Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 7 : Les romans

2403 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/01/2020 20:26

Chapitre 7 


- Heidi ! Heidi ! Ouvre-moi ! 

- Bonjour Général en chef des chèvres. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? répond Grand-Père en ouvrant la porte.

- Heidi est là ? J'ai une lettre pour elle.

- Elle est partie marcher il y a quelques minutes, tu l'a manqué de très peu. Attends-la ici si tu ve…

- Je pars la chercher ! Elle est partie où ?

- Dans cette direction, mais laisse-moi la lettre si tu est pressé, je lui la donnerais.

- Non je vais la rejoindre, répond-il tout en partant en courant. 


Le jeune homme connaît chacun des lieux où son amie à l'habitude de se promener, chaque itinéraire. Il les ont tous parcourus ensemble de nombreuses fois. Il parvint donc sans problèmes à la rejoindre assez vite.


- Heidi ! Attends-moi.


La jeune fille se retourne, surprise d'entendre la voix de son ami, alors qu'elle l'a déjà vu le matin même. Elle s'arrête jusqu'à qu'il l'ai rejointe.


- J'ai une lettre de Francfort pour toi.

- De Francfort ? Donne-la-moi vite.

Elle déchire frénétiquement la lettre, et commence à en lire le contenu. 

-C'est une lettre de Joël, qu'est ce qu'il me veut ?

- Je ne sais pas, lis.

- Il s'excuse de m'avoir peiné.

- Eh bin, qui l'eut cru.

- Il dit qu'il n'aurait jamais dû me demander de choisir, et qu’en fin de compte, on est pas vraiment accordés tout les deux.

- Sans blague.

- Il espère qu'on restera dans de bons termes, et il écrit que pour s'excuser il …

La jeune fille s'arrête brusquement de lire.


- Qu'est-ce qu'il écrit ? Pourquoi tu t'arrêtes ?

- Trois de mes romans vont être édités. 

- C'est vrai ? Mais c'est fantastique !!!


Heidi reste figée quelques instants, puis, enfin, elle semble réaliser. Elle ouvre de grands yeux, et tend à Peter un magnifique sourire. 


- C'est vrai cette fois, c'est vrai !! Je vais être publiée !! Hourraaa !! 


Elle laisse déborder sa joie et se met à sautiller sur place comme une petite fille. Et soudainement elle se jette au cou du jeune Peter qui manque de tomber. Lui aussi est rempli de joie pour son amie, ce projet lui tenait tellement à coeur, depuis tellement d'années ; elle a mis tellement d'énergie, de temps, et d'espérance dans chacun des mots qu'elle a écrit. Il aurait été profondément déçu si elle avait dû renoncer, au moins autant qu'elle.


Le jeune homme passe alors ses bras sous ceux de Heidi, la saisi fermement, et la fait tourner en rond jusqu'à faire décoller ses pieds. 


- Je suis heureuse, tellement heureuse !! s'exclame-t-elle quand il la repose enfin au sol. Je suis enfin une auteure !! 

- Ouii ! C'est merveilleux ! 

- Oh viens avec moi regarder les premières couleurs d'automne à l'estive. 

- Tu me surprendra toujours autant. 

- Pourquoi ?

- Pourquoi tout d'un coup, comme ça, tu veux aller voir l'automne ?

- Quand je suis heureuse j'ai envie de profiter de la nature. C'est tout.


Peter lui répond par un sourire affectueux, presque attendri, comme il l'aurait fait avec une jeune enfant. Même s'il la connaît parfaitement, il y aura toujours des fois où elle le surprendra, par son imprévisibilité. 


- Allez viens, on y va petite soeur.


Très vite ils arrivent au bout de ce sentier qu'il parcourent si souvent en été, et s'installent au bord de la falaise, les pieds dans le vide. Ils restent ainsi un long moment, sans rien dire ; simplement en profitant du débordement de joie qu'ils ressentent, et du paysage qui s'offre devant eux. Les mots ne sont pas utiles, ce moment se suffit à lui-même. 


Ce lieu si animé en été, paraît maintenant profondément silencieux. Les cloches des chèvres et les cries stridents des marmottes ont fait place à un calme presque assourdissant. Toute la nature en effervescence un mois auparavant semble plonger dans le profond sommeil de l'hiver, déjà. Devant leurs yeux des taches de jaune, de rouge, d'orange ont fait leurs apparition. L'automne a commencé son oeuvre. 


C'est Heidi qui fini par rompre le silence.


- Tu as écouté ce qu'ils disent ?

- Qui ça ?

- Tous. Au village…

- Oui, répond-il simplement. 

- Mais pourquoi ? rétorque-t-elle complètement désappointée. 


Peter se contente de hausser les épaules en guise de réponse. 

Déjà enfants, leurs camarades se moquaient d'eux, en les appelant les amoureux ; mais à l'époque ils n'y prêtaient attention ni l'un ni l'autre. Seulement maintenant ils ne sont plus enfant. Et même Peter, pour qui Heidi n'est pas juste une amie, est très affecté par ces ragots.

- On s'en fiche de ce qu'il disent. Ça change rien entre nous, hein grand frère ? Questionne la jeune fille en posant sa tête sur l'épaule de son ami. 


Peter se contente pour toute réponse de passer son bras autours des épaules de Heidi, ce à quoi elle lui répond par un grand sourire. Un peintre qui serait passé par là à ce moment aurait été pris d'une violente envie de sortire son chevalet. La vision de ces deux jeunes gens pleins d'affection l'un pour l'autre au premier plan, avec les montagnes pour toile de fond, et de magnifiques nuances d'ocre pour révéler le tout, forme un mélange qui saurait lui provoquer une vive émotion, et réveiller son imagination.


Brusquement le jeune chevrier se redresse.


- Oh ! Heidi ! Il faut absolument qu'on fête ça ! 

- Oh ouiii alors ! 

- On ne peut pas laisser une telle victoire comme ça sans faire quelque chose. J'ai peut-être une idée !

- Mais j'y pense ! J'ai même pas prévenu Grand-Père !! rétorque la jeune fille, changeant brusquement de sujet.

Aussitôt elle se lève en un bond, et part en courant dans la direction de son chalet. 


- Mais enfin ! Attends-moi Heidi !

- Il faut que je le prévienne ! Viens ! 


Peter n'insiste pas, et part à son tour. Heidi est si vive, spontanée et sans filtres, que quand elle part avec une idée en tête, il est très difficile de l'en détourner. 


Il arrive plus de 10 minutes après Heidi, malgré sa descente plus que rapide. Quand il l'aperçoit, Grand-Père la serre fort dans ses bras, visiblement déjà mit au courant de la bonne nouvelle. 


- Je suis si fièr de toi ma petite. 

- Merci Grand-Père, c'est si merveilleux. 


Le vieil homme aperçoit à ce moment Peter, et lui fait signe de venir.


- Viens donc avec nous. Il doit me rester une bouteille et du jambon qui sèche au grenier. Ça sera pas un repas de fête, mais ça sera toujours ça. 

- Il nous reste du gigot de chèvres. Je pourrais l'emmener.

- Je vais préparer des braises, répond Heidi enthousiasmée, je le ferais rôtir avec du miel et des épices.

- Je descend tout de suite, s'exclame le jeune homme tout en partant chez lui, en courant. 

- Peter ! Attends ! crie le grand-père. 


Le berger se retourne 


- Propose à ta mère de venir avec nous !

- Je lui dirai ! 


Déjà Peter disparaît à travers les sapins. Tout le monde s'active pour les préparatifs.

Heidi allume un feu, et prépare une sauce avec du miel et des épices. C'est Klara qui lui a ramené ces condiment d'un voyage, et c'est une occasion rêvée d'en utiliser une partie. Le miel, lui, vient de l'apiculteur local, dont les abeilles butinent tout autour du chalet, et dans toute la vallée. 

Grand-père affûte son couteau à jambon, puis en coupe de fines tranches dont l'odeur se répand dans toute la pièce. Il descend ensuite à la cave et remonte une de ses dernières bouteilles, vestige d'un temps où il recevait du monde chez lui.


Au bout de une heure, Peter remonte, accompagné de sa mère, et chargé de provisions pour le repas. 


- Vous êtes la bien venue chez nous madame, annonce le vieux montagnard.

- J'ai ramené du fromage de chèvre aussi, on pourra le faire cuire avec le gigot.

- Oh oui, il vas y avoir trop de sauce au miel ! poursuit Heidi. Elle ira très bien avec le chèvre.

- Merci de votre généreuse invitation, remercie la vieille dame. J'ai pensé qu'il serait utile de prendre du pain sec pour aller avec le chèvre. 

- Merci à vous de votre générosité, rétorque Grand-Père. 


Très vite les abords du chalet sont en effervescence, tous préparent, plein d'enthousiasme, ce repas digne d'un banquet, quoi qu'en dise le grand-père.


Enfin tout est prêt, et tous se mettent à table. Le repas, bien que simple, est délicieux, et tous se régalent. Il se poursuit jusque tard dans l'après-midi, et se termine dans la joie et la bonne humeur, par une tarte aux myrtilles, préparée par les soins de la jeune montagnarde. 


...


 Ce que Heidi ignore, c'est la raison de ce brusque retournement de situation. Joël n'aurait jamais fait les démarches pour enfin trouver un éditeur de lui-même. En vérité c'est Peter qui lui a écrit. Il a eu grand mal à trouver l'adresse où le contacter, et ce n'est pas non plus sans mal qu'il a rédigé cette lettre, lui, si peu ami des mots. Il lui a écrit que s'il ne s'excusait pas, et s'il ne trouvait pas un moyen de faire éditer au moins un des romans de Heidi, il le retrouverait, et lui ferait payer tout ce qu'il à fait à son amie. Ce furent des menaces en l'air, bien sûr, Peter n'est pas violent, il n'a jamais frappé qui que ce soit, et il n'a aucunes intentions de commencer. Seulement, il se doutait bien que le bourgeois, comme il l'appelle, le croirait, et prendrai peur. Et le résultat à même dépassé ses espérances, puisque ce n'est pas un, mais trois romans qui ont trouvées preneurs, et qui seront publiés. Quoi qu'il en soit, c'est à Heidi que revient tout le mérite. Malgré la démarche de Peter et tous les efforts désespérés de Joël pour trouver un éditeur, si ce qu'a écrit la jeune fille n'avait pas plu, jamais ils n'auraient été édités. 


***


Malheureusement, une bonne nouvelle arrive rarement seule. Le lendemain matin c'est au tour de Peter de recevoir du courrier.


- Peter ! Tu as fini la traite ? Je voudrais te parler. 

- Oui, à l'instant. Je suis au fond maman. 

- Il faut que je te prévienne au plus vite, j'ai reçu une lettre du maire, il l'a envoyé à tous les habitants du canton. C'est un sondage. 

- Tu veux dire dans tous les villages qui dépendent du sien? 

- Non juste notre canton.

- Pardon? Et qu'est-ce qu'il raconte ?? Fais-moi voir s'impatiente Peter ? 

- Ça ne va pas te plaire, lui répond sa mère en lui tendant le courrier.


Peter entame la lecture en écarquillant les yeux. Il se rend alors compte qu'une autre lettre accompagne la première, spécialement adressé à lui cette fois-ci.

Déjà accablé par la première lettre, il laisse la feuille qui lui glisser des mains, sous le choc de ce qu'il vient de lire. Le papier descend doucement jusqu'au sol. Peter la laisse choir, sans lui prêter la moindre attention. Un visiteur qui l'aurait aperçu aurait eu froid dans le dos devant un regard si saturé d'effroi.



Chers concitoyens, chères concitoyennes,


Si j'ai la joie de vous écrire aujourd'hui, c'est pour vous informer d'une grande nouvelle qui pourrait bien améliorer grandement vos vies.


Il y a quelques mois de cela, le grand potentiel de notre belle contrée à été remarqué par des promoteurs. En effet, le caractère sauvage et rustique de nos villages et de nos montagnes sont tout ce qu'il faut pour satisfaire de riches touristes en quête de dépaysement et d'air pur pour se soigner. 


Des études ont été menées pour en examiner la viabilité ; et j'ai la grande joie de vous annoncer, à vous qui lisez ces quelques mots, que c'est votre canton qui aura la joie d'accueillir ce grand projet.


C'est pour vous tous un grand espoir de modernisation et de développement économique. En effet le flot de touristes qui arrivera permettra de multiplier les commerce et de vous simplifier grandement la vie à vous tous qui peinaient pour vivre de la terre et de l'artisanat. De plus vous serez les premiers sollicités durant la construction du grand "centre de remise en forme " pour bâtir tous ces bâtiments. Les constructions devraient débuter bientôt, et se feront au dessus du village, au niveau des alpages - endroit idéal pour le dépaysement et l'air pur. Je vous joint un sondage pour connaître votre avis et les remarques de chacun. Dans l'attente de recevoir vos réponses sans aucun doute positives, je vous souhaite une bonne journée à chacun et chacune. 


Cordialement. 


M le maire. 





Bonjour Peter


Je tenais à vous écrire personnellement, pour vous prévenir que le centre de remise en forme devrait être bâti près des lieux où vous faites paître vos troupeaux. Bien évidemment, leur présence risqueraient d'indisposer nos riche touristes, à cause des odeurs et de la gêne sonore causée par les cloches. Je vous demanderais donc d'envisager très rapidement une autre voie professionnelle. 


Mais loin d'être un désagrément pour vous, ceci est plutôt une grande opportunité ; en effet, je vous propose en guise de ma bonne volonté, d'avoir la priorité pour choisir le poste de votre choix parmis tous ceux à pourvoir dans le domaine du tourisme. 


Avec tous mes respect 


M le Maire.



Laisser un commentaire ?