Le lion et le serpent
A l’heure prévue, je me rendis dans le parc pour retrouver Hagrid. Il faisait encore jour mais le soleil était bas dans le ciel et il ferait bientôt nuit. J’espérais de toutes mes forces que je serais sorti de la forêt avant.
Je frappai à la porte de la vieille cabane et Hagrid m’ouvrit avec un grand sourire, comme si j’étais venu pour une simple visite de courtoisie. Il m’invita à boire un thé en attendant Malefoy et je m’assis, les jambes tremblantes.
- Inutile de t’en faire, me dit-il. Tant que vous serez avec moi, il ne vous arrivera rien. Même si…
Il ne put finir sa phrase car on frappa de nouveau à la porte et il alla ouvrir.
Je m’approchai de la cabane que j’évitais d’ordinaire, et où je n’aurai jamais pensé mettre les pieds. Comment pouvait-on vivre là-dedans ? Et un demi-géant en plus ?
Celui-ci m’ouvrit et je découvris que Potter était déjà là. Il ne me jeta qu’un bref coup d’œil avant de replonger son nez dans son énorme tasse ébréchée. Il était très pâle.
- Tu es là ! s’écria Hagrid. C’est parfait, on va pouvoir y aller.
Il ramassa une arbalète posée dans un coin de la pièce et sortit. Potter se leva d’un bond et le suivit, avec l’air d’être au bord de l’évanouissement.
Je m’efforçai de faire meilleure figure que lui, bien qu’au fond j’étais tout aussi terrifié. Je ne connaissais que deux ou trois sorts, et un tas de rumeurs circulaient à propos de cette forêt.
- J’ai l’impression d’être revenu des années en arrière, lança soudain le demi-géant. Vos pères aussi avaient été envoyés dans la forêt, c’est fou ce que vous leur ressemblés…
L’air que prit Potter m’informa qu’il était tout aussi surpris que moi. Hagrid ne sembla pas l’avoir remarqué et poursuivit :
- A croire que l’histoire se répète sans cesse. Eux non plus, ils ne s’aimaient pas, je pense même qu’il n’y avait pas plus ennemis que ces deux-là.
Ennemis… Je me rappelai le salut que mon père avait adressé au sien à la gare. Qu’avait-il bien pu se passer ?
Mon père avait été lui aussi été en retenu dans la forêt. Incroyable ! Je me demandai ce qu’il avait fait mais Hagrid n’en dit pas d’avantage et j’avais la gorge trop nouée pour parler. J’étais un peu rassuré, cependant, car si mon père avait pu le faire, je devais en être capable moi aussi.
- Il y a un Musard qui s’est introduit dans la forêt, nous apprit alors Hagrid. Il faut que nous le retrouvions avant qu’il ne dévaste le potager.
Un Musard est un escargot géant qui change de couleur toutes les heures et laisse une trainée venimeuse derrière lui. Ce n’était pas une créature particulièrement dangereuse, mais aller à sa recherche dans un endroit où d’autres étaient loin d’être aussi inoffensives n’avait rien de réjouissant.
Nous marchâmes plusieurs minutes sous le couvert des arbres, alors que les cimes nous plongeaient toujours un peu plus dans la pénombre. Il ne se passa rien de particulier, mais je sentais battre mon cœur plus fort que d’habitude. D’un coup, Hagrid s’arrêta et nous faillîmes le percuter, Malefoy et moi.
- Regardez ! dit-il en tendant une large main vers le sol.
Une trainée noirâtre s’y étendait, coupant notre route.
- Il est passé par ici, fit-il remarquer. Le mieux, c’est qu’on se sépare pour voir dans qu’elle direction il est allé. Je vais aller à gauche, et vous, vous irez à droite.
- Se séparer ?! m’exclamai-je en retrouvant soudain l’usage de ma voix. Mais je croyais que tu restais avec nous…
- Ne t’inquiète pas, la trace est fraîche et il n’a pas pu aller très loin. Si vous l’apercevez, il suffira de revenir sur vos pas pour me prévenir, en suivant simplement la trace dans l’autre sens. Si vous avez un problème, faites jaillir des étincelles rouges avec votre baguette et j’arriverai.
Il parlait avec tellement de confiance que je crus un instant que ce serait facile. Mais dès que je me tournai vers la direction que nous devions prendre, je sentis l’obscurité m’oppresser et la peur m’envahit à nouveau.
- Bon et bien, à tout à l’heure, dit Hagrid en s’éloignant. Evitez de vous battre entre vous et tout ira bien. Ah, et si vous voyez une araignée, ne la suivez pas !
Suivre une araignée ? Pourquoi voudrait-on suivre une araignée ? C’est ce que je craignais, ce géant est complètement cinglé !
N’ayant pas le choix, nous commençâmes à avancer de notre côté le long de la ligne noire. Maintenant que nous étions seuls, j’entendais les bruits de nos pas résonner horriblement. La forêt était étrangement calme, hormis quelques craquements qui retentissaient de temps à autre, faisant sursauter Potter à chaque fois. Je lui lançai un regard septique. Il était vraiment à Griffondor celui-là ?
« Hiiii ! »
Un cri aigu retentit au-dessus de nos têtes et Potter s’arrêta. Il leva la lanterne que Hagrid lui avait laissée, et qui aurait d’avantage eu sa place dans un magasin d’antiquités, et scruta les branches.
Je l’imitai, et bientôt, nous virent deux points briller dans l’obscurité.
« Calme-toi », pensais-je. « Calme-toi, c’est sûrement un hibou ».
C’est ce que je voulais croire, mais le cri que nous venions d’entendre n’avait rien de celui d’un oiseau.
Il y eut un mouvement dans les arbres, et la créature s’arrêta sur une branche basse d’où nous pûmes la contempler.
C’était un mélange étrange entre un singe et une grenouille. Ses lèvres s’étiraient en un large sourire qui dévoilait des dents pointues et tranchantes. On aurait dit qu’il se moquait de nous.
- Ce n’est rien, dit alors Malefoy. Juste un Clabbert.
Je savais évidemment ce qu’était un Clabbert, mais le calme de Malefoy m’impressionnait. J’aurais plutôt pensé qu’il serait le premier à s’enfuir en courant à la moindre alerte.
- Continuons, parvins-je à articuler.
Mais à ce moment-là, la pustule sur le front du Clabbert se mit à clignoter rouge. Or, tout le monde sait que si elle clignote, c’est qu’un danger est proche.
- Cours !!! hurlai-je en m’enfuyant.
Une énorme masse sombre se dirigeait vers nous, et je ne voulais pas attendre qu’elle soit suffisamment proche de nous pour découvrir ce que c’était. J’entendis Potter s’élancer juste derrière moi.
Je regardai le sol, mais la trace noire avait disparu. Me rappelant les paroles du géant, je levai ma baguette pour faire des étincelles.
- Haaaaa !!!!
Le sol avait brusquement disparut sous mes pieds, et je me raccrochai comme je pus à la première chose qui me tomba sous la main.
Je m’arrêtai juste à temps devant le gouffre qui s’étendait juste devant nous. Mais Malefoy n’eut pas cette chance et glissa.
- Scorpius ! hurlai-je.
Je me penchai au-dessus du bord et vit qu’il avait réussi à se raccrocher à des racines qui pendaient le long de la paroi. Je m’allongeai et lui tendis une main.
- Attrape ma main !
Il essaya plusieurs fois, mais il était trop loin pour m’atteindre. Je me penchai au maximum mais il restait hors de portée.
- Ne bouge pas, criai-je en me relevant. Je vais chercher de l’aide !
Je partis en courant, espérant qu’il tiendrait le coup jusque-là.
Je m’agrippai comme je pus tout en hurlant à Potter de revenir. Il n’allait quand même pas me laisser là ! Mais il ne revint pas et je dus me rendre à l’évidence.
J’allai mourir ici.
Je couru jusqu’à la trace noire, en ayant complètement oublié l’ombre qui nous poursuivait. Elle avait dû aller ailleurs, car je ne la vis pas.
Me souvenant soudain que j’avais une baguette, je la levai et émit des étincelles rouges. Pourvu que Hagrid les voit !
Pourquoi n’avais-je pas fait plus de sport ? Pourquoi ? Mes doigts me faisaient mal à force d’être crispés et je ne tiendrai sûrement plus très longtemps.
Potter, si je m’en sors, je te tue !
Je vis enfin une grande silhouette s’approcher de moi, et je couru dans sa direction.
- Hagrid ! Malefoy est tombé, il faut aller l’aider !
- Tombé ? Où ça ?
Je le guidai jusqu’au gouffre et il me suivit sans peine avec ses larges enjambées. Heureusement que les hurlements de Malefoy m’indiquèrent où il était exactement, sinon j’aurai mis plus de temps à le retrouver.
Hagrid n’eut qu’à se pencher et il remonta Malefoy d’une seule main.
- Tout va bien, lui dit-il, c’est fini.
Malefoy ne dit rien. Il avait l’air furieux.
Il me lança un regard noir et je compris qu’il était en colère après moi. Je venais de l’aider et c'est comme ça qu'il me remerciait ? Et puis d’abord, c’était de sa faute si on était là !
Je lui rendis son regard, furieux.