Retrieve Bass
Avant que la première sonnerie de la journée ne s'enclenche, je suis dans les couloirs du lycée. A l'intérieur, l'odeur aseptisée me conduit devant une porte que j'ai traversé un nombre incalculable de fois depuis l'année dernière.
— Mon petit Hendrix ! s'émoit Gojo quand je pénètre dans son bureau. Que me veux-tu de bonne heure ?
Son bureau, d'une propreté trompeuse, cache tout un tas d'objets inutiles. Une agrafeuse cassée. Une tasse avec un fond de café froid. Des bouteilles vides. Des dossiers obsolètes.
— C'était pour savoir...ce que vous attendiez de moi pour le club de musique.
Ses yeux s'arrondissent et je l'arrête avant qu'il ne soit trop tard :
— Oui j'ai accepté de mon plein gré. Oui vous pouvez compter sur moi.
— Oh évidemment, réplique-t-il les mains levés. Sache que je suis heureux que tu ais pris cette décision... Tu tombes à pique !
Installé dans son fauteuil à roulette il me gratifie d'un sourire énigmatique. Pour toute réponse, son bras s'allonge vers moi. Une petite affiche se relève entre son index et son pouce.
Il penche sa tête pour accrocher mon regard.
— Tu penses que c'est dans tes capacités ?
Je récupère l'exemplaire en considérant la proposition devant mes yeux. Puis, en estimant le temps mis à disposition. Moins d'un mois. Trois semaines.
— C'est comme si c'était déjà fait.
♭
En fin de la semaine, je regrettais déjà mon choix.
Nobara, Yuji, une fille aux lunettes et un garçon dissimulé sous des vêtements amples apparaissent l'un après l'autre dans la salle de répétition où s'était aménagé tout le matériel musical nécessaire. Une fois les manteaux et sac déposés au dos des chaises, les yeux s'étaient naturellement posés vers moi, tel des micros tournés vers leur interlocuteur. Ca y est, c'est à mon tour. Je me retiens de mettre mes mains dans mes poches quand j'annonce :
— Bonjour à tous. Je m'appelle Megumi Fushiguro. À partir d'aujourd'hui, je serai votre nouveau professeur de musique.
J'oublie l'essentiel. Du moins, ce que Gojo m'avait vivement demandé à intégrer dans ma prise de parole. L'engagement personnel.
— J'espère...qu'on arrivera à produire quelque chose dont nous serons tous fier. Je suis vraiment...content d'être ici.
— Détends-toi c'est pas noté ! ajoute Nobara.
Je sourie jusqu'à m'en faire mal aux joues :
— On va faire un rapide tour de table si vous le sentez. Présentez-vous rapidement, ce qui vous a emmené à vous inscrire ici et quels instruments vous pratiquez. Moi, je joue de la guitare. Je me débrouille au piano aussi. On va dire que je suis ici grâce à un accord avec mon prof principal. Toutefois, je suis fan de musique alors j'espère être utile pour vous faire progresser. Qui...veut prendre la suite ?
Au fond de la salle, une jeune femme aux cheveux noir irisé lève la main. À côté d'elle se trouve un homme au cheveux décoloré qui n'a pas détaché son regard de son téléphone.
— Je suis Maki Zenin. Je faisais partie du club informatique l'an dernier avec Inumaki, explique-t-elle en introduisant son collègue. Actuellement, je suis inscrite en IEF donc c'est pour ça que vous ne me voyez plus au lycée. Je suis pasionnée par la musique et j'inspire à devenir ingé son. Je peux aider côté technique pendant des presta' sur scène ou autre. Sinon, si besoin, je fais un peu de piano à côté.
— C'est quoi l'IEF ? demande Nobara en se tournant vers elle.
— Instruction à domicile. Je suis des cours depuis chez moi.
— T'es déscolarisée quoi.
Yuji, embarrassé, se gratte le sourcil tout en jouant des coudes avec Nobara.
— Je suis le même programme scolaire que vous, réitère Maki avec légèreté, sauf que je le fais depuis ma maison. Et avant que vous vous imaginiez des choses concernant ma situation...non, je n'ai pas fais de décrochage scolaire ou eut des problèmes de harcèlement. C'est juste que ma famille est assez atypique - pour ne pas dire conservatrice.
— Chelou.
— Et encore, tu n'as pas vu mes cousins, appuit-t-elle avec un clin d'oeil.
Nobara se tasse dans sa chaise sans donner suite.
— Inumaki lui est un pro des lumières, continue son amie. Si vous voulez une scéno' sympa c'est l'homme qu'il vous faut. Il se débrouille à la basse, ça pourrait être utile !
Pour toute confirmation, ce dernier hoche la tête tout en continuant de pianoter sur son écran.
— Côté communication, ça peut être plus délicat. Inu est fan de jeux vidéos et ça lui prend la plupart de son temps libre. On peut vous ajouter à un serveur pour faciliter les échanges dans le groupe.
— Très bonne idée. Je vous laisse vous en charger.
Inumaki lève un pouce en l'air. Pas plus. Soit, si c'est sa façon de procéder, ça me convient.
— Je m'appelle Yuji Itadori, amorce-t-on. J'adore le sport et écouter de la musique. Je joue un peu de tout. Batterie. Basse. Guitare. Synthé. J'ai essayé de la trompette. Le violon, je suis moins doué par contre. Eum, ce qui m'a emmené ici et bien je dirai...que c'est...
Il fixe le mur pendant quelques secondes jusqu'à que cela en devienne trop long. L'inspiration n'est pas au rendez-vous. J'en demandais pas autant. Nobara embraie avec tonus :
— Je m'appelle Nobara Kugisaki. Trois mot pour me décrire ? Belle, dynamique et intelligente. Moi, mon truc c'est le chant. J'ai fais un peu de comédie musicale au collège. A côté, j'aime l'athlétisme. On peut dire que je suis polyvalente, conclut-elle.
— Bien..., je poursuis. Merci d'avoir joué le jeu. On a toutes sorte de profil. C'est intéressant. Justement...
Sur ce, je déploie sous leur nez l'affiche remise par Gojo.
— Le lycée organise ses portes ouvertes dans un mois. Ce sera l'occasion de présenter les différents clubs... et de faire une petite prestation de notre côté. On aura tout juste le temps de monter un groupe afin de tenir un concert au vu du jour-J.
— Quoi ?! s'exclame Yuji. Trop stylé !
— Attends, déjà ? relève la rouquine à côté.
— Bah alors on se dégonfle ? chantonne Maki au fond.
Nobara fait un demi-tour sur sa chaise pour maintenir son point :
— Je trouve que c'est un peu trop précipité pour commencer. Surtout qu'il s'agit de notre première séance, on ne connait même pas le style de chacun. Si ça se trouve, il en y a certain qui n'ont pas le niveau.
— Tu as quelqu'un en tête ?
— Non mais on peut se poser la question.
Je leur propose alors :
— Réglons ça de suite.
Nobara se retourne vers moi aussi rapidement qu'une poupée à ressort.
— Pardon ?
— Tu as raison. Chacun va faire une petite démo de ses capacités. On avisera en fonction.
Maki se lève déjà vers les instruments.
— Je vais brancher les enceintes.
Même Inumaki à délaissé son téléphone pour aider l'installation provisoire. Puis, quelques minutes suivantes, les musiciens sont déjà positionné devant leur instrument de prédilection.
Une fois le tabouret remonté à bonne hauteur, Maki fait craquer ses doigts.
— Je vous préviens. C'est un vieux morceau que je jouais quand j'avais quinze ans. C'est le seul que je connaisse par coeur.
— Pas de problème. On t'écoute.
Ses doigts s'allongent sur les touches et se déplacent en les frôlant à peine. La mélodie se déploie dans la pièce et s'enroule telle une écharpe de laine autour de nos oreilles. Douce et sereine. La fin arrive de manière abrupte et tout le monde se regarde sans comprendre.
— Désolée. C'est tout ce dont je me souviens.
— Pas de soucis. C'est du Queen ?
— Tu as reconnu le morceau ? fait-elle en agrandissant ses yeux.
Je me frotte les lèvres. En revanche, impossible de me souvenir du nom du titre...
— Spread your wings ! explose Yuji derrière.
— Bingo, lance Maki.
Elle lève la main et Yuji la frappe avec enthousiasme. Je prends quelques notes sur un carnet quant à sa prestation tandis que Yuji et le décoloré se mettent en place.
— Vous allez jouer ensemble ? relève Nobara avant que je n'en fasse la remarque.
— Oui. Je me suis dis que j'allais accompagner Inumaki à la batterie. J'improviserai, fait-il en faisant rouler ses baguettes entre ses doigts en attendant que son partenaire accorde la basse.
Comme il veut, mais c'est se rajouter de la complexité - en tout cas pour une démonstration. Jouer à deux, s'est se heurter à la personnalité de l'autre. Il est difficile d'arriver au résultat voulut, bien qu'on semble jouer le "même" morceaux. Toutefois, Yuji à l'air sûr de lui.
— Et 1 ! ...1, 2, 3 !
Les cordes vrombissent et les caisses résonnent à l'unisson. L'harmonie réveille un rouleau qui se forme au large. Mon estomac se compresse sous leur vibration.
Ça y va fort.
La coordination de Yuji m'intrigue un moment. Il frappe les cymbales et enchaîne avec un Charleston maîtrisé. Il n'a pas l'air d'avoir de main dominante ou même un instant de doute dans sa compo. Tout semble recouvert par une confiance régulière en chacun de ses gestes. La difficulté se dissout en une simplicité trompeuse.
Pas mal.
Grâce aux prouesses de Yuji, l'expressivité d'Inumaki jaillit sous toutes ses formes. La plus petite pause, la plus courte note, toutes les maladresses se transforment en quelque chose de plus fort et d'aboutit. D'abord une simple vague, leur performance commune évolue en un véritable tsunami, qui grandit à chaque accord, prêt à engloutir ceux d'en bas.
Quand la musique se dissout enfin, ses remous semblent encore flotter à la surface. J'ai l'impression d'être toujours dans leur rouleau, happé par la puissance de leur démo.
— C'est très bon. Vous êtes tous...très doués.
Je ne sais même pas quoi écrire pour ma prise de note personnelle. Mon stylo tremble encore entre mes doigts.
— Et Nobara ? glisse Maki une main sur la hanche. À ton tour. Tu nous pousses la chansonnette ?
Elle s'éclaircit sa gorge en appuyant sur celle-ci :
— Il faut que je m'échauffe la voix avant. Ça risque de vous faire perdre votre temps.
— Ça, ça sent l'excuse à plein nez.
Nobara et Maki se chamaillent un moment mais je suis préoccupé a poser les mots adéquats pour décrire ce que je viens d'entendre. Je ne perçois même pas la sonnerie finale qui résonne dans tout le lycée. Quand mon debrief est écrit, Maki et Nobara sont toujours au même stade :
— Et puis, je ne chante pas sans micro. Ma voix risque d'être déformée.
— On peut t'en trouver un c'est pas un problème. Dis plutôt que tu as la trouille de chanter devant nous, roucoule celle aux cheveux noirs.
— Ça n'a rien à voir, rétorque son interlocutrice, tu ne peux pas comprendre. Je fais attention à ma mise en scène moi. Ça s'appelle être perfectionniste !
— Ça s'appelle être casse-pied tu veux dire !
— Ouais - bon - en attendant, on a pas pu écouter Megumi non plus, bougonne Yuji. Je voulais voir le niveau du petit prodige moi !
Je jette un coup d'oeil à l'heure sur mon téléphone et en même temps, je remarque une notification concernant mon ajout dans un groupe.
— Tant pis on rattrapera ça une autre fois, je leur explique. Grâce au groupe créé par Maki et Inumaki, on pourra s'envoyer des informations au fur et à mesure des séances. D'ici là, je vous ferais parvenir une première sélection de titre qui pourrait convenir pour notre prestation finale.
— Nickel ! s'écrit Yuji.
— Ça me va ! entonne Maki.
— Hum, confirme Inumaki derrière son sweat.
Un dernier point retient mon attention. Le pointe de mon stylo rebondit sur mon carnet quand j'harponne :
— Il faut que j'entende ta voix Nobara. Tu es la seule du groupe qui puisse chanter alors le choix du morceau dépend grandement de ton style vocal.
— Je peux t'envoyer une démo si ça peut t'aider.
Je secoue la tête alors que les autres commencent à débarrasser leur affaires.
— Le mieux serait que je t'entende en vrai. Si tu es du genre à chanter en cachette, on peut s'arranger. Ou si tu penses que tu as des faiblesses dans ta voix, ça se corrige-
Elle souffle du nez comme si mon intervention l'avait vexée.
— Tu me prends pour qui ? N'écoute pas Maki. Je sais chanter, articule-t-elle à qui veut l'entendre, et je n'ai pas de raison d'avoir peur à l'idée que quelqu'un m'entende.
— Alors... il y a un moment où on pourrait se voir avant la prochaine séance ? Histoire qu'on gagne du temps sur nos prochaines répétitions.
Elle attrape sa veste et son sac quand elle remarque que Yuji est au niveau de la sortie Difficile d'ignorer son roulement des yeux quand elle remarque qu'ils rigolent tous ensemble.
— Noba faut que tu vois ça ! l'interpelle Yuji. Inu a une vidéo de Maki en train de mixer pendant une soirée déguisée ! Ça déchire !
Feignant d'être en grande discussion, Nobara préfère fixer son attention sur moi :
— Quand tu veux, achève-t-elle. J'y serai.
— Lundi prochain ? Après les cours ?
Elle sourit et ses yeux se plissent à peine.
— Parfait, ça me va. Compte sur moi.
♭
La semaine suivante, j'ai une réunion regroupant les différents représentants des clubs du lycée pour un premier debrief concernant les portes ouvertes.
Je tors mon carnet entre mes mains en attendant dans la salle de réunion habituellement réservée aux professeurs.
Un à un, les présidents des clubs d'échec, de lecture et de robotique arrivent comme une même masse. J'imagine qu'ils doivent tous déjà se connaître. Les gens sont trop polis pour m'esquiver mais personne ne tente de m'aborder non plus. J'ai le droit à des sourires confus quand, par inadvertance, nos regards se croisent.
J'ai dû prendre sur moi pour délaisser mon casque pour cette heure-ci. Mais l'envie est trop grande tant je sens le fossé entre moi et les autres. On ne partage rien en commun. Je n'ai pas d'affinité particulière avec aucun d'entre eux.
Puis, les représentants des associations sportives arrivent. Athlétisme. Basket. Handball. Volleyball. Football.
— C'est toi Megumi Fushiguro ?
Un homme longiligne arrive et me surplombe de toute sa hauteur. Pendant un instant, je jurerais l'avoir déjà vu quelque part.
— Je sais que tu ne me connait pas, mais moi je sais qui tu es, affirme-t-il la voix houleuse. Tu avais aggressé mon frère il y a un mois à la cantine.
Mmh. Ça me dit quelque chose. C'est vrai qu'ils se ressemblent bien tous les deux.
— C'est une honte que le lycée permette à une raclure de ton genre de rester dans le lycée - et de gérer un club en plus !
Quelques élèves dispersés dans la pièce se retournent vers nous.
C'est pile ce qu'il me fallait : me faire remarquer devant tout le monde. Déjà qu'on me regarde de travers, il faut aussi que j'assiste à mon procès en place publique. A qui la faute ?
— Tu n'as rien à dire pour ta défense ?! Tu ne regrettes pas ton geste ?!
— Évite de crier, ça me fait mal au crâne.
Pris par une impulsion héroïque, il m'attrape par le col et froisse mon tissus dans son poing. Ses sourcils se froncent alors que mon visage n'a pas changé d'expression. C'est bien ce détail qui l'énerve davantage :
— T'as humilié mon frère devant tout le monde et qu'est-ce qui m'empêcherait de faire pareil hein ?! On va voir si tu vas rester aussi nonchalant après...
— Tu t'attends à des excuses ? Désolé, mais ton frère était trop con. Il m'a fait porté le chapeau pour avoir déclenché l'alarme incendie alors qu'il avait fumé dans les toilettes.
— Tu mens ! Je vais te-
— Calmez-vous, s'interpose alors une fille aidé d'un autre élève.
— Lâchez moi ! persiste-t-il alors qu'on le maîtrise juste sous mon nez. On vous a rien demandé !
Je reconnais bien vite la tresse puis le visage de Louane, l'amie de Nobara, qui se dresse devant le visage de mon détracteur. Elle enchaîne :
— C'est pas le moment pour régler ses comptes. Les profs vont pas tarder à arriver. Tu veux pas qu'on te colle un avertissement j'imagine ?
— C'est bon, rage-t-il en rejetant les bras de celui qui l'avait écarté. Je ne compte pas m'abaisser à son niveau. De toute façon, grogne-t-il dans ma direction, c'est qu'une question de temps avant qu'on l'expulse de nouveau...
Il part en gonflant ses épaules vers l'autre bout de la salle. Je soigne les plis de mon col devenu tout froissé en me disant que je ne connais même pas son prénom.
— Merci, je lance à l'attention de Louane.
— Ne me remercie pas. Je ne l'ai pas fait pour toi. J'aimerais bien... qu'on évite de perturber la paix entre les clubs. Tu comprends ? insiste-t-elle comme si j'étais incapable de saisir cet objectif.
— Ce n'est pas mon but.
Elle tourne déjà la tête ailleurs. Un premier prof arrive suivit du CPE du lycée.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? me demande-t-elle.
— J'ai accepté la proposition de Gojo. Je gère le club de musique désormais.
— Pour de vrai ?
Il n'en faut pas plus pour comprendre que c'est une réelle nouvelle pour elle. A voir si c'est une bonne ou mauvaise idée à ses yeux. J'avais zappé qu'elle était entraîneur provisoire du club de foot féminin. A ce titre, qu'elle était aussi impliquée à l'organisation des animations durant les portes ouvertes.
— Oui. Pour de vrai...
— Si tu comptes rester parmis nous, essaie de te faire des amis, me conseille-t-elle avec toute la bienveillance possible. Ça faciliterait les échanges ici - si ce n'est pas trop te demander.
— Alors là t'abuses.
Elle pince ses lèvres, pas sûre d'avoir compris la DA derrière ma réponse.
— Oui. Enfin, moi ça ne me dérangerait pas, je reformule enfin. Faudrait voir ça avec les autres - qu'ils ne pensent pas aussi que je suis une bête assoiffée de sang.
— Louane ! s'écrit-on. On a besoin de toi pour le PDF. On arrive pas à l'envoyer au prof.
— Oui j'arrive. Excuse-moi, me glisse-t-elle avant de retourner avec les membres de son club.
— Yes vas-y.
Et voilà de nouveau le boloss originel en action. Pas le temps pour créé de nouvelles affinités - comme si j'allais accomplir des miracles en deux minutes - que le corps administratif présente le déroulement de la séance.
Lumière éteinte, le projecteur s'allume et affiche les slides explicatives. Chaque club envoiera d'ici la fin de la semaine son programme qui devra être validé par la direction. De possibles ajustements seront à prendre en compte avant les préparatifs et l'installation le jour-J. Rien de nouveau en perspective.
Je pique du nez quand on passe les trois quart heure de présentation. Enfin, une sonnerie stridente parvient à me sortir de mon rêve.
— Megumi...
J'ai tout juste le temps d'essuyer la bave au coin de la bouche avant de comprendre que les élèves commencent déjà à partir. Louane est devant mes yeux, mais la pièce est toujours aussi sombre que je devine à peine sa silhouette quand elle se penche vers moi.
— On compte tous se réunir pour parler un peu de nos premières idées. Tu es libre après les cours ?
Je me frotte le visage avec les deux mains pour me réveiller. Ça pourrait être une bonne idée. Je pourrais me familiariser avec tout le monde - même si je sais qu'il y en a un en particulier qui ne sera pas content. Après tout, c'est bien l'occasion de connaître mes futurs collègues... Enfin, c'est avant que je réalise mon erreur.
— Non. Je dois voir Nobara aujourd'hui.
Les lumières s'allument au même moment. Louane se redresse tout en remettant de la distance, comme si elle avait été trop exposée d'un coup.
— Nobara ?
— On s'est arrangé pour qu'elle me fasse une démonstration de chant pour la JPO. Il faut qu'on arrive à trouver le meilleur morceau pour le groupe. J'ai besoin de savoir comment elle chante.
Louane émet un petit rire amer tout en ramassant ses affaires.
— Tu l'as connais mieux que moi, j'embraie. Est-ce... Tu sais si elle est capable d'assumer ce rôle ?
A vrai dire, je n'avais pas de doutes particuliers concernant les capacités de Nobara. C'est juste que les réflexions de Maki et les réactions de la rouquine m'ont conduit à me poser des questions. C'est normal d'avoir des appréhensions à l'idée de performer devant du public. Il faut juste que je m'assure quels problèmes peuvent subvenir dans ce cas de figure. Est-ce du stress ? De l'anxiété ?
— Tu poses la question à la mauvaise personne. Je n'y connais rien en musique. J'ai toujours dis qu'elle avait mieux sa place dans un club de sport.
— Je veux dire... En tant qu'amie, tu verrais Nobara monter sur scène ?
— Bien sûr. Elle est faite pour ça, assure-t-elle même si l'inverse m'aurait surpris. C'est juste que...
Elle deploie son écharpe autour de ses épaules avant de trouver une bonne conclusion :
— S'il y a des gens qu'elle considère plus doué qu'elle...il se pourrait qu'elle ait du mal à s'exprimer comme elle le souhaite. Ce qui la conduirait à... abandonner avant d'avoir essayer. Tu saisis ?
— Je pensais qu'elle avait confiance en elle - c'est ce qu'elle crie sur tout les toits en tout cas.
Louane hausse les épaules avant de jeter son sac sur son épaule.
— C'est pour ça que je la connais mieux que toi. Tu as eu de ses nouvelles pour ce soir d'ailleurs ?
Mon téléphone n'affiche pas de nouvelles notifications. Nous avions été clair pour notre rendez-vous ce lundi. Je n'ai pas trouvé utile de la spammer de rappel.
— Il y a de grandes chances qu'elle se désiste au fur et à mesure, affirme Louane. Tu ne te rendras pas compte au premier abord. Elle est assez douée pour maintenir les apparences. Il faut que tu trouves un moyen pour qu'elle regagne confiance en elle et qu'elle puisse te faire confiance.
— Je n'ai pas que ça à faire. Surtout avec le temps dont je dispose. Ce que je veux dire, je réitère avec plus discernement, c'est que si elle s'est inscrite à ce club, c'est pour jouer devant d'autres personnes. Elle devrait l'avoir compris.
— On est pas tous comme toi...
Ça me semble évident, mais l'objectif ultime du club est de se produire sur scène. Je veux bien comprendre que certains combattent leur timidité où leur manque de confiance en soi, ça arrive. Mais chacun doit assumer sa position au sein du groupe. Si elle a des difficultés, il faut qu'elle s'en occupe de son côté pour ne pas ralentir la progression des autres.
— Mets-toi à sa place. Chacun a ses raisons de s’inscrire à ce club, ça ne veut pas dire qu’on doit tous vouloir la même chose.
Dans le cas extrême, un concert sans chanteuse risque de décevoir pas mal de monde, moi le premier mais surtout Nobara...
— Je vais voir ce que je peux faire pour elle.
...et je ne veux pas que cela arrive.