Expiation

Chapitre 5 : Emy

1266 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/10/2017 19:37

Il me dévisage longuement sans me dire un seul mot. Pourtant l’idée n’est pas mauvaise, enfin, ce n’est que mon avis. Mais il faut faire un choix, et rester au seuil de la forêt n’est pas une option. Je le vois se frotter le visage puis se gratter la moustache, le regard de ses yeux penche vers le sol pavé recouvert de mauvaises herbes. Quand est-ce qu’il va se décider à me répondre ? Je sais très bien qu’il est du genre à réfléchir méticuleusement en ce qui concerne ses actes, mais ici, dans l’arène, à découvert ? Un tribut adverse pourrait très bien surgir d’un buisson et nous abattre sans même que l’on ne s’en aperçoit.

« Non, je regrette, dit-il enfin, je ne vais pas m’aventurer dans cette forêt, c’est bien trop dangereux. Et puis on n’a pas l’expérience pour ça. On ne sait pas chasser, on ne sait pas ce qui nous attend à l’intérieur. Je ne saurais pas te dire ce qui est comestible ou non. Il réfléchit encore puis reprend. Imagine que l’on se retrouve face à une grosse bête, qu’est-ce que l’on fait ? On lui apprend à faire du feu ? Hé bien, c’est une bonne idée, sauf que ni toi, ni moi, on ne sait PAS faire du feu !

– Halmes, je…

– On pourrait peut-être lui construire une planche à roulettes, non ? Après tout, on vient du Six, c’est notre domaine !

– Arrêtes de dire n’importe quoi et écoutes moi, deux secondes.

– Va t’aventurer dans la jungle des ténèbres si tu veux, en tous cas moi, je retourne en ville, avec ou sans toi.

– Ah oui ? Dis-je en haussant le ton. Et après ? Tu te feras massacrer par les carrières, tu sais à peine te battre !

– Peut-être, mais comptes pas sur moi pour faire de la randonnée avec toi. Mon choix est fait, et je retourne vers les immeubles. Il y aura certainement plus de ressources là-bas que dans cette forêt. Tiens, regarde. (Il pointe son doigt en direction d’un grand immeuble effondré sur un autre, un peu plus petit) Tu vois ? C’est l’endroit idéal pour se cacher et être en sécurité. On grimpe tout là-haut, on attend que les autres s’entretuent et quand on redescendra, toi et moi, on sera déjà dans le carré final. »

Son idée n’est pas mauvaise, mais je continu de croire que rester dans la ville pourrait nous être fatal. Les carrières et autres tributs plus forts que nous ont sans doute déjà sécurisé la Corne et les bâtiments stratégiques de la ville. Il est hors de question d’y retourner. Seulement, Halmes n’a pas tort sur le fait que je ne connais en rien la survie en pleine nature. Rester dans cette forêt pendant plusieurs jours pourrait être tout aussi éprouvant, même si le risque de croiser un tribut est moindre.

« Écoutes-moi, continu Halmes, tu m’avais donné ta parole que si l’on survivait au bain de sang toi et moi, on resterait ensemble quoi qu’il arrive. Et je tiens vraiment à ce que toi et moi restions liés le plus longtemps possible. Si tu viens avec moi, je te promets que je te protégerais, tu m’entends ? Peu importe la situation. »

Sans même pouvoir y réfléchir, Halmes se dresse furieusement tout en portant son index au niveau de ses lèvres pour me dire de me taire. Me demandant ce qu’il se passe, je tourne mon regard dans toutes les directions possibles avant que mon coéquipier me force à me baisser. Il tapota son oreille tout en montrant les alentours. Il a sans doute entendu quelque chose arriver vers nous. Je fronce les sourcils pour lui montrer mon inquiétude mais il n’en tiens pas compte et m’entraîne dans un recoin. C’est à ce moment que je vis plusieurs ombres se déplacer sur les murs en béton non-loin de notre position. Halmes resserre ses bras autour de moi puis pose sa main droite sur ma bouche afin d’éviter que je ne fasse aucun bruit. Tout doucement, à l’aide de sa main gauche, il prit un morceau de brique parmi d’autres à côté de nous. Je m’empare quant à moi d’un morceau de verre provenant d’une fenêtre brisée sur ma droite. Quelques minutes plus tard, nous étions dans la même position, l’un contre l’autre, chacun ayant de quoi se défendre dans une main. Alors que les bruits ont cessés depuis peu, Halmes décide de sortir de notre cachette. J’essaye de le retenir mais je n’y parviens pas. Je le suis donc en prenant garde autour de moi.

« C’est fini ? Ils sont partis ? Dis-je à voix basse. »

Tout à coup, nos adversaires surgissent de nulle part et nous entourent rapidement en exerçant un cercle autour de nous. Je peux en compter trois, qui sait combien il y en d’autres cachés dans le coin ? L’un d’eux tenait une machette en acier, dont le tranchant sublimait à la rencontre du soleil. En observant son visage, je reconnais le garçon qui avait failli se faire tuer à la Corne d’abondance et qui avait fait chuter un tribut du haut d’une falaise en remontant le gouffre. Je ne reconnais cependant pas les deux autres. L’un est plutôt grand, avec peu de cheveux, assez maigre, des yeux noirs profond et une fade expression sur le visage. Il tient sous son bras une boite à outils. L’autre a l’air beaucoup plus jeune, avec des taches de rousseur sur le visage. Ses cheveux bruns et gras retombaient par-dessus ses yeux verts pétillants. Il tient dans sa main une barre en fer recourbé, sans doute trouvé quelque part dans la ville.

« Pas de panique, dit enfin le garçon à la machette, on ne vous veux aucun mal. N’ayez crainte. Nous sommes là pour vous proposer quelque chose.

– Ah oui ? Quoi-donc ? Demande Halmes, toujours sur le pied de guerre.

– Une alliance, réplique le grand tenant sa boîte à outils.

– Suivez-nous et nous vous épargnerons, continu le blond à la machette. C’est aussi simple que ça.

– Vous suivre ? Pour aller où ? Demande à nouveau Halmes, agressivement.

– Vers la forêt, dit le plus jeune, là-bas, nous serons en sécurité et à l’écart des autres. Si vous acceptez de venir avec nous, on aura bien plus de chance de survivre.

– Bien sûr, marmonne Halmes en me lançant un regard pas très amical.

– A cinq, on pourra relayer les tours de gardes pendant la nuit, reprit le garçon de la Corne d’abondance, plus besoin de se cacher des autres, on pourra même faire un feu sans craindre quoi que ce soit !

– Je viens avec vous, dis-je soudainement, c’était aussi mon idée depuis le départ.

– Très bien. Et toi ? Demande-t-il à Halmes.

– C’est bon, t’as gagné dame nature, me chuchote-t-il en me jetant à nouveau un regard froid, je viens aussi. »

Laisser un commentaire ?