Le Prix à payer - Highlander Fanfiction

Chapitre 49 : Epilogue

Chapitre final

2133 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/01/2025 08:43

Le silence était absolu.

Pas un bruit, pas un souffle, si ce n’était celui du vent qui glissait entre les branches, indifférent à tout ce qui venait de se jouer. Il n’y avait plus d’hologrammes, plus de spectateurs invisibles, plus de règles imposées. Juste lui, debout, vivant. Encore une fois.

Il serra les poings. Il aurait voulu ressentir autre chose. De la colère, du soulagement, peut-être même un semblant de triomphe. Mais il n’y avait rien de tout cela. Juste un vide profond, un constat implacable : il était le dernier.

Et pourtant… quelque chose avait changé.

C’était subtil. Silencieux. Comme un voile qui se serait levé. Un fil tendu à travers les siècles, que ses sens captaient enfin. Il ne voyait pas davantage, mais il comprenait plus. L’histoire, les luttes, les choix — tout prenait sens avec une clarté nouvelle. Il percevait la logique de ce monde fracturé, les motifs enfouis sous les chaos successifs. Il ne détenait pas les réponses, mais il pouvait désormais poser les bonnes questions.

Il fixa un instant le ciel nocturne, ses pensées flottant entre le passé et l’avenir. Il ne croyait pas aux prophéties, aux destins tracés d’avance.

"Il ne peut en rester qu’un."

Une phrase qui avait traversé les siècles, répétée comme une fatalité. Mais la vérité, c’est qu’il n’avait jamais voulu être cet unique survivant.

Il baissa les yeux vers son épée, toujours serrée dans sa main. Un goût amer lui monta à la gorge. Il la laissa tomber dans l’herbe sans un bruit. Aélis était partie. Elle était celle qui avait choisi. C’était elle qui s’était éloignée de lui, pas l’inverse. Elle avait refusé d’être piégée dans cette boucle sans fin de pertes et de recommencements. Elle s’était libérée.

Et lui ? Il était seul. Le dernier immortel debout. Tout était terminé.

Mais que faisait-on, après la fin ?

L’immortalité lui avait appris à ne jamais trop s’attacher, à ne jamais trop croire. Et pourtant, malgré lui, il avait espéré. Une échappatoire. Une autre issue. Mais elle avait choisi. Il se passa une main sur le visage, fatigué, usé par des millénaires de pertes accumulées. Aélis n’était qu’un nom de plus dans une longue liste de ceux qui avaient traversé son existence avant de disparaître. Mais elle avait compté. Plus qu’il ne voulait l’admettre.

Et elle avait posé cette question.

"Tu penses pouvoir les sauver ?"

Il aurait voulu lui répondre que non. Qu’il n’y avait rien à sauver. Que ce monde, que cette humanité qui avait observé ce massacre sans broncher, n’en valait peut-être pas la peine. Mais ce n’était pas vrai. Les hommes faisaient toujours les mêmes erreurs, toujours les mêmes horreurs, et pourtant… certains avaient fait un choix. Certains avaient renversé Callestina, refusé son règne. Il y avait encore une infime possibilité que ce cycle ne soit pas éternel.

Et maintenant, il savait. Il comprenait pourquoi tant avaient échoué, pourquoi certains s’étaient tus, pourquoi d’autres s’étaient relevés. Il portait en lui des siècles d’expérience, une vision du monde façonnée par des dizaines, des centaines de vies.

Il n’était plus seulement Methos. Il était la mémoire de ceux qui l’avaient précédé, le témoin de l’humanité immortelle, et désormais, le seul capable de choisir ce qu’il en resterait.

Alors il allait voir.

Il n’avait pas de plan. Il ne savait même pas par où commencer. Mais il savait une chose : il ne se laisserait pas consumer par ce qu’il avait perdu.

Il était Methos. Il vivrait.

Parce que c’est ce qu’il avait toujours fait.

Parce que c’est ce qu’elle aurait voulu.

 



Paris – Février 2019 (nouvelle boucle)


La pendule de l’agence affichait 18h41. Aélis referma son carnet avec un soupir théâtral, laissant tomber son stylo sur le bureau comme s’il pesait une tonne. Traduire des contrats de fusion d’entreprise n’avait jamais été son rêve d’enfant, et pourtant, la vie l’avait menée là. Au moins, elle maîtrisait désormais l’art subtil de la « clause de résiliation anticipée » et de la « non-opposabilité des créances ». Parfait pour briller en soirée… à condition d’être entourée d’avocats insomniaques.

Elle massa brièvement ses tempes, les yeux piquants après des heures passées à jongler entre le jargon juridique et un café tiède oublié sur son bureau. Elle savait que Noé l’attendrait devant chez elle, fidèle à leur rituel du soir. D’un geste automatique, elle attrapa son téléphone et tapa un message :

"Je ne vais pas tarder, à tout à l’heure."

Puis, avec un soupir résigné, elle enfila son manteau et se prépara à affronter le froid parisien.


Dehors, l’hiver étendait son manteau glacé sur la ville. La jeune femme ressentit l’envie de marcher un peu, de se perdre dans le tumulte silencieux des rues. Elle aimait cette solitude feutrée qu’elle trouvait au milieu des passants pressés, cette impression d’être invisible et en sécurité dans la masse.

Son trajet habituel, du Marais jusqu’à Montparnasse, faisait moins d’une heure de marche. Elle savait qu’elle arriverait à l’heure, même en rentrant à pied. Le métro lui sembla moins attirant qu’une promenade à travers la ville, alors elle resserra son écharpe, enfonça ses mains dans les poches de son manteau et s’engagea sur le Pont Notre-Dame. La lumière des réverbères, douce et diffuse, éclairait ses longs cheveux ondulés, qui s’échappaient de son écharpe et dansaient doucement au gré du vent.

Avant de ranger son téléphone, elle appela machinalement sa mère. Le genre de réflexe qu’elle avait conservé malgré la distance, comme une ancre discrète jetée en direction de Pont-Aven.

— Aélis ? Tu n’as pas oublié ta mère, c’est un miracle ! fit une voix moqueuse dans l’écouteur.

— Très drôle. J’avais juste envie d’entendre ta voix, répliqua-t-elle en souriant malgré elle. En arrière-plan, elle devinait son père râler contre la cafetière et sa sœur fredonner un air improbable. L’image lui tira un pincement au cœur, doux et familier.

— Tu rentres bientôt ? demanda sa mère. Tu sais, papa serait ravi de vous voir, toi et Noé. Vous pourriez venir un week-end.

— Peut-être... C’est un peu compliqué en ce moment avec le boulot, mais je vais voir.

— Tu dis toujours ça, Aélis.

— Je sais. Désolée.

— On aimerait bien faire sa connaissance, tu sais. Et puis Seren parle de lui tout le temps. Il paraît qu’il est “hyper mignon”, ajouta-t-elle en forçant sur l’intonation adolescente.

— Elle regarde trop de séries. Bon, je dois te laisser, je suis en train de marcher. Il fait un froid glacial.

— Alors couvre-toi bien, et envoie un message en rentrant. On t’embrasse.

— Moi aussi.

Elle raccrocha, glissa le téléphone dans sa poche et ralentit en apercevant la cathédrale. La toiture, en pleine rénovation, était illuminée par de puissants projecteurs, projetant des ombres imposantes sur les pierres séculaires. Le spectacle avait quelque chose de solennel, presque intemporel. Elle resta là un instant, les mains enfoncées dans les poches de son manteau, avant de reprendre sa marche, bifurquant sans trop y réfléchir le long des quais. C’est alors qu’elle se retrouva face à une petite église qu’elle n’avait jamais remarquée : Saint-Julien-le-Pauvre. Elle s’arrêta, indécise, observant l’édifice comme on jauge un inconnu qui vient de nous adresser la parole.

La porte s’ouvrit soudain, laissant échapper un souffle de lumière et de chants liturgiques. L’air glacé de la rue se mêla à la chaleur tamisée de l’intérieur, et Aélis, prise d’une impulsion inexplicable, fit un pas en avant. Sans trop comprendre pourquoi, elle franchit le seuil.

À l’intérieur, quelques silhouettes étaient assises en silence, tandis qu’un petit chœur répétait un cantique. La musique flottait dans l’air, apaisante, presque irréelle. Elle prit place discrètement sur une chaise en bois, ses doigts gelés retrouvant un semblant de chaleur. Elle observa les voûtes de pierre qui amplifiaient chaque note, se laissa bercer par l’harmonie des voix. C’est joli, admit-elle intérieurement. Bon, ça ne va pas me faire croire en Dieu, mais niveau ambiance, c’est pas mal. Les yeux fermés, elle s’abandonna un instant à la mélodie, jusqu’à ce que le chant s’éteigne.

Alors qu’elle observait les chanteurs qui rangeaient leurs affaires, un prêtre s’avança vers eux. Il avait la quarantaine, les cheveux châtains, et une présence qui émanait à la fois de douceur et de gravité. Il s’arrêta, juste un instant, en apercevant la jeune femme. Ce fut à peine perceptible, une fraction de seconde où son regard trahit une émotion fugace—un trouble, une hésitation. Puis, presque aussitôt, son expression redevint paisible, comme si rien ne s’était produit. Elle ne nota rien d’anormal, mais Darius, lui, resta silencieux un instant de plus avant de détourner les yeux, son esprit frôlé par une sensation familière qu’il n’osait encore nommer.

— Merci pour ce soir, dit-il à l’intention des chanteurs. Je vous vois dimanche à l’office ?

Après quelques salutations, les choristes quittèrent l’église, laissant Aélis et le prêtre presque seuls, hormis quelques fidèles en prière.


Darius la regarda. Elle était là. Ses traits fins, ce menton volontaire qu'il connaissait si bien. Même dans cette existence mortelle, ses yeux d’un vert profond captaient déjà toute la lumière tamisée de la nef. Elle n’était pas encore la femme forgée par deux millénaires de souffrance et de sagesse, mais les prémices de Marie, de son esprit inquiet et de sa beauté discrète, s'y trouvaient déjà.

Le souvenir de leur dernière nuit, au printemps 1993, le frappa avec la netteté d’une lame. Après la confession, après l’amour, alors que l’aube menaçait de les séparer, elle s’était accrochée à lui, la voix brisée par l'inéluctable .

«Tu détiens la vérité, maintenant. Tu es la seule variable à même d’interrompre cette récurrence. Lorsque je réapparaîtrai, ici... dans cette vie, dans cette ville, je t'implore de ne pas intervenir. Laisse-moi. Laisse-moi vivre cette vie-ci sans tes ombres, sans ce chemin. Je refuse de te condamner à mon souvenir. Permets-moi d'être libre, même si cela signifie l'ignorance. C’est le seul moyen de briser cette boucle.»


Il avait fallu toute la force qu’il avait puisée chez Emrys, toute la sagesse de ces quinze siècles, pour accepter sa requête. Car son corps le trahissait : chaque fibre le suppliait de s’avancer, de lui adresser la parole, de revivre cette histoire, peu importe le prix. Il voulait entendre de nouveau sa voix, lui offrir sa protection, reprendre leur chemin, s’assurer qu’elle deviendrait immortelle pour qu’il ne la perde jamais.

Mais Aélis lui avait demandé de ne pas choisir leur bonheur, mais sa liberté. Elle lui avait demandé d'accepter qu'elle ne devienne peut-être jamais l'immortelle qu'il avait aimée. Pour la première fois, il avait le choix d’honorer son amour en renonçant à lui-même.

Il détourna les yeux, se forçant à se concentrer sur la flamme dansante des cierges. Il était le seul dépositaire du secret, le seul à pouvoir dévier le fleuve du temps. Il ne bougea pas. Il ne fit pas le moindre pas. Il resta planté là, dans l'ombre des colonnes, tandis que les murmures de l'église semblaient applaudir son martyre.

Aélis se leva peu après. Elle jeta un dernier regard sur l’intérieur, sans s’attarder sur le prêtre. Elle se dirigea vers la sortie, son long manteau effleurant les chaises de bois. Darius entendit le grincement discret de la porte qui se refermait sur le froid de février.

Il ferma les yeux, une larme silencieuse glissant sur sa joue.

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