Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 11 : Une rude journée

3178 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/10/2020 11:18

Salut à tous, je tiens à vous préciser que suite à un conseil, j'ai légèrement modifié la fin du chapitre précédent afin de le rendre plus compréhensible.

Bonne lecture à tous.

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CLAPP ! CLAPP ! 


- Peter ! Ta fenêtre claque, ferme-la ! Et dépêche-toi de te lever ! 


Le jeune homme se retourne dans son lit en grognant, et se rendors aussi sec.

- Peter ! Ça fait 10 fois que je t'appelle ! Lève-toi , tu vas être en retard ! 

- Huuum, je peux pas être en retard, j'ai pas d'horaires. 

- Arrête de te plaindre. La jeune fille va t'attendre. 

- Quelle fille ?

- Celle avec qui tu vas faire des fromages. 

- Oh c'est vrai, je l'avais oublié elle, souffle-t-il en finissant par se lever. 

Ce jour-là encore, le réveil est dur pour le chevrier. Il n'a jamais été du matin, mais maintenant c'est pire encore. Même s’ils ne le réveillent plus, les cauchemars qu'il fait chaque nuit, à cause des travaux à venir, rendent ses nuits difficiles. Il n'en parle pas à sa mère pour ne pas l'inquiéter, mais une bonne nuit de sommeil est dorénavant devenue pour lui un évènement. 


Assez vite, le jeune homme se lave le visage dans la fontaine, après avoir à la hâte avalé un sommaire petit déjeuner. Il repense à sa discussion avec Heidi, la veille. Il lui a promis de ne pas trop être grognon, il lui faudra beaucoup d'efforts pour y parvenir. Après avoir embrassé sa mère comme chaque matin, il se dirige enfin vers la bergerie, où il est déjà attendu. 


- Alors ? Prête pour la première journée? 

- Plus que jamais, s'exclame-t-elle, avec un sourire rayonnant. 

- J'espère que je t'ai pas trop fait attendre ?

- Non non, je viens d'arriver.

- Tant mieux, au fait désolé pour hier. 

- Hier ? 

- Oui ma mère, excuse-la s'il te plait. J'étais super gêné.

- Mais non, vous inquiétez pas. 

- Ah oui, je voulais te dire, arrête de me dire "vous". J'ai même pas trente ans, et j'suis pas ton patron. Et j'ai jamais été doué pour ces façons de faire des gens des villes, je dis toujours "tu". C'est trop froid "vous".

- Okay, comme tu veux. On s'y met ?

- C'est parti. T'as déjà trait des chèvres?

- Non jamais. 

- T'es sûre que tu veux pas juste faire les fromages avec moi alors ? 

- Non, je tiens à participer à toutes les étapes.


Les deux jeunes gens s'engouffrent dans la bergerie. Peter s'installe alors devant une chèvre et commence à la traire. 



- Tu vois tu presses comme ça. Tu veux essayer ? 

- Comme ça ? Pourquoi il se passe rien ? Elle a plus de lait ? 

- Mais si regarde. Tu t'y prends juste mal. Il faut presser entre tes doigts comme ça, explique-t-il en remontrant les gestes. 

- Purée c'est dur, j'y arrive pas. 

- Ça va venir. T'inquiètes pas. Il faut juste du temps. Je vais finir si tu veux. 

Au fait, j'ai pas pensé à te demander comment tu t'appelles ? 

- Oh je suis vraiment désolée !! Je pensais te l'avoir dit. Je m'appelle Marinette.

- Content de te connaître Marinnette.

- Enchantée également, et merci beaucoup de m'accueillir surtout. 

- C'est à maman qu'il faut dire merci. 

Pendant un instant Peter pense lui dire que sans elle, il aurait sûrement refusé, puis il se souvient de sa promesse, et se réavise donc.

- C'est elle qui fait les repas, tu devrais lui dire merci à elle plutôt. Tu penses vraiment rester jusqu'à que toutes les chèvres soient trait ? J'en ai pour au moins deux heures.

- Je vais continuer à essayer pendant ce temps, comme ça j'apprendrai plus vite.

- Comme tu veux. Mais garde des forces pour les fromages.

- Ne t'inquiète pas, j'ai de l'énergie à revendre. Tu fais ça tous les jours ?

- Non certains jours je range les chèvres au placard, comme ça pas besoin de s'en occuper.

- Pardon ? Ah oui pardon, bien sur que oui. Désolée ma question était bête.

- Oui un peu. 

Marinnette baisse la tête, les joues rouges. Peter, la voyant gênée, repense une fois de plus à Heidi. Si elle était là, elle lui aurait sûrement dit qu'il était une andouille malpolie.

- Pardon, s'excuse-t-il. Tu ne peux pas tout deviner. Je le fais matin et soir. C'est la première fois que tu assistes à la traite des chèvres ?

- Oui, jusque-là j'ai toujours aidé des fromagers. Seulement fromager je veux dire ; on leur livrait le lait. 

- D'accord. Tu verras tu apprendras vite.


La traite se poursuit patiemment, suivie de la préparation des fromages.


*** 


- Peter lève-toi ! Tu vas encore être en retard. Ça va faire quinze jours que Marinette viens t'aider et tu n'a pas été à l'heure une seule fois.

Peter se retourne dans son lit en marmonnant.

- J'étais bien tranquille avant qu'elle arrive, laisse-moi dormir.

- Ne dit pas ça Peter ! Elle est très gentille, et tu es moins fatigué depuis qu'elle est là, elle t'aide beaucoup. 


Le jeune homme ne peut pas contredire sa mère, même si ses nuits sont toujours aussi agitées, il se sent moins épuisé depuis qu'il a de l'aide. De plus il doit bien reconnaître qu'elle est bien moins désagréable que ce qu'il craignait. Malgré ses airs de fille des villes, Marinette met de l'ardeur au travail. Elle n'a peur ni de se fatiguer ni de se salir, au grand étonnement de Peter. Elle supporte même le caractère changeant du jeune berger (malgré tous ses efforts pour rester sympathique). En réalité, il ne pense pas ce qu'il vient de dire à sa mère, en effet il apprécie sa compagnie, et ne considère pas qu'il était plus tranquille avant son arrivée. 


Finalement, Peter finit par se lever en maugréant, comme chaque matin ; avant de se préparer et de rejoindre sa jeune apprentie.


- T'as déjà commencé Marinette ? T'es plus matinale que moi. 

- Plutôt que d'attendre sans rien faire…

- En tout cas t'as vachement progressé, tu vas beaucoup plus vite qu'au début. 

- Merci. Dis-moi, je voulais te demander, pourquoi tu sépares les fromages d'hiver et d'été ? 

- L'été les chèvres passent la journée à l'estive, elles mangent de l'herbe fraîche. Le lait est bien plus riche, les fromages sont meilleurs. 

- À l'estive ?

- Dans des pâturages en haute montagne quoi. 

- D'accord, mais tu fais quand tes fromages alors ?

- Humm, grogne le Chevrier, j'en fais peu. 

- Et le lait alors ?

- J'en vends à peine, le reste je le donne pour pas le jeter.

- Peut-être que tous ceux à qui tu en donne t'en achèterais si tu ne ne leur offrais pas.

- Je sais bien, mais je refuse de jeter du lait.

- Je comprends, c'est tout à ton honneur. 

- Si tu le dis.

- Tu fais pratiquement que du fromage d'hiver alors si je comprend bien ?

- Oui, et c'est bien dommage, le fromage d'été est le plus chèr, et celui qui plait le plus. 

- C'est à cause de ça que tu m'as dit que ton affaire ne marche pas si bien ?

- C'est ça, si je trouve pas de solution je devrai vendre mes chèvres, et trouver quelqu'un qui me donnera un travail. On pourra pas toujours continuer comme ça avec maman, mais j'espère pas que ça arrivera, confie le jeune homme. En plus je sais pas qui peut vouloir m'embaucher. J'ai pas retenu grand chose à l'école… il paraît même que je ne parle pas correctement français. 

- Dans ce cas, pourquoi tu continues de les monter à l'estive ?

- C'est indispensable pour la santé des chèvres, et arrêter de monter les chèvres, ça serait comme renoncer à mon métier. Un chevrier, c'est comme un berger, ça fait paître ses troupeaux à l'estive chaque été. 

- Je comprend, je suis sûr que tu trouvera une solution, ne t'inquiète pas. 


Les deux jeunes gens poursuivent la traite, et enchaînent avec la préparation des crottins de chèvres. La matinée est tranquille, et comme souvent quand ses occupations ne lui demande pas assez d'attention, l'esprit de Peter vagabonde. Il repense à la discussion qu'il a eu avec Klara avant qu'elle remonte dans le train. Même si elle est sa meilleure amie, il a l'impression qu'elle ne la connait pas si bien que ça. C'est comme si malgré son instruction elle n'arrivait pas à la cerner les gens, même si ce sont ses proches. En revanche ça n'a jamais été un problème pour Peter. Lui, le cancre de l'école, qui a arrêté le cursus scolaire très tôt, n'a jamais eu de mal à diserner ce qui ne se voit pas. Lire dans l'esprit des gens ce qu'ils ne disent pas, ou même cherchent à cacher, est d'une simplicité enfantine pour lui. Pour en revenir à sa jeune amie, elle a été élevé par son grand-père, qui peine à la voir grandir. Malgré les années qui passent, il continue à la voir comme une petite fille, et inévitablement, cela a influé sur sa manière de grandir. Bien qu'elle soit très intelligente - beaucoup plus que lui, se dit Peter, bien qu'en pratique il est également très loin d'être stupide - c'est comme si toute la partie affective de son cerveau avait grandi moins vite. Elle est en quelque sorte une jeune fille, tout juste adolescente, avec l’intelligence et le corps d'une adulte. C'est pour cette raison qu'elle est si innocente - et également qu'elle est la seule à ne pas voir tous les signes que Peter lui envoie malgré lui. 

Apparemment, Klara n'a pas compris tout ça. Sinon elle aurait compris qu'il ne puisse pas suivre son conseil, en avouant à Heidi ce qui se passe dans son coeur.


- Ça va Peter ? s'inquiète Marinette, l'interrompant dans ses songes

- Ein? Ah oui oui ça va, j'étais juste dans mes pensées. 

- Tiens il y a un vieil homme qui arrive, il a l'air essoufflé. 

Peter se tourne pour apercevoir le grand-père arriver vers lui, l'air complètement affolé

- Grand-Père ? Ça va ? le questionne-t-il lorsqu'il arrive à son niveau.

- Peter !! Je suis venu te chercher, j'ai envoyé Heidi me faire des commissions au village ce matin, et je ne l'ai pas revu depuis !! fit-il haletant. Je l'ai cherché partout, je suis vraiment inquiet. Aide-moi s'il te plait !! supplie-il.

- Mais enfin c'est souvent qu'elle part seule en montagne. 

- Oui mais jamais sans me prévenir, j'ai retrouvé ce qu'elle a acheté devant la porte, mais aucunes nouvelles d'elle.… ça ne lui ressemble pas du tout.

- Je vais la chercher, je sais où elle est. Tu peux terminer toute seule Marinette ?

- Oui oui bien sûr. 

- Je te suis ! s'exclame le grand-père.

- Non ! J'y vais seul.

Peter se surprend lui même de son assurance, il a toujours craint le grand-père. Mais l'inquiétude pour son amie est passée au-delà de cette crainte. Même s’il est quasiment sûr de savoir où elle est, le fait qu'elle s'éloigne seule si longtemps sans prévenir personne est plutôt inquiétant, surtout en revenant du village. Trop de crétins vivent dans la vallée...


Il s'arrête rapidement chez lui pour prendre des bandages, puisque si c'est ce qu'il craint, il en aura besoin. 

Il prend aussi une couverture chaude, puisqu'il commence à faire froid à cause de la saison avancée. Il y a peu de chance qu'elle ait pris la peine d'en emmener une avec elle avant de partir vu l'état où il pense la trouver. Et celles sur place ne seront pas suffisantes pour réchauffer la jeune fille.


Très rapidement, le jeune homme arrive devant l'entrée de la grotte qui débouche sur la zone "secrète" que lui et Heidi se sont aménagés. Sans s'arrêter, il s'engouffre à l'intérieur, avant d'arriver quelques minutes plus tard devant la cabane. Il pénètre alors doucement à l'intérieur de celle-ci, et y découvre sans surprise son amie. Elle est assise à même le sol, les genoux repliées sur elle. Mais surtout, elle se tient la tête dans les mains, en pleurs. 


- Heidi ? interroge le berger d'une voix calme, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

- C'est au vil-la-lage . 

- Je m'en doutais ! Je vais les tuer !! 

- Pet-ter, sanglote-t-elle, ils m'ont dit que... que… la jeune femme, éclatant en sanglots, n'arrive pas à terminer sa phrase.

- Ça va aller ne t'inquiète pas ma belle, répond-il d'un ton rassurant, qu'est-ce qu'il se passe ?

- Ils m'ont dit que si ça continue comme ça je finirai enceinte Peter !! hurle-t-elle. 

Le jeune homme s'immobilise immédiatement, sous le choc. Et le fait de voir son éternelle amie autant en colère pour la première fois de sa vie rajoute à sa stupéfaction.

- Je leur ai dit qu'ils sont imbéciles, qu'ils se trompent ! Ils me croient pas ! s'époumone-t-elle. 

- C'est pas la première fois qu'il y a des ragots, lui répond-il d'un ton rassurant, tout en s'approchant pour la prendre dans ses bras. 

- Me touche pas ! 

- Heidi ? répond il, décontenancé. 

- Ils m'ont dit que de toute façon, même si je ne mentais pas, c'est tout ce que tu cherchais !! Que c'est seulement pour ça que tu restes avec moi !! 


À ces quelques mots, le jeune homme sent la colère monter en lui, et le faire virer au rouge écarlate jusqu'aux oreilles. Il va avoir des comptes à régler. Mais pour l'heure c'est avec son amie qu'il doit s'expliquer. 

- Purée Heidi !! Tu vas pas me dire que tu les crois plus que moi enfin !!! Non mais sérieux !! Tu me connais depuis qu'on est gamin, comment tu peux croire ça ! Réfléchis, s’ils avaient raison tu crois pas que tu t'en serais déjà rendu compte toi-même ?!! J'ai dormi dans la même pièce que toi la nuit de l'orage, et après le mariage de Anna tu as carrément dormi toute la nuit sur mon épaule ! Mince à la fin, réfléchis un peu ! 


Sur ces mots, le jeune homme sort de la cabane, énervé, et blessé. De quels droits ils se permettent de balancer de telles aberrations, qui ont mis sa Petite Heidi dans cet état ? Mais surtout comment Heidi peux prêter des propos à leurs sornettes ? Comment peut-elle les croire plus que lui, alors qu'il pensait qu'elle avait confiance en lui ?


- Peter ? souffle la jeune femme d'une toute petite voix.

Il se retourne alors dans sa direction. 

- Pardon Peter. Je suis désolée, marmonne-t-elle à peine audiblement. Je n'étais déjà pas dans mon assiette à cause de tout ce qui risque d'arriver chez nous, j'ai tellement peur de perdre tout ce qui compte pour moi… Je ne suis pas moi-même en ce moment, surtout les dernières semaines, et ce qu'ils ont raconté m'a tellement retourné que j'arrive plus trop à réfléchir… je te demande pardon. En temps normal je ne les aurait jamais cru, excuse-moi. Mais… pourquoi ils racontent ça ?? 

- Je sais pas… ils comprennent pas alors ils critiquent j'imagine. Viens-là plutôt que de parler de ces ânes. 

Purée Heidi t'es gelée ! s'écrit Peter après l'avoir prise dans ses bras. Rentre vite te réchauffer dans la cabane. 


Après avoir l'avoir aidé à s'installé confortablement sur l'une des couvertures, le berger en sort une autre de son sac, et en couvre la jeune femme. 


- Ça va, tu te réchauffes ? 

- Un peu.

- Regarde l'état de tes pieds ! Pourquoi t'a pas mis de chaussures ? T'es écorchée de partout. Attends, je vais m'en occuper. 


Il sort alors des bandages de son sac, et en enroule les pieds de la jeune femme.


- Voilà, c'est mieux comme ça. Je te désinfecterais les pieds chez toi. Je vais te réchauffer maintenant. Tu permets ? questionne-t-il en la prenant dans ses bras. 

En guise de réponse, elle se contente de hocher la tête. Le jeune homme l'attire alors vers lui, et cale sa tête contre son épaule, tout en lui caressant doucement le dos pour la réchauffer. Très rapidement, épuisée par ces émotions, la jeune femme s'endort dans les bras de son ami.


***


Après plus d'une heure sans bouger, Peter ne sent plus ses bras. Il commence en outre à s'inquiéter en pensant au grand-père qui doit se faire un sang d'encre en ne les voyant pas revenir. 


- Heidi, lui chuchote-t-il tout doucement, il faut te réveiller maintenant, ton grand-père va s'inquiéter. 

La jeune femme redresse alors doucement la tête, et sourit à son ami.


- Il faut qu'on redescende maintenant. Tu vas monter sur mon dos pour retourner chez toi, tu peux pas descendre toi-même vu l’état de tes pieds. 

- Et ton sac avec tes affaires ?

- Je reviendrai les chercher plus tard. Il vas falloir que tu t'agrippes jusqu'à la grotte, le temps que je descende le mur. Je peux pas te tenir et me tenir en même temps. 

Allez grimpe. On y va. 


Le jeune homme eut vite fait de parcourir le chemin jusqu'au chalet de son amie, même si, alourdi par son poids, il a le pied moins sur. Heidi, épuisée par ses émotions, malgré l'heure qu'elle a passé à dormir, s'est à nouveau assoupie, nullement gênée par la position inconfortable dans laquelle elle se trouve. 



Le grand-père sur le perron, scrute leur arrivée, inquiet pour sa petite fille. À peine aperçoit-il les deux jeunes gens, qu'il se précipite à leur rencontre.


- Qu'est-ce qu'il lui est arrivé? 

- Je ne sais pas, elle dormait déjà quand je l'ai retrouvé, ment-il. 


***


Cette nuit-là, ni Heidi ni Peter, ni Grand-père ne parvinrent à trouver le sommeil. Tous avaient l'esprit trop agité par la journée qui venait de s'achever pour pouvoir s'endormir. 


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