Demi-sang.

Elle se sent nerveuse. C’est la première fois qu’elle côtoie d’autres démons qui n’en veulent pas à sa vie. Elle s’était liée à des humains, mais ce n’étaient pas des amis. Ils trainaient avec elle quand elles les croisaient, ils étaient sympas avec elle, mais cela n’allait pas au-delà d’une amitié de circonstance. Quand elle s’est fait attaquer, espérer leur aide n’était pas envisageable. Elle ne pouvait pas risquer de révéler ces origines et encore moins les impliquer dans le conflit.

Elle n’allait pas à l’école dans le monde des humains, son père lui a appris lui-même ce qu’il pouvait. Elle avait également des cours particuliers pour limiter ces interactions. Avec ses frères qui surveillaient la moindre occasion pour les attaquer. Ils devaient rester le plus discret possible.

Elle soupire en fermant les yeux dans un premier temps, puis observe son reflet dans le miroir de la salle de bain. Elle se brosse les cheveux en maudissant ces cornes dans laquelle elle se coince à chaque fois l’ustensile. Elle porte le même ensemble qu’elle ne quitte pas depuis qu’elle est ici. C'est-à-dire, sa robe à longue manche en laine vert foncé et son fuseau noir.

La voici dans la cuisine où elle se prend une tasse pour se faire réchauffer un chocolat. Elle se tourne alors vers Shichiro, préoccupé par un bouquet de racine qu’il tient dans sa main. Le micro-ondes sonne et elle retire la tasse pour aller s’asseoir sur une chaise pendant que le démon lui fait face.

-Tu cherches quelque chose ? L’interroge la jeune.

-Je réfléchis. Tu m’as parlé de cette arme bâton, la fabriquer sera facile en soi, mais je suppose qu’il te faut un bois assez résistant pour ne pas se briser ?

-Les humains utilisent différentes sortes de bois. Cela dépend du manieur, dans mon cas, je le préfère souple et en bois de frêne.

-De frêne ? Hum, je pense que le bois de betula devrait le faire. Tu risques d’en avoir besoin.

-Ça à un rapport avec la reprise des cours ? Suppose-t-elle.

Elle sait qu’il y a encore deux examens de rangs pour cette année. Ils vont devoir se battre pour l’un d’entre eux ?

-Entre autres, mais mieux veut ne pas négliger ce que ton père t’a appris, lui explique le démon.

-Merci, lui sourit-elle.

-J’ai du mal à comprendre comment un bâton peut servir d’arme toutefois, lui confie-t-il en se grattant la tête.

-Je peux te montrer, lui propose-t-elle.

Il lui donne le rameau qu’il tient. Kikai prend les brindilles, Shichiro tend la main par-dessus et prononce « Lignum Lignum ». Le rameau se transforme alors en un long bâton de bois simple.

-J'ignore à quoi ressemble ton Bo, mais en insufflant ta magie à ce rameau, tu lui donneras la forme que tu veux.

Le bâton se brise ensuite.

-La quantité de magie que tu insuffles fera la puissance et la résistance dans le temps de ton arme, une fois qu’elle l’aura complètement consommée. Il se brisera et ne pourra plus être réutilisable.

Kikai l’écoute tout en hochant du chef. Il lui donne un nouveau rameau, ferme sa poigne dessus et dit l’incantation. Cependant, rien ne se passe. Elle cligne des yeux, soulevant l’interrogation du blanc.

-Pourquoi ça ne fonctionne pas ? Lui demande Kai.

-Tu ne lui as pas insufflé de magie, ton père ne t’a jamais montré comment faire ?

-Heu, si… Mais, j’ai toujours peiné à le faire.

-Quand tu utilises ta magie, tu la ressens te parcourir ?

-Oui, enfin se volatiliser plutôt.

-Comment ça ?

-Lafira, prononce-t-elle.

Une flamme se créer dans sa main, toutefois, celle-ci se fait alors comme aspirer par son corps. Shichiro cligne des yeux puis se penche sur elle, surprit. Il n’avait jamais vu ça, c’est exactement comme au parc.

-C’est bizarre, on dirait que ton corps, reprendre l’énergie que tu veux libérer.

-J’ai toujours eu ce problème, je suis peut-être Gimel, mais c’est compliqué pour moi d’user de magie. Je sais le faire, mais concentrer mon énergie relève de l’impossible.

-Non, ce ne doit pas être impossible. Iruma, un humain peut se servir d’une magie d’emprunt, toi, tu as la tienne. Il te faut juste trouver le bon mécanisme pour la libérer.

On vient de frapper à la porte. Les deux se redressent d’un coup, ils avaient presque oublié le trio. Shichiro se lève et ouvre au professeur, à Dali qui a accompagné les élèves jusqu'à l’appartement du blanc. Ils ne sont pas francs de rentrer pour deux d’entre eux. Le troisième lui est ravi d’être invité chez le démon qui prend maintenant comme modèle.

Kikai se tient droite comme un « I » en les regardant. Sabro, Andro, Agares et… Asmodeus ? Se glissent au côté du géant qui les invitent à s’asseoir le temps de saluer le professeur et de refermer derrière lui. Kikai, elle fait chauffer l’eau et Shichiro sort les tasses qu’il dépose devant les élèves.

-Je vais dans mon atelier, si vous avez besoin d’aide, vous pouvez m’appeler, dit Shichiro en s’éloignant dans l’autre pièce.

-C’est vrai qu’il ne paraît pas si effrayant une fois qu'on le connaît, rit Andro mal à l’aise.

-D’où viennent ces rumeurs sur le fait qu’ils aiment faire des expériences sur les démons ? Leur demande Kikai.

-Des élèves. Disons qu’il a tout de même cette manie de prendre ces élèves pour des animaux de compagnies, réagi Asmodeus.

-Ah… Oui. C’est vrai que je me demandais ce qu’il avait à me caresser comme un caniche au début, ri Kai.

-Un quoi ? Demande Sabro, Andro et Asmodeus.

-Un chien, excusez-moi, chez nous, on appelle les chiens qui se pensent effrayant, mais qui ne le sont absolument pas, des caniches, se rattrape-t-elle.

-Ah, ah, je vois de quel genre de chien, tu parles, ris Sabro.

-Ceux qui n’ont rien avoir avec celui de Monsieur Callego, grimace Andro… * J'ai donc un caniche. * Pense celui-ci.

Ils sortent leurs devoirs, le temps que la dragonne leur sert leur thé et s’assoit à son tour. Agares est à sa droite, il flotte sur son nuage, Asmodeus est à sa gauche, Andro face à elle et Sabro face à Asmodeus.

-Tiens, comment se fait-il que tu sois là Asmodeus ? Lui demande Kai.

-Maître Iruma est absent puis, comme, ma mère est à la maison, j’avais besoin de lui échapper, dit-il en soupirant.

-J’ai également fui mon frère. J’ai perdu un pari qu’il se fait un plaisir de me rappeler, se lamente Jazz.

-Ah ah, vous êtes vache avec vos familles, rit Sabro.

-Tu peux parler, tu ne rentres même pas chez toi ! Au fait… Où vis-tu ? Lui demande le brun.

-Mon oncle me loue un studio, explique Sabro.

-Et toi Bahamut ? Comment se fait-il que Balam soit ton tuteur ? La questionne le rose.

-Mes parents sont morts.

Cela met un froid soudain dans la pièce. Ils restent figés dans un mutisme commun. Ils pensaient qu’elle était juste en transit.

-Ne soyez pas trop dure avec vos familles, leur sourit-elle.

-Bon… Et, si l'on commençait ? Les exercices ne vont pas se remplir seul ! S’exclame Sabro.

Les garçons le remercient intérieurement. Ils ouvrent leurs blocs et lisent les énoncés y répondant à voix haute. Cela va vite être clôturé ! Jazz ri intérieurement, il y a trois têtes dans le groupe, il n’aura pas grande chose à faire ! Kikai se tourne vers Agares…

-Il arrive à noter les réponses et à dormir simultanément ? Poque-t-elle le roux qui proteste de ce fait.

-C’est vrai, tu ne l’as jamais vu faire, ri Sabro.

-C’est à se demander comment il peut retenir ces leçons, s’indigne Alice.

-Capacité cachée d’Agares ? Rit Jazz.

-Ça va Bahamut, tu t’en sors avec les cours ? Lui revendique alors le rose.

-Oui, grâce à Shichiro, lui répond-elle

-Shichiro ? Ah le professeur Balam ! Comprends Alice.

-C’est drôle que vous appelez le professeur Naberius par son prénom, mais pas Shichiro.

-Question d’habitude. Nous appelons nos professeurs principaux par leur prénom ou quand ils nous le demandent. Ce sont plutôt les professeurs d’option que nous appelons par leurs noms de famille, explique Jazz.

-D’accord. Tant que l’on est sur les noms, appelez-moi Kikai, leur sourit-elle.

-Alors, fais-le aussi pour nous, conclus Jazz.

-Je veux bien, mais je ne connais que le prénom d’Alice et Sabro, explique-t-elle en se grattant la joue.

-Jazz et l’endormi, c'est Picero, enfin si ça ne le gêne pas, s’en penche le brun.

-Non… En revanche, faite moins de bruit, bougonne ce dernier.

Ils continuent les énoncés. Shichiro revient vers eux et les enfants relèvent de ce fait leurs têtes. Il fait alors des pas exagérés pour montrer qu’il ne fait que passer. Kai le sui des yeux, son stylo en main, la joue posée sur son poing.

-Tu nous interprètes un balai, Shichiro ? Le taquine, la violette.

-Non, j’essaie de ne pas vous déranger, s’excuse le blanc.

-Ne vous en fait pas professeur Balam. Vous êtes chez vous, lui répond poliment Alice.

Il continue sa route et se rend vers les chambres. Ils ont déjà fait beaucoup de pages et Jazz a l’air de décrocher.

-Vous voulez que l’on fasse une pause ? On n’est pas obligé de tout faire le jour même, propose Kai.

-Je ne serais pas contre une pause et pourquoi pas faire une tournante ? Soumets Jazz.

-Sauf chez Picero ou l'on va tous dormir, rit Sabro. Je me propose pour demain alors si vous n’avez rien à faire.

-Non… Réplique Alice.

-Ça marche pour moi, ajoute Jazz.

Agares lève son pouce pour affirmer pour lui aussi. Kikai hoche du chef, mais cela veut dire qu’elle va devoir faire appel à son familier et a-t-elle le droit de quitter les parages des adultes ? Elle le demandera à Shichiro.

-J’ai une console et des jeux dans ma chambre, si vous désirez ? Conseille la violette.

-Tu veux nous laisser entrer dans ta chambre ? Rougis Jazz.

-C’est une chambre ordinaire, rit la dragonne.

Elle se lève et les invites à la suivre en prévenant le blanc qu’ils vont faire une pause. Elle ouvre la porte, laissant entrer les garçons, tendus. Assurément, elle a une chambre banale avec le strict minimum pour une personne qui viennent d’emménager il y a peu, à vrai dire.

-J’ai ce jeu en multijoueur ?

-Oh tu as Inferno Browl ! S’exclame Jazz, Lied me bat toujours sur ce jeu !

-Qu'est-ce que c'est ? Demande Alice.

-Un jeu de combat, tu choisis le personnage que tu veux. Tu affrontes aussi les autres dans une arène, il est fait avec des personnalités historiques de renom, lui explique Sabro.

-C’est donc ainsi que vous vous divertissez, les prend-il de haut.

-Quoi, t’es trop coincé que pour jouer aux jeux vidéo ? Rétorque Sabro.

-Je n’ai pas le temps à perdre avec ce genre de futilité, grommelle Alice.

-À quoi occupes-tu tes journées, Az ? Demande Jazz.

-À l’étude, l’entrainement et les autres devoirs concernés par ma condition de noble, répond-il prétentieux.

-En soi, tu te fais chier, ricane le blond.

-Absolument pas, mais un mec aussi têtu que toi ne peut pas comprendre, s’irrite Alice.

-Oh ça va vous deux, gardez votre rivalité pour le jeu, les calme Kikai.

-C’est lui qui a commencé ! Réagissent en chœur les démons.

-De vrais gamins, bâille Picero.

Kikai leur tend leur manette et ils s’assoient sur le tapis devant le téléviseur. Elle explique les touches au rose perdu.

-Donc Alice, tu n’es pas trop jeu, quelqu’un d’autre ? Demande alors Kikai.

-Je joue, mais je m’endors souvent en pleine partie, réplique Picero.

-Je ne suis pas aussi fort que Lied, mais je me défends bien, explique Jazz.

-Pareil, répond Sabro.

-On va faire des équipes, je vais chercher Shichiro pour équilibrer.

Elle se lève et revient avec le blanc, plutôt surprit de l’initiative de sa protégée. Alice Picero et Jazz contre Sabro, Kikai et Shichiro. Kikai et Sabro défendent le géant et Jazz et Picero en font de même pour Alice.

-Dire qu’en vrai les rôles sont inversés, ri Jazz.

-Surtout pour monsieur Balam, ça vous fait quoi d’être protégé par vos élèves ? Ricane le blond.

-Que je suis trop gentil puisque je vous laisse volontairement gagner, j’ai eu votre âge…

Il entre les combos pour que son personnage active ces attaques ultimes et élimine à tour de rôle les autres personnages. Les élèves restent béats. Pardon ?

-Eh, mais attend ! Cela veut dire que tu as toujours fait semblant de perdre contre moi ? S'aperçoit Kai.

-Je n’ai rien compris à ce qu’il se passait ? Est perdu Alice.

-Mais vous êtes plus fort que Lied ! rétorque Jazz.

Shichiro rit, s’excusant d’avoir déjà mis fin au combat. Les élèves sont estomaquées. Il est fort dans tout ce démon ! Fin de la pause, ils redescendent pour avancer d’autres pages. Ils ne leur restent plus que la moitié à faire et ils la termineront demain chez Sabnock…