Hellish Story (Tome 1)

Chapitre 15 : Les péchés capitaux des Enfers

10999 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/08/2025 18:05

 

  Il était temps de trouver une solution, et vite. Il restait à peine 20 jours avant l'extermination. Il fallait impérativement aller trouver de l'aide dans les autres cercles des Enfers.

 

D'après le calendrier terrien, 13 avril 2025, 18 jours restants avant la prochaine extermination prévue pour le 1er mai :

 

Le lendemain midi après la fête, Charlie et son père, ainsi qu'Alastor, se trouvaient dans la bibliothèque entrain de ranger de nouvelles cargaisons de livres. Charlie fredonnait de la musique en organisant soigneusement les ouvrages. Lucifer était penché sur une étagère un peu trop haute pour sa taille, Alastor le regardant parfois discrètement.

 

Soudain, un livre tomba des étagères et Lucifer se précipita pour le ramasser, mais le démon de la radio, d'un geste rapide, tendit également la main pour le saisir. Leurs doigts se frôlèrent, se touchèrent, se lièrent sans le vouloir. Un instant figé, un regard échangé, et une étincelle naquit entre les deux hommes.

-Désolé... Souffla Lucifer à cause cette confusion.

 

Charlie, témoin de la scène, sentit son cœur se serrer. Son père, entrain de flirter avec son meilleur ami ? Et surtout, un démon comme Alastor, qui ne pouvait éprouver de sentiments ? C'était inconcevable, impensable. Mais que dire pour ne blesser aucun des deux ? Pourtant, les regards insistants de Lucifer et Alastor ne laissaient aucun doute. Quelque chose se passait entre eux, quelque chose de plus fort que la simple amitié. Charlie se sentait dépassée, désemparée, trahie.

 

-Lucifer... C'est maintenant ou jamais pour lui dire. Dit Alastor avant de ramasser le livre.

 

L'ange déchu hocha la tête en soupirant.

 

-Que se passe-t-il entre vous ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.

 

Lucifer baissa les yeux, gêné, tandis qu'Alastor afficha un faible sourire cette fois ci, peu fier.

 

-Je suis désolé, chérie. J'aurais aimé que tu l'apprennes après l'extermination... Après que la tension de tout le monde serait redescendue. C'est plutôt compliqué à dire dans cette situation... D'abord, je ne veux pas que tu le prennes mal. Je ne me suis pas lancé là-dedans sans réfléchir, c'était une décision que l'on a prît à deux, avec Alastor. Commença timidement Lucifer, Charlie fronçant les sourcils.

 

-Mais de quoi tu parles ? Quelle décision ? Dit la princesse.

 

Sa fille refoulait ses arrières pensés au fond de sa tête. Vaggie lui avait déjà fait part de ses craintes à propos d'un couple entre son père et Alastor, mais étrangement, plus personne ne parlait de ça aujourd'hui, comme si c'était devenu le sujet à éviter à tout prix. Même l'ancienne exorciste niait toute hypothèse à propos de cela dorénavant. Quelque chose s'était produit à la fête hier soir ?

 

-Vois-tu... Hm... Alastor ne trouvait pas non plus les mots pour lui annoncer.

 

Lucifer lui coupa la parole en lui faisant signe qu'il voulait lui dire seul puisque c'était sa fille. Il fallait enlever le pansement d'un coup sec, ne pas faire durer la souffrance. Charlie allait souffrir quoi qu'il arrive, elle aimait trop sa mère malgré la maltraitance qu'elle avait subi à cause d'elle. Elle était trop accrochée à Lilith, d'une manière que Lucifer ne comprendrai jamais. La disparition de la reine l'avait beaucoup affecté mentalement...

 

-Alastor et moi... On sort ensemble... Je crois bien que je l'aime vraiment beaucoup... Avoua Lucifer en prenant les mains de sa fille dans les siennes.

 

-Quoi ? Tu... aimes... Alastor ? C'est pas une blague ? Charlie était complètement abasourdie par les révélations de son père. Elle ne savait pas quoi penser ni quoi dire.

 

-Non, ce n'est pas une blague. Je sais bien qu'on aurait dû te le dire plus tôt... Mais j'avais peur que tu le prennes... vraiment mal. Tu sais bien que... que ça allait plus vraiment avec Lilith depuis très longtemps.

 

-Ah oui, je le prends mal ! Dites-moi que c'est encore une mauvaise blague d'Angel ! Il y a six mois, vous ne pouviez pas être dans la même pièce pendant à peine quelques instants sans vous entretuer. Et maintenant, quoi ? Vous êtes amoureux ? Je n'y crois pas une seconde.

 

Alastor, qui était resté à l'écart de la conversation, observait la scène avec intérêt mais aussi de peur. Il avait toujours su que Charlie ne serait pas forcément heureuse de cette nouvelle, mais il ne s'attendait pas à ce type de réaction. Il était partagé entre la compassion pour son compagnon et la surprise de sa fille. C'était un peu soudain comme révélation, c'est sûr...

-Charlie... S'il te plaît... Ce n’est pas quelque chose de facile à dire ça, alors essaie de comprendre un peu mes sentiments... Je ne fais pas ça pour être méchant, chérie... Murmura Lucifer, Alastor posant une main sur son épaule pour le rassurer.

 

Que Charlie approuve ou non, ils ne parvenaient pas à se contrôler. C'était le cours du destin... Et il n'était pas question de revenir en arrière. Surtout pas pour retrouver ces temps où ils se querellaient sans raison, des souvenirs pénibles. Ils s'aimaient à présent.

-Tu veux que je comprenne tes sentiments ? D'accord. Mais, et les miens de sentiments, on en fait quoi ? Tu as pensé une seconde à maman !? Cria Charlie.

 

-Tu ne croyais quand même pas que j'allais l'attendre toute ma vie ? Je l'ai déjà fait une première fois à Éden, et regarde où ça m'a mené ! Répondit le roi déchu en se pointant lui-même.

-Je sais bien ! Mais tu aurais pu éviter de tomber amoureux du premier venu, je vous aviez dit de vous rapprocher... Mais pas de finir ensemble ! Et puis... Tu n'es pas malheureux ici non plus ! Tu es le roi, tu as le droit de faire tout ce qui te chante de faire !

 

-Oui, je peux faire tout ce qu'il me plaît. Mais je ne pourrais jamais la remplacer, elle a laissé un vide que personne n’a su remplir ! Personne... Sauf Alastor ! C'est pour ça que je l'aime, il m'a fait oublier la plus grosse connerie de toute la création, et je ne sais combien j'en ai fait depuis que je suis arrivé ici !

 

Alastor sentait qu'une chaleur montait à son visage.

 

-Avoir donné ma vie pour une personne comme Lilith a été une énorme erreur, et j'ai toujours cru qu'elle serait irréparable... Mais lui... Avec lui, c'est différent. S'il existait un mot pour décrire ce que nous vivons ensemble, je le dirai ! J'ai lutté pendant si longtemps pour ne pas retomber amoureux, mais je n'ai pas pu me contrôler et j'en suis terriblement désolé ! Je m'en veux tellement de te faire du mal en disant tout cela, mais c'est l'entière vérité ! Ça fait huit ans qu'elle est partie ! Tu ne l'as jamais vu comme moi je l'ai vu ! Elle était manipulatrice, violente et toxique, elle nous faisait du mal !

 

-Comment peux-tu en être aussi sûr !? As-tu au moins une seule preuve tangible de ce que tu avances !? J'ai l'impression d'avoir le mauvais rôle dans l'histoire juste parce que je dis enfin que ça me pose un problème que tu sortes avec quelqu'un qui n'est pas ma mère, et qui est soi-disant passant mon meilleur ami !!! En tout cas... Il l'était. La princesse des Enfers roulait des yeux.

 

Alastor soupira, Charlie était donc loin de comprendre leur relation, et encore moins de l'accepter.

 

-Parce qu'elle te frappait, et moi aussi quelquefois ! Et ouais, je n’ai pas de preuves ! Mais Belphégor et Beelzebub pourront nous rappeler le nombre de fois où j'ai dû t'emmener à l'hôpital à cause de ta mère, tu te retrouvais en sang à chaque fois qu'elle avait un excès de colère ! Et crois-moi, j'ai arrêté de compter chaque coup qu'elle nous portait à tous les deux... J'étais tout seul à supporter ses crises de jalousie, je pouvais me reposer sur personne à l'époque. Tout le monde m'a tourné le dos au moment où j'en avais le plus besoin ! Toutes ces années où je t'ai laissé seule... Je devais le faire, pour toi, tu devais te reconstruire sans m'avoir à tes côtés. Je n'étais plus rien pour toi, tu ne m'aimais plus comme avant...

 

Lucifer était blessé, dégoûté par la réaction péjorative de sa fille chérie.

 

Finalement, Charlie prit la parole, d'une voix calme mais ferme :

 

-Papa, je suis désolée que tu aies vécu tout ça avec maman, je n'en savais strictement rien. Mais ça ne justifie pas de m'avoir caché votre relation, ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? Et toi, Alastor, tu devrais savoir qu'on ne joue pas avec les sentiments des gens pour atteindre la rédemption !

 

Alastor baissa les yeux, se sentant soudain très mal à l'aise. Il savait que ses propres démons intérieurs étaient loin d'être résolus, et il comprenait maintenant que Lucifer avait encore beaucoup de travail sur lui-même à faire. Mais malgré tout, il ne pouvait s'empêcher d'être attiré par cet ange déchu aux yeux brillants.

 

-Il ne joue pas avec mes sentiments ! Et si tu ne peux pas comprendre ce qu'on te dit et que tu n'arrives pas à accepter que je l'aime... Alors... Tu ferais mieux de partir. Dit Lucifer, les yeux rouges.

 

Le roi, quant à lui, était déconcerté par la réaction de sa fille. Il pensait qu'elle comprendrait sa détresse et sa souffrance, mais il réalisait maintenant qu'il avait peut-être fait une erreur en partageant ces détails avec elle. Il se sentait perdu et vulnérable, comme s'il venait de révéler une partie de lui-même qu'il aurait préféré garder cachée.

 

Le silence s'installa dans la pièce, lourd et pesant. Charlie regarda tour à tour son père et son meilleur ami, se demandant comment ils allaient réussir à sortir de cette impasse. Finalement, elle prit une décision. Sur les mots de son père, elle quitta la pièce, laissant Lucifer et Alastor seuls face à face. Ils se regardèrent un instant, puis Alastor brisa le silence : Je comprends mieux maintenant ce qu'il s'est passé entre toi et Lilith. Elle était donc... pas comme les autres.

 

-Je me doutais que Charlie allait réagir mal, mais... pas aussi mal. Je ne comprends pas ce qu'il lui a pris, elle qui est toute mignonne d'habitude... Ça a vraiment dû lui faire beaucoup de peine. Elle n'a jamais vraiment bien avalé le fait qu'elle soit partie du jour au lendemain. Le roi, déprimé, détourna le regard...

 

-Et pourquoi ça ? Ce n'est pas une bonne mère d'après ta description. Alors pourquoi Charlie était-elle autant attachée à Lilith si elle vous maltraitait ? Questionna le démon de la radio.

 

-Je n’en sais rien... Je crois... Je crois qu'elle a peut-être été plus souvent là auprès d'elle que je ne l'ai pû l'être. Après mon bannissement du Paradis, j'ai mis du temps à m'en remettre... Beaucoup de temps. Et je pense que je me suis noyé dans le travail à cette période, l’Enfer n’allait pas se diriger tout seul de tout façon. J'ai dû sûrement les ignorer et passer moins de temps avec elles. C'est d'ailleurs pour ça que Lilith est partie, je suppose... Grandir avec un père absent... n'a pas dû être facile pour Charlie. Elle m'en veut, c'est certain. Il va falloir lui laisser du temps pour accepter tout ça.

 

-Et ce n’est pas le temps qui nous manque ici, n'est-ce pas ? Plaisanta Alastor en enlaçant son petit ami avec tendresse.

 

Lucifer pensait aux minutes qu'il lui restait avec Alastor. Les anges reviendront bientôt. Ils doivent trouver une solution pour empêcher un nouveau massacre sur les terres du cercle de l'orgueil. Le temps ? Plus beaucoup, à peine vingt jours. Dix-huit jours pour faire tout ce qui est en leur pouvoir pour défendre les Enfers de sa plus grande menace. Et dix-huit jours pour se préparer au pire... Et si quelqu'un perdait la vie comme à la précédente extermination ? Une vision atroce qui restait au plus profond de toutes les mémoires. Lucifer refusait de faillir devant ce danger, prêt à en perdre la vie pour ceux qu'il aime. Mais Alastor... Et si c'était à son tour de souffrir sous la lame des anges ? Il avait déjà dégusté un avant-goût de celle d'Adam il y a quelques mois de cela. C'était difficile à oublier comme souvenir. Cependant... C'est aussi à ce moment-là que Lucifer l'avait soigné. Avec lui, il ne craignait plus rien. C'est ce que le démon de la Radio croyait...

 

-Enfin bref ! Ce n’est pas le moment de se démoraliser, Alastor. Figure-toi que j'ai trouvé un livre plutôt intéressant tout à l'heure quand je fouinais dans les étagères. Il pourrait nous être utile. Surtout pour toi !

 

Lucifer se dirigea vers un meuble plein de grimoires anciens, et se mit à trifouiller dedans à la recherche de ce fameux livre. Il enlevait des choses, retirant de la poussière avec. Et il finit par sortir le manuel qu'il voulait.

 

-"La Magie Noire pour les débiles"... Tu veux vraiment que j'étudie ce vieux truc là ? Moi vivant, jamais tu ne me forceras à lire ça. Alastor refusa directement à la vie du grimoire dans les mains de Lucifer.

 

-Allez... On essaie juste ! Ça pourrait être marrant ! Depuis que tu n'es plus overlord, tu n'utilises plus la magie. Mais je sais que tu pourrais encore le faire. Faut juste que tu me le prouves, s'il te plaît ! Et puis... Tu pourrais passer un peu plus de temps avec moi aujourd'hui si tu acceptes... Alors, qu'est-ce que tu en dis ? Lucifer faisait les yeux doux en agitant le grimoire.

 

-Hm, d'accord. Accepta Alastor dans un faible grognement.

 

 

Husk souffla un profond soupire tandis qu'Angel s'appuyait sur le comptoir, les bras croisés.

 

-La princesse va avoir besoin de beaucoup de soutien pour gérer tout ça... Je me demande comment Lucifer et Alastor vont pouvoir lui expliquer. Dit Angel en secouant la tête.

 

Le cliquetis des verres et le bruissement des voix dans le bar couvraient à peine les cris qui venaient de la bibliothèque. Husk repensait à sa propre rencontre avec Alastor, le mystérieux et sinistre démon de la Radio avec qui Lucifer avait une relation. Il était étrange, intimidant et avait une attirance pour le macabre, mais il y avait aussi quelque chose de fascinant en lui.

 

-On devrait peut-être les laisser seuls pour l'instant. Charlie semble vraiment furax, et Lucifer... eh bien, on sait qu'il n'est pas du genre à baisser les bras. Suggéra Husk avec un brin d'humour.

 

Angel arqua un sourcil.

 

-Tu as raison. Ils ont sûrement besoin de temps pour s'organiser et discuter entre eux. Pauvre Al' qui se retrouve coincé dans une dispute père-fille... Ce doit être assez impressionnant de face. Nous, on a que le son, il nous manque l'image !

 

Les deux amis restèrent silencieux, fixant la pièce aux lumières tamisées. L'atmosphère était tendue, et ils pouvaient sentir la frustration et la douleur dans chaque cri qui traversait les murs. Husk répandit un linge humide sur le comptoir et commença à essuyer les verres de la journée, tandis qu'Angel sortit son téléphone, tapant un message à Charlie pour lui faire savoir qu'ils étaient là si elle avait besoin de parler.

-C'est bien du sérieux cette fois... Marmonna Angel en s'appuyant sur le comptoir du bar, il avait les yeux rivés sur son téléphone.

 

Husk acquiesça, un air préoccupé sur le visage alors qu'il écoutait les cris de plus en plus intenses venant de la bibliothèque. La dispute semblait atteindre un nouveau niveau et la situation devenait de plus en plus tendue.

 

-Je me demande combien de temps ça va encore durer... Ça fait bien dix minutes. Charlie est têtue, mais Lucifer aussi. Si seulement l'un des deux pouvait calmer le jeu... Husk espérait un retournement de situation pour cesser la dispute.

 

Le téléphone d'Angel vibra alors sur le comptoir, les faisant sursauter. Le pécheur araignée regarda l'écran et haussa les sourcils en lisant le message.

 

-Ça vient de Charlie... Elle dit que tout est sa faute, que Lucifer a raison depuis le début, et qu'elle est égoïste de les avoir contredits... Pourquoi elle m'a écrit ça ? C'est pas dans ses habitudes.

 

Husk leva les yeux vers le plafond, respirant profondément.

 

-C'est une façon pour elle de gérer sa frustration. Elle est en colère contre son père, contre Alastor, mais aussi contre elle-même. C'est pas bon de garder tout ça en soi. Déjà avec la reprise des exterminations, et les pécheurs qui n'arrivent pas à se faire réhabiliter... C'est énormément de pression sur ses épaules. C'est qu'une gamine en soit !

 

Angel fit une moue dubitative.

 

-Vouloir prendre ses distances pour se calmer, d'accord, mais elle devrait probablement parler à quelqu'un. Elle ne devrait pas rester seule pour l'instant. Elle a besoin de ses amis, de nous et de Vaggie. Déclara fièrement Angel.

 

-Je suis d'accord. Dit Husk en sortant du bar et se dirigeant vers la bibliothèque. Angel le suivit, prêt à intervenir et à faire office de médiateur si nécessaire.

 

 

Lucifer et Alastor étaient tous deux des démons puissants et redoutés, mais malgré leur nature sombre, ils étaient étonnamment proches l'un de l'autre. Leur relation avait commencé sur quelque chose de fragile et instable, mais au fil du temps, elle avait évolué en quelque chose de plus profond. Ils étaient plus que des partenaires, ils étaient en couple, liés par un amour aussi passionné que dangereux.

 

Dans une salle spéciale dédiée aux combats et aux entraînements pour armes angéliques à l'hôtel Hazbin, Lucifer avait demandé à Alastor de se battre amicalement contre lui pour que ce dernier soit prêt pour le prochain combat contre les anges. Ils maniaient leurs épées avec habileté, se défiant l'un l'autre dans un ballet mortel de coups et de parades. Aucun d'entre eux ne semblait prendre le dessus, leur force et leur vitesse étant parfaitement équilibrées.

 

-Tu peux essayer de mettre en pratique les trucs que je t'ai appris tout à l'heure, si tu veux ! Lança Lucifer.

 

Mais soudain, une boule de feu sort des mains d'Alastor par erreur. Ses pouvoirs magiques avaient encore du mal à obéir à ses ordres. Il était déjà passé par là quand il était devenu overlord il y a un certain temps.

-Merde, c'était quoi ça !? C'était vraiment une boule de feu !? S'exclama Lucifer après avoir lâché son épée par stupéfaction.

 

-Je suis désolé ! Je ne t'ai pas fait trop mal, Lucifer ? Alastor s'empressa de répondre en regardant ses mains avec de gros yeux.

 

-Non, non ! Je suis le Diable donc j'ai toujours été immunisé au feu. Mais, je veux dire... Wow ! Comment tu as fait ce truc ? De un, c'est méga dangereux, et de deux... tu apprends vraiment vite ! Je t'ai montré comment faire ça il y a à peine une demi-heure, et tu sais déjà le reproduire ! C'est très impressionnant.

 

-Je te l'ai déjà dit, j'ai un très bon professeur.

 

Lucifer leva les yeux au ciel en rigolant, puis ramassa son épée.

 

-Hm... Faudra refaire le plancher, je pense. Ça ne va pas plaire aux autres. Estima le roi déchu en regardant le sol noirci en dessous d'eux.

 

-En effet... On est déjà assez débordé avec les préparatifs de l'extermination, il manquait plus que ça.

 

Comme Alastor était déconcentré, Lucifer en profita pour désarmer Alastor d'un coup rapide et précis. Le démon brun se retrouva sans arme, regardant Lucifer avec un mélange de surprise et d'admiration.

 

-Celle-là... Je ne l'avais pas vu venir. Bravo, t'as gagné !

 

Sans un mot, Lucifer s'approcha de lui et l'embrassa tendrement, scellant leur victoire d'une manière bien différente de ce à quoi Alastor s'attendait.

 

Cependant, leur moment d'intimité fut brusquement interrompu par l'arrivée de Charlie, la fille de Lucifer. La jeune femme avait récemment découvert la véritable nature de la relation entre son père et Alastor, et elle n'était pas du tout d'accord avec cela. Après une dispute houleuse entre eux, Charlie était déterminée à parler à son père et à mettre les choses au clair une fois pour toutes.

 

-Papa... Je peux te parler s'il te plaît ? Demanda Charlie, son regard trahissant à la fois de la colère et de la tristesse.

 

Lucifer se sentit instantanément coupable d'avoir été surpris dans une telle situation par sa propre fille. Il hocha la tête, un peu nerveux de ce que Charlie allait lui dire. Alastor, de son côté, se tint non loin, sentant que cette conversation ne le concernait pas vraiment.

 

-Seul à seul. Insista Charlie, lançant un regard glacial à Alastor qui se sentit tout à coup très mal à l'aise.

 

Lucifer acquiesça et fit signe à Alastor de sortir de la salle. Une fois seuls, Charlie prit une profonde inspiration avant de regarder son père dans les yeux.

-Papa, je comprends que tu aies tes propres choix à faire en ce qui concerne ta vie amoureuse, alors... pourquoi Alastor ? Pourquoi avoir choisi un démon aussi cruel et impitoyable que lui ? Je crains qu'il te fasse du mal un jour où l'autre, c'est juste ça le problème. Je sais que moi il ne m'en fera jamais, il sait que je tiens à lui d'une façon ou d'une autre. Il n'est pas le genre de pécheur que j'ai l'habitude de voir ici. Mais j'ai su m'habituer à son caractère... un peu extrême. Je ne lui en veut pas, je t'assure... Vaggie m'a bien rappelé que ce genre de sentiments ne se contrôlent pas. Dit-elle, la voix emplie de tristesse.

 

Lucifer soupira, se sentant déchiré entre son amour pour Alastor et le bien-être de sa fille. Il prit un instant avant de répondre d'une voix douce : Charlie, je sais que notre relation peut sembler étrange et choquante pour toi, mais... Alastor n'est pas juste un démon cruel. Il a ses côtés sombres, c'est vrai, mais il a aussi un cœur, un vrai cœur capable d'aimer et d'être aimé. Et c'est ce que je vois en lui, plus que tout ce qu'il a pu faire dans le passé. Vaggie a raison, ça ne se contrôle pas. Moi, je n’ai rien dit sur le fait que tu côtoie une ancienne exorciste. C'est pourtant contre nos principes, mais je sais que tu l'aimes, ça se voit.

 

Charlie hocha la tête, comprenant les paroles de son père même si elle avait du mal à accepter complètement la situation. Elle posa une main sur l'épaule de Lucifer et lui sourit légèrement.

 

-Je veux juste que tu sois heureux, papa. Et si Alastor te rend heureux, alors... qui suis-je pour juger ? C'est vrai... Vaggie et moi... Je comprends. Je comprends ce que tu ressens. Assura la princesse, ses yeux brillants de larmes retenues.

 

Lucifer la serra dans ses bras, reconnaissant de la compréhension et du soutien de sa fille. Il savait qu'il devait affronter les défis à venir, tant sur le plan personnel que sur celui des combats à venir. Mais heureusement qu'il avait Charlie à ses côtés, il savait qu'il pourrait affronter n'importe quoi.

 

-Ah oui, au fait... Tu as deux appels manqués d'Asmodeus. Je crois que c'est encore des problèmes avec Mammon... Il veut que tu ailles le voir d'urgence. Donc tu veux que je le rappelle pour lui dire que tu es très occupé avec les préparatifs de l'extermination, ou tu le feras toi-même ?

 

Lucifer avait toujours été un démon très occupé, mais cette fois-ci, les choses semblaient être encore plus chaotiques que d'habitude. En tant que roi des enfers, il avait une liste interminable de responsabilités à gérer, et les querelles constantes entre les péchés capitaux ne faisaient qu'ajouter au chaos.

 

Le roi soupira. Il savait qu'il devait régler ce conflit une fois pour toutes. Il se tourna vers Alastor, le démon de la radio qui était récemment devenu son petit-ami, pour obtenir son avis.

-Je n’en sais rien... Alastor ! Lucifer haussa la voix pour que le démon de la radio l'entende de l'autre côté du mur.

 

-Oui ? Répondit l'ex-overlord, faisant irruption dans la pièce avec un sourire malicieux.

 

Lucifer sourit en voyant Alastor. Son petit-ami était toujours plein de surprises, bien assez intelligent pour apprendre un livre entier de sortilèges en une heure. Alastor avait récemment retrouvé ses pouvoirs de téléportation, ce qui était une nouvelle fantastique pour Lucifer. Ces pouvoirs seraient extrêmement utiles pour l'avenir des Enfers et de l'hôtel.

 

-Oh, mais tu as récupéré tes pouvoirs de téléportation !? C'est génial ça ! Comment tu as fait ? S'écria Charlie en le regardant de haut en bas avec admiration.

 

-Ton père m'a un peu aidé, à vrai dire. Mais assez parlé de moi, que se passe-t-il ? Rétorqua Alastor, surpris que leur dispute ne soit plus un sujet d'actualité.

 

-Un peu ? Je t'ai aidé un peu beaucoup même ! Corrigea Lucifer en lui donnant un coup au bras.

 

-Papa voulait te demander si vous alliez voir Asmodeus, le péché capital de la luxure, aujourd'hui, ou si je devais le rappeler pour décommander. Charlie résuma rapidement.

 

Alastor se tourna vers Lucifer avec un sourire malicieux.

 

-Bien, je vois... Je pense que je pourrais aider. Pourquoi ne pas me laisser régler cette affaire avec toi ? Je veux me rendre utile aujourd'hui. Proposa le démon de la radio.

 

Lucifer hésita un instant, mais il savait que Alastor était plus que capable de gérer la situation si quelque chose tournait au vinaigre. Il hocha la tête.

 

-D'accord, allons le voir. Accepta Lucifer en faisant un clin d'œil.

 

 

 

Plus tard dans l'après-midi, Alastor et Lucifer s'étaient mis en route vers le cercle de la Luxure. Maintenant qu'Alastor pouvait circuler librement en Enfer grâce à Satan, plus rien ne pouvait séparer les deux partenaires.

 

Les deux démons se trouvaient en ce moment dans la voiture personnelle du roi, un chauffeur la conduisant parfaitement. Ils étaient tous les deux assis côte côte sur la banquette arrière, Lucifer regardant le paysage de la Luxure à travers la fenêtre teintée, sa tête reposant contre le rebord de la vitre.

-J'aime bien descendre dans un autre cercle que le nôtre, ça fait du bien de changer d'air. On dirait qu’il n’y a pas de soucis ici. Je... je suis un peu jaloux, je crois... Murmura Lucifer en admirant tous les bâtiments défiler au loin.

 

-Il n'y a pas à être jaloux, mon cher. Ils ont leurs problèmes, et on a les nôtres. Ce n'est pas parce que les anges viennent chez nous et pas chez eux... que nous sommes le pire cercle. J'ai dû entendre que le cercle de la Colère était en pleine famine à cette période de l'année. Et je ne parle même pas des hôpitaux surchargés dans Paresse. Bon... Il y a une grande différence de priorité et de gravité des problèmes... Expliqua Alastor, ne sachant pas comment lui faire changer d'opinion.

-Tu dis ça pour me rassurer, hein ? Comme d'habitude...

 

-Tu es un bon roi. Tu as un rôle ici à jouer, et tu le remplis à la perfection. Je dis ça pour te rassurer... Mais c'est parce que je sais que tu en as besoin.

 

Lucifer se blottit alors auprès d'Alastor, reconnaissant de ce qu'il venait de dire sur sa personne.

 

-On est encore loin de chez Ozzie ou pas, Baxter ? Demanda l'ange déchu en s'adressant à son chauffeur.

 

Alastor caressait lentement les cheveux de Lucifer, son autre main sur son épaule. Le roi commençant tranquillement à s'endormir dans les bras de son partenaire.

 

-Un petit peu, monsieur. Ce côté de la ville est plutôt réputé... pour les choses bizarres. Il y a eu un carambolage non loin. Ça risque de prendre un peu de temps avant d'arriver à destination. Répondit-il en regardant dans le rétroviseur à l'avant.

 

-Hm... Merci... Souffla le Diable avant de fermer ses yeux pour se reposer.

 

Le démon de la radio soupira, se rendant compte que leur trajet serait plus long que prévu. Mais après tout... Il était dans une bonne position, que demander de plus ! Il a celui qu'il aime près de lui, et tout va bien pour le moment.

 

-Vous vous connaissez depuis longtemps ? Demanda Alastor avec curiosité, quelques instants plus tard.

 

-Avec sa majesté ? Bien sûr. Il n'a jamais changé de chauffeur, je suis là depuis plusieurs millénaires en Enfer. J'ai pû côtoyer son altesse Lilith quelques temps, mademoiselle Charlotte était encore haute comme trois pommes. Ça faisait longtemps que sa majesté ne m'avait pas demandé de mes services. Rétorqua l'employé tout en continuant à regarder la route en face de lui.

-Il est à l'hôtel Hazbin maintenant, je ne sais pas si vous savez où ça se trouve. Sa fille essaie de mettre en place du mieux qu'elle peut son projet de réhabilitation des pécheurs jusqu'au Paradis. Mais tout cela reste infructueux pour l'instant...

 

-Oh ? Mademoiselle Charlotte a repris les rêves de son père à ce que j'entends. C'est une bonne chose pour le royaume. Baxter baissa les yeux sur eux un moment, un sourire amusé sur les lèvres, avant de retourner son attention sur la route.

 

Le moteur vrombissait alors qu'ils s'enfonçaient plus profondément dans les rues étranges et étourdissantes de la ville. Alastor trouva une place confortable contre le corps assoupie de Lucifer.

 

-Et vous... Comment connaissez-vous sa majesté ? Je crois que n'est pas un homme très sociable en dehors de ses fréquentations amicales et familiales. Questionna Baxter.

 

-C'est le cas... J'ai l'impression qu'il est un peu réservé au-delà de son statut. Être roi... ça ne fait pas tout. Je l'ai rencontré il y a un bout de temps, on se haïssait comme des gamins. Je regrette de ce que j'ai pu lui dire de méchant dans cette phase... Mais je suppose qu'il n'en tient plus rigueur aujourd'hui. Alastor se justifia en écoutant avec attention les bruits de respiration de Lucifer, c'était rare qu'il soit aussi en paix.

 

-Hm... Et... Excusez-moi d'être indiscret, mais... Vous l'aimez, n'est-ce pas ? Vous vous cramponnez à lui comme à une bouée de sauvetage en pleine mer déchaînée, vous lui parlez comme s'il n'était qu'un rêve éphémère qui risque de disparaitre dans la minute. C'est la première fois que je vous vois avec lui... Mais je sais déjà que vous l'aimez à en crever. C'est juste ?

 

-Oui... Je l'aime. C'est lui qui a fait de moi ce que je suis. Je lui dois plus qu'une vie... Il n'y a certainement pas plus déterminé que lui. C'est un homme parfait, Lucifer. Il ne méritait pas tout le mal qu'on lui a fait.

 

-Les gens sont aussi cruels qu'en haut qu'ici. C'est tous les mêmes... On ferait n'importe quoi pour briser le bonheur de quelqu'un quand on n’en a pas, c'est dans nos gènes. Soupira le chauffeur.

 

-Les humains font exactement ça, j'en ai subi les frais quand j'étais petit. Les gens prennent tout ce qu'on possède, nous tirent vers le bas alors que nous sommes déjà au plus mal, jouent avec nous jusqu'à l'épuisement, puis... nous jettent comme des moins que rien. C'est ce que les anges ont fait à Lucifer, ils l'ont banni alors qu'il essayait juste de vivre sa vie comme bon lui sembler... Je les déteste, surtout les Archanges. Je compte bien me venger si l'extermination a lieu.

Lucifer, dormait sereinement, son corps relaxé contre celui de son petit ami. Ce dernier, perdu dans un nuage de tendresse, écoutant les murmures du roi dans son sommeil, appréciant chaque instant de ce moment d'intimité.

Le chauffeur, Baxter, au service dévoué de Lucifer, était aux aguets derrière son volant. Son regard attentif se déplaçait sans cesse entre la route sinueuse et ses passagers VIP. Il remarqua que le roi des Enfers avait un petit air frissonnant et, avec un geste attentionné, il tendit une couverture moelleuse à Alastor.

 

-C'est pour sa majesté, vous ne voudriez pas qu'il attrape froid. On dirait qu'il fait nuit tout le temps dans ce cercle, donc il fait un peu frisquet.

-Oh, merci beaucoup... Répondit poliment Alastor.

 

Le démon de la radio posa la couverture sur Lucifer, enveloppant l'ange déchu dans une chaleur réconfortante. Les yeux doux, il se pencha et déposa un baiser sur la joue de son amour endormi. Puis, il souffla doucement :

 

-Je t'aime, Lucifer.

 

Ces mots résonnèrent dans tout l'habitacle, porteurs de la promesse d'un amour éternel. Baxter eut un sourire tendre en entendant cette déclaration, lui qui avait tant vu de solitudes et de cœurs brisés dans les cours tortueuses de l'Enfer. Lui qui avait vu le roi dans sa période la plus sombre et la plus difficile. Il était honoré d'être témoin d'un tel amour sincère.

 

 

Pendant ce temps, dans le palais et entreprise d'Asmodeus, le péché capital de la Luxure :

 

Mammon et Asmodeus se disputaient dans le bureau du péché capital de la Luxure, comme de vrais enfants. Un petit démon aux allures de clown se tenait non loin, essayant de calmer les tensions du mieux qu'il pouvait. C'était une nouvelle dispute à propos de la relation entre Fizzaroli, l'employé du cirque de Mammon, et Asmodeus, une relation amoureuse non autorisée.

 

-Je te préviens que si Fizz retourne une seule fois dans ton cirque, je coupe toutes les transactions entre nos deux cercles ! T'auras plus rien qui vient de chez moi ! Menaça Asmodeus en se levant de son siège.

 

-Faudrait déjà que tu paies les réparations de mon cirque pour que j'puisse reprendre mon employé !!! Répondit Mammon en se rappelant de l'incendie à son entreprise.

 

-Jamais ! Tu méritais ce que j'ai fait à ton cirque, tu n'avais pas qu'à traiter Fizz comme de la merde ! J'étais déjà assez gentil à l'époque de le laisser travailler pour toi, mais cette fois, s'en est trop !

-Les gars... Calmez-vous... Suppliait Fizzaroli en essayant de les séparer.

Soudain, les portes du bureau d'Asmodeus s'ouvrirent brusquement, perturbant l'atmosphère toxique et lourde qui régnait dans les environs depuis déjà plusieurs heures. Lucifer fit une entrée fracassante, claquant les deux grandes portes, suivi de peu par Alastor.

 

-Que se passe-t-il ici ? Dit le roi d'un ton ferme.

 

Le bureau d'Asmodeus était un étalage de richesses et de curiosités étrangement interdites. De la couleur du plancher au plafond, des décorations ornaient les coins, tandis que des tableaux aux couleurs vives, représentant des scènes de luxe et de débauche, tapissaient les murs. Au centre se trouvait un vaste bureau en bois poli, sur lequel étaient dispersés des objets d'une valeur inestimable. Derrière se tenait Asmodeus, une grande figure intimidante, dont le visage était noué dans un pli de mécontentement profond.

 

En face de lui se trouvait Mammon, les joues gonflées et les bras croisés, qui fixait Asmodeus avec défi. La raison de leur confrontation était quasiment risible. Ils débattaient avec passion de la propriété d'une personne, d'un Imp travaillant initialement pour Mammon, un clown aux multiples talents. Mais Asmodeus voulait non seulement le garder pour lui car il était amoureux, mais aussi pour le protéger de la toxicité dangereuse de son patron.

Lucifer, respirant profondément pour maîtriser son agacement, tenta une approche diplomatique :

 

-Asmodeus, Mammon, nous avons tous des questions plus pressantes à traiter que ce problème futile qui...

 

Mais avant même qu'il puisse terminer sa phrase, Mammon interrompit avec véhémence :

 

-Futile ? Luci, t'as pas vu comment il est bon au taff ce mec, c'est celui qui me rapporte le plus de fric !

 

« Il a osé lui couper la parole... » Alastor fulminait de colère à cause de l'irrespect de Mammon envers son petit ami.

-C'est justement ça le problème ! Tu le mets tellement en avant qu'il est devenu l'image de ton entreprise ! Comment veux-tu respecter sa vie personnelle si tu lui demandes de venir bosser sept jours sur sept, et vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Rétorqua le péché capital de la Luxure.

 

-Mammon, t'en auras plein d'autres de clowns. Pourquoi est-ce que tu tiens précisément à celui-là ? Je comprends que tu vis pour l'argent... Mais tu en as déjà beaucoup. Tu sais bien qu'avec un peu de magie... Ça marche toujours. Fizzaroli n'est pas le seul Imp travaillant pour toi et qui possède des talents comme les tiens, n'est-ce pas ? Soupira l'ange déchu en se tournant vers Mammon.

Sa voix fut couvée par un nouveau cri du péché capital de la cupidité :

 

-C'est pas une question d'argent, Lucifer ! C'est une question de principe ! Asmodeus m'a volé quelque chose et détruit mon entreprise alors je ne resterai pas silencieux à ce sujet !!!

 

Lucifer perdit alors le contrôle. Il se transforma en Diable, ses yeux brillants de colère alors qu'il attrapa Mammon par le col.

 

-N'OUBLIE PAS À QUI TU PARLES, JE SUIS LE ROI DES ENFERS !!! TU ME DOIS LE RESPECT, CONNARD ! J'EN AI MARRE DE VOS DISPUTES DE GAMINS ! Gronda le roi déchu, sa voix résonnant dans la pièce.

 

-C'est... C'est lui le roi des Enfers ? Souffla Fizz à Asmodeus, qui lui répondit par un hochement de tête.

 

Alastor regardait la scène avec appréhension, sachant que la situation pourrait facilement dégénérer... Il décida alors d'intervenir :

 

-Messieurs, je pense que nous pouvons discuter d'une manière bien plus civilisée, n'est-ce pas ?

 

Le démon de la Radio toucha l'avant-bras de Lucifer pour lui faire comprendre que ça n'en valait pas la peine.

 

Finalement, Lucifer relâcha Mammon, sa colère se transformant en une sorte de mélancolie. Il savait que les disputes entre ses fidèles péchés étaient inévitables, mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir fatigué de toute cette haine et cette animosité.

 

-Lucifer, est-ce que ça va ? Émit Alastor dans un soupir.

 

L'ange déchu souffla un léger « oui » teinté de gêne et de honte.

 

Alastor observait Lucifer du coin de l'œil, son regard inquiet posé sur son visage. Il voyait les muscles crispés de sa mâchoire, ses doigts tremblants malgré la force avec laquelle il avait saisi Mammon.

Il n'avait pas besoin de mots.

 

Il comprenait.


Lucifer était à bout.

 

Tu es fatigué, mon roi. Trop fatigué pour te battre contre eux. Tu n'as pas à porter tout ça seul...

 

Alastor posa doucement la main sur le bras de Lucifer. Il savait qu'un mot de travers pourrait rallumer l'étincelle de sa colère. Alors il fit ce qu'il savait faire de mieux : parler à sa place.

 

-Je pense qu'on a tous dépassé les bornes, dit-il d'un ton calme, ferme, mais non menaçant. Mammon. Asmodeus. Ce débat peut se régler sans vociférations ni menaces économiques ou magiques.

Mammon grogna dans sa barbe, mais ne répondit pas. Asmodeus croisa les bras, visiblement bougon, mais ne relança pas l'attaque non plus. Fizzaroli souffla de soulagement.

 

Voyant que Lucifer restait silencieux, Alastor prit l'initiative :

 

-Si vous le voulez bien, asseyons-nous tous autour de ce bureau et posons les choses clairement.

 

À sa grande surprise, Mammon et Asmodeus obtempérèrent. Lentement. À contre-cœur. Ils s’assirent. Fizzaroli se glissa timidement sur une chaise entre eux, les yeux fuyants. Alastor installa Lucifer dans le siège resté vide à côté de lui, veillant à ce qu'il ne soit pas trop exposé. Le roi ne protesta pas. Il baissa les yeux vers le bois du bureau, comme si toute sa colère avait été aspirée, remplacée par un gouffre d'épuisement.

 

-Très bien, commença Alastor. Mammon, Asmodeus. Il est clair que ce conflit n'est pas simplement une querelle d'argent ou de cœur. Il s'agit de territoire, d'égo, de loyauté. Et au milieu de tout cela, un seul être est malmené comme une balle de jonglage : Fizzaroli.

 

Le petit Imp leva timidement la main.

 

-Je peux dire un mot ?

 

-Bien sûr, répondit doucement Alastor, lui adressant un regard apaisant.

 

-J'aime Asmodeus, dit-il en rougissant jusqu'aux oreilles. Je l'aime vraiment. Je ne veux pas retourner au cirque. Ce n’est pas contre Mammon, c'est juste que... je veux choisir moi-même où je travaille, et avec qui. C'est tout.

Un silence pesant s'abattit sur la pièce.

 

-Ce n’est pas personnel, Mammon... ajouta Fizzaroli plus bas. Mais j'en peux plus de bosser sans pause. Même un clown a besoin de dormir.

 

Mammon détourna le regard, vexé. Il tripotait une bague massive à son doigt, comme s'il avait du mal à digérer cette vérité.

 

-Je te traitais pas si mal, marmonna-t-il.

 

-Tu me traitais comme une mascotte. Pas comme un être pensant.

 

-Et vous, Asmodeus, poursuivit Alastor, un sourcil levé, en profitant du silence temporaire de Mammon, êtes-vous prêt à compenser les pertes de Mammon par un accord officiel, une sorte de rachat symbolique du contrat de Fizzaroli ?

 

-Je peux signer n'importe quoi, tant que personne ne me l'arrache plus jamais, dit Asmodeus avec un sérieux inattendu dans la voix.

Lucifer releva les yeux. Il les fixa tous tour à tour, lentement. Il n'avait pas encore dit un mot depuis son éclat de colère.

 

Il semblait vidé. Ses épaules affaissées, ses yeux cernés, ses lèvres closes.

-Lucifer... souffla Alastor.

 

Un silence glacial s'installa.

 

Puis Asmodeus soupira longuement.

 

-Très bien. Je vais faire une proposition écrite. Officielle. Fizzaroli devient mon employé exclusif, mais Mammon aura droit à des participations sur ses performances passées dans ses anciens shows. Je verserai aussi une compensation pour la perte de revenus.

 

Mammon renifla, haussa les épaules.

 

-J'suppose que c'est mieux que rien.

 

Fizzaroli poussa un soupir de soulagement, des larmes aux yeux.

 

Lucifer n'ajouta rien. Il resta silencieux, le regard perdu sur la table.

 

Alastor posa doucement sa main sur la sienne, en silence. Ce n'était pas le moment de parler. Seulement d'être là.

 

 

Les portes du bureau se refermèrent dans un cliquetis sec derrière eux. Le silence du couloir, après les éclats de voix et la tension accumulée, paraissait presque irréel.

 

Lucifer marcha droit devant, l'air distant, le dos rigide. Alastor le suivait à quelques pas, mains dans les poches, regard posé sur cette silhouette familière - mais usée.

 

Il ne disait rien. Il avait appris, à force, que certains silences valaient mieux que les questions. Et Lucifer, ce soir, était tendu comme une corde prête à se rompre.

 

Mais un détail l'arrêta net. Une infime crispation. Le genre de chose qu'on ne remarque que lorsqu'on connaît par cœur la façon qu'a quelqu'un de marcher.

 

Lucifer ralentit d'un pas, pinça brièvement les lèvres... et ses doigts, presque mécaniquement, vinrent effleurer son bas-ventre, juste l'espace d'un instant. Comme un réflexe.

 

Alastor haussa imperceptiblement un sourcil. Il ne dit rien tout de suite.

Ils atteignirent un angle du couloir, hors de vue des gardes et des conseillers. Là, dans cette alcôve de pierre, le monde sembla s'arrêter. Juste eux deux, le marbre froid et les lueurs dorées des appliques murales.

 

Lucifer s'adossa contre le mur, les yeux fermés un instant. Ses traits étaient tirés, sa peau plus pâle que d'habitude, comme si la lumière même peinait à accrocher à ses pommettes.

 

Alastor brisa doucement le silence.

 

-Tu es sûr que ça va ? Tu as dormi cette nuit ?

 

Lucifer rouvrit les yeux, fatigués. Il ne répondit pas tout de suite.

 

-Je vais bien, dit-il enfin, d'une voix faible. Juste... épuisé. Rien de plus.

 

Une nouvelle grimace traversa son visage, à peine perceptible. Il se redressa aussitôt, comme pour la masquer.

 

Alastor le fixa un moment, attentif à chaque micro-émotion.

 

-Ce n'est pas que de la fatigue, murmura-t-il. Je le vois.

 

-Et tu comptes faire quoi ? M'obliger à t'en parler ? Je ne sais même pas moi-même c'qui m'arrive, répliqua Lucifer sèchement, les bras croisés.

 

Alastor resta calme, sa voix douce mais ferme.

 

-Non. Je veux juste que tu saches que je suis là. Même si tu ne dis rien. Même si tu veux qu'on fasse comme si de rien n'était.

 

Lucifer détourna les yeux. Il semblait lutter intérieurement contre quelque chose, une angoisse qu'il ne parvenait pas à nommer.

 

-Tu poses trop de questions, murmura-t-il. Tu es trop curieux.

 

- Et tu détestes ça.

 

Un silence suspendu.

 

Alastor sourit à peine. Ce n'était pas une victoire, c'était un aveu fragile, posé entre deux silences.

 

Puis il tendit la main, discrètement, sans la forcer. Elle resta là, ouverte. Une invitation, pas une injonction.

 

Lucifer hésita. Puis, presque à contrecœur, il y glissa la sienne.

 

Le contact était tiède. Vivant. Fragile aussi.

 

-Viens, murmura Alastor. La voiture nous attend.

Lucifer hocha la tête. Et ils reprirent la marche, main dans la main, comme deux ombres fatiguées traînant derrière elles des secrets encore trop lourds pour être partagés.

 

Quelques minutes plus tard...

 

La limousine glissait doucement dans les rues bleues, noires, et violettes de Luxure, entre les tours d'obsidienne et les lumières néons des clubs et des bars. À l'intérieur, le silence régnait.

 

Alastor était assis à gauche, bien droit, les mains croisées sur un genou, le regard rivé à la vitre fumée. Il ne regardait pas Lucifer. Mais il le sentait. Sentait sa tension, sa fatigue, son retrait presque palpable.

 

À l'autre bout de la banquette, Lucifer s'était calé contre le dossier, jambes recroquevillées, les bras refermés autour de lui comme une barrière invisible. Son visage, d'habitude si impassible, trahissait un agacement feutré. Il ne disait rien non plus. Il regardait droit devant, mais sans vraiment voir.

 

Baxter, installé dans le siège à l'avant du compartiment, avait les doigts collés au volant, sans rien dire. Son instinct scientifique était pointu, mais ce soir, même lui savait qu'il valait mieux ne pas ouvrir la bouche.

 

Le silence s'étira. Seule la rumeur du moteur vibrait en fond, discrète, presque apaisante - ou pesante, selon l'humeur.

 

Lucifer soupira. Longuement. Le genre de soupir qui vient de loin, d'un corps au bord de l'épuisement et d'une tête pleine de regrets.

 

-On n'a même pas pu leur parler de l'extermination... marmonna-t-il, plus pour lui-même que pour les autres.

 

Alastor détourna enfin les yeux de la fenêtre pour le fixer.

 

-Je sais. Mammon et Asmodeus ont monopolisé toute la discussion.

 

 

-C'était pas une discussion, Al. C'était un cirque complet. Y'a rien qui allait.

 

Lucifer se pinça l'arête du nez. Il avait mal à la tête. Et autre chose, plus bas. Une lourdeur sourde qui lui faisait perdre patience plus vite que d'habitude.

 

-Et maintenant, on doit supplier Beelzebub de nous aider à exterminer des légions dont on ne connait même pas le chef. Alors qu'on n'a aucun plan, aucun allié, et qu'on se traîne des conflits en prime...

Il ferma les yeux, un instant.

 

Baxter hésita à parler, puis s'abstint.

 

Alastor, doucement, erépondit d'un ton posé :

-Ce n'est pas une faiblesse de demander de l'aide. Encore moins si c'est un problème qui touche tous les Enfers.

 

Lucifer rouvrit les yeux et le fixa.

 

-Toi, tu crois vraiment qu'elle va nous écouter ? Beelzebub ? Imagine si elle dit non... On n’aura plus personne à nos côtés.

 

-Elle écoutera, dit Alastor calmement. Elle t'écoute toujours. Même si elle a l'air de prétendre l'inverse.

 

Lucifer détourna le regard. Son bras se crispa légèrement contre son abdomen, un geste bref, presque invisible, avant qu'il ne le relâche.

 

Alastor remarqua. Encore.

 

Mais il n'en dit rien.

 

Il replongea dans le silence, laissant à Lucifer ce qu'il restait d'orgueil, de contrôle, de murs.

 

Lucifer, lui, fixait désormais le fond du compartiment. Il se sentait piégé, dans cette voiture comme dans ce rôle. Fatigué de devoir tout porter, même ce qu'il ne comprenait pas encore.

 

Et quelque part, au creux de lui, quelque chose le perturbait plus qu'il ne voulait l'admettre.

 

Alastor jeta un rapide coup d'œil vers Baxter. Il était assez concentré sur la route à prendre pour se diriger vers la capitale de Gourmandise.

 

Alors, lentement, Alastor se décolla de la vitre et glissa sur la banquette, rejoignant Lucifer de l'autre côté du compartiment. Il ne dit rien. Il s'approcha simplement, sans brusquerie, et posa sa main sur l'épaule de Lucifer - une pression chaude, constante, comme une couverture en l'hiver.

 

Lucifer ne protesta pas. Il ne bougea même pas. Il restait figé, les épaules basses, le visage tourné vers ses genoux. Mais quand Alastor l'attira doucement contre lui, il se laissa faire.

 

Le front de Lucifer trouva la clavicule d'Alastor, et un souffle fragile s'échappa de ses lèvres, tout près de sa nuque.

 

 

-Je... suis désolé... murmura-t-il. Je comprends plus ce qui m'arrive...

 

Ses doigts agrippèrent un instant le tissu de la veste d'Alastor, comme s'il avait peur de glisser, de chuter dans quelque chose d'invisible.

 

-J'ai tellement hâte... qu'on ait plus de problèmes...

 

Un silence.

Puis Alastor passa un bras autour de lui. Il ne répondit pas tout de suite. Il se contenta de le tenir, d'être là, solide, respirant lentement, ancrant Lucifer au monde sans le forcer à parler davantage.

 

Ce genre de tendresse n'était pas courant entre eux. Mais parfois, il n'y avait rien d'autre à faire que ça.

 

Attendre que le chaos se taise un peu.

 

Et le chaos, justement, était encore loin d'être fini.

 

 

Lucifer et Alastor entrèrent dans le bâtiment coloré, la musique était à fond. On aurait dit une boîte de nuit géante ! Une grande démone hybride animale alla à leur rencontre instantanément.

 

-Lucifer, bébé ! Tu viens finalement te joindre à la fête, ça c'est une surprise, s'exclama Beelzebub.

 

-Ouais, navré de venir à l'improviste comme ça, mais nous devions absolument te parler, répondit le roi des Enfers avant de lui serrer fermement la main.

 

-Wow ! Les gars, j'adore l'ambiance d'aujourd'hui. Vous avez bien fait de venir ! Mais merde, je crois que j'ai un peu abusé sur les confettis par contre. J'ai genre... un arc-en-ciel dans mon vagin là.

 

Alastor plissa les yeux comme signe d'incompréhension, tout cela était plutôt nouveau pour lui. Quant à Lucifer, il semblait habitué à ses propos.

 

-Oh, hey ! C'est pas le beau mec que m'a parlé Belphégor, lui ? Il est putain d'mims ! T'étais caché où, mec ? Dit alors Beelzebub en regardant Alastor.

 

-Le beau-quoi ? Je comprends rien, émit le démon de la radio.

 

-Hm, nan, t'inquiètes pas. Je suis juste super défoncée avec tout le parfum sucré que les gens dégagent ! Je suppose que c'est ta première fois hors du cercle de l'orgueil. J'espère que ce truc en petit comité sera une soirée fun pour toi !

 

-Quand tu dis "petit comité", souligna Lucifer en levant un sourcil. On dirait plutôt que tu as réuni tout Gourmandise ici.

 

-J'aurai bien aimé faire une encore plus grande teuf, mais Belphégor a encore refusé de me laisser sa came. La loose, putain... En vrai, d'habitude je lui vole, mais elle a changé les serrures. Elle me dit que je suis vraiment, dit la démone hybride avant de faire des guillemets avec ses doigts, "tebée" d'essayer, mais... Au moins, je suis tebée et fière de l'être !

-Hm, hm... En clair, c'est plutôt cool ici. Enfin je crois... Alastor hésitait sur ses réponses, voulant donner une bonne impression devant elle et Lucifer.

 

-Ahah, mort de rire. Souri Bee avant d'avaler une gorgée d'un liquide bleu dans un gobelet en plastique. Luci, tu m'avais pas dit qu'il était hilarant ! T'es trop marrant. Je kiffe comment tu te comportes avec les gens ! Toi, t'en as rien à foutre d'à quel point t'es zarb... Et ça, c'est beau, putain. T'es ma nouvelle personne préférée !

 

Lucifer ne pouvait s'empêcher de rire en voyant son partenaire dans une situation si gênante.

 

-Vous... êtes vraiment sûre ? Demanda Alastor, perturbé par sa proximité... un peu trop amicale.

 

-Mais ouais ma couille ! Non, vraiment, t'es incroyable. J'en connais un qui a d'la chance de t'avoir ici.

 

Lucifer toussa d'un coup pour les interrompre.

 

-Ahah, enfin bref... Vous vous connaissez déjà, pas besoin de faire les présentations. Bee, est-ce que tu as un endroit où on pourrait discuter en privé, s'il te plaît ? C'est plutôt urgent, désolé de te presser. Dit l'ange déchu qui savait que l'heure passer à une vitesse folle, et qu'ils n'auraient pas le temps de faire tout ce qu'ils avaient prévu aujourd'hui.

 

-Oh, ok, aucun souci. Suivez-moi.

 

Ils entrèrent tous dans le bureau personnel de Beelzebub, la musique résonnait encore entre les murs, mais c'était supportable pour discuter.

 

-Alors ! Les mecs, que puis-je faire pour vous ? La pécheresse capitale s'assit sur son fauteuil et posa ses coudes sur son bureau, prête à écouter.

 

Lucifer et Alastor se regardèrent, ne sachant pas par où commencer. Ils craignaient qu'elle ne les prenne pas au sérieux.

 

-En fait... Ils commencèrent tous les deux à parler en même temps.

 

-Euh... Il y en a un qui pose problème là, un seul à la fois. Précisa Beelzebub avant de faire apparaître tout un tas de bonbons dans ses mains, elle avait décidément les yeux plus gros que le ventre.

 

-Comme tu le sais, commença Lucifer, l'extermination à lieu très bientôt. Les anges ont recommencé leur petit jeu malgré l'avertissement que je leur avais donné la dernière fois que je suis monté là-haut. Je... On n'était pas préparé à ça. Je ne comprends pas pourquoi ils font ça, ils savent pourtant très bien comment ça s'est fini la dernière fois. Alors voilà... On est là pour savoir si tu voudrais bien nous donner un coup de main.

 

-Les mecs... Vous connaissez bien la règle des cercles.

-"Chacun son cercle, chacun ses problèmes"... Oui, je m'en rappelle très bien ! Mais... Émit Lucifer en enfonçant sa tête dans ses mains.

Alastor prit la parole :

 

-Mais nous avons vraiment besoin de votre aide ! S'il vous plaît... Nous sommes désespérés. Ils arrivent dans à peine vingt jours, et nous ne sommes absolument pas prêts ! Nous manquons de monde pour nous soutenir.

 

-Écoutez... J'en sais rien, soupira Beelzebub avant de brûler l'emballage de son bonbon. On est déjà en déficit ici...

 

Alastor en avait plus qu'assez qu'on ne prenne pas le problème des exterminations comme un problème commun.

 

Lucifer avait peur, il n'en dormait sûrement plus le soir, et c'était insupportable pour le démon de la radio. Le voir si déterminé et à la fois si déprimé... Un vrai cauchemar.

 

-Lucifer a toujours fait de son mieux pour protéger les Enfers ! S'exclama Alastor. À votre avis, pourquoi est-il en face de vous ? Il cherche à sauver le plus de démons possibles, nous voulons éviter un nouveau massacre à tout prix. Et vous croyez vraiment que le Paradis va s'arrêter au cercle de l'Orgueil ? Vous n'êtes plus très loin sur leur liste.

 

Tout le monde se tut. Lucifer regarda Alastor avec de grands yeux, surpris de ses mots. Il venait de prendre sa défense devant une personne importante ? Étonnant... Mais Beelzebub semblait toujours peu convaincue.

 

-Pensez-vous réellement que quelques démons décapités vont leur suffire ? Leur soif de sang est insatiable. Alors non, ils n'arrêteront pas de nous traquer tant que la population des Enfers n'aura pas été entièrement décimée. Alors, soit vous vous battez avec nous et qu'importe sera les prix à payer, ou soit vous déposez les armes et attendez la mort comme des lâches. Alors, quel est votre choix ?

 

-Mmh... Je vois. Mais nous, on est tranquille ici, alors pourquoi se mouiller les mains pour vous ? C'est trop dangereux et les anges sont bien trop puissants pour nous. Ajouta la pécheresse capitale de la Gourmandise.

 

-Si vous aimez Lucifer autant que je l'aime, je vous implore de nous écouter ! Protesta le démon de la Radio, après s'être levé d'un bond. Lucifer rougissait.

 

-Je ne doute pas de ce que tu dis. Mais... je crains juste que les exorcistes soient intouchables à nos armes. Comment voudriez-vous...

 

-Ça a changé, rectifia Lucifer. Les armes angéliques étaient un essai, et ça a marché. C'est comme ça qu'on les a repoussés à la dernière extermination.

-Lucifer, tu veux dire que la solution du plus gros problème de l'histoire de l'humanité était sous nos nez depuis le début ? Les armes angéliques, ce serait donc aussi simple de les blesser... Merde ! Pourquoi on n'avait pas essayé ça avant !?

 

Beelzebub avait retrouvé son sérieux, et écoutait attentivement les deux hommes parler.

 

-Nous n'avions pas les armes, renchérit Alastor. Mais il se trouve justement que nous avons une vendeuse clandestine dans notre cercle. Cependant, je sais que vous pouvez nous en fournir à nous aussi.

 

-Alastor, on a quand même besoin de personnes à qui les donner, protesta Lucifer d'un simple signe de tête.

 

-Beaucoup de personnes, alors. Rectifia Beelzebub, craignant qu'ils ne se mettent jamais d'accord.

 

-Aide-nous dans ce cas ! Je ne t'ai jamais rien demandé depuis des années, s'exclama le roi, tu peux pas me refuser ça pour un faux prétexte ! Je sais que je n'ai pas été très joignable, même pas du tout, depuis la disparition de Lilith. Et j'en suis sincèrement désolé ! Si je vous ai fait du mal avec Asmodeus, je le regrette. S'il te plaît... Tu es comme ma sœur. Dis-moi que tu vas nous aider, on y arrivera pas sans toi... Je te le jure.

 

-Bon... Je vais voir ce que je peux faire avec mon conseiller ce que je peux faire... Mais je ne vous promets rien ! J'en ai pour cinq minutes.

 

Beelzebub quitta la pièce comme par magie, en un claquement de doigts.

 

Alastor était à la fois content et soulagé qu'il y est peut-être une possibilité d'alliance pour l'extermination.

 

-On a peut-être réussi à avoir un péché capital, commença le démon de la radio. J'ai cru pendant quelques secondes que c'était perdu, mais c'est plié.

Alastor s'arrêta.

 

-Lucifer ? Tu m'écoutes ?

 

L'ange déchu releva les yeux. Il semblait ailleurs, englouti par des pensées trop lourdes pour lui.

 

-Je... Oui, oui, je t'écoute. Désolé. Je suis content aussi.

 

Mais ses yeux ne disaient pas la même chose. Il avait cette lueur voilée, celle qui se battait contre les larmes depuis trop longtemps.

 

Alastor l'observa un moment. Puis, sans dire un mot, il s'approcha et posa une main sur sa joue.

-Tu peux respirer maintenant, murmura-t-il. Juste un peu.

 

Lucifer le fixa, surpris par cette tendresse inattendue. Et là, le démon de la radio déposa un baiser léger contre ses lèvres.

 

Pas un baiser passionné. Un baiser comme une promesse. Comme un "je suis là", même quand tout s'effondre.

 

 

Les néons rouges et rosés du hall clignotaient doucement, projetant des reflets chauds sur les murs à la peinture usée. Alastor referma la porte d'entrée derrière lui. À ses côtés, Lucifer avait gardé le silence depuis qu'ils avaient quitté le cercle de la Gourmandise.

 

Charlie, qui était assise sur le comptoir, se leva d'un bond en les voyant revenir.

 

-Alors !? demanda-t-elle aussitôt. Comment ça s'est passé ?

 

Alastor échangea un regard bref avec Lucifer, puis s'approcha d'elle, le visage grave.

 

-Pour Asmodeus et Mammon... inutile d'insister. Ils refusent de s'en mêler.

 

-Oh... fit-elle, le sourire s'effaçant légèrement.

 

Mais il ajouta aussitôt :

 

-Mais Beelzebub est avec nous.

 

-Vraiment !? s'exclama Charlie, les yeux brillants. C'est génial ! Elle a beaucoup d'influence dans son cercle, c'est un soutien énorme !

 

Alastor hocha la tête, mais son regard glissa aussitôt vers l'escalier.

-Et Vaggie ? demanda-t-il.

 

Charlie désigna l'étage d'un signe de tête.

 

-Elle est en haut, avec Husk et Angel. Ils étudient les plans du Pentagramme, les stratégies, tout... Ils s'entraînent mentalement. Tout le monde se prépare, Alastor. Même ceux qui avaient peur, maintenant... ils se lèvent.

 

Le démon de la radio ferma brièvement les yeux, soulagé d'entendre ça. Il posa doucement sa main sur l'épaule de Charlie, puis monta lentement les marches.

 

Charlie, elle, grimpa à son tour, plus rapidement, impatiente de rejoindre ses amis et d'annoncer la nouvelle.

 

Une lumière douce baignait la pièce, filtrée par les rideaux rouges. Le silence était presque religieux. Alastor descendit de nouveau, une petite heure après être monté, lentement, pensif... jusqu'à ce qu'il le voie.

Lucifer.

 

Affalé dans un canapé, endormi dans une position peu confortable, le dos légèrement tordu, la joue contre le bras du fauteuil. Pas d'oreiller, pas de couverture. Il s'était juste laissé tomber là, vidé.

 

Un petit soupir échappa à Alastor. Un soupir attendri. Il sourit, l'air moqueur mais tendre.

 

-Quel roi... si négligé.

 

Il retira sa veste d'un geste fluide, puis s'agenouilla doucement près du canapé. Avec précaution, il plia le tissu et le glissa sous la tête de Lucifer comme un oreiller. Mais à peine l'avait-il posée que Lucifer, dans son demi-sommeil, la saisit instinctivement... pour la ramener contre son visage, les yeux toujours fermés.

 

Comme si son parfum l'apaisait.

 

Alastor resta figé un instant. Son sourire s'élargit légèrement. Puis, sans un mot, il se glissa doucement dans le canapé, contre lui. En cuillère.

 

Lucifer respirait lentement, profondément, sa joue toujours posée contre la veste qu'il serrait contre lui.

 

Alastor pencha la tête, son souffle frôlant l'oreille du roi assoupi.

 

-Tu es vraiment obsédé par moi, chéri, murmura-t-il.

 

Il ferma les yeux à son tour, laissant le silence retomber dans le salon...


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