Retrieve Bass

Chapitre 7 : sept raisons de mentir

3572 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/10/2025 23:33

De bon matin, alors que j'ai la salle de bain pour moi seul, Tsumiki fait irruption :

— Qui a pris ma brosse à dent ?!

Son regard tombe sur la mienne dans ma main.

— Me regarde pas comme ça. J'y suis pour rien.

Elle lâche un grognement de frustration et quitte la pièce. Telle une tornade, elle fait de nouveau son apparition au bout de dix minutes.

— C'est pas vrai ! Ton daron a encore pris ma brosse à dent pour astiquer ses chaussures ! Il peut pas utiliser une brosse comme tout le monde ?!

— Espérons qu'il ne la remette pas dans la salle de bain.

— T'as dis quoi ?

— Rien, je répond en plantant la brosse dans ma bouche.

— Tu t'es fais quoi au menton ?

Je baisse la tête et hausse les épaules. On peut avoir la paix deux minutes ?

— Tu t'es battu ?

Je secoue la tête.

— On t'a frappé ?

— Je suis tombé en courant, je répond en crachant le dentifrice dans le lavabo.

— Tu poursuivais qui ?

— Je faisais de la course. T'as finis ?

— Tu fais quelque chose demain soir ?

— Pourquoi tu chuchotes d'un coup ?

À ton avis ? siffle-t-elle en fermant la porte derrière elle. J'aimerais bien ramener quelqu'un à l'appart vu que Toji sera en déplacement...

— ...Donc il faut que tu de débarrasses de moi.

— C'est toi qui le dit, ajoute-t-elle en levant les mains en l'air.

Me mêler de la vie amoureuse de Tsukimi est bien la dernière de mes préoccupations. C'est la première fois qu'elle se retrouve contrainte à venir me voir à ce sujet. Moins j'en sais, et mieux nous nous portons. Je m'essuie la bouche avec le dos de la serviette - qui faudrait mettre au lave-linge en passant.

— Tu peux trouver des potes chez qui passer la soirée ?

— J'étais pas au courant que j'avais des potes. Je serai ravis de les rencontrer.

Dis comme ça, on pourrait croire que c'est drôle et que mon auto-dérision pourrait égaler mon ego. Mais détrompez-vous, ça ne l'est pas.

— Ouais et à qui la faute...? Sinon, le gars de ta boutique où tu taffais ? Retrieve Ass ?

— Tu veux dire Retrieve Bass ? Kinji mon pote ? Il était pas au courant non plus.

Comme dirait Yuji ; balle perdue pour Megumi. Elle soupire en faisant jongler ses poignets :

— Et à propos du club de musique... Tu ne compte pas le rejoindre ? Ça pourrait t'aider à rencontrer de nouvelles per-

— Ne t'en fais pas, j'achève en finissant de me coiffer avec mes mains humides. Je trouverai quelque chose à faire pendant ce temps-là.

— Je ne veux pas te mettre à la porte...

— C'est pas grave je t'ai dis.

— C'est pour éviter que la situation ne soit trop gênante, tu saisis ? Reste à la maison au pire, il n'y a pas de problème.

Un dernier coup de d'oeil au miroir : joues et menton rasés, coupe approximative, déodorant bon marché. Je pense que je suis prêt.

— Inutile de préciser que Toji ne doit rien savoir ! Lance-t-elle alors que je suis déjà hors de portée, passe une excellente journée Megumi !

Le lendemain soir, je me rend compte qu'une minute ne s'écoule pas aussi rapidement que je ne l'aurai cru.

Cela doit faire une heure et demi que l'école vient de fermer ses portes, et me voilà sous l'abris-bus. Un groupe de fille glousse depuis près de quinze minutes dans un coin, et je commence à croire qu'elles se moquent de moi. Ou bien je deviens fou. Je froisse un papier dans ma main avant de le ranger dans ma poche quand j'entends :

— Tu ne rentres pas chez toi ?

Je lève les yeux de mon téléphone. Après avoir scanner les environs pendant deux nano-secondes, je m'aperçois que la personne qui me parle n'est pas le luminaire de la ville.

Une fille, avec une tresse sur le côté et un sac à dos aussi gros que celui des participants de Koh Lanta me regarde de haut.

— On se connait ?

Elle pince ses lèvres gercées par le froid, préférant avaler une pique cinglante. Ooops, mauvaise question. Voyons voir...

— Je suis une amie de Nobara.

— Mmh..., je mumure en faisant travailler ma mémoire. Oh... Lou ?

— Louane.

— Oui, pardon. Évidemment.

Elle se tourne pour désigner le troupeau à trois mètres d'elle.

— Les filles rigolent de toi depuis tout à l'heure.

Je hausse les épaules tout en feignant la nonchalance. Je le savais !

— Elles disent que ça fait un quart d'heure que tu regardes un écran noir.

— J'ai une vitre espion. C'est pour ça.

Je n'ai pas de vitre espion.

— Tu me veux quoi ? je lui demande enfin.

— Rien. C'est elles qui m'ont demandé d'aller te voir pour confirmer.

C'est faux.

— C'est faux, ajoute-elle en expirant un vol. Même si je ne t'apprécie pas, tu me faisais de la peine à être tout seul.

Je tends le menton pour montrer ses affaires qu'elle se trimballe tel un porte manteau géant.

— Vous comptez aller où chargées comme vous êtes ?

Elle réajuste son sac... puis sa bouteille d'eau, un fruit entre son coude, son téléphone et d'autres bidules coincés entre ses doigts.

— On fait partie de l'équipe de foot féminin de l'école. Je suis remplaçante de l'entraîneur en ce moment. On va faire un match ce soir.

— C'est bien que les filles fasses du foot.

Bonjour, je m'appelle Marcel, 58 ans, je fréquente les PMU tous les soirs et joue à la pétanque avec les copains du quartier dès que ma femme ménopausée me casse les couilles.

Est-ce que je viens vraiment de dire ce que je pense ? Elle pince les lèvres mais son expression s'adoucit par un sourire.

— C'est bien qu'un mec fasse de la musique.

Je lève un pouce en l'air.

— Tu fais pitié, affirme-t-elle.

— Je sais.

Le bus s'arrête devant nous et ses portes mécaniques s'ouvrent. Les filles se pressent à l'entrée en cognant leur sac et en faisant claquer leur semelle de crampons sur le parquet. Louane rentre à son tour et me lance la pomme qu'elle avait en main. Je la rattrape avant qu'elle ne s'écrase sur la vitre derrière moi.

— J'avais les mains pleines.

Je n'ai pas le temps de lui répondre, ni de la renvoyer que le bus ferme ses portes et s'engage de nouveau sur la route. J'ajuste mes écouteurs et remonte jusqu'au bout de mon nez la fermeture de ma veste. Me voilà de nouveau seul. Toutefois, cette fois-ci, j'ai une pomme avec moi. Je ne sais pas si c'est mieux.

J'ai fais ce que j'ai pu, mais la météo m'a contraint à revenir plus tôt que prévu. A cause du froid, mes doigts s'étaient durcit jusqu'à ne plus se mouvoir sur mon clavier.

Mon téléphone affiche vingt-deux heures. Ça me parait être une heure honorable pour mon retour. J'espère que Tsumiki ne s'est pas mis trop à l'aise...

La porte n'est pas fermée à clé quand je rentre. Avec toute la précaution possible, je la referme derrière moi. J'enlève mes chaussures alors que j'entends des éclats de voix juvéniles dans le salon et une musique d'ambiance.

J'avance en priant de passer inaperçu jusqu'à atteindre ma chambre. Il ne manquerait plus que-

— Salut ! Hé, tu dois être Megumi !

Un frisson d'angoisse me paralyse, comme si un gigantesque faisceau lumineux s'était braqué sur mon dos alors que je m'évadais de prison. Ou que j'étais pris la main dans le sac lors d'un braquage. Ou toute image faisant illusion à un acte criminel. Pourtant, je suis simplement rentrer chez moi. En revanche l'homme qui s'avance, paume ouverte, et un parfait inconnu.

— Enchanté de rencontrer le fameux petit frère ! Je suis Kris.

Je lui sers la main pendant un temps anormalement long. Tout au fond du salon, assise sur le canapé, Tsukimi, en collant opaque et chemise blanche, me fait mine de déguerpir. Tout ça, sous une lumière diffuse et du Karen Matheson. Si on m'avait décrit la scène, je ne l'aurai pas crue possible.

— Hum, j'allais dans ma chambre. Ne faites pas attention à moi.

— Tu veux t'enfermer dans ta chambre alors qu'on est là ? Quelle tristesse. Pas vrai ?

Il se retourne vers Tsumiki qui affiche désormais une dentition parfaite.

— Il n'est pas très sociable. Il vaut mieux le laisser tranquille.

Kris me coince sous son bras. Il me secoue comme un prunier et au vu de ses muscles il ne doit pas se douter qu'il est en train de me faire une commotion cérébrale.

— Ça c'est un vrai problème quand on est un ado. J'étais comme toi. Mais une fois que tu rentres en étude supp, t'as plus le choix, t'es obligé de sortir de ton cocon. Viens, je vais te mettre à l'aise.

Kris me fait assoir en face de Tsumiki qui me dévisage avec un sourire figé dans la glace. Son joli gloss est toujours intact. Pour le moment, la soirée n'a pas porté ses fruits on dirait. Kris m'ouvre une bière qu'il place déjà sous ma main.

— Il ne boit pas, assène Tsumi.

— Laisse-le essayer.

— Je ne compte pas rester, j'affirme sentant l'ambiance se refroidir.

— Tu ne nous dérange pas, il m'assure. C'est notre quatrième date et on a déjà passé le stade des présentations. C'est cool que tu sois là.

On trinque et les yeux de ma soeur sont déjà en train de me lancer des éclairs.

— On m'a dis que tu adorais la musique.

Le gaz de la bière me fait monter des larmes aux coins des yeux. Je toussote avant de répondre.

— Je faisais de la guitare.

— Mon frère en faisait aussi avant d'aller à l'internat. Après ça, il a apprit à se concentrer sur l'essentiel. Tu comptes faire quoi après le lycée ?

Je réponds par un haussement de sourcil tout en tripotant l'étiquette de mon breuvage.

— Mis à part la musique, tu aimes quoi d'autre ? reformule Kris. Je te demande ça parce qu'il faudra bien que tu choissises un secteur...viable. La musique ça fait rêver mais peu réussissent, tu es conscient de ça ?

— Vous-enfin-tu fais quoi ?

— Je fais des études en marketing. C'est justement pour ça que je me permets de te poser des questions. Je peux t'orienter.

M'orienter droit vers un mur oui. J'aurai dû resté sous cet abris bus un peu plus longtemps maintenant que j'y pense. J'aurai même pu prendre ce bus et regarder un match de foot si j'avais été plus vif que ça.

— Je veux pas faire le rabat-joie, mais j'ai une solution pour toi. Pourquoi ne pas mettre l'énergie que tu consacrais à la musique...à la recherche de tes futures études ? Je ne te demandes pas d'accomplir des miracles. Tu fais quelques salons étudiants...un compte LinkedIn pour te mettre en relation avec des profils qui t'intéressent...Ça pourrait être un début intéressant, tu ne trouves pas ?

J'essuie le rebord de la bouche et refoule un rot. On continue de me regarder.

— C'est quoi la question ?

Kris rigole jusqu'à faire danser sa glotte au fond de sa gorge. Tsumiki est déjà en train de lever les yeux au ciel et de se verser un fond de vin rouge.

— Kris, coupe-t-elle en se grattant un sourcil, je te déconseille de le lancer sur ce sujet là. Tu risques d'être déçut de la tournure que ça va prendre.

— Megumi est un garçon intelligent, insiste-t-il, il est juste un peu perdu c'est normal.

Tsumi s'enfonce dans le canapé en ramenant ses jambes contre elle. Elle glisse un dernier "je t'ai prévenue" avant de se noyer dans son verre.

Il me raconte :

— Tu savais que Jim Morrison était un passionné de littérature ? Ça ne l'a pas empêché de faire de la musique au contraire. C'était un rebelle mais il était très cultivé par rapport au gens de son âge.

Le fantôme de Nobara prend possession de mon corps :

— Comment vous vous êtes rencontrés ?

— Appli de rencontre.

— C'est ringard, je pouffe en finissant ma bière.

— Tu trouves ? Et toi ? avance-t-il taquin. T'as quelqu'un ?

Tsumiki dépose son verre vide et me grille la priorité :

— Il avait une meuf mais ils ont rompu. Megumi n'a pas su choisir entre la musique et elle.

L'alcool dissout ma gêne en un rire nerveux. Je continue de sourire en ayant le seum. Drôle de concept.

— Il l'a ghosté pendant des semaines en préparation d'un concours de musique. La fille s'est sentie abandonné et Megumi n'a pas assumé. À juste titre.

— C'est vrai ça ? Mon gars, commence Kris en m'attrapant la nuque, t'es passionné mais faut savoir faire la part des choses.

— Le pire, c'est qu'il a raté son passage, finit-elle.

— Ferme-la.

— Hé parle mieux à ta sœur.

— C'est pas ma sœur.

Kris envoie un regard perplexe à Tsumiki.

— C'est la vérité, j'affirme. Mon père s'est remarié avec sa mère quand Tsumiki avait huit ans et moi six. On a rien en commun. Hormis de vivre sous le même toit.

Il pose sa bière vide à côté de la mienne sur la table basse.

— Je pense que t'es simplement un ado frustré et c'est compréhensible. Mais Tsumi n'a rien à voir là-dedans. Tu devrais lui montrer plus de respect.

— Arrête de me faire la morale, je commence sentant l'arrogance de la bière me donner de l'aplomb. Tu te crois supérieur parce que tu viens d'une école qui apprend à manipuler les gens. T'es juste ridicule.

Elle pouffe de rire et renchérit :

— Et toi t'es mieux, monsieur l'asocial ?

— Non, mais au moins je m'affiche pas.

— Ça suffit, tempère Kris d'une paix intérieure inébranlable en débouchant une autre bière. Ça ne sert a rien de s'énerver pour des histoires pareilles. C'est bien que tu t'exprimes, ajoute-t-il en levant sa boisson vers moi.

— Ah bon...? s'interroge Tsumi qui s'attendait à ce qu'il rejoigne son camp.

— Oui. Cependant je ne trouve pas que ce soit forcément très utile. Des gens deviennent astronaute, médecin, ingénieur pour changer la vie des gens. Ils veulent apporter un réel changement dans le monde. Et toi ? m'apostrophe-t-il, comment tu comptes contribuer à la société si ce que tu fais ne "sert" à rien ?

— C'est pas pour les autres que je fais ça, je réplique sans comprendre le détachement que j'ai à ne pas m'emporter contre ses paroles.

Je lui répond ce que j'ai appris :

— C'est juste que j'aime ça. Le reste... Ne m'intéresse pas.

— Ok, mais pourtant t'en fous pas une, s'interpose Tsumiki en descendant de son siège. Kris à raison d'un côté. Tu te dis passionné mais tu n'as rien fait pour aller dans ce sens. T'es pas crédible.

— C'est pas vrai.

J'écoute toujours ma musique. J'ai toujours de l'affection pour chacun des titres de mes playlist. J'apprécie toujours autant la guitare. C'est juste qu'aujourd'hui est un peu différent d'avant... Si ça a un sens.

— Ah oui ? raille-t-elle avec une voix qui trahit le nombre de verre qu'elle a ingurgité depuis le début de la soirée. A l'heure actuelle, tu n'as sortis aucun album et tu as failli te faire exclure du lycée. Pas terrible le palmarès pour une future star de la musique !

— Je fais toujours...des trucs... C'est juste que j'en parle pas...

Tsumiki râle en balayant ses cheveux d'une épaule à l'autre. Le regard lubrique de Kris sur sa poitrine dégagée ne passe pas inaperçu.

— Prouve moi que j'ai tort, articule-t-elle assise au niveau de la table basse tout en mettant ses coudes sur le verre. Dis-moi une seule chose que tu as fait. Vas-y je t'écoute.

Kris tourne sa tête vers moi. Derrière ses yeux, il doit préparer son debunkage pour ma prochaine réponse. Une petite pellicule de sueur se forme sous mon nez.

— Je gère un club de musique dans mon lycée, je lâche en essuyant la zone de ma moustache.

Son sourcil se lève, pour me signifier avec toute la parcimonie dont elle dispose, que c'est game over pour moi. Cela fait bien un moment que j'aurai du retourner dans ma chambre. Les signes étaient là. Je suis sur son territoire et il est temps que je m'en aille.

Avant qu'elle ne me m'affiche de nouveau, je prends les devants :

— Elle jouait à Roblox l'année dernière.

Elle recrache son vin dans son verre.

— Elle est pas sortie de sa chambre pendant deux semaines. Elle a finit sur les serveurs russes jusqu'à trouver un mec-

— Tais-toi !

— Ils ont parlé en anglais sur discord pendant un mois avant qu'elle ne rend compte qu'il avait quarante ans-

— C'est faux !

— Oh moins avant Tinder t'avais de la ressource pour trouver un mec-

Avant que je n'ai pu terminer, un coussin s'abat sur mon visage. Puis un deuxième, jusqu'à je renonce à finir ma phrase

— Pardon-pardon... C'est juste...hilarant...Il faut bien que Kris soit au courant. C'est quand même votre quatrième date...

Elle serre ses poings tout en exigeant longuement. L'excès de colère passé, elle m'ordonne avec une voix complesante :

— Dis Megumi, ça t'embêterait de débarrasser la table ? Tu dois avoir envie de retourner dans ta chambre n'est-ce pas ?

Ma présence n'a que trop duré. Je ne veux pas qu'elle m'enferme dans la chambre cette nuit en guise de représailles. Autant rester bon joueur et finir a l'amiable.

— Pas de soucis, j'annonce en prenant les bouteilles vides à la cuisine.

Les verres s'entrechoquent dans le lavabo. J'entends à peine leur conversation qui se poursuit dans le salon :

— J'ai aucun soucis avec les jeux vidéos, commencé Kris.

— Je voulais juste...essayer. C'est plus de mon âge.

J'ouvre le frigidaire et dispose les jus qui n'ont pas été touchés de la soirée.

— Je trouve simplement que c'est dommage de gaspiller son temps devant les écrans, abat-il de nouveau. Surtout que ça ne t'apporte pas de réelle gratification, je me trompe ? C'est un plaisir éphémère.

Il n'y a pas de suite. Quelqu'un évolue dans le salon. Au bout d'un moment, je distingue de nouveau Kris qui, l'air amusé, commente :

— Weezer... Ça fait longtemps que j'ai pas entendu un son de ce groupe. Me dis pas que tu écoutes toujours ça ?

J'imagine qu'il a dû fouiller dans nos vinyles entreposés dans un coin du salon. Ou bien tomber sur le mauvais morceau du téléphone de ma sœur. Le subterfuge de Karen Matheson à dû se dissiper depuis longtemps...

— De temps en temps, claque-t-elle.

— Ça date. Faudrait passer à autre chose.

— ... Ils ont quand même de bons classiques.

Il rigole. Moi, je me m'approche simplement au niveau de l'entrée de la cuisine. Pas plus loin.

— T'exagères, raille-t-il d'emblée. C'est de la musique commerciale. Il n'y a pas d'âme. C'est surfait, tu dois l'entendre quand même ?

— Et alors ? C'est pas mal.

— Tsumi, tu peux mieux faire quand même. Roblox...et maintenant ça ? Tes goûts sont assez spéciaux. Je ne juge pas, attention.

Outch. Ça sent pas bon.

— Tu sais quoi, amorce-t-elle d'un ton plus sensuel, je suis contente d'avoir passé ce date avec toi....

— Moi aussi... Même si j'aurai préféré découvrir d'autres surprises au lieu de ton passé de gameuse...

— Je suis surtout contente parce que ce date était le dernier.

Un blouson est lancé sur Kris.

— Attends, Tsumi, t'es pas sérieuse ? Je pensais que tu étais plus mature que ça-

Des balbutiements confus se recouvrent les uns par dessus des autres sans qu'on en comprennent le sens. Des mots sont jetés et des confessions avouées. A vrai dire, j'aurais bien voulu ne pas les entendre. Mais le spectacle est a la hauteur de sa conclusion. La porte d'entrée est déjà grande ouverte.

— Jouer à Roblox à été la meilleure période de ma vie ! s'écrit-t-elle depuis l'intérieur. Et n'insulte plus jamais Weezer !

Une fois la porte fermée à clé, le silence retombe comme une plume sur le sol. Je reviens dans le salon pour récupérer les verres vides, l'air de rien.

— RHAAAAA ! Les mecs j'en peux plus.

Elle attrape son téléphone en cherchant quelque chose, sans être satisfaite. Elle râle de nouveau et finit par me le mettre en main.

— J'ai plus la force, me confit-elle alors que j'ai les mains pleine. Choisis ce qu'il te plaît. Va falloir tout ranger maintenant... Motive-nous.

— Ok...

Je parcoure son répertoire d'un doigt sur l'écran. Quand j'active RaditudeCan't Stop Partying se lance. Tsumiki attrape son balais et m'interrompt déjà :

— T'es timide maintenant ?...Mets plus fort !

Tsumiki est bien ma soeur. Il n'y a pas de doute la dessus. Ce que j'ai compris grâce à la musique ; les losers se retrouvent toujours.

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