Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 14 : Randonnée dans la neige

2601 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/12/2020 13:13

Cela fait maintenant une semaine que la neige a débuté sa chute, et elle est à présent bien installée. Dorénavant il faut des raquettes pour se déplacer, et ce jusqu'au retour du soleil, au printemps. 


Cette après midi, Heidi va rejoindre Peter et Marinette dont elle va enfin faire la connaissance. Depuis maintenant plusieurs mois elle loge dans les coins - si on peut appeler se loger la manière dont elle vit - et Heidi n'a même pas encore eu l'occasion de rencontrer celle qui se cache derrière ce prénom.. 

Elle a vraiment hâte de découvrir qui est cette jeune femme qui ose braver à ce point les conditions climatiques de ses chères montagnes, jusqu'à vivre dehors par ce temps, ce que même elle, habituée aux climats rudes, ne s'imaginerait pas faire. Elle est également curieuse du caractère de celle qui parvint même à s'accommoder de l'ours qui lui sert d'ami. Elle a réalisé un exploit, puisque Peter semble s'être habitué à sa présence, et même la trouve à présent "sympa", chose que seule elle et Klara étaient parvenues à faire (et encore la Francfortoise avait dû en voir pour en arriver là). Pour tout ça Heidi a hâte d'être cet après-midi, et également puisqu'elle est toujours heureuse d'aller en montagne avec Peter. 

Toutefois, avant cela, elle doit impérativement finir le chapitre en cours de son dernier roman. Son éditeur lui a fait parvenir une lettre afin de la prévenir qu'il prévoit de publier prochainement un nouvel ouvrage, et si elle lui en envoie un à temps, il se pourrait bien que ce soit le sien.


***

Heidi s'approche pas à pas du buron de Peter. Au moment où elle aperçoit la vieille bâtisse, elle discerne deux silhouettes immobiles attendant devant celle-ci. Elle parvient à reconnaître son éternel ami dans l'une des deux, et devine donc que la deuxième appartient à Marinette. En se rapprochant encore, elle distingue un peu plus les trais de la jeune femme, jusque-là inconnue. Elle paraît plutôt jeune, sûrement même un peu plus que Peter, sans toutefois l'être autant qu'elle. Elle est mince, mais malgré les importantes couches de vêtements dont elle est recouverte, il est facile de comprendre qu'elle est loin d'être maigrelette : elle doit avoir l'habitude des efforts physiques puisqu'elle paraît plutôt charpentée.


- Alors c'est toi Marinette, la nana qui arrive à supporter mon ours de frangin ? demande-t-elle en arrivant à leur niveau.


L'ours en question marmonne quelques paroles inaudibles, n'empêchant pas Marinnette de répondre. 


- Et c'est toi Heidi, dont j'entends parler tous les jours ? Peter parle si souvent de toi, que j'ai l'impression de déjà te connaître.


Heidi ne peut s'empêcher de laisser un sourir poindre sur ses lèvres.


- Bon bah en route maintenant ! reprend le jeune homme, jusque-là silencieux. Si on veut pas finir de nuit, vaut mieux ne pas traîner. 


Même si elle ne saurait en identifier les raisons, Heidi perçoit très bien de la nervosité dans sa voix, ce qui l'intrigue quelque peu.


***


Après plusieurs heures d'une difficile marche dans la neige haute, les trois jeunes gens se rapprochent enfin de leur destination. La neige crisse sous leurs pieds, le vent souffle dans leurs oreilles, étouffant les sons alentour, et donnant une sensations de milliers de petites aiguilles sur chaque partie de leur épiderme non couvert de tissus. Puis quelques pas plus loin, un promontoire rocheux les met à l'abri du vent, les sons feutrés, si caractéristique à la neige, reviennent alors les envelopper de leurs caresses auditives.

Quelques pas plus loin, des sommets montagneux font leurs apparitions, dépassant à peine du replat neigeux, dont la partie la plus haute se situe quelques mètres au-dessus d'eux. À chaque pas qu'ils effectuent les piques rocheux se révèlent un peu plus à eux, jusqu'à finalement apparaître complètement.


- Woaww !! C'est tellement magnifique !! s'extasie Marinnette en arrivant au sommet. Sous la décharge d'émotion provoquée par le panorama qu'elle découvre, elle sent ses yeux émeraudes s'embuer imperceptiblement.


Une paysage d'une splendeur incomparable s'offre alors à leurs yeux. Tous ses sens sont alors assaillis d'informations plus magiques les unes que les autres. Une brusque impression de liberté l'envahit. Pour la première fois de sa vie, elle se sent dans un état de plénitude. À cet instant, elle ne voudrait être nulle part ailleurs qu'ici.


- On t'avait pas menti.


La voix de Peter ne parvient pas à atteindre Marinette, emprisonnée dans sa bulle d'émotion. Elle continue encore à observer le panorama pour s'en imprégner, profitant de cet instant hors du temps. Ses cheveux, dépassant de son bonnet ondulent au gré du vent. Ils paraissent brun clair, mais les rayons d'un soleil rendus si blancs par la neige lui donnent des reflets roux. Si on omet ses pieds solidement ancrés au sol, tout en elle donne l'impression qu'elle flotte, légère, dépassée par le moindre petit caprice du vent.



- Ça fait des mois que je marche par ici, je m'imaginais pas qu'il puisse y avoir un endroit aussi époustouflant, articule-t-elle dans un souffle. 

 

- Quand on le dit qu'elle est belle notre montagne, se réjouit Heidi.

- Oh regarde, là-bas! Un tétras lyre ! s'exclame Peter.

- C'est quoi ? interroge la citadine, curieuse. 

- L'oiseau là-bas, celui qui resemble un peu à un gros faisan noir, poursuit l'écrivaine

- C'est la première fois que j'en vois un.

- Si on est silencieux, on verra peut-être même des mouflons. 

- C'est ceux avec les grandes cornes qui penchent en arrière ?

- Non, il a des grosses cornes qui s'enroulent sur elles-même, tu confonds avec les bouquetins. Les leurs sont juste courbées, comme un gros bouc, explique Heidi.

- Je sens que j'ai pas fini d'en apprendre avec vous… 


***


- Ça fait longtemps qu'il est parti maintenant non ?

- Mais non, ça fait pas dix minutes. Juste le temps qu'il vérifie si le passage est praticable, et il va revenir. Il ne devrait plus tarder. 

- Okay. Il tient vraiment à toi, il t'appelle tellement régulièrement petite sœur que j'ai cru que vous étiez vraiment frères et sœurs.

- C'est pas la première fois que ça arrive, répond la jeune fille un grand sourire aux lèvres. 

- De quoi ?

- Que quelqu'un croit qu'on qu'on a les mêmes parents. 

- Et vous avez jamais pensé à devenir… plus que des amis ?

- Non jamais, c'est pas comme ça entre nous. 


Marinette lui répond alors par un grand sourire. 


Heidi ne la voit pas, maintenant son regard devant elle, captivée par le paysage splendide qui s'offre à ses yeux, un sourire rêveur fixé sur son visage.


- Tu penses comment alors ? finit-elle par demander, brisant le silence, se tournant enfin vers sa voisine. 


Elle en profite pour observer un peu plus ses traits, ce qu'elle n'avait pas encore fait. Sans étre d'une beauté à couper le souffle, la jeune femme est plutôt jolie. Quelques tâches de rousseurs parsèment son visage aux contours plutôt fins. 


- Pour ?

- Pour, enfin contre le centre. Peter m'a dit que tu pouvais nous aider, assure l'écrivaine, vibrante d'espoirs. 

- Déjà il faut faire signer une pétition aux habitants de votre canton, et si possible des cantons voisins aussi, et l'envoyer à votre maire. 

- Une pétition contre le projet ? interroge le chevrier qui vient de faire son retour.

- Et tu penses vraiment que c'est suffisant ? renchérit Heidi.

- Non c'est un début, ça serait seulement pour leur demander de recommencer le sondage.

- Ils s'en fichent de ce qu'on pense, il n'y a aucune raison qu'ils nous écoutent.

- Si c'est pour vous satisfaire on est d'accord, mais si il a quelque chose à perdre ça change tout.

- Heu... oui ? interroge la montagnarde, dubitative.

- Perdre sa place de maire par exemple. 

- Je comprends toujours pas…

- Faites-moi confiance, je m'occupe de tout.


***


Le soleil commence à décliner à l'horizon quand les trois jeunes gens s'apprêtent à prendre congé. Bientôt le ciel se couvrira de rouge, illuminant la neige et les montagnes environnantes de la même couleur rouille.


Avant de la quitter, Heidi énonce à Marinette la question qui lui brûle les lèvres depuis un bon moment. 

- Tu fais comment pour dormir vu ce temps ? 

- T'inquiète, j'ai l'habitude. 

- T'es sûre ?

- Mais oui, Peter et sa maman m'ont déjà répété au moins mille fois qu'il y avait moyen de s'arranger si j'avais trop froid. 

- Je confirme, mille fois c'est le minimum, confirme le montagnard. 

- T'es vraiment sûre que ça va ?

- Mais oui. Si ça n'allait pas je ne me serais pas laissée mourir de froid. Il faudra que je te montre comment je suis installée d'ailleurs, je suis sûr que ça te plaira. Et puis je ne suis pas en sucre.

- Purée, on croirait entendre Heidi, ricane Peter. Je sers à quoi moi ?  

- Arrête de râler, s'exclament les deux jeunes femmes d'une même voix, taquines.

- C'est bon, je me tais, obtempère-t-il en levant les bras en l'air.

- Bon les p'tits gars, je vous aime bien, mais je vais vous laisser, j'aimerais bien rallumer mon feu avant qu'il fasse nuit. 

- À bientôt Marinette j'espère, ravie d'avoir enfin fait ta connaissance. 

- La même, puis se tournant vers le chevrier, à demain Peter.

- À demain. 


Sur ses quelques mots, la jeune femme prend congé pour de bon, laissant les deux éternels amis seuls.


- Génial cette aprèm frangin, t'a eu une super idée. Ça fait du bien de penser à autre chose…


Peter lui répond d'un grand sourire, remontant jusqu'à ses yeux. 


- Ça va ton dos au fait ? T'arrêtes pas de le frotter, et de te tordre dans tous les sens, se renseigne le jeune homme, inquiet.

- C'est rien, à force de passer des heures pliée en deux pour écrire je finis par avoir mal au dos. Rien de bien grave.


Peter ne répond rien, mais une idée vient de lui germer à l'esprit.


- Bon bah ma petite Heidi, je crois que je vais y aller aussi. Ça ira pour le petit bout de route qu'il te reste ?

- Mais oui, j'suis quasiment au chalet. 

- Okai, rentre bien alors, et bonjour à ton grand-père. Ah et merci de m'avoir ramené mon pull.

- Pas de quoi. Il fallait vraiment que je l'enlève de la vue de grand-père, quand il le voyait j'avais l'impression qu'il allait le jeter au feu.

- Pourquoi ? s'intrigue le chevrier. 

- Ça ne lui a pas plus que je porte un truc à toi.

- Il te l'a dit ?

- Pas vraiment, mais il a pas besoin de parler pour que je le comprenne. 

- C'est pas la première fois pourtant que je te prête un truc.

- Les autres fois non plus ça lui avait pas plu…

- Ça m'étonne tellement pas de lui, pouffe Peter.

- Qu'est ce que tu veux, on le changera pas maintenant.

- Bah, après tout ça prouve qu'il tient à toi… 

- Oué t'a raison. Salut frangin. 

- Rentre bien petite soeur.


Chacun fait quelques pas afin de rentrer chez soi, mais brusquement, Peter fait demi-tour, et en quelques foulées, il rejoint son amie. 


- Je t'aime tellement petite soeur !! souffle-t-il en l'entourant de ses bras.

- Moi aussi je t'aime grand frère, atteste la jeune femme en lui rendant son étreinte. 


***


Le soir venu, une fois couché, Peter repense aux semaines qui viennent de s'écouler. Pour commencer, il repense à cette après-midi avec Heidi et Marinette. Il craignait vraiment cette rencontre, puisqu'il mettait en elle beaucoup d'espoir. Il espérait tellement que les deux jeunes femmes s'entendent bien entre elles. Si Heidi n'avait pas apprécié Marinnette, il ne sait pas ce qu'il aurait fait. L'avis de son amie compte énormément pour lui, mais, chose qui le surprend encore, il apprécie la jeune citadine qu'il côtoie depuis quelques temps maintenant. Il est tellement soulagé que le courant soit passé entre elles. Il repense également à sa rencontre avec Johan quelque temps plus tôt. Ça faisait à ce moment-là une semaine qu'il allait tous les jours au village, espérant voir au moins l'un des trois, un des trois seuls qu'il considérait susceptible d'être coupable de l'état dans lequel il a trouvé son amie. Et ce soir-là c'est Johan qui a croisé sa route. Immédiatement, il a senti le sang bouillir dans ses veines. 


Sans même lui laisser le temps de remarquer sa présence, il lui a balancé ses reproches à la tête. 


- C'est vous que Hedi a croisé la semaine dernière au village ?

- Pourquoi ? Elle t'évite peut-être ? Elle a enfin compris ? Tu devrais plutôt nous remercier pour elle. 

- Vous remercier ? Tu te fous de moi en plus ? 

- Ose dire que c'est faux.


Peter, à bout, déjà, le pousse alors sur le mur le plus proche, sans que l'imbécile ne puisse répliquer ; le même mur où il a poussé Joël quelques mois en arrière. "Il ne faudrait pas que ça devienne une habitude" songe-t-il à ce moment-là. Une partie de sa colère, s'échappe alors ; cette colère qu'il a laissé croitre en lui depuis qu'il à découvert la jeune femme si innocente, en pleurs et en sang. 

Le jeune homme approche alors son visage de celui de l'idiot face à lui, se faisant le plus menaçant possible.


- Je vous interdit de l'approcher encore, le menace-t-il d'une voix grave, remplie de toute cette colère emmagasinée.

- Et bin, voilà que M. le gentleman devient un bagarreur, ironise Johan, faisant allusion à leur précédente discussion. T'es pas mieux que nous en fait.

- J'suis pas comme vous à aller chercher des noises à tout le monde sans raison, juste pour le plaisir de se battre. Mais je défends ceux à qui je tiens. Et je t'assure que la prochaine fois que j'apprends qu'un de vous trois a tourné encore autour de Heidi ça se finira pas en menace. 


Et cette fois-ci, contrairement à la fois où Peter a tenu le même genre de discours à Joël, il le pense vraiment.  


Hormis quelques disputes de gosses bien avant ses dix ans, comme tous les garçons, Peter ne s'est jamais battu, et il n'a vraiment pas envie de débuter. Il espère vraiment que ses menaces suffiront. Mais il ne laissera plus qui que ce soit faire du mal à sa petite sœur sans réagir. C'est déjà arrivé bien trop souvent cette année, il compte bien faire en sorte que ça n'arrive plus. Plus jamais. 


Peter a toujours été pacifique, mais il ne faut pas toucher à sa petite Heidi…

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