Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 8 : Un plan ?

2391 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/05/2020 09:55



Les bulldozers ont déjà envahi la vallée, ils détruisent tout sur leur passage. Au loin on peut entendre des bombes éclater sans relâche. Petit à petit, la montagne saute ; à ce rythme, dans quelques jours, elle aura complètement disparue. Soudain, le vrombissement des bulldozers se rapproche, Peter n'entend plus qu'eux. Ils sont de plus en plus près de lui, le sol commence à trembler. Ils entourent maintenant le chalet, il est pris au piège ! Ils s'en prennent maintenant aux murs, Peter va être enseveli vivant, mais…


- Ahhhhhhh !!! 


La mère de Peter débarque dans sa chambre en courant. 


- Tu as encore fait des cauchemars mon pauvre petit. 

- C'est rien maman, rendors-toi.

- C'est encore les travaux ?

- Oui, soupire-t-il


Ce n'est pas la première fois que Peter fait ce rêve, presque chaque nuit, il revient troubler le sommeil du jeune homme. Le courrier du maire a sonné comme une terrible sentence pour lui. 

Il refuse de laisser ce malheur arriver sans se battre, c'est également le point de vue de Heidi. Elle aussi s'est effondrée quand il lui a annoncé cette nouvelle. Ils ne savent pas comment ils vont s'y prendre, mais il est hors de question que tout ceci arrive. Même s'ils ont peu de temps devant eux pour trouver un plan, ils le trouveront. 


Ils ont justement prévu de se rendre au village aujourd'hui. S'ils arrivaient à convaincre suffisamment de monde de voter contre ce projet, il n'y aurait pas du tout à se battre, le maire ne peut pas aller à l'encontre d'un sondage négatif. 


Peter se lève vite, pour être prêt quand son amie arrivera.


- Peter, tu es là ? demande la jeune fille en frappant à la porte. 

- Heidi, c'est toi ? demande-il en ouvrant.

- Qui veux-tu que ce soit ? s'amuse la charmante montagnarde. 

- Mais je ne t'attendais pas si tôt !! Je viens tout juste de me lever. 

- Oui, je vois ça, tu fais une drôle de tête, t'es malade ?

- Non mais j'ai très mal dormi, enfin… je dors mal depuis que je sais. Je fais des cauchemars toutes les nuits. 

- Oh mon pauvre ! Je suis désolée pour toi. Moi aussi ça me terrorise. 

- Rentre. J'avale un bout, et je suis prêt.


La jeune fille s'assoit sur une chaise, face à son ami, et le regarde déjeuner. Il se contente d'un peu de lait de chèvre, et d'un peu de pain plus très frais. Le tout est très vite avalé, et ils peuvent enfin se mettre en route.


- Je pars Maman, à tout à l'heure ! prévient Peter avant de fermer la porte. 

- Tu pense qu'on va y arriver ?

- À les convaincre ?

- Oui.

- Je sais pas. J'espère.


Le reste du trajet se fait en silence, comme s’ils cherchaient déjà les mots qu'ils vont utiliser, espérant que cela fonctionne. 


***


- Mais ils sont débiles ! 

- Complètement, j'ai eu envie de tous les étrangler. Comment ils peuvent être aussi stupide ? s'énerve Peter. 

- Ils se rendent même pas compte de ce qui va leurs tomber sur le coin du nez.

- C'est clair. Et ton grand-père au fait ? Comment il l'a pris ?

- Je lui ai pas dit. Ça le tuerait.

- Il va bien falloir que tu lui dises Heidi. 

- Non ! Jamais ! Je ne lui dirais pas parce que ça n'arrivera pas ! On doit à tout prix l'empêcher. 

- Comment ?

- Je ne sais pas. On doit trouver.


Peter ne répond pas, et se contente de hausser les épaules. Il repense à ce matin, il est d'accord avec Heidi, mais se sent démuni, comment lutter, que faire ? Ils sont seuls contre tous, contre le village, contre ceux qui parlent gros-sous surtout. 

Ce matin ils se sont heurtés à un mur, tous au village se réjouissent de l'arrivée prochaine des touristes, de ceux qui vont venir avec leur argent, mais surtout qui vont venir tout détruire. C'est toujours comme ça, les riches touristes sont contents de passer quelques jours dans un endroit sauvage, mais pas au point de renoncer à leurs conforts. Il leurs faudra un moyen pour remonter à l'estive sans se fatiguer, et puis des boutiques, et puis… et puis s'il continue à y penser, il deviendra fou. 


C'est Heidi qui le sort de sa torpeur, inquiète de le voir si pensif.


- Ça va ? 

- Oué, je suis inquiet, c'est tout.


Cet après-midi là, aucun d'eux n'a le coeur à bavarder, et encore moin à plaisanter. 


Ils resteront ainsi, sans parler, un bon moment, jusqu'à ce qu'ils décident de prendre congé l'un de l'autre.


***


Cette nuit-là, Heidi aussi dormi très mal, mais en se levant, elle avait une idée. Et il fallait immédiatement qu'elle en parle à son ami. Elle descendit, avant même que son grand-père ne soit réveillé. Quand elle frappa à la fenêtre de Peter, la pénombre n'avait toujours pas quitté la vallée, ainsi que les montagnes environnantes. 


- Peter ! Peter ! Ouvre moi, vite ! 


Ce matin encore, la brume recouvre les montagnes, et c'est sous une mer de nuages que se trouve la vallée, et le village qui s'y trouve. Cette fois-ci l'automne est vraiment là, et le contraste entre ses couleurs vives, et celles pastelles de la brume et des nuages, est sublime. En temps normal, Heidi se serait arrêtée longtemps pour admirer le paysage, mais ce matin, elle est trop pressé. 


- Enfin Heidi ! Quesque tu fait là ? Le jour est même pas levé !

- J'ai eu une idée ! Il faut que je t'en parle. 

- Sérieux ? Raconte vite.


Tout deux sont si pressés, l'un de savoir, et l'autre d'expliquer, qu'il ne pensent même pas à se mettre à l'intérieur, et continuent de parler par la fenêtre. 


- Il faut que la pétition ait un résultat négatif, on a très peu de chances contre les promoteurs et le maire, mais ils ne peuvent pas aller contre l'avis de la population !

- Mais enfin, on a passé des heures hier à essayer de les convaincre, ya rien à faire, ils sont ravis. 

- Si on peut pas les convaincre, il faut qu'ils changent d'avis eux-même. 

- Je vois pas où tu veux en venir. 

- Il suffirait que des touristes viennent, et soient tellement odieux et irrespectueux qu'ils dégoûtent nos chers voisins. 

- Ça serait superbe, mais on peut pas le prévoir ça.

- Sauf si on les invite. 

- Expliques-toi. 

- Je pourrais demander à Klara de venir avec des amis, et lui dire d'être le plus insupportable possible. 

- Ça se tente, mais il faudrait leur demander de faire en sorte que tous croient qu'ils sont le plus riche possible.

- Pourquoi ?

- Parce que les touristes qui devraient venir seront très riches aussi, il faut surtout pas que les gens du village puissent se dire que les gens qui viendront seront plus respectueux. 

- Ok, je lui explique tout ça dans ma lettre, je vais l'écrire tout de suite. 

- Il ne risquent pas de reconnaître Klara au village, et de comprendre que ça vient de nous ?

- Non, ça fait des années qu'ils l'ont pas vue, et elle s'habillait toujours le plus simplement possible quand elle venait. Si elle vient embourgeoisée, ils pourront pas la reconnaître.

- Super.

- Je file vite.

- Dac, j'espère que ça va marcher.

- C'est clair, moi aussi. 


En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Heidi est remontée chez elle, a rédigé sa lettre, il ne lui reste plus qu'à descendre au relais de poste, qui se trouve dans l'épicerie, et à régler les frais pour l'envoi du courrier. 


- Où tu vas avec cette lettre ? l'interrompt son grand-père. 

- Euu, c'est une lettre pour Klara, ça fait longtemps que je lui ai pas écrit. 

- Humm, d'accord, à tout à l'heure. 


La jeune fille ne peut pas expliquer la raison de cette lettre, puisqu'il ne connaît pas les projets qui sont fait pour sa chère montagne. Elle entame vite le trajet, avant qu'il ne lui pose d'autres questions. En chemin elle espère de tout son coeur que leur plan fonctionnera.


*** 


Quelques temps plus tard, Klara arriva avec deux amis, et ils n'avaient pas fait les choses à moitié. En les apercevant, tous au village se demandèrent ce que de si riches jeunes gens pouvaient bien venir faire ici. Et il n'étaient pas au bout de leurs peines.


À peine arrivé, ils rentrent dans leurs rôles. 


- Mais quel est cet endroit ? s'offusque Klara le plus fort possible pour qu'on puisse bien l'entendre. Il n'y a pas de lieu où se restaurer dignement, aucunes étoile au seul Hôtel ! Ce lieu n'est pas digne de nous ! Qu'on nous emmène trois chocolats chauds immédiatement !! 

- Le premier avec de la chantilly, le deuxième avec de la muscade, et le dernier pur cacao !! continue Ben, le plus jeune des trois amis.


Tous les villageois les regarde, interloqués, sans leur répondre. 


- Et qu'on nous emmène donc là où se tiendra notre centre ! continue Lilas. Nous avons entendu dire qu'il va se bâtir ici bientôt.

- Mais enfin madame, les travaux n’ont pas commencé, il n'y a personne pour vous amener.

- Qu'on nous trouve quelqu'un, poursuit Klara. Cet accueil est inadmissible.


Un des villageois, doté de plus de caractère que les autres, finit par lui répondre. 


- Bon écoutez madame, vous êtes bien gentils, mais si vous voulez être servis, revenez dans quelques mois quand les travaux seront terminés. Et bonne journée à vous, conclut-il un peu ironiquement. 


Les trois jeunes gens entament alors l'ascension vers l'estive - ou plutôt vers le chalet de Heidi - en prenant l'air le plus dédaigneux possible. 

Dès qu'ils sont hors de vue des habitants du village, ils se regardent, et éclatent de rire. 


- Vous ne pensez pas qu'on en a trop fait ? demande Klara 

- Tu parles ! On a quasi rien fait, on pourra en rajouter bien plus dès qu'on redescendra, rétorque un de ses amis.

- C'est sûr, si on veut les dégoûter, il va falloir mettre le paquet ! surenchérit la plus jeune des trois amis.


Très vite, ils arrivent chez grand-père et Heidi. À peine la jeune montagnarde les aperçoit-elle, qu’elle se précipite vers eux.


- Klara !! Tu m'a tellement manqué !! 

- Heidiiii !!  


Elles se jettent dans les bras l'une de l'autre.


- Je ne pensais pas que vous pourriez venir, c'est tellement génial !! Merci infiniment !!

- T'as quand même pas cru qu'on allait vous laisser tomber comme ça. C'est vraiment un cas d'urgence. Alors ? C'est quoi ton plan de bataille ?

- Il faudrait qu'ils vous détestent, et au passage qu'il nous prennent en pitié Peter et moi. Vous avez une idée ? Ehh… mais, tu nous as même pas présenté ! 

- Ah oui pardon. Alors voici Ben et Lilas. Et voilà Heidi, et Peter qui arrive. 

- Oh Klara !! s'exclame Peter! J'suis trop content de te voir. Et c'est qui tes potes alors ?

- Ben et Lilas. 

- Content de vous rencontrer. C'est quoi comme origine Lilas comme prénom ?

- C'est italien. répond-elle.

- Ah je me disais bien… Bon on passe aux chose sérieuses, continue le jeune berger. Qui à des idées ?

- J'ai bien un truc à vous proposer, répond Ben.


***


Le jour se lève à peine, et tous villageois sortent peu à peu dans la rue pour voir d'où proviennent tous ces cris.


- "...Et j'exige des paillassons en peau de chèvre, et je veux qu'ils soient fait avec les chèvres que j'ai vu là-haut. ordonne Klara d'une voix forte.

- Et le mien je le veux avec la jeune chèvre de la jeune sauvage qui a refusé de nous héberger, ça lui apprendra !! continue Ben.

- Pitié pas Blanchinette, c'est la seule fille de Blanchette !! Tout mais pas ça !! s'exclame Heidi en simulant le désespoir. Elle enfouit le visage dans ses mains et fait semblant d'éclater en sanglots.


Peter arrive en courant. 

- Quesque vous lui avez fait ?!! Allez vous en! Je ne veux plus jamais vous voir !! 

- Tu fera moins le malin quand on viendra euthanasier tout ton troupeau pour en faire des paillassons ! Vulgaire paysan. Lance Lilas avec le ton le plus dédaigneux et condescendant qu'elle peut. 

- Mon troupeau !! Ça fait 10 ans que je les sélectionne pour faire un troupeau parfait !! Barrez-vous ou je déchaîne mes nerfs sur vous !!!!! 

- Allez on y va sinon il risque de faire une crise. "


Toujours dans leurs rôles, Heidi tombe à genoux, le visage toujours enfoui dans les mains. Peter quand à lui reste sur place, le regard dans le vide, comme pétrifié. 

Mme Merlit arrive en courant, et se baisse pour prendre Heidi dans ses bras. D'autres villageois s'approchent de Peter et lui répètent que ça va aller, pendant qu'il se contente de répéter en boucle "mon troupeau" le regard toujours vide. Le gérant du café ordonne alors aux trois jeunes amis de déguerpir au plus vite, et leur conseille vivement de ne jamais remettre les pieds au village. Plusieurs villageois se joignent à lui, rejoint par encore d'autres, et c'est bientôt une pluie d'insultes qui tombent sur les jeunes gens.


Un visiteur qui passerait par là se demanderait ce qui a bien pu provoquer un tel chambardement dans un si petit village… mais est ce suffisant pour leur faire changer d'avis à tous ? 



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