Sexy Dance (Tome 1)
🔥 Scène 6 - "T'as mal dormi ou t'es né comme ça ?"
7h04.
Salle de danse encore vide.
Lucifer est là depuis 6h30. Échauffement brutal, respiration saccadée. Il a dormi à peine deux heures, dans son lit trop grand, trop vide, trop froid.
Il refait la même séquence pour la quatrième fois.
Ses muscles brûlent.
Il ne sent plus ses jambes.
Parfait.
Il ne veut plus penser.
Soudain, la porte s'ouvre violemment.
Alastor entre. Claquement de semelles, sac en travers de l'épaule, sourire aux lèvres.
- « Mais qui est ce danseur de l'enfer si matinal ? »
Il fait une courbette grotesque.
Lucifer ne répond pas. Ne lève même pas les yeux.
Alastor grimace faussement.
- « Ouuuh, on est grognon. T'as mal dormi ou t'es né comme ça ? »
Lucifer s'arrête. Lentement.
Il se tourne vers lui.
- « Tu vas me fatiguer avant même d'avoir commencé, c'est ça ? »
- « C'est mon pouvoir spécial. »
Lucifer inspire. Ferme les yeux. Ignore.
Il se dirige vers la sono, lance une musique douce, rythmée, presque classique. Puis il se place au centre.
Alastor reste adossé au miroir.
- « Quoi ? J'te regarde faire ton ballet avant de bouger ? »
- « Non. Tu te lèves. Tu répètes. »
Lucifer pointe le sol devant lui.
- « Maintenant. »
Alastor hausse les sourcils. Mais obéit. À moitié. Il traîne les pieds, s'étire comme un chat paresseux.
Lucifer commence la chorégraphie.
Premier pas. Deuxième. Troisième...
Il tourne le dos à Alastor.
Erreur.
Derrière lui, Alastor fait exprès d'exagérer chaque geste. Bras lancés comme un pantin désarticulé. Pirouette de l'enfer.
Il mime même un saut dramatique en soufflant fort, bras en croix comme s'il allait être crucifié.
Lucifer, toujours concentré, sent un frisson d'irritation grimper dans sa nuque.
Il se retourne d'un coup.
Alastor gèle, un pied levé, posture ridicule.
Silence.
Lucifer s'approche. Lentement.
- « Tu penses que c'est drôle ? »
- « Franchement, ouais. »
Lucifer le fixe droit dans les yeux.
Ses cernes sont violacées. Son regard glacé.
- « Je ne suis pas ton clown. Je ne suis pas là pour t'éduquer. Et je n'ai pas le temps de supporter tes conneries. »
Il marque une pause. Sa voix devient plus basse.
- « Alors maintenant, tu choisis : tu danses. Ou tu dégages. »
Alastor ne répond pas. Il l'observe.
Et pour la première fois, il sent que Lucifer est à deux doigts de craquer pour de vrai.
Alors, il se redresse.
Laisse tomber le masque du guignol, juste un instant.
- « Okay. J'me calme. »
Il baisse les bras.
- « Mais t'as pas besoin de me tuer du regard, hein. »
Lucifer tourne les talons.
- « Si seulement ça suffisait. »
🦴 Scène 7 - Rattrape-moi si tu peux
Lucifer vérifie son téléphone, en pleine pause. Il fronce les sourcils.
Un appel de Vox, son partenaire pour la sélection nationale. Il hésite. Il décroche.
- « Allô ? »
- « Lucifer... je suis désolé. Je peux pas venir au lycée aujourd'hui. »
Lucifer soupire.
- « Encore ? C'est pas le moment. La deadline est dans deux semaines. »
Un silence.
Puis une voix tremblante :
- « Je me suis cassé la jambe. En trois. Fracture tibia-péroné. Hôpital. C'est... fini pour moi. »
Lucifer se fige.
Il ne répond pas.
Il n'a pas les mots.
Vox dit encore quelques choses, mais tout devient flou dans la tête de Lucifer.
Il raccroche. Les mains moites.
Sa gorge se serre.
Tout s'effondre.
Encore.
Toujours.
- « Wow... ça avait l'air grave, » lance une voix moqueuse derrière lui.
Alastor, assis au sol, chewing-gum en bouche, le regarde avec un air amusé.
Lucifer ne dit rien.
- « T'avais pas besoin de lui pour faire le guignol sur scène. Même moi je sais mieux faire que ce con. »
Il croque dans sa phrase comme dans un fruit acide.
Lucifer relève lentement la tête.
Un sourcil haussé.
Un regard tranchant.
- « Vraiment ? »
Alastor hausse les épaules.
- « Bah ouais. J'peux au moins tenir un type en l'air. T'as vu mes bras ? »
Lucifer lève les yeux au ciel.
Mais un rictus se dessine sur ses lèvres. Froid. Glacial.
Un défi.
- « Ok. Alors rattrape-moi si tu peux. »
Sans prévenir, Lucifer s'élance.
Un saut gracieux, léger, droit vers lui - ses bras tendus comme une étoile filante.
Il ne pense même pas que ça marchera. Il s'attend à s'éclater au sol.
Mais non.
Deux bras puissants le cueillent en plein vol.
Précis. Parfait. Fluide.
Le souffle de Lucifer se coupe net.
Il est suspendu dans l'air, porté comme une plume... par Alastor.
Leurs regards se croisent.
Et pendant une seconde, il n'y a plus rien d'autre. Juste leurs respirations. Et leurs corps en équilibre.
Lucifer déglutit. Son cœur bat trop vite.
- « Comment... t'as su faire ça ? »
Alastor sourit.
Un vrai sourire, cette fois. Presque tendre.
- « J'ai maté Dirty Dancing une fois. La scène du lac. Je retiens vite. »
Lucifer lâche un petit rire nerveux.
Une faille dans l'armure.
Puis, sans le brusquer, Alastor le fait redescendre lentement dans ses bras, comme une mariée dans un film romantique.
Lucifer atterrit, mais reste accroché à lui une seconde de trop.
Ses mains glissent le long de ses épaules.
Il recule enfin.
Froidement.
Trop tard.
Alastor le regarde.
- « Tu vois ? J'suis peut-être ton seul espoir. »
Lucifer renifle, croise les bras.
- « Alors on est foutus. »
Mais dans ses yeux, le doute s'est glissé. Et pire : un éclat d'envie.
🗂️ Scène 8 - "Je ne peux pas faire ça seul."
Le bureau de la proviseure, madame Carmilla, sentait le café froid et l'autorité refoulée.
Elle ne souriait jamais. Sauf pour des articles de journaux.
Lucifer était debout, les bras croisés, encore en tenue de danse, tremblant légèrement d'épuisement et de rage contenue.
- « Il faut une solution. Le projet de fin d'année, c'est... c'est la seule chance de me faire repérer par les jurys de sélection nationaux. Vous savez à quel point ce projet est crucial. Je ne peux pas simplement... danser tout seul. »
Madame Carmilla lève un sourcil, lisse une pile de dossiers.
- « Je comprends votre détresse, Lucifer. Mais votre partenaire s'est cassé la jambe. Vous avez encore deux semaines. Peut-être... adapter la chorégraphie ? La transformer en solo ? »
Lucifer serre les mâchoires.
- « Ce n'est pas une pièce solo. C'est un duo. Une histoire à deux. Sans partenaire, ça n'a aucun sens. »
Il s'arrête une seconde.
Il passe une main dans ses cheveux.
Il est au bord de craquer.
Et c'est précisément à ce moment-là qu'Alastor entre dans le bureau, sans frapper, évidemment, en croquant une pomme volée quelque part.
- « Salut. On m'a dit de venir ici. Quelqu'un veut me coller une heure de colle ou c'est juste pour le plaisir de ma compagnie ? »
Lucifer se retourne, les yeux déjà levés au ciel.
- « Tu fous quoi là ? »
- « J'te suis, c'est pas ce que tu voulais ? » dit Alastor en haussant innocemment les épaules.
Madame Carmilla toussote.
- « Vous connaissez monsieur... hm... »
- « Alastor. Juste Alastor. Comme Beyoncé. Juste un prénom. »
Lucifer ferme les yeux une seconde. Il se concentre pour ne pas hurler.
- « Il ne devrait même pas être ici. »
- « Mais il est là. Et apparemment, il sait te rattraper en plein vol. » dit la proviseure, en consultant une note sur son écran.
Un petit sourire se glisse - minuscule, mais visible.
Lucifer rougit légèrement.
- « Ce n'était pas... c'était un test. »
Alastor croque sa pomme, le regardant du coin de l'œil.
- « C'était pas un test. C'était un appel à l'aide avec du style. »
Lucifer se retourne d'un coup vers lui, furieux.
- « Tu ne fais même pas partie du programme officiel de danse ! Tu n'as aucune discipline ! Aucune technique ! »
Alastor hausse un sourcil.
Il avance d'un pas. Plus proche.
- « Peut-être. Mais j'suis là. Et j'te l'ai dit : j'te laisse pas tomber. Même si t'as envie de m'étrangler avec ton élastique de chignon. »
Lucifer s'immobilise.
Il détourne le regard.
Madame Carmilla, elle, joint les doigts, l'air parfaitement calme.
- « Vous avez besoin d'un partenaire. Et vous en avez un qui vous porte sans vous faire tomber. Peut-être que ce n'est pas la solution que vous aviez envisagée, Lucifer... mais c'est une solution. »
Silence.
Lucifer fixe le sol.
Ses lèvres tremblent à peine.
Puis il lâche, à mi-voix :
- « ...C'est du suicide. »
Et derrière lui, Alastor sourit.
- « Ou c'est un spectacle inoubliable. »
📚 Scène 9 - Philo, papier, et pensées trop lourdes
La salle est baignée d'une lumière blafarde, adoucie par les rideaux tirés.
Au tableau : "Le désir est-il un manque ou une force ?"
Personne n'écoute vraiment.
À part Lucifer. Et Charlie.
Lucifer est assis au fond, comme d'habitude.
Col relevé. Dos droit. Regard vide.
Ses doigts tremblent un peu. Le crayon tourne entre ses doigts.
Charlie, assise à sa droite, lui adresse un petit sourire.
Doux. Inquiet. Elle a remarqué qu'il ne va pas bien.
Depuis plusieurs jours.
Elle glisse un post-it discret sur son cahier :
T'es bizarre. T'as pleuré ?
Lucifer lève à peine les yeux.
Il écrit, sans réfléchir, sur une feuille qu'il plie en deux.
Je dors pas. Je pense trop. J'ai perdu mon partenaire. Mes parents veulent m'étouffer dans un costume trois pièces.
Et maintenant on veut me coller un partenaire qui m'irrite comme une ampoule mal placée. Voilà. C'est la fête.
Il plie le mot, le pousse vers elle.
Charlie le lit, lentement. Elle le regarde du coin de l'œil, triste.
Elle griffonne vite une réponse :
C'est peut-être pas un mal. Le chaos... ça secoue les choses. Parfois ça fait tomber ce qui tient pas. Parfois, ça révèle.
Lucifer esquisse un rictus. Il secoue légèrement la tête. Il écrit à nouveau :
Et si ça révèle juste que j'suis seul, et que j'le resterai ?
Charlie ne répond pas tout de suite.
Elle lui prend doucement la feuille des mains et trace, en lettres majuscules :
TU NE L'ES PAS. Et t'as toujours eu plus de feu en toi que tous les autres réunis.
Alors arrête de te croire vide, juste parce que t'as pas le bon partenaire.
Peut-être qu'il est déjà là. Et que t'as juste pas ouvert les yeux.
Lucifer fixe les mots.
Longtemps.
Puis il replie le papier. Le glisse dans sa poche.
Et il regarde par la fenêtre.
Perdu.
Mais un peu moins.
💐 Scène 10 - "Je m'entraîne. Toi, t'as rien à foutre ici."
Le self est bruyant, rempli de rires, de cris, d'odeur de frites trop grasses et de cliques bien rangées.
Mais Lucifer n'y est pas.
Il est seul, dans la petite salle annexe à côté du gymnase, réservée normalement à la pratique libre.
Sol en bois. Miroirs. Silence.
Il ne mange pas.
Il ne parle pas.
Il danse.
Les écouteurs plantés dans les oreilles, il répète la séquence du début de son projet.
Sans partenaire.
Ses gestes sont nets.
Ses sauts sont tendus.
C'est beau. Brut. Saccadé. Trop plein.
De l'autre côté de la vitre, Charlie le regarde, son plateau à la main, assise sur un banc.
Elle n'a pas voulu le forcer à manger.
Elle sait que c'est sa façon d'expulser. De respirer.
Mais ça lui fait mal de le voir se battre contre le vide.
Elle chuchote pour elle-même :
- « Il est en train de crever à petit feu... »
Soudain, elle entend une voix familière.
- « Y a pas une règle contre l'utilisation illégale de salle à l'heure du déjeuner ? »
Alastor.
Encore.
Charlie sursaute. Elle fronce les sourcils.
- « Il s'entraîne. Fiche-lui la paix. »
Alastor sourit.
Mais son regard reste fixé sur Lucifer, qui ne l'a pas encore vu.
- « Il s'entraîne tout seul. C'est triste. Un spectacle où il n'y a que lui qui sait danser. »
Charlie lève un sourcil, pince son gobelet de compote.
- « Pourquoi t'es là ? »
Alastor hausse les épaules.
- « Curiosité malsaine. Et puis, peut-être que j'me suis dit qu'il allait me proposer de danser à deux sur fond de violons dramatiques. »
- « T'es idiot. »
- « Il me le faut bien pour l'apprécier un peu, non ? »
À ce moment précis, Lucifer le remarque dans le reflet du miroir.
Il arrête net sa danse. Retire ses écouteurs d'un geste sec.
Il s'approche de la porte. Ouvre.
- « Tu comptes me suivre à chaque instant maintenant, c'est ça ? »
- « Seulement quand c'est drôle. Et là... C'est franchement divertissant »
Alastor entre dans la salle sans attendre.
Lucifer le fixe. Cerné. En sueur. Épuisé.
- « Je m'entraîne. Toi, t'as rien à foutre ici. »
- « Ah, mais j'ai tout à foutre ici, vu que je vais probablement devoir te supporter pendant les deux pires semaines de ma vie. »
Lucifer serre les dents.
Charlie, restée à l'entrée, les regarde.
Un peu inquiète. Mais aussi... curieuse.
Elle voit l'électricité entre eux.
Elle le sent.
Lucifer détourne les yeux.
- « Si t'es venu te moquer, épargne-moi. »
Alastor s'approche.
Tranquille. Presque... sérieux.
Il fixe le miroir, puis le reflet de Lucifer.
- « J'me moque pas. T'es... impressionnant. »
Lucifer le regarde, surpris.
Mais Alastor ajoute aussitôt :
- « Tu bouges comme un mec en train de hurler sans faire de bruit. C'est flippant. Mais beau. »
Lucifer ne sait pas quoi répondre.
Charlie, derrière eux, murmure pour elle-même :
- « ...Et voilà. Ça commence. »
🎶 Scène 11 - "Bouge pas. J'vais te montrer."
Lucifer soupire.
Il pose les mains sur ses hanches. Il regarde Alastor, qui le fixe dans le miroir, bras croisés.
- « Très bien. Tu veux apprendre ? Tu vas souffrir. »
Alastor esquisse un sourire, yeux brillants.
- « Promis, j'aime ça. »
Lucifer roule des yeux, mais il ignore la provocation.
Il s'approche. Lentement.
Trop lentement.
- « Place-toi là. Devant moi. Pied gauche vers l'avant. Non, pas comme ça, tu vas tomber comme un con. »
Alastor obéit. Un peu mal. Un peu bien.
Il fronce les sourcils.
Lucifer glisse alors ses mains sur ses épaules, les redresse, les aligne.
- « Tiens-toi droit. Pas comme un boxeur. »
Ses doigts descendent lentement sur ses bras.
Alastor frissonne légèrement.
Il ne dit rien.
Lucifer contourne son dos. Sa voix est plus basse.
- « Tu dois respirer avec moi. C'est pas juste danser. C'est raconter quelque chose. »
Il vient se placer derrière lui.
Colle presque son torse contre son dos.
Leur respiration se mêle.
- « Là, tu sens ? »
- « Mmh. Un peu trop. »
Lucifer s'écarte. Juste assez.
Il cache le trouble dans ses yeux.
- « Ferme-la. Suis le rythme. »
Il lance la musique. Douce. Pulsée.
Il tend la main vers lui, paume ouverte.
Alastor la fixe. L'attrape.
Leur peau se touche.
Lucifer ferme les yeux une seconde. Juste une.
Puis le mouvement commence.
Un pas. Un autre.
Lucifer guide. Alastor suit. Maladroitement. Mais avec intensité.
Lucifer attrape sa taille. Le fait tourner.
Il est concentré.
Focalisé sur le contact.
Et quand Alastor pose par erreur sa main trop haut sur ses côtes, Lucifer se fige.
Ils se regardent. De près. Trop près.
- « ...C'est pas là. » murmure-t-il.
- « Alors montre-moi. »
Lucifer retire sa main, lentement. Le cœur en vrac. Il détourne le regard.
- « Pause. »
Il recule, coupe la musique.
Trop d'un coup.
Alastor le suit des yeux. Un peu essoufflé.
Charlie, toujours assise à l'entrée, les observe, yeux grands ouverts.
Elle chuchote, rêveuse :
- « Mais c'est pas une chorégraphie, c'est un appel au sexe. »
🛁 Scène 12 - "C'était juste une répétition. Alors pourquoi j'ai du mal à respirer ?"
Lucifer s'éloigne en silence.
Il ne dit rien à Alastor.
Il ne jette même pas un regard à Charlie.
Il quitte la salle de danse, pousse la porte des vestiaires, entre, verrouille derrière lui.
Ses pas claquent sur le carrelage froid. Il titube presque.
Il s'appuie contre un casier.
Pose son front dessus.
Ferme les yeux. Fort.
Sa poitrine se soulève trop vite.
Il a dans la gorge une chaleur étrangère.
Ce n'est pas juste de la gêne. C'est un manque de contrôle.
Ses mains tremblent.
Il revoit la scène.
Leurs mains qui s'attrapent.
La chaleur d'Alastor contre lui.
Sa voix grave. Sa main mal placée.
Et ce putain de regard, là.
Pas moqueur. Pas provocant.
Sincère.
Lucifer souffle.
- « C'était juste une répétition... »
Il ferme les yeux plus fort. Sa mâchoire se crispe.
- « Alors pourquoi j'ai du mal à respirer ? »
Il se laisse glisser contre le mur, assis au sol.
Il tire ses genoux contre lui.
Il reste là.
Dans ce silence trop intime.
Il a l'impression que quelque chose en lui vient de se fissurer.
Et il déteste ça.
Mais il sait aussi qu'il va devoir affronter exactement ça demain.
Encore.
Et encore.
Et que chaque jour, ce sera un peu plus impossible d'y échapper.
🏀 Scène 13 - "C'est pas une meuf, Husk."
Point de vue : Alastor
Il traîne dans les couloirs, mains dans les poches, casque autour du cou.
Il a quitté la salle, laissé Lucifer derrière lui, sans un mot.
Pas parce qu'il s'en foutait.
Mais parce que s'il restait une seconde de plus, il aurait fait une connerie.
Il revoit ses yeux.
Son dos tendu.
Ses doigts sur sa peau.
Putain.
Il secoue la tête.
Faut qu'il respire.
Faut qu'il redescende.
Il sort par l'arrière du bâtiment et rejoint le petit city-stade à deux rues du lycée.
Un vieux terrain de basket.
Son ancien monde.
Angel est là, assis sur le banc, jambes croisées, lunettes roses vissées sur le nez, en train de se repeindre les ongles.
Husk, lui, fume déjà, bouteille de soda (pas très clair dedans) entre les genoux.
- « Bah alors, le danseur étoile est en retard ? » lance Angel avec un sourire carnassier.
Alastor lève les yeux au ciel.
- « Ferme-la. »
Husk écrase sa clope, lève un sourcil.
- « T'étais encore au bahut, non ? À cette heure-là ? »
- « Peut-être. »
- « C'est la 3e fois cette semaine. »
Angel pouffe.
- « Oh, t'es amoureux d'un tutu ou quoi ? »
Husk le fixe. Sérieux.
- « Rassure-moi, Al... c'est pas pour une meuf pétée de tune que tu fais tout ça ? Hein ? »
Alastor tique.
Il détourne les yeux.
- « C'est pas une meuf. »
Silence.
Angel lève un sourcil, genre oh ?
Husk éclate de rire.
- « C'est quoi alors ? Le fric ? Le défi ? Ou t'es juste tombé sur un prof chelou qui t'a promis la gloire ? »
Alastor soupire. Il prend la balle de basket posée au sol, la fait rebondir.
Fort.
- « C'est... compliqué. »
- « Bah vas-y, on t'écoute. » dit Angel, qui le filme déjà avec son tel.
Alastor s'arrête.
Il regarde le bitume.
Il revoit le regard de Lucifer, ce moment de flottement où il l'a rattrapé.
Cette putain de seconde où il s'est senti utile. Vraiment utile.
Il murmure presque :
- « J'crois qu'il me voit. Comme je suis. Pas comme un voyou. Pas comme un abruti de cité. Juste... moi. »
Husk crache à côté.
- « Ouais bah fais gaffe à pas perdre ça en cours de route. Parce que ce genre de môme-là, avec les yeux en velours et les parents blindés, c'est pas ton monde, Al. »
Angel range son vernis.
- « C'est pas son monde. Mais j'sais pas... c'est peut-être le seul endroit où on l'regarde pour autre chose que ses conneries. »
Silence.
Alastor regarde ses mains.
Et il pense, juste une seconde :
"Et si j'avais envie d'y appartenir, un peu, à son monde à lui ?"
🕶️ Scène 14 - "Tu deviens chelou, Al."
Husk tire une longue taffe.
Il fixe Alastor d'un regard lourd. Le genre de regard qui jauge. Qui scanne.
- « T'es pas sérieux. C'est pour un gosse frisé de bonne famille que tu restes coincé au bahut à danser comme un cygne crevé ? »
Angel ricane, étale son gloss rose sur ses lèvres.
- « Il est sexy, au moins ? Ton p'tit partenaire là ? Ça vaut la peine de nous ghoster pour lui ? »
Alastor serre la balle dans ses mains.
Il regarde le béton. Il n'a pas envie de parler de ça comme ça.
Pas avec eux. Pas en ricanant.
- « Il s'appelle Lucifer. Et il est... »
Il s'arrête.
Il voulait dire "chiant", "froid", "impossible à lire".
Mais aucun de ces mots ne rend justice à ce qu'il ressent.
Il est réel. Vif. Brisé. Magnétique.
- « Il est différent. »
Angel hausse un sourcil.
- « T'as toujours aimé les cas sociaux, c'est vrai. »
Husk écrase sa clope contre le banc. Il se lève.
- « Al, écoute-moi bien. Tu vas pas nous faire le coup du mec qui s'attache à un môme de riches qui te regardera même pas quand son spectacle est fini, OK ?
Tu penses qu'il va venir te voir dans ton quartier ? Jouer au basket avec nous ? Fumer un joint ?
Tu rêves. Il est pas comme nous. Il t'utilise. C'est tout. »
Alastor fronce les sourcils.
- « Il m'utilise pas. »
- « Alors c'est toi qui te perds. Et franchement... tu deviens chelou. »
Angel siffle doucement, un sourire en coin.
- « Moi j'dis, Al il est en train de tomber. Genre... sérieusement. Et c'est mignon. Mais suicidaire. »
Alastor les regarde.
Ils ne comprennent pas.
Ils voient pas ce que lui ressent quand Lucifer danse. Quand il le touche. Quand il se retient de craquer.
Ils voient pas ce feu.
Mais il sait aussi que c'est vrai :
Lucifer ne viendrait jamais ici.
Pas avec ses vêtements hors de prix.
Pas avec ses silences d'or et son regard de roi déchu.
Alastor serre les dents.
Et il dit, presque pour lui-même :
- « Peut-être qu'il a juste besoin qu'on vienne à lui. »
Husk le fixe. Dur.
Puis il balance :
- « Ou peut-être que t'es en train de devenir un putain de pigeon, Al. »
Silence.
La balle roule au sol.
Alastor ne dit plus rien.
Mais dans son crâne, la guerre commence.