Une vie

Chapitre 11 : LA DECEPTION

7645 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/03/2024 10:37

CHAPITRE 11

LA DECEPTION

 

—   Sesshoumaru-samaaaaa ! hurla Jaken que la nouvelle avait tant perturbé. Sesshoumaru-samaaaa !

—   Silence, répondit stoïquement le youkai.


Pourquoi diable le crapaud hurlait-il de la sorte alors qu’il avait lui-même rappelé maintes fois Rin à l’ordre sur l’acuité auditive des inu-youkai ?


Rin … Que devenait-elle ? Avait-elle rejoint les siens et … trouvé un compagnon pour fonder une famille ? Ridicule ! Pourquoi cette humaine venait-elle hanter ses pensées ? N’avait-il pas fait table rase de tout ce qui la rappelait à sa mémoire au point de vider la chambre qu’elle occupait et de brûler tous ses effets ? Rin était une erreur, un bref passage dans sa longue existence. Vu l’heure, elle devait sûrement dormir en compagnie d’un mâle qui l’avait choisie comme compagne. Elle devait se coller contre lui pour avoir un peu plus chaud et …


Sesshoumaru grogna involontairement. La simple pensée d’un mâle touchant ce qui lui appartenait le mettait de mauvaise humeur. Pire encore si ce mâle était un humain. Il supportait difficilement cette scène. Mais par tous les dieux ! Pourquoi se souciait-il de cela ? Il n’était tout de même pas jaloux ! Lui ! Un youkai ! Les démons ne tombent pas amoureux, n’éprouvent pas de sentiments humains. Les seules choses qu’ils reconnaissent sont leurs possessions et ils les protègent férocement. Or Rin fait partie de son « patrimoine » puisqu’elle porte sa marque. Alors pourquoi l’avoir chassée ?


Ce n’était plus le moment de penser à des choses pareilles. Elle n’était plus là ; fin de l’histoire. Mais son absence l’obligeait à se souvenir de tout ce qu’ils avaient vécu pendant dix ans. Il imaginait les réactions de Rin si elle était à ses côtés, maintenant. Bon sang ! Ça suffit ! Depuis quand était-il devenu aussi nostalgique ? Encore un défaut humain ! Il fallait impérativement qu’il se ressaisisse et fasse le vide. Jaken tombait à point nommé … tout compte fait.


—   Qu’y a-t-il ?

—   Sesshoumaru-sama, ce que j’ai à vous dire est de la plus haute importance. On m’a rapporté qu’un soldat puissamment armé se promenait sur vos territoires.

—   Dans ce cas, mieux vaut que je l’élimine tout de suite.

—   Il y a toutefois un problème.

—   …

—   Ses intentions ne sont pas du tout hostiles envers vous puisqu’il nettoie les Territoires de l’Ouest en votre nom.

—   Et son nom ?

—   Nul ne le sait, mon seigneur. Mais tous les témoignages des gens qui l’ont vu concordent. Il voyage en compagnie d’un inumata de basse classe et a la particularité de faire fondre ses ennemis en leur projetant un dokkasou.

—   Intéressant. Un youkai, alors ?

—   Il semblerait.

—   Où l’a-t-on vu pour la dernière fois ?

—   Il s’enfonce de plus en plus vers le sud et dépassera bientôt nos frontières. Vous voulez qu’on l’arrête ?

—   Non. Ce n’est qu’un simple vagabond, un mercenaire qui veut louer ses services. Je n’ai que faire d’un fanfaron.


Rin marchait depuis des heures et l’après-midi était bien avancée. Heureusement, elle put distinguer des fumées qui s’échappaient de quelques maisons. Avec un peu de chance, elle pourrait peut-être passer la nuit chez l’habitant. Les soirées commençaient à devenir fraîches et humides. Trouver refuge dans des cavernes était certes sa priorité mais rien ne valait la chaleur procurée par une couverture ou … la fourrure de son seigneur lige qu’elle avait toujours prise pour une gigantesque peluche animée.


—   Tai-chan ! Eh, paresseux ! Réveille-toi ! Regarde un peu ce qui nous attend.


Le petit inumata qui somnolait paisiblement sur l’épaule de sa maîtresse fut réveillé par de petites tapes sur … son postérieur. Il avait pris l’habitude de « voyager » dans le sens contraire de la marche afin que l’épais rideau noir des cheveux de Rin lui procure un maximum d’obscurité pour se livrer à son activité favorite : dormir.


Quand elle le prenait comme monture, c'est-à-dire quand il était réveillé, elle se mettait à califourchon mais dans le sens contraire, s’allongeait sur son dos et laissait traîner sa main sur le postérieur. Si des gens voyaient le curieux convoi, ils auraient éclaté de rire. Bah ! Les youkai ! Forcément, ils ne faisaient jamais rien comme tout le monde.


Tai-chan finit par émerger de sa sieste et bailla lourdement. Il prit néanmoins la peine de retourner la tête pour voir que Rin faisait route vers un village. Puis il la reposa et souffla fortement.


—   Tu es sûr d’être un chien ?! Tu ressembles à une marmotte. Tu passes ton temps à dormir ou à manger sauf quand il faut se battre. Par moments, tu me fais penser à oncle Inuyasha : le sale caractère en moins, quoique …


Après quelques minutes de marche, ils parvinrent aux premières rizières qui marquaient le début de la civilisation. Enfin les premières habitations et les premières personnes. Ce furent des enfants qui jouaient au milieu d’une grande et large rue qui l’aperçurent.


Ils cessèrent leurs jeux, intrigués par le visiteur. C’était un soldat, pour sûr ! Vu son armure et son épée, il ne devait pas plaisanter. Et ses habits ! Qu’est-ce qu’ils paraissaient misérables dans leurs simples kimonos en lin ou en coton rapiécés ! Rien qu’avec la ceinture du guerrier, un haori et un hakama auraient pu être confectionnés ! Le reste de ses vêtements était constitué d’étoffes coûteuses sur lesquelles étaient imprimés des dessins raffinés aux couleurs chatoyantes. Le personnage était sombre : armure, cheveux et vêtements. Seule la ceinture et la boule blanche qu’il portait adoucissaient son apparence.


Rin sentait le poids des regards des enfants. Quelques parents qui avaient soudain remarqué le calme de la rue sortirent pour voir ce qui se passait. Elle sentit la tension monter mais, joyeuse et optimiste de nature, elle redonna vite confiance aux habitants. Elle souleva Tai-chan et le déposa par terre puis fit mine de se masser l’épaule et le cou.


—   Tu manges trop, Tai-chan. Si ça continue, je ne pourrai plus te porter et tu seras alors obligé de marcher !


Tai-chan s’était recouché et semblait ignorer superbement les menaces de Rin. Cette dernière prit la situation à son avantage. Elle se baissa à nouveau et poussa d’une main l’arrière train du youkai pour le forcer à se relever. En voyant ce guerrier qui peinait avec un petit chien, certains enfants riaient timidement. D’autres, plus téméraires, s’approchèrent pour considérer la désobéissante boule de poils.


Rin continuait à jouer la comédie et s’assit en tailleur derrière Tai-chan, les bras croisés sur la poitrine, l’air boudeur.


—   Allez ! On ne va quand même pas passer la nuit ici. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que tu te décides à avancer ?

—   Et si vous lui donniez un gros morceau de viande ? fit intrépidement une petite fille.


Ca y est ! La situation semblait s’améliorer.


—   C’est une très bonne idée, dis-moi …

—   Mayuko !

—   Mayuko. Mais où est-ce que je pourrais en trouver ? Et puis, est-ce que tu crois que ça marchera ?

—   Oh, oui ! J’avais un chien, moi aussi, répondit la petite. Et il était très gourmand. Venez chez moi.


Maintenant que la conversation était engagée, les autres bambins s’étaient rapprochés et gloussaient. Tout le monde riait de voir Rin déposer les armes devant son chien. Même les adultes se détendaient.


—   Je te remercie Mayuko, mais je crois que je vais y arriver. Je n’ai pas envie de vous déranger.

—   Mon papa est le chef du village. Et puis, vous avez l’air fatigué … et Tai-chan aussi.

—   Très bien, j’accepte ta proposition à condition que toi ou l’un de tes amis arriviez à mettre en marche ce gros paresseux.


Et là, tous les enfants encerclèrent l’inumata. Ils ignoraient sa véritable nature et le prenaient pour un inoffensif petit chiot. Ils l’examinaient et murmuraient différents plans d’action. Tai-chan dormait toujours paisiblement. Mayuko semblait un peu plus curieuse que les autres et remarqua ses cicatrices.


—   Oh ! Le pauvre ! Qu’est-ce qui lui est arrivé ?

—   Il a failli se faire tuer par des loups, bien qu’elles soient bien antérieures.


Mayuko considérait sa réponse avec gravité. Soudain, elle écarquilla les yeux et imita le cri d’un loup. Tai-chan ouvrit son unique œil et bondit simultanément, le poil dressé. Il émettait de petits jappements agressifs et scrutait les alentours. Le réveil était plutôt traumatisant mais efficace. Les enfants riaient et criaient leur joie d’avoir gagné leur pari. Rin en profita pour ramasser Tai-chan qui grognait, furieux d’avoir été réveillé par une plaisanterie de très mauvais goût.


—   Il a pas l’air content du tout !

—   Ça lui a rappelé de mauvais souvenirs mais ça lui passera une fois qu’il aura le ventre plein.


Les enfants escortèrent Rin et son compagnon jusqu’à la demeure de Mayuko.


—    Maman ! Maman! hurla la petite en s’approchant de l’entrée.


Presque instantanément, une femme qui portait un bout de tissu noué sur sa tête apparut, paniquée.


—   Que se passe-t-il, Mayuko ?

—   Rien, maman.

—   Alors pourquoi est-ce que tu cries comme ça ? J’ai cru qu’un démon t’avait attaquée.


Au nom de « démon », Rin arqua subrepticement un sourcil. Apparemment, la guerre déclarée il y a longtemps entre humains et youkai n’était pas près de s’achever.


—   Maman, est-ce qu’on pourrait héberger le monsieur qui est là … et son petit chien ?


La mère de Mayuko releva la tête et porta toute son attention sur Rin. Mais cette dernière était nerveuse et préféra rester à bonne distance de la maison. Puis, le regard de la femme vint à nouveau se poser sur sa fille qui tirait désespérément sur son kimono dans l’espoir d’avoir une réponse affirmative.


—   Mayuko ! Tu sais que ton père ne serait absolument pas content s’il apprenait que … tu ne sais même pas reconnaître un homme d’une femme.


La fillette roula de gros yeux qui passèrent successivement de sa mère au visiteur. Elle pointa Rin du doigt.


—   Tu veux dire que …


Sa mère hocha la tête.


—   Mais est-ce qu’il, je veux dire, elle peut quand même venir chez nous ?

—   Bien sûr, la maison est assez grande et puis ton père sera content d’avoir des nouvelles d’autres contrées … surtout si une guerre se prépare. Venez donc, jeune femme, vous devez être exténuée.

—   Merci beaucoup, madame. Tai-chan et moi nous ne comptons pas rester longtemps ; juste histoire de reprendre des forces.

—   Je comprends.

—   Au fait, je m’appelle Rin.


À la grande joie de Mayuko, Rin déposa ses affaires dans un coin de la maison. Elle s’était séparée de son armure, épée, obi, haori et avait laissé retomber ses cheveux. Quand elle se retourna, Mayuko, sa mère et son père qui venait juste de rentrer eurent vraiment une femme face à eux. De plus, son allure était moins menaçante. Tai-chan qui avait senti une délicieuses odeur taquiner ses narines semblait lui aussi différent ; il tournait nerveusement autour de sa maîtresse.

 

Les membres de la famille lui sourirent plus franchement mais demeuraient toutefois impressionnés par son armement. Ce fut le père qui se montra très curieux pendant le repas. C’était un homme qui devait à peine avoir trente ans mais son visage avait déjà les traits bien marqués en raison de la rudesse des travaux et surtout du climat d’insécurité qui régnait à cette époque. Sesshoumaru était beaucoup plus âgé que lui mais …


—   Alors comme ça, vous êtes soldat ?

—   Pas vraiment. Disons que je nettoie certains endroits d’éléments dangereux qui nuisent à la paix des habitants : humains, démons, oni, bref, tout ce qui dérange.

—   Vous chassez les démons ?! interrogea-t-il en manquant s’étouffer. Et pour le compte de qui ?

—   Euh … je … je ne travaille pour personne.

—   Ah ! Vous louez vos services alors ?

—   Non plus. Je vais là où me mènent mes pas.

—   Vous ne demandez pas d’argent ? Mais … pardonnez ma curiosité … d’où viennent ces riches étoffes et cet armement pour le moins inhabituel ?

—   Rassurez-vous, je ne vis pas de larcins. En réalité, c’est un cadeau de mon tuteur. Lorsque j’avais fini mon entraînement, il me les a gracieusement offerts.


Rin redevint grave et regarda Mayuko qui gavait littéralement Tai-chan. La petite prenait son rôle de mère nourricière très au sérieux et le youkai semblait apprécier. Mais pourvu qu’elle ne l’étouffât pas trop ; un coup de dents du chiot susceptible était vite parti.


—   Votre tuteur à l’air d’être une personne aisée et qui vous apprécie beaucoup.


Appréciait, corrigea mentalement Rin, appréciait, et encore, parfois je me pose la question.


—   Est-ce que c’est un puissant seigneur ? Quel est son nom ?

—   Il tient à rester discret mais je peux vous assurer que c’est un … « homme » craint et respecté mais juste.


La conversation se poursuivit encore après le repas. Mayuko s’était endormie à côté de Tai-chan qui ronflait paisiblement. Une fois la vaisselle nettoyée, ce fut au tour de la maîtresse de maison d’enquêter.


—   C’est quand même étonnant qu’une jeune femme soit armée et voyage seule.

—   Oh ! Je ne suis pas seule mais nous vivons dans une époque où les hommes meurent facilement. Les femmes sont alors laissées à l’abandon et obligées de trouver la protection de quelqu’un ou de se défendre elles-mêmes.

—   Bien sûr.


Puis le mari qui n’avait pas perdu une miette de la conversation enchaîna :


—   Comme vous avez pu le constater, notre village est en pleine reconstruction. Il est la cible permanente des bandits et des youkai. Il est à peine reconstruit et prospère qu’il est aussitôt détruit. A croire que les dieux nous en veulent. Mais entre préparer des guerriers et nourrir des bouches, nous avons choisi. Notre peuple n’est constitué que de paysans mais qui savent se défendre convenablement. Nous serions ravis d’avoir quelqu’un qui ne craint pas les démons pour nous protéger.


Rin le regarda, hébétée par cette demande inattendue.


—   Je vous en prie, acceptez mon offre. Vous serez logée dans la petite grange juste à côté de la maison. Qui sait, peut-être que vous pourrez désormais vivre ici ? Et puis, Mayuko serait tellement contente : non seulement à cause du chien mais également … parce que vous ressemblez à sa grande sœur.

—   Sa grande sœur ?

—   Oui, Akiko est un peu plus jeune que vous mais vous êtes quasiment son portrait. Il y a quatre mois, un goupe de kumo-youkai nous a attaqués et Akiko y a laissé la vie.

—   Mes condoléances.


Le silence régnait dans la pièce, uniquement perturbée par le crépitement du feu et Tai-chan. Rin sentait que le couple attendait fiévreusement une réponse, positive si possible.


—   C’est entendu, j’accepte votre offre à condition que je ne devienne pas un fardeau pour le village. Je participerai aux travaux des champs avec les autres.


Une fois le contrat « signé », Rin déménagea immédiatement pour occuper la dite grange, seule, sans Tai-chan qui dormait comme un bienheureux. Malgré la nature du lieu et l’odeur particulière, Rin s’endormit presque instantanément.


Les rayons du soleil frappaient quelques endroits dans la grange. Il y avait beaucoup d’interstices qui n’étaient pas comblés et la lumière pénétrait sans gêne. Ces menus inconvénients ne dérangèrent pas Rin. En revanche, elle trouvait qu’il faisait inhabituellement chaud, surtout le long de son dos. Elle sortit peu à peu de sa torpeur et cligna des yeux. Tout était blanc ; sa vision était encore très trouble. Elle battit à nouveau des paupières ; toujours la même vision. En voulant se frotter les yeux, sa main effleura quelque chose de doux au passage. Tai-chan !


Sa réflexion s’accéléra. L’inumata devait l’avoir rejointe au beau milieu de la nuit, délaissant ainsi la petite Mayuko. Elle ne pouvait pas du tout lui reprocher sa fidélité mais son inconscience : il avait adopté sa forme normale. Elle se leva immédiatement, affolée par la situation.


—   Je t’en prie, Tai-chan ! Si tu veux rester un temps non négligeable, tu ne devras jamais te montrer ainsi, gronda-t-elle.


Le youkai se réveilla et bailla à s’en décrocher la mâchoire. Bizarrement, sans broncher, il s’exécuta et prit place sur les cuisses de sa maîtresse après s’être transformé.


—   Voilà ! C’est mieux ! Tu te rends compte si quelqu’un était venu et nous avait trouvés ?! On aurait été chassés dans le meilleur des cas.


Puis, elle porta son attention sur ses mains.


—   Et ça vaut également pour moi. Visiblement, ils n’ont pas trop fait attention à mes griffes. Quant à mes crocs, il va falloir que je limite mon temps de parole et surtout que je ne sourie pas. Ca va être dur ! Une chance que je n’ai pas les mêmes oreilles qu’Inuyasha : je n’aurais même pas pu approcher le village. Bon, allons-y !


Elle se leva après avoir déposé Tai-chan sur la couverture. En s’habillant, elle résolut de ne pas mettre ses bottes mais de venir pieds nus. Il valait mieux exhiber ce qui pouvait l’être. Puis elle rejoignit la cuisine. La mère de Mayuko était déjà debout en train de préparer le petit déjeuner et le repas que son mari emporterait aux champs.


—   Bonjour, Rin ! Bien dormi ?

—   Très bien, merci.

—   Au fait, j’ai pensé à quelque chose. Ne vous vexez pas mais … il serait dommage d’abîmer vos vêtements ; il vaudrait mieux en changer. Comme vous êtes plus grande que moi, ceux de mon mari feront l’affaire.

—   Merci. J’allais justement vous demander s’il était possible d’avoir des vêtements plus commodes.

—   Tenez, fit la femme en lâchant ses ustensiles pour tendre un paquet bien plié sur lequel se trouvaient des sandales.

—   Je vais tout de suite les enfiler.


Elle se redirigea vers la grange et se déshabilla aussitôt. Les habits de la villageoise étaient délavés mais propres. Le hakama, autrefois bleu foncé, comportait des parcelles éclaircies par le frottement du tissu au niveau des genoux et du derrière. Le haori était recousu à plusieurs endroits mais avait conservé sa couleur crème. Elle replia ensuite religieusement son riche kimono avec un soupir. C’était peut-être la dernière fois qu’elle le portait. Elle se souvenait du kimono rouge dont elle était vêtue avant de rencontrer Sesshoumaru : sale, râpé à certains endroits. Elle venait de faire un bond de dix ans en arrière. Elle constata amèrement que sa situation était à nouveau identique à celle d’il y a quelques années, à la différence que les villageois ne la maltraitaient pas mais attendaient beaucoup d’elle quant à leur sécurité. Elle garda néanmoins son sabre et relia ses cheveux en un catogan.


En entrant pour la seconde fois dans la cuisine, Mayuko, réveillée cette fois, l’accueillit avec un grand sourire. C’est clair : habillée en haillons, elle devait lui rappeler sa sœur. Elle avala rapidement son déjeuner, prit le panier de bambou qui contenait son repas, s’arma également d’une bêche et suivit le chef du village qui se dirigea vers les dernières cultures avant la saison froide.


Pendant ce temps-là, à la maison, Tai-chan fit son apparition dans la cuisine. Mayuko, trop heureuse de retrouver sa petite peluche, lui donna la becquée. Une fois rassasié, il huma l’air et emprunta le même chemin que Rin qu’il vit retourner la terre avec ardeur. Il se coucha sur l’herbe et ferma l’œil. Les hommes étaient morts de rire.


—   Quel terrible chien de garde ! plaisantèrent-ils.


Rin fit sa propre autodérision 

:

—   Oui, hein ! Vous trouvez aussi ! Les pauvres, s’ils savaient de quoi il est vraiment capable, ils ne seraient pas aussi mauvaise langue.


La journée passa ainsi entre les rires, le travail, le repas et … les questions. Rin avait éludé du mieux qu’elle pouvait certains sujets mais son vocabulaire paraissait étrange aux villageois. Quand on lui avait demandé si elle avait quelqu’un dans sa vie, elle répondit que sa « profession » l’empêchait d’avoir un « compagnon » ; si elle avait envie un jour de fonder une famille, elle aimerait avoir une dizaine de « petits ». Mais quand la mère de Mayuko lui demanda, entre femmes, si elle avait déjà eu des rapports vu son âge, Rin clama fièrement qu’elle ne s’était jamais « accouplée » et qu’elle attendait le bon « mâle ». Tout le monde se regardait, consterné, et lui fit remarquer ses idiotismes propres au langage des démons.


—   Ano …, bredouilla-t-elle nerveusement, s’il faut infiltrer certains clans de démons afin de s’en débarrasser, il vaut mieux adopter leur vocabulaire et … une odeur animale. En portant régulièrement Tai-chan contre moi, ils n’y voient que du feu et me considèrent comme l’une des leurs. Pour l’instant, ça a plutôt bien fonctionné.


Les humains lui sourirent. Heureusement qu’ils n’étaient pas youkai : ils auraient immédiatement entendu l’accélération des battements de son cœur et senti sa transpiration. Son mensonge aurait été évident. Rin était sauvée, momentanément.


Mais quelques jours plus tard, Mayuko qui était d’une curiosité insatiable, jeta cette fois son dévolu sur le katana dont Rin ne se séparait jamais. Elle arriva au moment du déjeuner. Tout le monde était installé sur l’herbe et Rin avait placé son épée derrière elle. Mayuko voulut d’abord surprendre Rin mais elle changea vite de plan quand elle aperçut le manche de l’arme qui brillait de mille feux sans compter la précieuse laque du fourreau qui reflétait son image. Elle tendit la main et toucha l’objet.


Presque instantanément, un youki émergea du sabre et projeta Mayuko à quelques mètres ; Rin n’eut pas le temps de réagir. Elle ne comprenait pas elle-même ce qui se passait. Jamais ce phénomène ne s’était encore produit. Heureusement pour elle, Mayuko se releva, un peu sonnée mais vivante. Il fallait vite trouver une explication valable.


—   Ah ! Gomen ! J’avais oublié ! Une miko a jeté un sort à mon arme de manière à ce que personne ne puisse s’en servir contre moi. Je suis la seule à pouvoir la toucher.


Mayuko, d’un naturel enjoué, ne lui en tint pas rigueur. La curiosité est un vilain défaut et elle venait d’être punie pour cela. La petite s’excusa également et tout rentra dans l’ordre. Mais le soir venu, Rin examina de plus près son sabre, seule, dans la grange.


Qu’est-ce que c’est encore que ce nouveau prodige ? Drôle de cadeau que m’a fait Sesshoumaru-sama ! Apparemment, ce katana n’est pas aussi ordinaire qu’il veut bien en donner l’air. Il a certainement dû être forgé à partir d’un youkai tout comme Tokijin. Il vaudrait mieux que je sache de quel genre de démon pour éviter d’autre ennuis. Pendant le laps de temps où j’ai ressenti le youki, ce dernier m’avait semblé presque familier : il était très puissant mais pas trop agressif ni dangereux, simplement sur la défensive. Il n’a tout simplement pas voulu qu’une autre personne touche le sabre, bien que Mayuko fût inoffensive. Un youki qui réclame l’exclusivité et … très possessif ! Mais bizarrement quand Tai-chan le frôle ou s’endort dessus tellement il est fatigué de nature, aucune réaction ! J’en déduis donc que ce youki n’aime pas les humains. Mais je suis humaine ! Ferait-il une exception à la règle ? Minute ! Il n’aime pas les humains alors que je suis la seule à pouvoir … ? Ohhh … Kami-sama !! Se pourrait-il que ce sabre ait été forgé à partir d’un don de …Sesshoumaru-sama ? Non ! Pourquoi aurait-il fait cela ? Un tel sacrifice pour moi ?! Bon admettons que ce soit le cas. Quand aurait-il alors trouvé le temps de le faire fabriquer et de … Totosaï ! Mon absence de cinq petites minutes pendant les quelles il en a profité pour lui remettre la marchandise !! Oh ! Les vilains petits cachottiers ! Ahhh … ! Sesshoumaru-sama !


Un sourire mélancolique se dessina sur les lèvres de Rin puis elle se saisit de son sabre et se mit à le câliner comme s’il avait été une poupée de chiffon. Tai-chan assistait à tout ce spectacle du coin de l’œil, avec la plus grande impassibilité. Que sa maîtresse dorlote à présent une arme et se mette à gigoter comme une hystérique l’affectait très peu du moment qu’il avait le ventre plein.


Depuis cette découverte, Rin, qui n’avait pourtant aucune preuve tangible malgré la véracité de ses hypothèses, dormit désormais avec le katana toujours serré contre elle dans l’espoir de ressentir la « chaleur » de Sesshoumaru qu’elle avait toujours connue. Bien qu’il l’eût chassée, elle ne l’en aima que davantage, passant outre le fait qu’il avait failli la tuer. Le démon froid et ambitieux avait un cœur d’or qu’il dissimilait à la perfection mais c’était sans compter sur la finesse d’esprit de sa pupille.


Le lendemain matin, toute la maisonnée trouva que Rin avait une mine beaucoup plus réjouie que d’habitude, frôlant l’extase. Était-elle amoureuse ? Elle en avait tout l’air. Tout le monde se demandait maintenant qui était l’heureux élu qui avait gagné son cœur. C’était quelqu’un du village, forcément ! Les cancans iraient bon train. Mayuko et ses parents ne s’étaient pas trompés sur le fait lui-même mais sur la nature du prétendant.


L’euphorie de la situation ne fit toutefois pas oublier à Rin son rôle de taijija. L’après-midi même, un tori-youkai, un oiseau assez imposant, menaça le village. En deux temps, trois mouvements, avec une rapidité impressionnante, Rin débarrassa le village du démon qui cherchait à s’emparer des réserves hivernales. Elle rengaina tranquillement son arme après l’avoir nettoyée du sang qui la maculait. Les villageois se prosternèrent presque à ses pieds.


—   Arrêtez ! s’écria-t-elle gênée. N’importe lequel d’entre vous aurait pu en faire autant. Il était au sol et son estomac avait supplanté son instinct de fuite. Même avec un râteau vous en seriez venus à bout !


Rin était rapidement montée dans l’estime des villageois et avait gagné leur respect. Mais elle allait tout aussi vite tomber de son pied d’estale. Trois semaines plus tard, alors qu’elle se promenait, le soir après le repas avec Tai-chan sur l’épaule, un incident irrémédiable survint. N’éprouvant pas la nécessité de prendre son sabre, elle s’était éloignée de quelques centaines de mètres du village pour faire le point sur sa vie. Ce fut Tai-chan qui, alerté par l’odeur d’un youkai, grogna et se transforma sous ses yeux, le poil hérissé et le regard pointé en direction du village. Elle réagit aussitôt et fit demi-tour, montant sur le dos de son animal.


—   Vite, Tai-chan ! Pourvu qu’on arrive à temps.


Au fur et à mesure qu’elle se rapprochait, elle pouvait entendre les cris de terreur des villageois, leur peur et leurs supplications. Même son prénom lui parvint aux oreilles. Elle n’eut pas besoin d’entrer dans le village qu’elle vit deux énormes kumo-youkai, les ennemis tant redoutés de la population, en train de transformer le petit havre paix en paysage lunaire. La population fuyait dans tous les sens. Il fallait impérativement qu’elle récupère son épée.


—   Malheur ! Il y en a un troisième au-dessus de la grange ! Tai-chan, je crois qu’il va falloir se battre à mains et pattes nues avant qu’il y ait des blessés graves !


Sans même attendre un ordre officiel, Tai-chan et Rin apparurent au milieu de la population qui était trop occupée à protéger son existence pour observer les « nouveaux » venus. Rin retroussa ses manches et, avec l’aide de son compagnon, s’attaqua au plus petit des youkai, celui-là même qui gardait le passage de la maison. Le kumo-youkai cracha ce qui ressemblait à des toiles d’araignée géantes mais Rin esquiva ses tirs et, à l’aide de ses griffes, découpa son ennemi au moment où elle lui sauta par-dessus.


—   Et un de moins ! Je vais pouvoir récupérer mon sabre.


Elle s’engouffra dans la grange et ressortit presque instantanément. Il n’y avait donc plus que deux youkai à vaincre, tâche ô combien facile. Mais lorsqu’elle rejoignit Tai-chan, leur nombre semblait avoir quadruplé. Peu importe. À eux deux, ils feraient rapidement le ménage. Il fallait pour cela mettre les habitants en sécurité et attirer les affreux démons en un seul point.


—   Rentrez tous dans les maisons les plus proches et ne sortez que lorsque je vous le dirai ! cria-t-elle à pleins poumons.


Les villageois s’exécutèrent mais trouvèrent le temps de lui jeter un regard curieux et différent de celui qu’ils lui portaient d’habitude. Rin s’en aperçut et mit cette réaction sur le compte de la panique et de l’envie de ressortir vivants de cette histoire. Une fois les youkai rabattus au même endroit, Tai-chan et elle n’eurent plus qu’à se débarrasser des araignées : acide, coups de sabre et de griffes, esquives et attaques rapides. Les habitants les plus curieux risquèrent un œil par les moindres interstices des portes et des fenêtres et suivirent avec un grand intérêt toute l’exécution.


Une fois les ennemis vaincus, Rin rassura la population :


—   Vous pouvez sortir maintenant ! Je crois que dorénavant, ils ne vous embêteront plus.


Mais au lieu d’être remerciée avec force révérences et autres bénédictions, ce furent des villageois méfiants et à la limite de l’agressivité qui émergèrent de leurs petites cabanes. Certains d’entre eux étaient même armés avec les ustensiles qu’ils avaient à disposition : couteaux, hachoirs et même chaudrons. Rin scruta d’abord les environs pensant qu’un autre ennemi se trouvait dans les parages. Mais non ; elle était bien seule avec Taï-chan.


—   Sortez, voyons ! N’ayez plus peur !

—   On sera tranquille quand tu seras partie, ... démon !


Ce mot avait été dit avec un tel dédain, un tel mépris, une telle colère et haine que Rin ouvrit de grands yeux.


—   Démon ?

—   Oui, on t’a bien vue ! Tu as peut-être l’air humaine mais seul un démon peut se déplacer aussi rapidement ! répondit un villageois.

—   Et je ne parle même pas de cette attaque qui peut faire fondre n’importe quoi ! ajouta un second.

—   Mais attendez ! s’exclama la jeune femme. Laissez-moi vous expliquer. Je suis loin d’être un démon.

—   Et ton chien alors ? Les nôtres se contentent de saliver alors que le tien change de forme et crache de l’acide ! Et tu veux nous faire croire que tu es humaine 

—   Si vous me laissiez au moins le temps de placer un mot, je vous prouverai …

—   Tais-toi ! l’interrompit un habitant. Même si tu n’es pas un youkai tu as tout d’un hanyou ce qui ne change rien à ton sort.

—   Ouais ! On n’est peut-être pas aussi forts que toi mais on sait se défendre.

—   Oui, j’ai vu ! nargua-t-elle. Tous terrés dans vos huttes ! C’est une nouvelle technique d’attaque ? Allons, allons ! Mon chien et moi, on ne vous fera rien je vous dis.

—   Suffit ! Fiche le camp ! Tu n’es pas comme nous alors … dégage !

—   Mais vous êtes vraiment têtus à la fin ! Puisque je vous dis que je ne suis pas …


Peu à peu, une foule se forma autour de Rin et Tai-chan. Les villageois l’encerclèrent et se montrèrent de plus en plus menaçants. Tai-chan avait retrouvé sa petite taille et Rin le portait sur son avant-bras. Malgré l’apparence placide et inoffensive qu’elle offrait, elle savait qu’elle n’avait plus sa place et se résigna à partir. Elle baissa la tête en signe de soumission, rejoignit la petite maison qui lui avait été gracieusement prêtée à son arrivée, réunit au plus vite ses affaires dans son baluchon et enfila à nouveau son précieux kimono. Enfin, elle sortit, accueillie par des regards emplis de haine.


Parmi la population, elle tenta de chercher un visage amical. Elle vit la petite Mayuko, cachée derrière sa mère. Rin lui sourit et tendit la main en signe d’amitié mais la fillette disparut complètement derrière sa mère qui s’adressa à la jeune femme sur un ton aigri et plein de reproches :


—   Tu l’as trompée. Tu nous as tous trompés ! Vous êtes tous pareils, vous les démons. Maintenant, pars d’ici !


Rin, dépitée, ramena sa main.


—   Très bien ! Je m’en vais si c’est ce que vous voulez. Tout le mal que je vous souhaite, c’est de ne plus jamais avoir besoin de quelqu’un pour vous protéger. Et permettez-moi encore de vous dire que parmi les démons que vous détestez et craignez, il y en a quelques-uns qui sont bons et généreux. D’ailleurs … non … rien. Adieu !


D’un bond, elle se retrouva sur le toit d’une maison et fit son chemin jusqu’à la forêt en se promenant à plusieurs mètres du sol. Mais avant de s’enfoncer plus profondément, elle fit un petit détour. Près du petit bassin que les habitants avaient aménagé pour la pisciculture, se trouvait un vieux saule pleureur au pied duquel elle se mit à genoux, regarda les étoiles et joignit les mains pieusement. Tai-chan sentant la tristesse gagner sa maîtresse posa la tête et les pattes antérieures sur sa cuisse.


—   Papa, maman, cher frère. C’est moi. Je suis toujours votre petite Rin, n’est-ce pas ? Et je suis bel et bien vivante ! J’ai été sauvée de la mort plusieurs fois par une personne qui s’est occupée de moi. Elle m’a appris à lire, écrire, compter et me battre. Okasan, tu ne dois certainement pas apprécier ce dernier aspect de mon éducation. Il y a tant de choses que je voudrais vous dire et vous raconter. Je ne sais même plus par où commencer ! Quand j’ai vu que j’étais la seule survivante du massacre, j’ai trouvé cela injuste. J’étais abandonnée ; vous n’étiez plus là pour vous occuper de moi. J’ai tenté de vivoter parmi les villageois. J’ai dû voler pour survivre. Pardonnez-moi : vous m’avez toujours dit qu’on était digne même en étant pauvre. Mais à mon jeune âge, on ne gagne pas d’argent, sauf en mendiant dans les rues ou … en servant de concubine à un pervers. 


À cette pensée, Rin sentit des frissons parcourir son échine.


—   J’ai donc fait ce que vous m’aviez interdit mais vu les circonstances, je sais que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. Mais soit les villageois se contrefichaient de mon sort, soit ils me battaient pour m’être servie dans les bassins de poissons. Et puis, j’ai rencontré quelqu’un …


Elle s’arrêta quelques instants. Même si sa famille ne faisait plus partie du monde des vivants, elle avait la curieuse impression de sentir leur regard interrogateur du haut du ciel peser sur ses épaules. Elle reprit péniblement :


—   Un youkai. Oui, je sais : ce sont des êtres malfaisants et cruels qui maltraitent les ningen. Mais pas lui. Il est impressionnant mais juste et bon. Je suis sûre que vous finiriez par être d’accord avec moi si vous le connaissiez. C’est vrai qu’au début il m’a effrayée mais je voulais à tout prix l’aider à se remettre de ses blessures. Puis c’est lui qui m’a sauvée un nombre incalculable de fois. Je dois quand même vous avouer que je ne suis plus tout à fait humaine. Pas à cause de lui, non ! Un stupide accident : mon sang et celui d’un inu-youkai se sont mélangés. Mais je reste Rin, ne ? Ne me rejetez pas comme viennent de le faire ces stupides nin … villageois !


Elle était à deux doigts de laisser échapper l’insulte favorite de Jaken. Les habitudes ont la vie dure !


—   Ce youkai, je l’ai suivi, ou plutôt, il m’a laissé le suivre. Je sais, c’est étonnant pour quelqu’un qui n’aime pas du tout les humains. Mais je lui suis redevable. Il m’a rendu la vie, m’a élevée et m’a appris tout ce que je sais maintenant … avec des petits plus. Il a été et restera toujours mon père adoptif. Tout ce que vous n’avez pu faire, il l’a accompli à votre place. J’ai eu une enfance et une adolescence très heureuse. Mais …


Elle hésita à continuer. Tai-chan leva la tête : sa maîtresse était encore plus triste maintenant. Il se mit à gémir tout doucement et frottait son museau sur sa jambe pour tenter de lui redonner courage. Une goutte d’eau tomba sur son crâne. Il releva la tête et de son unique œil vit des larmes dégouliner le long des joues de Rin et se rassembler sous le menton pour former un chapelet de gouttes lourdes et nombreuses. Le regard de Rin croisa le sien puis elle le dirigea sur la voûte étoilée.


—   Maman … c’est surtout à toi que je m’adresse. Tu es la seule à pouvoir me comprendre. Je ne te demande pas de me juger, simplement me comprendre. Voilà, ce youkai, Sesshoumaru, et bien … je ne le considère plus comme mon père ni même un gardien ou un ami. Maman, ce que j’éprouve pour lui, je n’arrive pas tellement à te l’expliquer mais c’est plus que de l’amitié. Est-ce que c’est de l’amour ? J’ai tellement entendu ce mot là mais je ne sais pas ce que c’est exactement. Je ne lui en ai jamais parlé car il m’aurait sûrement renvoyée. Bah ! Ça ne change pas grand-chose puisque je ne suis plus à ses côtés. J’ai fait une grosse bêtise et il m’a chassée. Mais il me manque, maman, terriblement ! Je n’ai jamais ressenti un tel vide depuis qu’il n’est plus là. Ses silences, je donnerai cher pour les subir. Est-ce parce que je suis un hanyou qu’il m’a repoussée ? Je ne sais pas. Mais je me sens tellement seule à présent ! Oh ! Bien sûr, Tai-chan est là … mais ce n’est pas lui.


Elle essuya ses torrents de larmes avec la manche de son haori. Tai-chan n’avait pas bougé et recevait, sans broncher, le déluge qui s’abattait sur lui.


—   Maman ! Est-ce mal ce que j’éprouve ? Est-ce que je vais en guérir ? Suis-je anormale ? Pourquoi tout le monde me rejette ? Je ne sais plus du tout à quel monde j’appartiens. Je me sens tellement mal. Je comprends maintenant ce qu’oncle Inuyasha - c’est le demi-frère de Sesshoumaru-sama - a ressenti pendant toutes ces années. Mais il a de la chance d’avoir rencontré Kagome-san. C’est une miko très puissante qui l’aime tel qu’il est. Mais moi ? Je n’ai plus vécu en compagnie des humains depuis des années et la seule personne qui compte pour moi m’a rejetée. Maman ! Aide-moi, je t’en prie ! Aide ta petite Rin !


Rin s’écroula dans l’herbe fraîche. Tai-chan eut le réflexe de s’écarter avant qu’elle ne lui tombe dessus. Il se rapprocha et se mit à lui lécher le visage. Rin pleurait abondamment et semblait ne pas devoir s’arrêter. Au bout de dix minutes, elle parut se calmer ; ses larmes ne coulaient plus et elle était saisie de soubresauts. Tai-chan s’était montré bon nettoyeur pendant tout ce temps. Soudain, une main le colla plus fermement au visage de sa maîtresse.


—   Merci Tai-chan ! Merci d’être à mes côtés.


Le petit youkai jappa joyeusement tout en frétillant de la queue. Rin se releva lentement et enleva les quelques brins d’herbe qui maculaient ses vêtements et son armure en passant ses mains énergiquement sur le devant. Elle regarda une dernière fois le ciel.


—   Au revoir à tous. Tai-chan, allons-y ! dit-elle en tendant son bras pour que le chiot grimpe et vienne se nicher dans le creux de son cou.


Puis elle reprit son chemin au gré de son envie et se dirigea vers le sud.


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