Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 23 : Prise de conscience

2173 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2023 18:56

Plusieurs jours se sont écoulés depuis que Peter et Marinette se sont fait la promesse de renouer avec leurs proches respectifs, mais ils n'ont pour le moment fait aucune démarche concrète. Même s'ils n'en ont pas parlé, ils ne savent pas vraiment comment s'y prendre, et surtout, ils ont peur. Peur que leurs tentatives n'aboutissent pas, et qu'ils soient encore plus désespérés ensuite. L'avantage de l'incertitude, c'est qu'elle est accompagnée de l'espoir ; ce qui n'est pas le cas pour une réponse négative. Et Peter a déjà eu une première déception en attendant en vain une réponse de sa cousine. Alors ils remettent toujours à plus tard, pour repousser le plus possible le moment où l'espoir ne sera peut-être plus une possibilité, et ils n'osent pas aborder le sujet ; préférant parler de tout, sauf de cette promesse, qui les fait autant rêver qu'elle leur fait peur. 



- Tu restes combien de temps dans chaque coin généralement ? Peter demande à Marinette.

- Hum, deux à trois  semaines. Max.


Peter marque un temps d'arrêt, cherchant à comprendre. 


- Ah. Et rappelle-moi depuis combien de temps tu es là ?


Marinette se fige quelques instants, devinant les dessous de l'interrogation du jeune homme, et par conséquent l'erreur qu'elle vient de commettre.


- Heuuu, quelques mois.

- Tu m'expliques, ricane Peter. 

- Binn, je me plais bien ici, j'ai pas encore réussi à quitter le coin, et puis… le courant passe bien avec toi aussi, c'est rarement le cas…

- C'est vrai ? 

- Ben oui. Si je te le dis. Pourquoi ? Tu en doutes ?

 - Non, mais.. j'aurais jamais pensé que tu m'appréciais au point de repousser ton départ. Enfin les montagnes surtout, j'ai bien compris… mais quand même. Avec mon sale caractère…

- On s'y fait. T'inquiète pas, répond Marinette, pour ne pas avoir à expliquer qu'il l'a encore plus influencé dans son non-départ que les paysages environnants, auxquels elle s'est pourtant vraiment attachée. 


Peter, ne sachant ni comment répondre, ni comment interpréter les propos de son amie, se contente de lui sourire. 



****


Bien plus haut dans les montagnes, Heidi observe les montagnes. Elle réfléchit. La visite de sa tante l'a laissé perplexe. Elle refuse que ses actions continuent à laisser des traces en elle et influencer son attitude, celles de sa tante, ainsi que celles de Joël qui lui aussi a laissé des traces... 


Mais comment savoir quel trait de sa personnalité est dû à ce qu'elle a subi, et lesquels sont sa réelle nature ? Comment démêler le vrai du faux ? Et surtout comment modifier ses manières d'agir et de penser, quand elles nous ont accompagnés toute notre vie ?


Elle en a marre d'agir en fonction de ce qu'elle pense que les autres attendent d'elle, et elle voudrait pouvoir enfin être elle-même, et se donner le droit de grandir. Mais n'est-ce pas sa candeur qui fait que grand-père, et même Peter l'aiment autant ? Si elle changeait, l'apprécieraient-ils toujours de la même manière ? Elle se sent tiraillée par son envie de rester éternellement enfant, quand elle se posait beaucoup moins de questions, et que tout était plus simple ; et celle de grandir et devenir l'adulte qu'elle espérait être étant enfant. Le changement et l'inconnu lui font peur. Elle aurait voulu rester une petite fille, pour ne jamais avoir à se poser ces questions , mais maintenant qu'elle n'en est plus une, ces nouvelles perspectives qui s'offrent à elle, l'attirent autant qu'elle l'effraient. 



***


Marinette aussi est incertaine. Elle veut retrouver son frère, mais comment s'y prendre ? Elle regrette amèrement de n'avoir laissé d'instructions avant de partir, afin de pouvoir se recontacter, et donc se revoir. Elle était si mal à ce moment-là, qu'elle n'en avait pas eu l'idée. Mais comment faire maintenant, alors qu'elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit où son frère pourrait se dissimuler ? 


Cet après-midi, elle ira voir Heidi. Elles avaient prévu de passer un moment ensemble, mais vu son état d'esprit, elle n'en a plus tellement envie. Tantpis, trop tard pour annuler poliment, et qui sait, peut-être cette après-midi lui changera les idées, ou même l'éclairera sur la marche à suivre. 


En arrivant, elle voit tout de suite que Heidi n'est pas dans son assiette non plus. Elle met alors de côté son mal-être personnel, pour se soucier de son amie. Elle l'interroge poliment sur les raisons de son tracas.


- J'en ai marre que certaines personnes qui ont appartenu à mon passé influencent encore mes réactions d'aujourd'hui. 

- Comment ça ?


Heidi explique alors à Marinette la visite de sa tante, et surtout ce qu'elle a vécu dans le passé en rapport avec elle, en passant les détails les plus personnels. 

- Je suis vraiment désolée. Je vois que je ne suis pas la seule à ne pas avoir une famille idéale. C'est à cause d'elle que tu manque de confiance alors ? 

- Oui entre autres, elle et Joël. 

- Le fameux dont tu m'as déjà parlé un peu ?

- C'est ça. Mais qu'est ce tu lui reproche toi à ta famille ?

- Tu m'expliques pour Joël, et je t'explique pour mes parents ?

- D'accord. Mais commences toi. 


 Marinette révèle alors à Heidi qu'elle a un frère jumeau, et lui explique l'attitude que ses parents ont toujours eu envers eux. Elle lui explique ce qui est arrivé à son frère, et comment il a dû fuir en se faisant passer pour mort, les lettres qu'ils se sont échangés, et enfin sa fuite à elle. Elle est moins submergée par ses émotions que la fois où elle avait expliqué son histoire à Peter. Mais elle ne saurait dire si c'est parce que ce premier récit avait réussi à évacuer une partie de la pression qu'elle subissait, ou bien parce qu'à présent elle était résolue à faire changer les choses. En revanche Heidi a une larme qui ruisselle le long de sa joue. 


- Je ne sais pas quoi dire. 

- Il n'y a rien à dire. À toi maintenant ?

- Tu te souviens de la soirée de Mariage dont je t'avais parlé ? Celle ou j'ai rencontré Joël. 

- Bien sûr. Et j'attends toujours la suite.

 - Humm. Le matin en se réveillant on a pas compris ce qu'on faisait encore là. On avait dû s'endormir. 

- Ça tu me l'avais déjà dit. 

- peut-être. Laisse moi t'expliquer la suite plutôt. Donc, on savait pas ce qu'on faisait encore là, et surtout on avait peur que d'une manière ou d'une autre, grand père apprenne qu'on nous avait pas vu de la nuit, alors que je n'étais rentrée qu'au matin.

- Pourquoi ? 

-  On voit que tu le connais pas. Il se serait imaginé je ne sais quoi. Alors on y est retourné, même si on en avait vraiment pas envie. On entendait du bruit au loin, on savait que tout le monde n'était pas parti. Et on espérait que personne n'ait capté qu'on était pas là, si on nous voyait le matin. C'était un peu ridicule comme raisonnement, on devait pas bien être réveillé. 

- C'est là que ça part en vrille ?

- C'est là que ça commence vraiment oui. En arrivant, Joël m'a presque sauté dessus. Il disait qu'il avait contacté des éditeurs qui étaient intéressés par mes romans. 

- Comment il savait ?

- Je lui en avais parlé la veille. Forcément je l'ai crû. Alors le lendemain je lui ai emmené des copies de mes manuscrits. De son côté il m'a proposé de rester pour m'informer en direct de l'avancée des dossiers. 

- C'est plutôt bien ça en fait ?

- Oui, sauf qu'il se fichait de moi. Peter a continué de le détester, et de m'avertir. Grand-père aussi. Mais moi je voyais rien. J'avais des petites attentions de sa part, comme des bouquets. Il m'a eu à la longue. Tout ça… enfin je …

- T'as craqué pour lui quoi ?

- Oui, répond honteusement Heidi, la tête baissée. Je le pensais sincère. Il me promettait de m'installer ici avec moi. J'étais tellement touchée qu'il soit prêt à faire ça pour moi. Mais petit à petit, il me faisait changer, et là aussi je m'en rendais pas compte. Je pensais que c'était des marques d'intérêt de sa part, en fait il était en train de me modeler à sa façon. 

- Mais pourquoi ?

- Attends, je vais y venir. Il me promettait toujours que j'allais avoir rapidement des nouvelles pour mes romans, mais j'en avais jamais. Jusqu'au jour où il m'a dit qu'un éditeur voulait me rencontrer, et qu'il voulait m'amener avec lui pour le rencontrer. Il voulait qu'on loge dans son appartement en ville durant au moins deux mois.

- Et qu'est-ce qui te fais penser qu'il a jamais été sincère ?

- Il m'a demandé de partir sur le champ, sans prévenir grand père et Peter. Il m'a aussi dit qu'il refusait que je parle à Peter : il était persuadé que c'était mon frère et quand il s'est rendu compte que c'était pas le cas, il a considéré que j'avais rien à faire avec "un gars comme ça". C'était absolument hors de question que je parte sans les prévenir. Ils se seraient tellement inquiétés, surtout que ce n'était pas la première fois que j'aurais disparu. C'était aussi hors de question que je raye Peter de ma vie. En plus de ça, il ne comprenait pas que j'étais terrorisée à l'idée d'aller vivre deux mois dans une grande ville. Peter m'avait avertit qu'il l'avait entendu dire que Joël voulait m'emmener vivre avec lui dans sa ville à lui. Mais je ne l'ai pas crû. J'étais persuadée qu'il avait mal entendu. Mais là j'étais bien obligée de le croire. Il me demandait de faire tout ce qui allait à l'encontre complet de qui je suis. Et il s'énervait que je ne sois pas d'accord. J'ai réalisé d'un seul coup que je m'étais fait mener en bateau depuis le début. J'étais anéanti. Et j'avais tellement honte. 

- Je comprends mieux. Mais t'as pas à avoir honte. C'est lui le crétin fini, pour être polie. Pas toi. 


Heidi hausse les épaules. 


- Tu sais quoi ? Je te propose un truc. Toi tu arrêtes de laisser ce qui t'es arrivée à Francfort avec ta tante, et aussi Joël influencer tes décision dés maintenant. Et t'arrêtes de t'inquiéter. Peter t'adore, et de ce que j'en sais, ton grand-père aussi. Même si tu t'autorises à être toi-même, ils vont continuer de t'aimer toujours autant. Et t'en fais pas, je commence à bien te connaitre, je suis persuadée qu'en dehors de tes angoisses, ça changera pas grand chose. T'es une nana foncièrement gentille, et nature. Ça, c'est pas eux qui l'ont provoqué, au contraire même.

Et moi de mon côté, j'arrête de me soucier de mes parents. Je suis majeure. Ils n'ont plus rien à m'imposer. Je ne leur appartient pas. 

T'en dit quoi ?


Heidi sourit d'abord timidement, puis ose un grand sourire pour répondre à son amie.


- On fait ça !


♧♧♧



Après quelques heures de plus passées ensemble, Heidi et Marinette se séparent. La discussion qu'elles avaient eu ensemble en début d'après-midi, leur avait fait autant de bien l'une qu'à l'autre. Et grâce à elle, Marinette a pris une décision. Après avoir quitté Heidi, elle se dirige aussitôt chez Peter. 


Passé la surprise Peter lui offrit un grand sourire. 


- Tu as besoin de quelque chose ? 

- De te parler. J'ai pris une décision. 

- Ah.


Peter est plutôt inquiet, de quel genre de décision parle-t-elle ?


- On a décidé de ramener nos proches ici ensemble. Je compte tenir ma promesse. Et j'espère que tu vas tenir la tienne. Je vais retourner dans mon ancienne ville, pour laisser un mot là où je les déposais avant. En espérant que quelqu'un vérifie toujours. Si tu es d'accord, on part ensemble, et ensuite tu vas chercher ta cousine, puisqu' elle refuse de répondre à ta lettre. 

- D'ici deux semaines max, les chèvres vont mettre bas, il faut absolument que je sois là à ce moment-là. 

- Alors on part dès demain. 

- D'accord.


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