Hellish Story (Tome 1)

Chapitre 16 : Un dernier sourire

2319 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/08/2025 12:36

  Les jours défilèrent, haletants, suspendus au compte à rebours de la destruction. Dix-sept. Puis seize. Puis quinze.

 

Chaque matin, l'Enfer tout entier se réveillait avec cette sourde angoisse au fond de la gorge. Pourtant, nul ne faiblissait. La peur n'effaçait pas la détermination.

 

Ils avaient trop perdu. Trop aimé. Trop saigné. Ils allaient se battre. Jusqu'au dernier.

 

Dans la salle d'entraînement du palais, les murs tremblaient sous l'intensité des sorts. Le souffle de la magie noire léchait les vitres. Lucifer, épuisé mais concentré, faisait face à Alastor, torse légèrement découvert, en sueur, le regard vif.

 

-Non. Tu te canalises encore trop par l'instinct, remarqua Lucifer. Tu dois contrôler la colère, pas l'inverse.

 

-Je la contrôle parfaitement.

 

-Masquer et contrôler, c'est bien différent.

 

Lucifer s'approcha, prit les poignets d'Alastor dans ses mains. Ses doigts étaient tremblants. Les yeux rouges de l'ancien ange croisèrent ceux de l'ex-pécheur.

 

-Regarde-moi... Aly, concentre-toi sur moi. Faudra que tu te battes comme si ta vie en dépendait. Comme si tu pouvais perdre celui que tu aimes à tout instant.

 

-Je suis assez concentré comme ça, rétorqua Alastor en levant les yeux.

 

-Non, t'es crispé. C'est pas pareil.

 

Et d'un coup, Lucifer lui lança un projectile de lumière pure. Alastor réagit au quart de seconde, l'esquiva, pivota, et canalisa un bouclier d'ombre noire autour de lui. L'impact fut spectaculaire, un mini-séisme. Lucifer sourit.

-Là ! Tu vois ? Quand tu ne penses pas, t'es juste génial, s'exclama Lucifer en siflant devant les dégâts sur le mur.

 

-Toi aussi, tu es génial. Mais que quand tu ne tentes pas de me tuer, fit Alastor avec un petit rire nerveux.

 

Lucifer étouffa un sourire. Puis il recula, essuyant la sueur sur son front. Il regarda autour de lui : Husk s'entraînait au tir de précision avec des armes célestes modifiées. Vaggie testait des scénarios tactiques avec Charlie, qui avait appris à manier une faux d'énergie. Niffty courait entre les équipes, transmettant les ordres.

 

Beelzebub, elle, revenait chaque jour, fidèle à sa parole. Une alliée solide. Le soir, elle avait tenu Lucifer dans ses bras après une crise de panique, sans rien dire. Juste en étant là.

 

Leurs nuits étaient courtes. Leurs réveils violents. Mais l'unité était née.

 

Et puis... cinq jours avant la date fatidique, Lucifer disparut.

 

Il se téléporta, seul, en plein cœur du Jardin d'Éden. Là-bas, rien n'avait changé. L'air sentait la pomme fraîche et la lumière divine. Les fleurs murmuraient des prières, les rivières chantaient encore en hébreu ancien.

Michaël l'attendait. En silence.

 

Lucifer le rejoignit, mains dans les poches. Ils s'observèrent quelques secondes, comme s'ils essayaient de deviner s'ils étaient encore les enfants d'autrefois.

 

-T'as toujours cette tête de parfait premier de la classe, dit Lucifer. C'est insupportable.

 

-Et toi, tu as toujours l'air de cacher une connerie.

 

Ils rirent. Comme avant.

Ils parlèrent longtemps, debout sous un ancien pommier, les chaussures dans l'herbe douce, évoquant des souvenirs d'enfance oubliés. Les farces, les sermons de leur père, les duels avec Raphaël. C'était simple. Doux.

 

Lucifer, pour un instant, oublia l'extermination. Il n'était plus que le frère. L'autre moitié d'une histoire sainte.

 

Puis son regard changea.

 

Il sortit une enveloppe rouge de sa veste. Un blason doré au centre. Le sceau des Morningstar.

 

-Je veux que tu donnes ça à Alastor... mais seulement si... s'il m'arrive malheur. Enfin, tu vois le genre.

Michaël le fixa.

 

-Non. Je ne peux pas. Tu veux que je trahisse les miens ? Qu'on me bannisse pour collaboration avec les Enfers ? Je suis désolé, Lucifer, mais je ne peux certainement pas faire ça.

 

-T'es sérieux là ? Je te demande juste de lui donner une petite lettre après l'extermination, réexpliqua le Diable. Et encore... c'est même pas sûr que tu aies besoin de le faire.

 

Silence. Puis Michaël soupira, résigné.

 

-Bon, qu'est-ce qu'il y a dedans ? Rien de compromettant contre nous ?

 

-Un simple au revoir. Et une vérité. Il mérite les deux. C'est un gars bien, je t'assure. Il ne dira rien si, imaginons, tu lui donnes.

 

Il déposa l'enveloppe dans les mains de son frère, qui la glissa dans la doublure de sa toge blanche, les lèvres serrées.

 

-Tu ne vas pas mourir, Lucifer. Je n'aurai pas à donner cette lettre.

 

-Tu crois toujours aux miracles, toi, hein ?

 

-Non. Mais je crois en toi. On y arrivera.

 

Ils ne s'étreignirent pas. Ils n'avaient plus l'habitude.

 

-Je sais que c'est trop te demander après ça, commença Lucifer, mais... Comment se fait-il que les exterminations soient de nouveau d'actualité ? Adam est mort. Alors qui dirigera vos légions ?

 

-Lucifer... Tu sais bien que, même si je le voulais, je ne pourrais pas te le dire. Avec tout le respect que j'ai pour toi et ton royaume, je peux juste te dire que nous serons nombreux, très nombreux. Et il faudra que tu te prépares au pire. Parce que ce n'est pas qu'une simple extermination, à ce stade, c'est devenu un vrai génocide. Ils chercheront à tout prix à t'éliminer en premier.

 

Lucifer hocha la tête. Il était déterminé à en finir une bonne fois pour toute avec les exterminations. Il devait rétablir la paix dans son royaume.

 

Mais quand l'ange déchu se retourna pour repartir, Michaël murmura dans son dos :

 

-Sois prudent. Je viendrais si je te sens en danger.

 

Lucifer ne répondit pas.

Il avait un combat à mener. Une vie à protéger. Un amour à sauver. Mais il savait qu'il avait du monde autour de lui quoi qu'il puisse survenir.

 

 

Dans la soirée, l'atmosphère de l'hôtel Hazbin n'avait jamais été aussi étrange. Ce n'était pas vraiment joyeux, ni franchement tendu. C'était... calme. Presque paisible. Comme si l'Enfer tout entier retenait son souffle. Les couloirs baignaient dans une lumière tamisée, et au rez-de-chaussée, quelques voix s'élevaient doucement du bar.

 

Lucifer était assis sur un tabouret, son coude appuyé sur le comptoir, les yeux fixés sur la bouteille d'absinthe posée devant lui. Il ne buvait pas vraiment. Il observait. Ses amis. Sa famille. Ces âmes torturées qu'il avait apprises à aimer à sa manière.

 

Charlie discutait tranquillement avec Beelzebub, qui rigolait fort à une blague douteuse de Husk. Vaggie, un peu à l'écart, surveillait la pièce d'un œil toujours un peu méfiant, mais l'autre fixait tendrement Charlie quand elle croyait que personne ne la regardait. Niffty nettoyait une bouteille déjà propre. Angel, bien sûr, monopolisait la conversation avec un récit douteux sur son ex-petit ami démon squelette.

 

-Et là, il me dit : « j'peux pas, j'ai pas d'abdos ». Je lui réponds : « mec, t'as pas de peau non plus, et pourtant on a testé ça hier soir, non ? »

 

Husk s'étouffa de rire derrière son verre, Charlie cacha son visage entre ses mains, rouge comme une tomate, et Beelzebub manqua de recracher son cocktail. Seul Alastor ne rit pas. Il écoutait, un petit sourire tendre sur les lèvres, les yeux fixés sur Lucifer.

 

Après un instant, il se leva. Lentement. S'approcha derrière son amant sans rien dire. Et dans un geste étonnamment intime venant de lui, il passa ses bras autour des épaules de Lucifer, l'enlaçant doucement par l'arrière.

 

Ses lèvres s'approchèrent de son oreille, et dans un souffle si doux qu'il semblait à peine effleurer sa peau, il murmura :

 

-Bonne nuit, mon amour.

 

Lucifer frissonna légèrement. Le ton n'avait rien de dramatique, mais son cœur accéléra quand même. Alastor déposa un baiser léger, presque chaste, sur ses lèvres. Et s'éloigna sans un mot de plus.

 

Husk souri à Alastor, une sorte de remerciement envers lui parce qu'il voit qu'il traite bien Lucifer.

 

Lucifer resta figé une seconde, les joues à peine rosées. Puis il se leva à son tour, s'étira avec un soupir, et annonça en s'éloignant :

 

-Je vais me coucher. Faut que je sois en forme demain.

 

Il n'avait pas vraiment menti. Mais ce n'était pas pour dormir qu'il quittait la pièce.

Angel leva un sourcil, l'air taquin.

 

-Ouais, c'est ça. Dis plutôt qu'avec Alastor, vous allez faire vos petites affaires ce soir. J'me trompe ?

 

Charlie émit un petit couinement de gêne. Vaggie soupira, blasée.

-ANGEL, bordel, tu peux pas être un peu subtil ?

 

-J'suis un démon du sexe, j'suis pas né avec un bouton "subtilité" !

 

Husk éclata de rire et se resservit un verre.

 

Lucifer s'arrêta sur les marches. Se retourna lentement vers Angel, un grand sourire ironique sur le visage.

 

-Va te faire foutre, Anthony.

 

Angel ouvrit grand la bouche, choqué.

 

-WESH ! Comment il connaît mon vrai prénom !?

 

Lucifer leva les yeux au ciel, et dans un éclat de rire général, il gravit les marches. Son cœur battait fort, mais pas de peur. Pas ce soir.

 

Il savait qu'il ne dormirait pas. Mais au moins, il ne serait pas seul.

 

Il entra dans sa chambre, et referma directement la porte derrière lui.

 

La pièce était baignée d'une lumière tamisée, une teinte dorée que projetaient les rideaux de velours entrouverts. Le silence régnait, sauf le craquement discret du bois ancien et le souffle feutré de la nuit. Alastor était allongé sur le lit, torse nu, ses cheveux défaits tombant doucement sur l'oreiller. Il tourna la tête lorsque Lucifer entra.

 

-Hey ? Tu n'es pas resté avec les autres ? demanda-t-il avec une fausse innocence.

 

Lucifer ferma la porte derrière lui, s'approcha lentement, le regard sombre mais brillant d'envie.

 

-Je sais que tu voulais que je te rejoigne, murmura-t-il avec un sourire presque carnassier.

 

Il s'approcha du lit, retira lentement son manteau, puis sa chemise, qu'il laissa tomber au sol sans cérémonie. Alastor s'était redressé à moitié, yeux fixés sur lui, comme fasciné. Quand Lucifer se glissa à califourchon sur lui, leurs lèvres se cherchèrent avant de se trouver, un baiser long, profond, qui faisait remonter en eux des jours de tension retenue.

 

Les mains d'Alastor glissèrent sur la taille fine de Lucifer, remontant doucement sous le tissu jusqu'à sa peau brûlante. Lucifer se cambra légèrement, collant leur corps l'un à l'autre, sentant le torse d'Alastor contre le sien, les muscles qui se tendaient sous ses doigts.

 

Leurs baisers s'intensifièrent, plus humides, plus impatients. Alastor laissa ses doigts effleurer la ligne de sa colonne, s'arrêtant juste au creux de ses reins. Lucifer gémit à peine, une note basse et grave qui résonna entre leurs poitrines.

 

Lucifer l'embrassa dans le cou, lentement, mordillant sa peau avant de descendre plus bas. Ses doigts défirent sans hâte le pantalon d'Alastor, qu'il lui retira avec une sensualité presque sadique. Alastor ferma les yeux, ses hanches répondant malgré lui.

 

Lucifer se redressa, nu, silhouette parfaitement sculptée par la lumière lunaire. Il se pencha à nouveau sur Alastor, leurs corps désormais peau contre peau. Ils se frottèrent l'un à l'autre lentement, leurs souffles courts, leurs mouvements mesurés mais chargés de tension.

 

Alastor le fit basculer doucement sur le dos, dominant la scène d'un regard brûlant. Il embrassa Lucifer avec passion, puis descendit lentement, explorant chaque centimètre de son torse, de son ventre, de ses hanches. Il le fit frissonner, le fit trembler. Les gémissements de Lucifer devinrent plus désordonnés, plus vrais. Il ouvrit les cuisses pour lui, sans aucune honte.

 

Leurs corps se cherchèrent encore, se préparèrent, se collèrent. Quand enfin Alastor entra en lui, Lucifer s'arqua avec un halètement, les yeux clos, les doigts plantés dans ses omoplates. Le rythme débuta lent, profond, comme un souffle retenu, puis monta, ondulant, jusqu'à devenir une danse à deux, un duel de plaisir et de besoin.

 

Lucifer gémissait à son oreille, le nom d'Alastor chuchoté entre deux halètements, des mots d'amour, de désir, de peur aussi - peur que ce soit la dernière nuit. Alastor, lui, gardait son front contre celui de Lucifer, le regard brûlant de tendresse et de feu.

 

Ils perdirent la notion du temps, de la guerre, du lendemain. Il n'y avait plus que leurs corps, leurs soupirs mêlés, les draps froissés, et l'odeur enivrante du sexe et de l'amour.

 

Quand ils atteignirent l'orgasme, ce fut presque en même temps - Lucifer criant son prénom, Alastor serrant fort son dos. Puis le silence retomba, lourd et doux à la fois. Alastor se laissa tomber à côté de lui, son torse montant et descendant au rythme de son souffle épuisé.

 

Lucifer tourna la tête vers lui, leurs doigts se rejoignirent entre les draps, et il souffla, encore à bout de souffle :

 

-Si c'est notre dernière nuit... je ne veux pas avoir de regrets.

Alastor lui caressa doucement la joue, approcha ses lèvres de son front et y déposa un long baiser.

 

-Alors restons là... jusqu'à demain.


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