Expiation

Chapitre 12 : Rubia

1388 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/12/2017 19:39

Blase se tient droit comme un piquet en face de moi. Son regard fixe le sol et son poing droit amoché serre fièrement son épée ensanglantée. Son corps ne bouge pas d’un seul poil à l’exception de son pied gauche qui tapote vivement la poussière à terre. Je profite de notre halte pour me reposer sur un bloc de béton non loin de moi. Une fois assis, je retire férocement mes gants d’attaques – composés de pointes en métal aiguisées – ayant récemment fait couler le sang du district Cinq. Je les pose sur ma droite puis m’essuie rapidement le front complètement en sueur. Je desserre un peu mon armure et me met dans une position confortable. Blase tourne finalement ses yeux vers moi et me lance un regard interrogatif.

« Quoi ? Lui dis-je. On n’a pas le droit de se reposer un peu ? »

Il hausse les épaules et secoue la tête un court instant avant de détourner du regard. Il respire un grand coup puis commence à faire les cents pas devant moi.

« Tu devrais en faire autant, dis-je en soufflant à mon tour. »

Mais il ne m’écoute pas, comme à son habitude. Je n’ai aucune envie de le forcer à changer d’avis et le laisse dans sa misérable paranoïa. J’en profite pour observer le hall dans lequel Blase et moi nous sommes arrêtés. En levant les yeux, je remarque une grande coupole à la fois magnifiquement sculptée et durement brisée faisant office de protection entre nous et le soleil envahissant. Derrière moi s’est écrasé un gigantesque lustre en cristal dont les éclats formaient de petits tas insignifiants ici et là. Un grand mur de pierre sur ma droite s’est également écroulé, ouvrant donc au premier étage du bâtiment d’où provient la principale source lumineuse qui éclairait l’ensemble de la pièce.

« Mais qu’est-ce qu’elle fiche ? Grogne soudainement Blase à voix basse tout en continuant à tourner en rond. »

Avant que je ne puisse lui dire quoi que ce soit, le coup de canon annonçant la fin du bain de sang retenti. « Ils en ont mis du temps. » me dis-je à moi-même en pensant bien évidemment aux juges. Cela fait déjà bien plusieurs minutes que nous avons quitté la Corne d’abondance et je suis sûr que nous étions les derniers à avoir remonté le gouffre après le massacre. C’est alors que je me souviens de Trek – le tribut mâle de mon district – se faisant transpercer la gorge par cet abruti de Thorn, le garçon du Quatre. Si j’en avais eu l’occasion j’aurais fait une victime de plus lors de ce bain de sang. Peu importe le fait qu’il soit un carrière, il mérite de crever désormais. Je me dois de venger mon coéquipier avec qui j’ai passé la majorité de mon temps lors de ces derniers jours dans le monde extérieur.

« Tu m’a pourtant dit qu’elle nous suivait, non ? Continue Blase, encore inquiet. »

Je lui réponds d’un bref oui de la tête tout en comptant les coups de canons – indiquant le nombre des tributs morts – à voix basse. Le silence revient enfin après le neuvième coup. Mais il ne fut que de très courte durée. Des bruits de pas commencent à résonner dans l’enceinte du bâtiment et se font de plus en plus bruyants. Un éboulement de petits cailloux au niveau de l’entrée de la salle surpris Blase.

« Tu entends ? Me chuchote-t-il.

– Oui.

– Tu crois que c’est elle ?

– Je ne sais pas, mais on va bientôt le découvrir. »

Je me relève prudemment et prend soin d’enfiler mes gants tout en resserrant mon armure. Blase s’approche de moi tout en gardant un œil sur l’entrée qu’il pointe de son épée. Un tribut déboule enfin dans la pièce et trébuche sur un morceau de pierre brisée au sol. Il se relève fougueusement et s’arrête net à quelques mètres de nous après avoir remarqué notre présence. Essoufflé et complètement désorienté, il nous fusille du regard. A travers l’épais nuage de poussière qu’il avait provoqué en entrant, je remarque que ce tribut n’est pas celui que l’on attendait Blase et moi, à notre plus grand étonnement. C’est un homme de peau noire, plutôt costaud, des mains abîmées et une combinaison aussi humide que la mienne. Je constate alors qu’il s’agit de Thorn. « Le hasard fait bien les choses. » je pense, le sourire aux lèvres. Je prends le temps de craquer mes doigts et de détendre ma nuque avant de m’approcher de lui mais Blase me retient en me barrant le chemin de son bras. Il me regarde brièvement tout en exerçant un petit non de la tête.

« Où est-elle ? Crache soudainement Thorn en restant sur sa position. »

Décidément, tout le monde cherche quelqu’un dans cette pièce. Une fille qui plus est. Génial.

« De qui est-ce que tu parles, le Quatre ? Questionne Blase en me tenant à l’écart.

– Une fille est entrée dans ce bâtiment, Mesaline, s’explique-t-il. Je l’ai vue de mes propres yeux. Maintenant dites-moi où est-elle passée !

– Personne n’est entrée ici à pars toi, abruti ! Je lui crache.

– Calme toi Rubia, reprend Blase, laisse-moi en découdre avec lui.

– Non, c’est impossible, continue Thorn, je l’ai vue entrer, je la suivais de très près, je… (Il marque une pause avant de changer de ton) Attendez. Elle est avec vous, n’est-ce pas ? Vous avez fait d’elle votre alliée ? (Il s’énerve) Vous vous êtes servi d’elle comme d’un vulgaire appât pour me ramener à vous, c’est ça ?

– Arrêtes de dire des conneries, dit Blase, on l’a jamais rencontré cette Mesaline.

– Vous mentez.

– S’il te plait, dis-je en prenant le bras de Blase, laisse-moi tuer ce salopard. Il le mérite et tu le sais. C’est lui qui a égorgé Trek à la Corne d’abondance, tu l’as vu autant que moi.

– Trek ? Reprend Thorn tout en dirigeant son bras gauche vers un trident accroché sur son dos. Le garçon du Deux ? Je n’ai fait que me défendre, il m’a sauté dessus alors que j’étais sur le point de m’en aller. C’était lui ou moi !

– Peu importe, lui dis-je en grommelant. »

Je serre les poings et fronce les sourcils. Si Blase n’était pas là pour me retenir, j’aurais déjà défiguré ce minable jusqu’à ce qu’il en meurt comme cela a été le cas pour Jayn et Klay du Cinq lors du bain de sang. Mais au lieu de ça, un silence interminable et plutôt déconcertant s’était installé progressivement dans la pièce. C’est alors qu’un quatrième tribut déboula de nulle part derrière nous dans un amas de poussière, aussi désorienté et essoufflé que l’avait été Thorn lorsqu’il est lui-même entré dans le hall. Personne ne pouvait savoir de qui il s’agissait étant donné que l’on ne pouvait pas y voir grand-chose à cause de l’obscurité et de cette poussière qui se mélangea rapidement à celle que cet abruti de Quatre avait provoquée quelques secondes auparavant.

« La voilà, s’assure Blase en faisant allusion au tribut que nous attendions depuis que nous sommes cachés ici.

– C’est elle ! S’écrie Thorn presque en même temps en espérant qu’il s’agisse de Mesaline. »

Quant à moi, je reste muette et attend impatiemment la suite des événements tout en me demandant lequel des deux retrouvera enfin leur compagnon de district.

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