Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 13 : Nouveau départ.

2754 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/10/2020 21:24


Cela fait plusieurs heures à présent que la neige a commencé à tomber. Et depuis ce moment, Heidi est à la fenêtre, regardant les flocons recouvrir peu à peu tout le paysage, jusqu'à former un tapis immaculé de plusieurs centimètres d'épaisseur. 


La jeune femme sent alors deux mains se poser doucement sur ses épaules, l'interompant dans sa rêverie.


- C'est beau hein ? lui souffle doucement Peter, en se rapprochant un peu plus d'elle. 

- On dirait un tapis blanc qui recouvre la misère d'un film magique.

- T'es poétique aujourd'hui. 

- Uumm.

-Tu vas bien ? 

- Je peux te dire quelque chose ?

- Vas-y je t'écoute.

- Tu as changé ces derniers temps ?

- Tu trouve ?

- Oui. 

Voyant que son amie ne poursuivra pas, le jeune homme essaie d'en savoir plus.

- Ça t'embêtes ?

- Non. Au contraire. Je préfère quand t'es comme ça. 

- Comme ça comment ? demande Peter qui a l'impression de devoir lui tirer les vers du nez. 

- Avant, des fois j'avais un peu l'impression que tu pensais que si tu m'en disait trop, où que t'étais trop affectif avec moi j'allais me briser en morceau. 

- Qu'est ce que tu veux dire ?

- Ça fait des années que je te dis que tu dis pas assez ce que tu penses…

- Et là c'est mieux alors ?

- Oui, t'es un grand frère tout mignon, poursuit la jeune montagnarde avec un sourire lui illuminant le visage.

Peter regarde avec émotion sa moue de petite fille. Le coin de ses lèvres se soulèvent légèrement, et doucement il lui demande :

- T'aurait pas préféré un vrai grand frère alors ? Je veux dire un qui a les même parents que toi ? 

- Non !! T'es le meilleur des grand frères ! Un calin ? 

- Encore ? demande le jeune homme amusé, tout en la serrant dans des bras.

- Oui, je m'en lasse plus maintenant !!

- T'abuse, à t'écouter j'…

- Oué mais c'est encore mieux maintenant, l'interrompt Heidi. 

Soudain elle se dégage de l'étreinte rassurante de celui qu'elle appelle grand frère depuis si longtemps maintenant, avec un grand sourire, ce sourire que Peter connaît si bien, qu'elle arbore quand elle vient d'avoir une idée. 

- Viens dans la neige avec moi !! C'est trop beau pour ne pas en profiter.  


Sans même lui laisser le temps de répondre elle se précipite en sautillant vers le lieu où se trouve ses bottes et ses doublures chaudes. 

Peter la regarde avec un sourire attendri, celui qu'il a quand Heidi redevient enfant, comme souvent ; et comme à chaque fois, le jeune homme se demande comment il pourrait vivre sans cette petite boule d'énergie, si pétillante et positive. Depuis cette fameuse journée qui lui semble si loin maintenant, celle où Peter a compris, il a en effet moins peur de montrer son affection à son amie. Il n'a plus peur qu'elle devine le fond de ses pensées puisqu'il n'a plus rien à lui cacher. Il a toujours su que Heidi resterait une amie pour lui, et rien d'autre, mais maintenant, c'est ce qu'il désire lui aussi. Tout ce temps il aurait voulu autre chose, mais maintenant qu'il se rend compte qu'il s'est menti à lui-même sans le savoir, il ne comprend pas comment il a pu ne pas se rendre rendre de tout ça avant. Cela fait bien trop longtemps que les deux amis ont ce genre de liens entre eux, bien trop longtemps pour que ça puisse changer.


Après une bonne minute, peut être plus à observer Heidi, ce même sourire fixé sur les lèvres, la jeune femme finit par lever les yeux vers lui, un regard interogatif dans les yeux. 


- Tu viens ? 


Enfin il sort de ses pensées, et esquisse un mouvement.


- J'arrive ! 


Très vite, ils se retrouvent tous deux, emmitouflés des pieds à la tête, les deux pieds dans la neige immaculée. Le crissement de la neige sous ses pieds suffit à Heidi pour lui provoquer une montée de joie immédiate. Elle tourne sur elle-même, les yeux fermés, et les bras écartées, pour mieux profiter de la délicieuse sensation des flocons qui lui tombent sur le visage. Soudain, elle sent un liquide froid lui couler dans le coup, et se retourne brusquement vers son compatriote, qui arbore un sourire taquin.


- Tu vas me le payer !! 


Heidi prend alors un peu de poudre glacée dans ses mains nues, et la projette sur son ami. D'un mouvement habile, il évite le projectile, ce qui provoque des protestation de la jeune femme. Heidi réitère son attaque, mais à nouveau il l'évite en se décalant légèrement. À son tour, il se baisse pour récupérer au sol une boule de neige, vise la jeune femme, et … fait mouche. 


- Tu disais ? glousse-t-il. 


Heidi part alors en courant, et sans chercher à comprendre, il se précipite à sa suite. Rapidement il l'a ratrape, mais au moment de lui saisir le bras, elle se retourne brusquement, et s'appuie de tout son poid sur ses épaules. Surpris, il bascule en arrière, et tombe à la renverse. 

- Vengeance !! crie alors Heidi, bien contente d'avoir réussi son tour. 

- Bourrique ! s'écrit alors le jeune homme, dont le dos est à présent complètement mouillé. 

Tous deux partent alors dans un fou rire, un de ces rires qui vous font oublier tout ce qui se passe autour.


Tous deux continuent leur jeu enfantin un bon moment jusqu'à être tous deux trempés jusqu'au os, autant par les flocons qui continuent de tomber, que par la poudreuse dont ils se sont eux-même couvert. Ils décident alors d'un commun accord de prendre congé l'un de l'autre, et de retourner chacuns chez soi. 

- Viens sécher un peu à la maison avant de rentrer, s'inquiète le jeune homme. 

- Je dois partir tout de suite si je veux arriver avant la nuit.


Peter réfléchit un instant, puis de dirige chez lui en demandant à son amie de l'attendre. Il revient quelques instants plus tard, et demande à son amie de retirer son manteau et son pull.


- Pardon ? s'écrit Heidi, les yeux grands ouverts à cause de la surprise.

- Vas-y, enlève moi ça, continue-t-il avec un regard rassurant.


Malgré ses interrogations, elle retire alors ses doublures détrempées, et avec seulement un tee-shirt, elle sent le froid l’assaillir encore plus. Aussitôt, le jeune homme de huit ans son aîné, lui enfile un épais pull de laine sur le dos, bien trop grand pour elle, mais bien sec. 


- Me..i..gan..ere, essaie-t-elle d'articuler à travers son col roulé qui lui recouvre le visage

- J'ai rien compris, pouffe le chevrier.

-Merci, répond-elle simplement. 

- Dépêche-toi quand même, affirme le berger d'un ton ferme, tes pieds et tes cheveux sont trempés, si tu te réchauffe pas en marchant tu vas attraper la mort. Je m'en voudrai. 

- T'en fait pas, j'suis pas en sucre. Merci pour la journée, conclut la jeune écrivain, avec un dernier signe de la main avant de prendre le chemin de chez elle, bien plus haut.


De fortes bourrasques de vent additionnées aux amas de neige fraîches forment un blizzard qui recouvre Heidi. C'est comme si chaque flocon qui fouette le visage de la montagnarde était autant de petites aiguilles qui s'y plantaient. Malgré tout, les efforts qu'elle fournit pour se déplacer rapidement dans l'épaisse couche de neige lui permettent de très vite se réchauffer, le pull épais de Peter aidant. 


Se faisant, elle repense à cette journée qui lui a fait le plus grand bien en lui permettant d'oublier la date d'ouverture des travaux destructeurs qui se rapprochent inéluctablement, mais surtout, ce sont les quelques mots qu'elle a partagé avec son ami qui lui reviennent à l'esprit. Elle est contente d'avoir pu lui communiquer son ressenti, mais regrette qu'il ne lui ai pas fourni d'explications quant à ce changement plutôt brutal. Il l'a déjà souvent serré dans ses bras, mais toujours pour une raison bien particulière. Ou bien il cherchait à la réconforter ou au contraire lors d'une exultation suite à une bonne nouvelle, comme quand ses romans ont enfin été publiés. Certes, étant donné que les émotions très abondante de la jeune femme débordent très souvent dans un sens comme dans l'autre, ces moments arrivaient assez régulièrement. Toutefois jamais aussi souvent que maintenant, pour le plus grand bonheur de la montagnarde. De plus, Heidi s'est toujours plaint du manque de démonstrativité du jeune homme en paroles ; à présent il donne parfois l'impression que s'il n'extériorise pas ce qu'il ressent, les mots qu'il n'a pas prononcés vont s'accumuler jusqu'à exploser. Heidi ne se plaint pas de de ce changement, bien au contraire, mais la curiosité l'amène à se demander la raison de ce brusque changement. 


***


-Tu peux m'approcher la présure s'il te plaît ? 

- Tiens la voilà. 

- Merci, je te laisse t'occuper du caillage pendant que je prépare les moules.

- Okay.

- Marinette ?

- Oui ?

- Tu sais qu'on vas bientôt arrêter les fromages ?

- Ah bon ? Pourquoi ?

- Les chèvres font plus de lait l'hiver. Elles reprennent en mars, mais le lait est pour les chevreaux, donc pas de fromage avant avril.

- Ohh, soupire la jeune femme, déçue. Soudain elle prend conscience que s'il n'y a plus de fromage, elle n'a plus de raisons d'être là, et qu'elle va donc devoir reprendre la route. En même temps que cette réalisation, une boule d'angoisse prend place au fond de son estomac. Comme s'il percevait ses craintes, Peter reprend la parole.


- Tu pourras m'aider pour l'affinage si tu veux, à moins que tu souhaites repartir bien sûr. 

- Non... non je.. je reste ; enfin.. si je vous gêne pas, répond Marinette sans réussir à retirer le grand sourire qui a pris place sur son visage. 

- Pourquoi est-ce que tu veux que ça nous gêne, reste tant que tu veux tu embêtes personne, et puis tu me files un sacré coup de main, réfute Peter.

- Merci, souffle la jeune femme en retour. 

- Au fait, je me demandais ce que tu fait du reste de tes journées, après la traite et la préparation des fromages ?

- Je me balade, je visite le coin. 

- Ça te plais ?

- Les paysages sont grandioses dans le coin, il faudrait être difficile pour ne pas aimer. 

- C'est aussi ce que Heidi dit. 

- En parlant de Heidi, moi aussi je me pose une question.

- Je t'écoute. 

- Pourquoi elle ne vit pas ici ?

- Elle vit ici, répond Peter qui se demande ce qu'elle veut dire. 

- Non, je veux dire ici, dans ta maison. 

- Elle vit avec son grand père. Pourquoi est ce que tu voudrais qu'elle vive ici ? 

- Binn… c'est logique pour des frères et soeurs non ? 

- Pardon ?


Le jeune homme met un moment avant d'enfin comprendre l'interrogation de Marinette, son visage s'éclaire alors. 


-Ah mais non, on est frère et soeur seulement ici, répond Peter avec sa main au niveau du cœur. On a pas du tout les même parents. 

- Mais tu parles toujours d'elle comme de ta petite sœur pourtant…

- On a quasiment grandis ensemble, je saurais même pas te dire depuis quand on se considère comme des frangins tellement ça fait longtemps. 

- C'est dingue, j'aurais vraiment parié que c'était vraiment ta sœur vue la manière dont tu en parle. 

Le jeune chevrier se contente de hausser les épaules, toujours peu à l’aise pour parler de tout ce qu'il ressent. À part avec Heidi bien sûr, mais c'est Heidi justement… et encore, même avec sa meilleure amie, il y a des sujets qu'il n'aborde jamais.

Afin d'être sûr que que la jeune femme en sa compagnie ne cherche pas à en savoir plus, Peter change vite de sujet.


- Tu m'a dis que tu te ballade les après-midi, tu trouve encore de nouveaux coins à découvrir ?

- J'avoue que je commence un peu à tourner en rond. 

- Ça te dirait de rencontrer Heidi ?

- Depuis le temps que j'en entend parler ça me ferait vraiment plaisir. 

- Il faut qu'on te fasse découvrir nos montagnes alors.



***


De son côté, Heidi est éveillée depuis un bon moment, mais elle est hypnotisée par le paysage qu'elle a découvert à son réveil. La neige étant tombée toute la nuit, elle s'est accumulée sur plus d'un mètre, changeant radicalement le paysage. Sous ses yeux, plus aucuns angle abrupte ne dépasse du tapis blanc ; des lignes courbes remplissent tout le paysage, laissant un sentiment de calme et de sérénité. Seul au loin les arêtes tranchantes des montages cassent la monotonie du panorama, sans pour autant en gâcher la beauté, bien au contraire. 


La veille, la jeune fille s'est endormie en regardant la neige tomber. Depuis de nombreux mois, elle attendait son arrivée, l'arrivée de la poudre magique comme elle aime l'appeler. Elle pourrait patienter des journées entières à la regarder tomber, sans jamais trouver le temps long. Elle a observé les flocons volatiles tomber jusqu'à que le sommeil l'emporte.


Enfin elle détache à regret ses yeux du tableau parfait se trouvant derrière sa fenêtre, afin de descendre déjeuner, son estomac commençant à sérieusement se manifester.

 

À peine pose-t-elle un pied sur le sol que son grand-père rentre dans son champ de vision. Il a malgré lui un ton qui se veut inquiet et contrarié. 


- C'est quoi ce pull ? s'enquiert-il en désignant le vêtement que Peter a prêté la veille à Heidi. 


Comprenant immédiatement la raison de cette inquiétude, Heidi laisse un sourire lui étirer les lèvres.


-C'est à Peter, révèle-t-elle.


Le vieil homme est quelque peu rassuré de connaître le propriétaire de ce fameux vêtement, mais pas suffisamment pour interrompre son interrogatoire. 


- Et pourquoi son pull est là ?

- Il me l'a prêté pour pas que j'ai froid, mes affaires étaient mouillées par la neige.

- Tu étais avec lui hier ?

- Oui comme tu étais parti j'avais pas envie de rester seule toute la journée, j'ai passé l'après midi chez lui : c'est plus sympa de s'ennuyer à deux que seul. Et puis il a neigé, alors je me suis pas ennuyée finalement. 


Le vieux montagnard ne répond rien, il n'apprécie pas vraiment que sa petite fille porte un vêtement appartenant à Peter, mais s’il l'avait laissé remonter dans le froid avec ses vêtements mouillés il aurait été encore plus contrarié. Et il n'imagine même pas sa réaction si la jeune femme était restée là-bas pour la nuit, et qu'il aurait par conséquent découvert le chalet vide à son retour. Il ne parvint pas à déterminer si ce qui lui aurait le plus déplu aurait été de ne pas savoir où se trouvait sa petite pendant toute la nuit, ou de découvrir au matin où elle aurait passé ladite nuit. Même s'il voit bien qu'elle n'est plus la petite fille qui a débarqué dans sa vie sans prévenir quelques années en arrière, il ne parvint pas à se faire à l'idée qu'elle est maintenant adulte. 


Pendant ce temps, la neige a repris sa chute, inlassablement. Le froid qui s'est emparé des cimes, faisant redescendre le mercure dans les négatives, contraste avec la chaleur du chalet. 



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Et voilà un chapitre de plus, n'hésitez pas à me donner votre avis..

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