Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 10 : Petit coin secret de montagne.

2555 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/07/2020 21:12


- Bonjours mademoiselle, qu'est-ce que je peux faire pour vous? 

- C'est bien ici que vit le dénommé Peter ? J'aurais voulu m'adresser à lui.

- Peter ? Vous lui voulez quoi à mon p'tit ?

- Votre petit ? Mais il a quel âge ? Rassurez-moi, ce n'est pas un enfant ?

- Un enfant ? Quelle drôle d'idée, non il a 28 ans, pourquoi ?

- Euh, non pour rien, pardon. Est-ce qu'il habite ici ? 

- Oui oui, je vous l'appelle. 

Peter !! Quelqu'un pour toi à la porte !! 

- Pour moi ? C'est Heidi ? Il court jusqu'à la porte. Ah bonjour mademoiselle, dit-il avec une mine déçue en apercevant la jeune femme. Tu voulais me voir ? Moi ? Pourquoi ?

- Vous êtes bien Peter ? 

- Oui.

- Et vous êtes fromager ? Enfin vous faites des fromages pardon ?

- Oui, je suis Chevrier. Mais pourquoi toutes ces questions ?

- Peter ! Fait-la rentrer enfin ! Pardonnez-le mademoiselle. 

- Euh… oui pardon… rentre.

- Il n'y a pas de mal. En fait pour répondre à votre question, poursuit-elle une fois assise, je vais de village en village à la recherche de fromager. 

- Ah bon ? Pourquoi ? interroge le jeune homme. 

- Je voudrai devenir fromagère un jour, et créer mon propre fromage. Et je me dis que la meilleur méthode possible est de se former auprès de nombreux spécialistes du domaine. J'aurais ainsi une bien meilleure expérience que dans une école, et je connaîtrai de nombreuses méthodes différentes. En bref je souhaite vous proposer un peu d'aide. 

- Ah d'accord, mais j'suis pas pro moi.

- C'est justement ce que je cherche, apprendre les méthodes artisanales. 

- Euu, faut que je réfléchisse mais je te préviens, je vois pas comment je pourrais te payer. 

- Je demande seulement le souper en échange, je ne veux pas d'argent.

- Ah. Ça c'est avec maman qu'il faut voir c'est pas chez moi ici.

- Mais bien-sûr ma petite il n'y a aucun problème. Par contre je suis vraiment désolée, mais je ne peux pas vous offrir l'hospitalité pour la nuit, il y a seulement deux lits ici, le mien est vraiment petit, et je ne peux quand même pas vous proposer de partager le lit de Peter, il est pas tellement plus grand de toute faç…

- Maman !! 

La jeune femme laisse échapper un petit rire étouffé.

- Ne vous inquiétez pas madame, je n'avais pas l'intention de vous demander de dormir chez vous. J'ai tout ce qui faut pour dormir dehors à la belle étoile. C'est comme ça que j'ai l'habitude de faire.

- Dehors ? Mais qu'est-ce que vous avez tous à vouloir dormir dehors ? Il fait froid dehors, l'hiver est presque là. 

- Ne vous faite pas de soucis pour moi, j'ai l'habitude, et croyez moi, c'est le meilleur endroit au monde pour passer la nuit. 

- Si ça vous va, conclut-elle en haussant les épaules. 

- Alors ? Est ce que c'est d'accord Peter ? 


 ***


- Heidi, tu croiras jamais ce qui m'arrive. 

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Ya une nana débarquée de nulle part qui est venu frapper à ma porte pour me parler.

- Pardon ? 

- Je le savais que tu ne me croirais pas. 

- Mais elle est venue pour te parler ?

- Oui, mais attend la suite, devine ce qu'elle me veut. 

- Ah mais si, je vois, c'est par rapport aux travaux ?

- Pas du tout.

- Bin là je vois pas alors. 

- Elle veux que je lui apprenne comment je fait des fromages 

- Sérieux ?

- Oui oui, je t'assure.

- Tu lui a dit au moins que ton affaire marche pas trop, s'esclaffe Heidi.

- Arrête, t'es pas drôle ! Je me suis pas fichu de toi quand tes livres, ça marchait pas.

- Pardon, je voulais pas me moquer. Désolée.

- Mouéé… 

Oui je lui ai dit, ça a pas d'importance elle dit. Au faie rien de nouveau en parlant de tes livres ? 

- L'éditeur m'a demandé de retravailler un peu une autre de mes oeuvres. 

- Ouaa !! Trop bien !

- Tu m'as même pas dit, tu as accepté ?

- Accepté ?

- Bin oui la fille qui veut apprendre à faire du fromage…

- Ah, j'ai pas trop eu le choix de toute façon, maman la trouve super elle a accepté pour moi, pouffe-t-il. Moi j'aurais sûrement dit non. 

- Ah d'accord, dit-elle en riant. Ça ne m'étonne pas d'elle. Ni de toi d'ailleurs, mon éternell grognon. Et comment elle s'appelle au fait ?

- Maman ? Tu ne sais pas comment elle s'appelle ?

- Mais non ! La fille.

- J'ai pas pensé à lui demander. 

- T'es vraiment andouille des fois hein. s'exclaffe-t-elle. 

- Non mais t'en a pas marre de te ficher de moi !! s'exclame-t-il mimant la contrariété. 

- Humm, non, dit-elle d'un air faussement sérieux

Le jeune homme prend volontairement une mine d'enfant. 

- Mais heuuuu !  

- Arrête patate, tu sais bien que je suis pas sérieuse, se moque-t-elle en lui ébouriffant les cheveux.

- Bin oui je sais, mais c'est pas une raison. 

Tout deux éclatent aussitôt de rire. 

- Tu sera sympa avec elle quand même hein ? reprend la jeune fille quand ils arrêtent enfin de rire. 

- Oui. 

- Promis? Je tiens pas à ce que mon grand frère se fasse passer pour un ours. Même si c'est vrai. 

- Oui bon promis, je ferais un effort. 

- Super, et sinon tu dors mieux en ce moment ? 

- Bof, je fais toujours autant de cauchemars, mais t'en fais pas pour moi. C'est pas la saison de l'estive de toute façon, c'est pas bien grave si je suis pas en pleine forme. 

- Mouéé, tu m'inquiètes quand même. 

- T'en fais pas pour moi je te dis. Moi c'est plutôt toi qui m'inquiète, tu verrais ta tête. Ton grand-père te demande rien ?

- Il m'a bien fait deux trois réflexions, je lui ai juste dit que j'ai passé plusieurs mauvaises nuits. Je pense qu'il est pas dupe, et qu'il se doute qu'un truc me tracasse. J'ai peur qu'il finisse par savoir pour tous les travaux qui se préparent. 

- Faut que t'arrête de t'inquiéter autant, tu vas y laisser des plumes à force.

- C'est facile à dire…

Le jeune homme s'arrête quelques instants, immobile, montrant qu'il réfléchi. Puis un grand sourire se forme sur ses lèvres. 

- Je sais ce qu'il te faut, enfile tes bottes de marche, et suis-moi.

- Des chaussures ? Pour faire quoi ? répond-elle, habituée à être toujours pieds nus.

- Là où je t'emmène, tu ne pourras pas rester pieds nus. 

- Et la fille ? Tu dois pas faire des fromages avec elle ? 

- Non, on attaque demain. Et de toute façon je fait mes fromages le matin.

- Ah oui, j'suis bête. C'est ok pour moi alors. J'suis trop contente !!! Ça fait une éternité que je ne suis pas partie en excursion…


En deux minutes à peine, Heidi est prête, et rejoint son ami de toujours. 


- Tiens, dit-elle en lui tendant un gros sac à dos. 

C'est un vieux sac qu'ils ont fabriqué avec des vêtements inutilisés il y a très longtemps de cela. Mais la qualité des matériaux et de leurs travail fut tel que des années après, le sac est toujours en état, quoique un peu décoloré. Enfants, il ne se passait pas un mois sans que le sac à dos sorte de son rangement. Il est toujours prêt, rempli de quelques vêtements chauds (à leur taille respective), deux imperméables, et d'un couteau avec une bobine de fil (indispensable en toutes circonstances). Heidi rajoute juste chaque fois de quoi manger dans ce "compagnon d'exécution". Depuis toujours c'est Peter qui insiste pour porter le sac disant qu'il est trop lourd pour Heidi.


- Allez c'est parti !! 


Les deux amis de toujours se mettent en route, et progressent rapidement, habitués aux efforts dans les sentiers escarpés de leur chère montagne. Peter passe en tête, sac sur le dos, il guide sa jeune amie en direction de la zone qu'il a repéré. Ils avancent un bon moment sur des zones qu'ils connaissent tous deux très bien, puis le jeune berger bifurque derrière de grands épicéas, les derniers avant l'altitude où plus aucun arbre ne pousse. Et là, dernière ces ancêtres, vieux de plusieurs centaines d'années, l'entrée d'une grotte apparaît. 


- Oh purée ! s'exclame la jeune fille, on est passé là des centaines de fois, jamais j'aurais pu me douter qu'il y avait une grotte juste à côté.

- Et t'as pas tout vu. 

- Comment tu l'as découverte ?

- Par hasard, je ramassais des branches d'épicéas pour faire une infusion à maman. Elle avait mal au ventre.

- C'est dingue.

- Allez viens, t'as encore rien vu.

- Passe devant 

- Ok mam'zel, c'est parti.

Ils s'engouffrent alors dans l'étroit couloir de la grotte, mal éclairé.

- Fait gaffe où tu met les pieds Heidi, on y voit pas très clair

- T'en fais pas pour moi. 


Au bout de une ou deux minutes de marche à taton dans cette grotte obscure, peut-être plus, les deux amis aperçoivent une lueur.

- T'as vu ça Peter ?

- C'est là qu'on va, tu vas voir.

Au fur et à mesure que la lueur se rapproche, elle semble de plus en plus élevée. Enfin ils arrivent au point d'où perce le soleil. Et surprise, la sortie de ce tunnel exiguë est perchée en haut de ce qui semble être un mur vertical. 


- On peut pas aller plus loin, souffle Heidi, déçue.

- Mais si regarde, j'ai trouvé un passage avec des pierres qui dépassent. Regarde où je passe et suis-moi.

Le jeune homme commence à grimper, suivi du regard par Heidi. Rapidement, elle commence à son tour l'ascension vers le sommet du mur. Elle est très alerte et ratrappe progressivement son ami. Enfin, il arrive au sommet, se retourne et tend la main à sa jeune amie.

- Attrape ma main, je vais te hisser en haut.

- T'inquiète pas, j'ai pas besoin d'aide.

- Je sais bien, mais laisse-moi t'aider, laisse-moi croire au moins de temps en temps que je peux t'aider.

Heidi sourit et lui tend la main. Il la saisit et la tire vers le haut comme si elle était un fêtu de paille. Heidi, surprise, perd l'équilibre, et s'effondre sur le jeune homme qui tombe à son tour à la renverse. Elle se retrouve au-dessus de lui, les deux mains posées à côtés de son visage. Peter ouvre des grand yeux, l'attrape par les épaules et la dépose très vite à côté de lui, comme si elle allait le blesser en restant comme ça. 

Dans un autre contexte il aurait sûrement rougi jusqu'aux oreilles, mais là c'est plutôt l'inverse. 

- Désolé, souffle-t-il, visiblement gêné. 

- T'inquiète, je me suis pas fait mal, fais pas cette tête, on dirait que t'as vu un fantôme. Je t'assure que ça va. 

- Ah bon, tant mieux. marmonne-t-il, visiblement rassuré qu'elle ne comprene pas la raison de sa gêne. 


La jeune fille se redresse alors, et observe l'endroit où elle se trouve. 

- Ouaaa c'est magnifique !! s'exclame-t-elle.


Ils se trouvent sur un petit plateau enherbé, accessible seulement par la grotte, étant donné qu'elle est entourée de falaises. Sur la moitié côté grotte, la montagne s'élève, vertigineuse, et en face, c'est un précipice haut de plusieurs dizaines de mètres. Sur le côté un petit cèdre surplombe l'étendue herbeuse, et en couvre la moitié de son ombre. Même si le plateau n'est pas très grand, il l'est suffisamment pour permettre de se déplacer sans se rapprocher du bord. En regardant en face, on peut voir un panorama magnifique. Au loin, de grandioses montagnes, couvertes de neige éternelle, dominent, et illuminent le paysage de leurs grande beautées. Et bien plus bas, en bas de la falaise, une longue surface herbeuse, plus ou moins plane avec seulement quelques arbres rachitiques qui se sont battus pour pousser malgré les conditions climatiques rudes. À leurs pieds, des tapis rouges orangés couvre de leurs éclatantes couleurs une partie de l'herbe. Partout on distingue l'entrée des trous des marmottes qui hibernent déjà depuis quelques temps. Leurs sifflements aigus si caractéristique résonneront à nouveau au retour du printemps, mais pour l'heure, elle sont profondément endormies. 


- Tu te souviens de notre rêve quand on était gosses ? interroge Peter, interrompant son amie dans sa contemplation.

- Comment j'aurais pu oublier ça, on en parlait tout le temps. On disait qu'on allait trouver un coin rien qu'à nous, que personne d'autre ne connaîtrait. Et on l'aménagerait, on construirait une cabane, et plein d'autres trucs. Heidi a un grand sourire nostalgique en se remémorant ses promesses d'enfants. Puis son visage s'assombrit progressivement. 

- Mais on est plus des gosses, continue-t-elle d'un ton triste, presque comme si elle voulait poser la question.

- Et alors ? lui répond Peter avec un clin d'oeil.

Le visage de la jeune fille s'illumine alors.

- T'es sérieux ? 

- Ba oué, avoue que c'est l'endroit rêvé. 

Heidi lui saute dans les bras, remplie d'enthousiasme à l'idée de réaliser leurs projet d'enfant. 


- Quand est qu'on commence ? questione Hedi. 

- Pourquoi pas tout de suite ?

- Et où on va trouver tout ce qu'il nous faut ?

- Il y a bien la vieille cabane abandonnée qu'on a découvert il y a deux ans, il y a plein de matériaux qu'on pourra y récupérer. 

- super ! C'est parti !!


Aussitôt les deux amis reprennent chemin qu'ils ont emprunté à l'aller, mais en sens inverse cette foi-ci.


En chemin Peter repense aux événements qui viennent d'arriver et aux précédents, pourquoi est-ce qu'il a eu cette réaction quand Heidi lui est tombé dessus, pourquoi l'a-t-il présenté comme sa soeur, sans parler de son absence total de réaction quand elle à littéralement dormis toute une nuit sur son épaule ? Pourquoi se demande-t-il. Décidément ceci est de plus en plus étrange. Toutes ces fois, il a réagit comme si lui aussi, il l'a voyais comme sa sœur, seulement comme sœur ; alors qu'en réalité... il faudra vraiment qu'il arrive à comptendre ce qui se passe dans son esprit et son cœur en ce moment, et comprenne par la même occasion la raison de ses réactions…

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