Expiation

Chapitre 10 : Jöl

2067 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/10/2017 14:12

Courir et encore courir. Maintenir la fuite face à la cruauté du Capitole. Se battre comme des loups en cage pour sa propre survie. Voici ce à quoi l’on pourrait résumer les Jeux de la Faim. Savoir qu’il nous reste que quelques heures à vivre dans ce monde qui nous semble imparfait mais pour lequel nous lutterons jusqu’au bout pour pouvoir y rester. Seules deux issues sont possibles chaque année : remporter la victoire pour finir sa vie dans la célébrité et la gloire sous l’ombre du Capitole ou mourir de la pire façon qui soit. Dans ces Jeux, il n’y est pas question d’adversaires, lorsque l’on meurt de la main d’un tribut ou simplement d’une bête génétiquement modifiée, nous savons très bien qui sont les véritables responsables. Mais provoquer de manière directe le Capitole revient à s’exposer une nouvelle fois à la mort. C’est d’ailleurs pour cela que les Jeux existent : cela permet au Président d’assoir son pouvoir en plus de punir l’ensemble des Districts ayant menés la révolution il y a maintenant vingt-cinq ans qui s’est conclue suite à la mort de nombreuses personnes et de la destruction totale du Treize.

Au matin du troisième jour, étant à bout de nerfs, je n’ai pas pu m’empêcher de frapper cet idiot de personnage qu’est Halmes, l’un de nos deux derniers alliés venant du Six. Lui qui n’était pas d’accord lors des décisions prises par le groupe, lui qui embêtait tout le temps son monde en plus de râler à longueur de journée. Je savais – au moment où mon regard s’est posé pour la première fois sur lui – que l’avoir à nos côtés allait très vite devenir pénible. Ce matin, ou plutôt cette nuit, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase : cet imbécile s’est endormi pendant son tour de garde, laissant le camp totalement libre d’être infiltré malgré le fil en tissu relié à un sac plastique rempli d’objets que j’avais installé grâce à l’aide de Lukka. A notre réveil, quelques-unes de nos affaires avaient étés prises et le système de sécurité avait complètement disparu, mis à part le sac plastique toujours accroché sur la branche de l’arbre auquel nous l’avons installé. Nous avons très vite découvert que le responsable n’était autre que Halmes qui ne faisait que prendre la situation à son avantage tout en essayant de me ridiculiser aux yeux des autres malgré sa position de faiblesse. Cela ne faisait qu’augmenter ma colère et l’échange s’est donc terminé par un coup de poing dans le nez bien placé.

Le temps filait et nous étions toujours au même endroit. Alors que le soleil s’était levé depuis déjà un certain temps, Emy s’occupait du nez de Halmes qui n’avait pas changé de place depuis notre malheureux échange, c’est-à-dire adossé contre son rocher sur lequel il s’était endormi la veille tandis que Ugo s’était absenté un moment à la recherche d’une possible source d’eau non-loin du campement. Quant à moi et Lukka, nous réfléchissions à la suite des évènements. Nous en sommes venus à conclure que si Ugo revenait sans la moindre nouvelle à propos d’une source d’eau potable, nous continuerons notre marche vers les limites de l’arène, au fin fond de la forêt jusqu’à trouver un bon emplacement pour pouvoir nous y installer en toute sécurité, avec des ressources non-loin de ce futur endroit. Qui sait ce qu’il nous attendait ? Au plus l’on s’enfonçait dans cette forêt, au plus elle était de moins en moins accueillante. Ce qui ne me rassurait pas du tout.

Au moment où nous nous apprêtions à partir retrouver Ugo qui n’était toujours pas revenu, un autre groupe composé de trois tributs nous surprit Lukka, moi, Emy et Halmes. D’abord méfiant, je sortis ma machette de ma ceinture tout en lançant un regard sur Halmes qui ramassa un bout de bois taillé sur le sol. Lukka restait non-loin derrière-nous, l’air dubitatif tandis qu’Emy se cramponnait toujours sur Halmes qui pointait désormais son arme vers les autres, tout comme moi. Parmi eux j’ai pu reconnaître cette fille du Douze à la fameuse chevelure rousse dont le nom m’échappait toujours. J’étais à la fois surpris et contemplatif qu’elle soit encore en vie. C’était d’ailleurs la seule fille du groupe, les deux autres étant des garçons plutôt grands et biens taillés.

« Détendez-vous, commence la jeune fille en levant doucement ses bras, je comprends que vous soyez sur vos gardes mais nous ne sommes pas venus vers vous pour nous entre-tuer. »

Ses paroles avaient l’air sincère. Je baissai tout doucement mon arme tout en faisant signe à Halmes de faire la même chose. Mais ce dernier refusa de coopérer et ne fit encore une fois qu’à sa tête.

« Attends Jöl, tu vas quand-même pas te laisser avoir par cette nana ? Crache-t-il. C’est un piège, moi je te le dis ! Ils sont peut-être moins nombreux que nous mais je suis sûr qu’ils sont tout à fait capables de tous nous buter sans le moindre effort !

– Du calme, Halmes, je réplique froidement, laissons-les s’expliquer. »

Leur but était finalement le même que le nôtre : s’enfuir le plus loin possible tout en se trouvant un maximum d’alliés que possible pour faire face aux carrières. Après quelques minutes de conversations, l’un des deux garçons alla voir leur coéquipière pour lui glisser quelque-chose à l’oreille que je parviens néanmoins à entendre.

« Je croyais que tu avais dit cinq personnes, Sonja. Là je n’en compte que quatre, où est passé le dernier ? Tu ne nous avais pas dit qu’il y avait un gamin dans leur bande ? »

Ces chuchotements ne faisaient que raisonner dans mon cerveau : depuis combien de temps nous observaient-ils comme ça, sans rien faire ? Halmes avait peut-être finalement raison à propos d’eux. Et s’ils n’étaient pas ce qu’ils prétendaient être ? Et si toute cette comédie était un plan pour nous tuer l’un après l’autre ? Ou pire, nous monter les uns contre les autres comme c’est déjà le cas avec Halmes ? C’est alors que je me remis en tête toute cette histoire de campement retourné et d’affaires volées au cours de cette nuit. Et si c’était eux les responsables ? Alors que j’étais en pleine réflexion et que mes doutes m’occupaient l’esprit, Ugo fit une soudaine apparition dans notre camp.

« Tiens, te voilà toi, commence Halmes d’un ton sarcastique, qu’est-ce qui t’as pris tout ce temps pour revenir, hein ?

– Je… C’est qui eux ? Questionne-t-il en pointant du doigt les tributs inconnus.

– Ce sont nos nouveaux copains, ils te plaisent ?

– Nos nouveaux copains ? Quelqu’un peut m’expliquer ?

– Ugo, dis-je en lui coupant la parole, tu as réussi à trouver une source d’eau ?

– Malheureusement, non. J’ai fait du mieux que j’ai pu mais rien à faire.

– Je connais un petit lac où l’on peut trouver de l’eau potable, intervient la fille du Douze, c’est à quelques kilomètres au nord.

– Tu penses pouvoir nous y emmener ? Je lui demande. »

C’est alors que Halmes referma sa main sur mon bras avant de me tirer vers lui.

« Non mais arrêtes qu’est-ce que tu nous fais, là ? Me glisse-t-il à l’oreille.

– Laissons leur une chance d’intégrer notre groupe. S’il te plait Halmes, fais-moi confiance. Au cas où la situation dégénère et qu’il s’avère que ces types mentent depuis le début, je te laisserais le droit de décider de leur sort, peu importe lequel. »

Ce n’était pas bien difficile de convaincre Halmes et je venais de m’en rendre compte à cet instant précis. Je finis donc par reprendre ma conversation avec la rousse du Douze qui était prête à nous amener à son lac.

« Bien, je vous propose un marché. Vous nous conduisez à cette fameuse source et si tout se passe bien comme prévu, vous ferez partie des nôtres. Sachez que mon fidèle partenaire ici présent répondant au doux nom de Halmes, ainsi que moi-même, sommes totalement méfiant et que cela ne suffira pas à gagner notre confiance. Alors au moindre coup bas, ça se finira très mal. Suis-je clair ?

– Absolument. »

C’est de cette manière que débuta notre longue marche vers les tréfonds de la forêt en compagnie de nos nouveaux alliés, bien que nos doutes à propos d’eux soient encore présents. J’ai appris à connaître au cours de cette randonnée chacun des trois nouveaux tributs, à commencer par cette fille du Douze, Sonja, puis par les deux garçons venant du Huit et du Dix répondant aux noms de Djory et Pilt. Le premier n’était pas très bavard contrairement au deuxième, ce que me confirma Sonja en toute honnêteté. Après plusieurs longs quarts d’heures de marche – tandis que le soleil commençait à se coucher au loin – Lukka ordonna à tout le monde de s’arrêter puis nous fit signe d’écouter. Le lourd silence qui s’était installé dans la clairière se transformait peu à peu en de terrifiants bruits qui se rapprochaient de plus en plus de notre position.

« Oh non, s’écrie Lukka à voix basse, je reconnais ce bruit-là. »

Les bruits s’affolaient de plus en plus vite et l’on pouvait commencer à voir des mouvements de toutes parts quand soudain une énorme bête – semblable à un loup mais d’une taille nettement plus imposante – bondit sur Djory qui lui transperça d’un coup sec la mâchoire à l’aide de sa lance en bois taillée. C’était une bête génétiquement modifiée, lancée par les juges pour nous éliminer. D’autres encore s’approchaient tandis que Pilt aida Djory à achever la première bête.

« Qu’est-ce que vous attendez ? Cria-t-il. Courrez ! »

Sans prendre la peine de réfléchir, j’entraînai avec moi le reste du groupe en leur indiquant de foncer dans une direction que j’indiquai de mes bras. Des pièges au sol commençaient à se refermer sur nos pieds tandis que Sonja se pris les jambes dans un tronc d’arbre. J’accouru vers elle pour la relever tout en jetant un regard derrière moi : Djory et Pilt nous suivaient de loin tout en combattant bravement les mutations génétiques. Un vent énorme s’était soudainement levé contre nous, ce qui ralentissait nos mouvements. « Encore un coup du Capitole. » me dis-je à moi-même. Plus loin je vis Halmes qui s’était pris des éclats de roches dans l’arrière bras droit suite à une explosion artificielle d’une falaise non-loin de nous. Sonja commençait à me distancer et – alors que je cherchais Lukka du regard – je vois une des jambes d’Ugo se prendre un piège qui se referma automatiquement sur lui. Le pauvre hurla de douleur tandis que Lukka me fit signe de continuer ma course tout en m’indiquant qu’il allait s’occuper de porter Ugo. Je ne distingue plus que la silhouette de Sonja au loin et j’entends de plus en plus une bête s’approcher de moi. Lorsque j’ai vu où elle se situait, il était déjà trop tard : les crocs de son énorme mâchoire se plantèrent immédiatement sur mon épaule.

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