’empêcha pas Alice d’obtenir une épaisse substance d’un rouge toxique, à la place du liquide clair souhaité. Le professeur Cauldron retira 10 points à Poussouffle.
S’il avait su comment se passeraient les cours suivants, il lui aurait donné dix points pour ne pas avoir fait exploser son chaudron.
J’eus ensuite un cours mortellement ennuyeux d’histoire de la magie avec le professeur Binns, un prof qui avait enseigné à mon père, au père de mon père et au père de mon père… Bref, un fantôme qui aurait mieux fait de prendre une retraite bien mérité. Je pensais un instant aux nombreuses autres générations auxquelles il enseignerait et me sentis découragé. On devrait interdire aux esprits d’enseigner.
Après la pause où l’air frais me réveilla après ce cours soporifique, j’allais avec ma classe en cours de défense contre les forces du mal. Mon père m’en avait parlé et c’était la matière que j’attendais avec le plus d’impatience.
Nous avions cours avec les élèves de Serpentard cette fois. Je regardai Malefoy, mais il semblait éviter soigneusement mon regard. A moins que je ne me fasse des idées. Son comportement m’agaça sans que je pus m’expliquer pourquoi. Et mon humeur ne s’arrangea en rien lorsque je vis le professeur.
Il était vieux et sec comme une brindille. De fines cicatrices parcouraient son visage et ses mains étaient rachitiques. Son expression était franchement antipathique.
- Silence, asseyez-vous ! fit-il. Je suis le professeur Trikey et je serais votre professeur de défense contre les forces du mal cette année. Inutile que j’espère être là l’année prochaine, ce poste est maudit, tout le monde le sait. Bref, sachez simplement que j’étais jusqu’à l’année dernière le chef du bureau des aurors, avant qu’on ne me dise qu’il fallait laisser la place aux plus jeunes et plus compétents. Comme si j’étais fini ! Bref, nous allons commencer le cours par les différentes créatures magiques de Grande Bretagne parmi les moins dangereuses. Alors, qui peut m’en citer ? Au hasard… Monsieur Potter.
Je sentis le rouge me monter aux joues et balbutiai quelques créatures au hasard. Il me lança un regard mauvais puis repris la parole.
La séance fut éprouvante. Il ne cessait de m’interroger, ignorant Rose qui allait sûrement se déboiter l’épaule à force de lever la main.
Je regardais le professeur s’acharné sur Potter, content de ne pas être à sa place. Le pauvre bafouillait des réponses de plus en plus incohérentes. Je lui aurais bien lancé un signe d’encouragement, mais il ne se tourna pas vers moi. D’ailleurs, pourquoi l’aurait-il fait ? Quant à moi, je devais arrêter de me soucier des autres. Ce n’étais pas dans ma nature, ce n’est pas aujourd’hui que ça allait commencer.
Je m’assis à la grande table de Griffondor, affamé et énervé. James et ses amis s’assirent près de nous peu après.
- Tu as eu le professeur Trikey ? lui demandais-je aussitôt.
- Cette vieille branche ! s’exclama-t-il, le regard soudain sombre. Je l’ai eu en première heure !
Puis, à ma grande surprise, son regard s’éclaira et il me sourit.
- Ne t’inquiète pas, avec mes amis on va s’en charger.
- Vous n’avez pas l’intention de faire quelque chose d’interdit, j’espère ? lança aussitôt Rose.
- Non, bien sûr que non.
Son ton sonnait délibérément faux. Je pensai un instant à la tête que ferais nos parents lorsqu’ils recevraient leur premier mot de Poudlard au sujet de James et fus brusquement pris d’un sentiment de nostalgie. Une seule matinée s’était passée et la maison me manquait déjà. C’était minable.
- Qu’est-ce que vous avez, après ? demanda James.
- Cours de vol, répondit Rose sans enthousiasme.
Contrairement à moi qui sentit mon moral remonter en flèche.
- On est encore avec les Serpentard, ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel.
James lui fit une moue compatissante puis encore une fois, son regard s’éclaira.
- Le quidditch ! s’exclama-t-il. Je vais enfin pouvoir me présenter aux sélections !
Il passa le reste du repas à parler du poste qu’il aimerait occuper – il hésitait entre batteur et attrapeur – et je ne pensai à rien d’autre jusqu’au début du cours.
Le professeur Dubois était un homme à l’allure sympathique. Il nous adressa un large sourire lorsque nous prîmes place à côté des balais.
- Bienvenue à vote premier cours de vol, dit-il. Pour commencer, vous aller mettre votre main droite au-dessus de votre balais et dire « debout ! ».
Je baissai les yeux et m’exécutai. Le balai vint aussitôt se mettre dans ma main tendue. Il faut dire que ce n’était pas la première fois que j’allais monter sur un balai, mon père m’ayant permis d’utiliser son vieux Nimbus 2001, une vraie vieillerie. Mais il avait promis de m’en acheter un l’année prochaine et j’étais impatient.
- Debout !
- Debout !
Certains élèves continuaient de crier sans guère de résultats. Celui de la fille Weasley semblait vouloir au contraire s’en éloigner. En revanche, Potter avait eu le sien en même temps que moi.
Le professeur passa dans les rangs pour aider les derniers récalcitrants puis nous donna des instructions avant de nous laisser décoller.
Près de moi, il y avait un élève de Griffondor qui avait pris une teinte verdâtre assez déplaisante. Mais le professeur ne semblait pas l’avoir remarqué.
Le professeur Dubois donna un coup de sifflet, et je m’élevais avec plaisir dans les airs. Je n’étais certes pas aussi doué que James sur un balai, mais je me débrouillais pas trop mal et surtout, j’adorais ça.
Nous stagnions dans les airs depuis quelques secondes lorsqu’il se passa plusieurs choses simultanément.
Le balai de Rose fit une embardé et monta à plusieurs dizaines de mètres malgré ses cris hystériques.
Un élève de mon dortoir, Clives, ouvrit la bouche et rendit son déjeuner sur la tête du professeur.
Alors que celui-ci poussait un juron, Rose glissa de son balai et tomba.
Je réagis au quart de seconde. J’avais l’impression que Rose n’était qu’à un souffle du sol alors que mon balai était désespérément lent. Par miracle, je parvins à lui attraper un bras avant. Au même moment, un autre élève avait lui aussi réagit et saisit l’autre bras de Rose, dont la chute fut stoppée nette. C’était Malefoy.
Avec précaution, on la reposa sur le sol, mais lorsque ses pieds touchèrent le sol, elle perdit connaissance.
Tout ça s’était passé très vite, et le professeur avait à peine eut le temps de se débarrasser du vomi d’un coup de baguette magique.
- Et bien, dit-il en s’approchant, c’était moins une. Bravo les garçons, vous avez très bien réagi. Je vous donne 20 points chacun.
Il se baissa et prit Rose dans ses bras.
- Je vais emmener cette demoiselle, ainsi que celui-là, ajouta-t-il en désignant Clives du menton, à l’infirmerie. Si vous quitter le sol pendant mon absence, je vous interdis de quidditch à vie, c’est compris ?
Il ne plaisantait pas. Nous répondîmes « oui » puis il s’éloigna vers le château.
Le professeur partit, les élèves s’assirent en attendant qu’il revienne. J’étais inquiet pour Rose mais je savais qu’elle serait vite remise sur pied, sûrement avec la ferme intention de ne plus jamais quitter le sol.
Brusquement, je me rendis compte que Malefoy était encore à côté de moi et s’était muré dans un silence gêné.
- Merci, soufflais-je.
- Ce n’est rien, marmonna-t-il.
Il sembla vouloir ajouter quelque chose, mais il se détourna brusquement et alla rejoindre ses deux amis de Serpentard.
- Alors Scorpius, me fit Fiona lorsque je pris place près d’elle, tu sauves les demoiselles en détresse ? Tu aurais mieux fait de la laisser tomber, celle-là, ça aurait rendu service à la communauté.
Et elle éclata d’un rire moqueur.
- Je ne pouvais pas laisser toute l’attention à Potter, répondis-je avec tout le mépris dont j’étais capable. Il n’est pas le seul à savoir voler sur un balais je te signale…
- C’est vrai que sa mère joue pour les Harpies de Holyhead…
- Quoi ?
- Tu ne le savais pas ?
Elle se mit alors à nommer chaque joueuse de l’équipe en les détaillants et donnant son avis pour tout et j’arrêtais de l’écouter.
Rose ne reprit connaissance que le soir, horrifiée d’avoir manqué des cours dès son premier jour.
- Ne t’inquiète pas, j’ai pris des notes pour toi, la rassurais-je une énième fois.
- Merci, Albus, dit-elle en s’apaisant enfin. Si tu n’avais pas été là…
Elle ne finit pas sa phrase et frissonna.
- Je n’étais pas seul, fis-je remarquer. Malefoy aussi t’a sauvé.
Elle eut l’air surpris.
- Malefoy ? Je savais que quelqu’un d’autre m’avait attrapé mais je n’avais pas vu qui c’était.
Elle prit un air songeur avant d’ajouter :
- Je suppose qu’il ne voulait pas que tu sois le seul à briller pour ce premier jour.
C’était effectivement ce qu’avait dit Malefoy tout à l’heure. Ça m’avait laissé étrangement amer. Après tout, je m’attendais à quoi ? Il était à Serpentard, je n’avais aucune raison d’être étonné ou déçu. Pourquoi aurait-il été différent ?