Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 16 : Jalouse ?

2231 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/02/2021 10:39

Peter est resté encore un long moment avec Heidi, avant de finalement la quitter et prendre à regret le chemin du retour. Elle l'a remercié un nombre incalculable de fois avant de le laisser partir. 

La météo étant toujours aussi peu clémente, le trajet de nuit à été long et glacial. Le retour en descente réchauffant moins que l'ascension, Peter est arrivé chez lui frigorifié, malgré les efforts exigés par la marche en raquette dans la neige fraîche et molle. 



En arrivant chez lui, il rentre le plus discrètement possible, afin de ne pas réveiller sa mère qui doit dormir depuis longtemps à une heure aussi tardive. Seulement, en passant le pas de la porte, il l'aperçoit assise sur une chaise, avec un air affolé.


- C'est que maintenant que tu rentres ? s'écrie-t-elle la voix vibrante d'anxiété. Ça fait des heures qu'il fait nuit ! J'étais morte d'inquiétude !!!


Peter soupire, il a passé l'âge d'être attendu lors des ses retours nocturnes depuis bien longtemps, il ne s'attendait par conséquent pas à être accueilli de la sorte. Il essaye malgré tout de rester calme, ne pouvant se résoudre à amplifier le désarroi dans les deux yeux qui le fixent.


- C'est bon maman, je suis juste partie tard de chez Heidi, parce qu'elle est rentrée tard et que je l'ai attendu. Je suis rentré, va dormir maintenant, poursuit-il doucement. 

- Mais pourquoi tu ne m'as pas prévenu ?


Nouveau soupir du jeune homme. 


- Je ne le savais pas, sinon je l'aurais fait. Qu'est- ce que tu veux qu'il m'arrive ici de toute façon ? Il y a pas de dangereux meurtrier dans le coin, et je vais pas me perdre dans mes montagnes.


Malheureusement pour le montagnard, qui n'aspire seulement à aller poser sa tête sur son oreiller, et à se réchauffer sous sa couette, il en faut bien plus pour rassurer une maman facilement sujette à l'appréhension, surtout après des heures d'angoisse. 


...


Après avoir longuement parlementé, et rassuré sa génitrice, Peter peut enfin aller se coucher. Seulement, le sommeil refuse de venir le cueillir, malgré la fatigue qui l'accable. Il reste un long moment, sur le dos, avec un bras sous la tête, piégé par le flot intarissable de ses pensées. Il sait bien que c'est l'inquiétude qui a motivé la réaction de sa mère, et qu'en aucun cas, elle ne lui a formulé de reproches, mais seulement son ressenti. Pourtant, parfois il a l'impression d'être encore un ado qui doit rendre des comptes pour le moindre de ses faits et gestes. Souvent il a pensé à se construire un chez lui, un lieu qui lui appartiendrait. Seulement il n'a jamais pu se résoudre à laisser sa mère se débrouiller seule à son âge, et à lui briser le cœur au passage. Voir son petit garçon partir lui aurait fait trop de mal, alors il est resté. Il ne regrette pas ce choix, seulement, parfois, la situation lui pèse. 


***


- Hola, t'a passé une sale nuit toi ! T'as une vraie tête de zombi, pouffe Marinette à la vue de Peter, des cernes lui tombant jusqu'au milieu des joues.

- Ah bah merci, agréable tes compliments dès le matin ! grommelle le berger, accompagné une fois de plus de son humeur matinale.

- C'est bon, j'te charrie. Tu fais toujours des cauchemars ?

- M'en parle pas. Je compte les nuits de sommeil complètes. Et toi ça va ? Toujours pas froid dans ton espèce de cabane ? Hier le temps était vraiment glacial. 

- Toujours pas, s'enhardie la jeune femme, le sourire jusqu'aux oreilles, tout en se redressant, visiblement fière. 


- Bon, t'en mieux alors, répond le grand brun, plutôt sceptique. Tu as encore besoin de venir à la maison cette aprèm, pour finir d'écrire tes papiers ?

- Si ça vous gêne pas oui. Et puis plus tôt ce sera fait, plus il y aura de chance de mettre à mal votre fichu projet. 

- Oué, pas de problèmes, par contre par pitié arrête de dire "notre" projet ! C'est tout sauf à nous.

- T'as compris l'idée. Bref, merci, j'aurais bien évité de vous embêter, mais c'est compliqué d'écrire sans table.

- Comme si ça nous embêtait que tu nous aides.

- Moué, bon on se les fait ses fromages ? Ils vont pas s'affiner tout seul.


***


Heidi attend l'arrivée de son ami avec impatience. Cet après-midi il doit venir pour l'aider à réparer les dégâts que les chèvres ont fait dans la grange. Récemment, des loups sont passés près du bâtiment où elles restent la nuit, ainsi que tout l'hiver, et leurs cris nocturnes ont complètement affolé les biquettes, alors même qu'ils n'ont pas tenté d'y pénétrer. 


Ça fait déjà un bon quart d'heure que la jeune femme surveille l'horizon quand son ami entre enfin dans son champ de vision. Elle se précipite alors à rencontre, malgré l'épaisse couche de neige, et se jette dans ses bras, sans plus de cérémonie. Maintenant rodé à ce genre d'accueil, le jeune homme à le temps de se préparer pour ne pas basculer en arrière. 

Passé les formules habituelles de bienvenue, les deux amis se dirigent immédiatement dans la grange afin d'évaluer l'ampleur des dégâts. 


- Et bin elles se sont pas loupées tes bestioles, on a du boulot. 

- C'est pour ça que je t'ai demandé un coup de main. D'autant plus que c'est urgent, si ça traîne trop grand-père va encore vouloir s'en occuper, et j'ai peur qu'il se fasse mal. Il n'a jamais pu supporter de vieillir. 

- Eh c'est parti alors.


***


- Et voilà le dernier clou. Plus qu'à espérer qu'elles ne vont pas encore tout re-démontrer.

- J'espère. Merci grand frère !! s'exclame la jeune femme, en serrant une énième fois son ami.


Peter comprend que ces marques de tendresse ne sont pas seulement des preuves d'affection de la part de sa brunette. Il sait que son changement de comportement envers elle a influencé le sien, mais il connaît suffisamment son amie pour discerner qu'il y a une autre raison, même s' il en ignore l'origine. 


Il la saisit alors délicatement, mais fermement par les épaules, et se rapproche la regardant droit dans les yeux, affectueusement. 


- Bon, dis moi ce qui ne vas pas ? demande-t’ il doucement. 

- Ça va.

- Arrête de mentir, j'te connais pas cœur, continue-t-il, dans un timbre de voix qui se veut rassurant. 

- Mais puisque que je te dis que ça va !

- Écoute Heidi, je te connais depuis que tu as 5 ans, à d'autre, ça prend pas. 


Elle plonge son regard dans celui de son ami quelques instants, hésitante. Puis elle conclut qu'en effet, rien ne sert de chercher à lui cacher la vérité puisque de toute façon, il la connaît effectivement déjà. Forte de cette idée, elle inspire un bon coup, avant de poursuivre. 


- Je me sens nulle... Je me demande comment quelqu'un peut m'apprécier. J'ai juste besoin que tu me rassures.


Le jeune homme l'entoure alors de son étreinte rassurante, la serrant fort, comme pour lui montrer l'ampleur de son affection pour elle. 


- Je t'interdis de dire ça ! lui murmure-t-il, tout en la serrant toujours plus fort. De le penser surtout ! Tu es la plus belle personne que je connaisse, et je tiens à toi plus que n'importe qui d'autre. Tu es aussi tout le monde de ton grand-père, alors tu n'as pas le droit de dire ça. Je te le répéterai tous les jours s’il faut, mais arrête de penser ça, tu ne peux pas t'imaginer comme ça me fait mal de l'entendre. 


Heidi s'écroule alors dans les bras de son ami, frère, et bien plus encore, laissant les larmes couler le long de ses joues, et chuter sur l'une des épaules qui la soutiennent. 


- Je le sais, mais des fois je ne peux pas m'empêcher de le penser. 

- Mais pourquoi ? Tu doutes encore que je tiens à toi ? Ou de ton grand-père ?

- Mais non ! Enfin… non, si… je sais plus. 

- Mais Heidi ! Qu'est ce qui te passe par la tête ! T'es pas comme d'habitude depuis un bon moment ! Depuis tout ce temps c'est ça qui te tracasse ? s'enquit le chevrier, désolé par ce qu'il vient d'entendre, tout en s'écartant pour la regarder dans les yeux, sans pour autant la lâcher. 


Elle baisse alors les yeux, et hausse les épaules. 


- Qu'est-ce qui t'a mis des idées pareilles dans la tête ?

- C'est Marinette, je vois bien que tu t'entends bien avec elle, et c'est génial, mais elle est tellement différente de moi. J'ai peur que tu te rendes compte que je suis pas si bien que tu le penses, et que tu finisses par t'éloigner petit à petit.


Peter ouvre grands les yeux complètement abasourdi. 


- Attends ! T'es jalouse ? Toi ?

- T'as rien compris de ce que je t'ai dit. De nous deux ça a toujours été toi qui est jaloux. Ça ne me gêne pas que tu passes du temps avec elle, ni que le courant passe bien. Au contraire, elle est géniale, je suis contente que pour une fois tu t'entendes bien avec quelqu'un ! J'ai juste peur que tu m'aimes moins, qu'on soit plus aussi proche, c'est tout… si un jour on était plus amis je m'en remettrai pas. 


Peter regarde alors celle qu'il appelle sa sœur, le regard grave.


- Est-ce que j'ai déjà fait quelque chose qui peut te faire penser ça ?

- Non, hésite-t-elle.

- Et bin alors ? clame-t-il. 


Il scrute une réaction, rien qu'une petite, mais celle-ci n'arrivant pas, il poursuit sa plaidoirie. 


- Franchement, Marinette je l'aime bien, mais c'est toi ma petite Heidi, ma petite sœur, ma meilleur amie depuis toujours, et… et tout ce que tu veux de toute façon. T'es une personne merveilleuse, pétillante, super gentille et bienveillante avec tout le monde. Et les quelques fois où il y a un truc qui va pas, ça dure jamais, tu te morfond jamais dans le désespoir. T'es aussi enthousiaste qu'une gamine, rien que d'être avec toi c'est suffisant pour me remonter le moral, à chaque fois, même bien bas. Alors je vois pas comment je pourrais penser que t'es "pas si bien que ça". Tu veux qu'j' te dise ? Je me demande régulièrement comment tu fais pour me supporter, et ne jamais te dire que quelqu'un comme toi a mieux à faire que de traîner avec un type grognon, et bougon comme moi. 

Tu crois quand même pas, que la première nana venue, aussi sympa soit-elle, va te remplacer, et en à peine quelques mois en plus. Et depuis quand je cause aussi bien moi ?


 Tout au long du monologue de son ami, un leger sourire s'est dessiné sur les lèvres de la jeune femme, s'emplifiant peu à peu. La dernière phrase lui à décroché un léger rire.


- Et bien voilà ! C'est mieux comme ça. J'aime pas te voir triste. Et t'arrête de penser ça hein ? 

- Humm 

- Promis ?

- Humm

- Promis ?! 

- Promis, cède finalement la jeune montagnarde. 


Peter à son tour acquiesce un grand sourire. 


Pourtant quelques heures plus tard, une fois de retour chez lui, c'est son moral qui se retrouve en berne. Il a toujours su que Heidi manquait de confiance en elle, mais il ne pensait pas que le problème prenait une si grande ampleur. Surtout, il a toujours pensé qu'il arrivait à combler en bonne partie ces problèmes d'estime. Maintenant il se sent incapable d'avoir été si aveugle et inutile.


Ce qu'il ignore, c'est qu'il n'est pas responsable du mal-être de Heidi, et qu'il n'aurait rien pu faire pour lui éviter d'arriver à cette conclusion ; mais surtout, que loin d'avoir été inutiles, les mots qu'il a employé cet après-midi ont redonné du baume au cœur à son amie. Ce soir, elle s'endort paisiblement, apaisée - du moins jusqu'à la prochaine fois où les doutes, créés par son estime défaillante viendront lui mener la vie dure. Mais ce soir, les doutes la laissent en paix, elle sait que chaque mot prononcé était sincère, puisque l'hypocrisie n'est pas parmi les défauts - bien que nombreux - de Peter. C'est bercé par les paroles qu'il lui a dit, et qu'elle se répète en boucle, comme si elle avait peur que le moindre mot s'efface de sa mémoire, qu'elle rejoint le monde des songes. 


...


Au même moment, à quelques kilomètres de là, une jeune femme dans son hamac s'endort en pleurant, avec le ciel étoilé pour seul témoin. 


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