Le Revers de L'Infini - Tome 1 : Découverte

Chapitre 12 : Néant d’Ebène

2577 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/10/2025 20:09

Aya sent ses jambes trembler. Ses doigts crispés sur son livre, elle fixe l’obscurité d’où suinte une présence qui dépasse tout ce qu’elle a connu.

— C’est… c’est quoi ?

Sho se place devant les filles. Son fouet glisse entre ses doigts tendus, ses yeux plissés de tension. Rin le rejoint, lance levée, regard en alerte.

— Reculez, ordonne Nanami. Ce n’est pas un rang 2… ni même un rang 1. C’est un fléau semi-intelligent. Et puissant.

Aya reste figée, les pupilles dilatées. Une pensée fend le silence dans sa tête.

{Cindy…}

— On peut le battre ? demande Sho à voix basse.

— Je… je peux essayer de l’affaiblir, souffle Aya, tremblante.

— Si tu veux le faire, c’est maintenant, lui lance Sho. On est dans la merde, mais t’as pas intérêt à paniquer.

Nanami garde un calme glacé.

— Restez groupés. Sho, garde ta distance. Rin, éclaire large. Aya, maîtrise-toi. Si je vous dis de courir… courez.

Dans le silence absolu qui suit, même les néons cessent de grésiller. L’air devient plus lourd, presque vivant.

Une voix flotte depuis l’obscurité. Mélodieuse. Déformée. Un murmure d’outre-monde.

— Tant de peur… et pourtant… tant de lumière…

Des ombres glissent le long des murs, sans aucune source. La lampe de Rin vacille. Sho sent son fouet vibrer, et Cindy, en Aya, frémit.

— C’est quoi cette merde… murmure Rin.

— C’est trop fort, souffle Aya. Comme s’il… touchait mon pouvoir de l’intérieur…

Nanami ajuste ses lunettes.

— Contact visuel dans trois…

Un reflet dans la lumière révèle une silhouette mince, féminine, entourée de bandelettes flottantes. Son masque blanc fissuré sourit d’un air figé.

Aya tremble. {Sois prête, Cindy…}

Sho se place instinctivement devant elle.

— Raku’en… murmure Nanami, sûr de lui.

Il active une balise d’urgence.

— Gojo. Intervention classe S. Métro désaffecté, Tokyo Sud. Urgent.

À Aya :

— Pas encore. Ce n’est pas un exercice. Tu agiras quand je te le dirai.

Rin lève sa lance, déterminée.

— T’as rien à prouver, Aya. On gère, tu frappes quand c’est le bon moment.

La silhouette s’avance. Les bandelettes effleurent le sol. Le masque fissuré brille d’un éclat sinistre.

— Enfin… des proies fraîches.

Elle incline la tête, ses yeux rouges flamboyants surgissant de l’ombre.

— Je ne suis pas ici pour jouer. Mais montrez-moi votre valeur…

Une pression terrible s’abat. Rin garde sa lance levée.

— Tu parles trop. T’approche encore, et je te perce !

Sho se fige. Rin, solide, ne cille pas.

Nanami lève un bras, voix tranchante :

— Reculez. Toi, fléau… approche un seul des élèves, et je te découpe.

Raku rit. Un rire déformé, grinçant, presque enfantin.

— Je ne suis pas ici pour eux… pas encore. Mais cette petite-là… elle m’appelle.

Son regard perce Aya qui se crispe, tremble, secoue la tête pour empêcher Cindy de sortir.

Sho s’interpose.

— Tu la touches pas.

Nanami se dresse, imposant.

— Sho, ne la provoque pas. Restez prêts…

Raku s’approche. L’air devient poisseux.

— Si je recule… brillera-t-elle toujours, votre petite lumière ?

Aya recule, paniquée.

Puis un claquement sec. Une lumière bleutée fend les ténèbres.

Un éclair bleuté fend soudain les ténèbres. Une onde d’énergie claque dans l’air, puis...

Gojo Satoru apparaît sans prévenir, planté au milieu du tunnel calciné, lunettes noires sur le nez, l’air aussi concerné qu’un touriste perdu dans une boutique de souvenirs.

Il mâche distraitement une perle de tapioca, un bubble tea géant en main, coiffé d’un parapluie rose ridicule planté dans le gobelet. Sa silhouette désinvolte est baignée de lumière, un contraste saisissant avec l’obscurité morbide du tunnel.

— Yo ! C’est ici la fête ?

Un sourire en coin étire ses lèvres tandis qu’il fixe la silhouette drapée de bandelettes.

— Sympa le masque. C’est vintage, ou tu l’as fait toi-même ?

Puis, nonchalant, il lève la main et lui adresse un salut vague, comme s’il croisait une connaissance dans une supérette. Sa paume tourne lentement dans l’air, tranquille, décontractée.

Sho écarquille les yeux. Rin claque presque de la langue, entre agacement et soulagement.

— Sérieux... il lui fait coucou, maintenant ?

Nanami pousse un soupir lent.

— Il est irrécupérable.

Gojo n’en a cure. Il prend une grande gorgée de son bubble tea avec un bruit atroce, puis pointe distraitement du pouce les élèves derrière lui.

— J’étais juste en train de boire tranquille, et là, paf ! Je reçois une alerte dramatique de Kento. “Classe S. Métro. Urgent.” Tu parles d’une ambiance...

Il secoue doucement la tête.

— Bon... Qui veut voir un tour de magie ?

Son sourire s’élargit légèrement, comme s’il savourait déjà sa propre entrée en scène.

Mais dans la pénombre grondante, l’atmosphère ne pardonne pas. Raku, silhouette noire aux bandelettes frémissantes, incline à peine la tête. Son masque fissuré reste figé dans un sourire insondable, mais une vibration maudite perce l’air.

Tu penses vraiment qu’un bubble tea suffira à calmer ce chaos ? souffle-t-elle, voix rauque, comme traînée sur des lames.

Gojo hausse les épaules, l’air toujours léger, puis se tourne vers Aya sans perdre sa désinvolture.

Aya, fais-toi plaisir. Montre-leur ce que t’as dans le ventre.

Ces mots, simples, résonnent dans la poitrine de la jeune fille comme un détonateur. Elle ferme les yeux. Une onde glacée remonte le long de sa colonne, ses doigts se contractent sur son livre. À l’intérieur d’elle, Cindy trépigne. Prête. Sauvage.

Aya relâche le barrage.

Dans sa tête, l'image de Cindy jaillit en silence, silhouette spectrale, concentrée. Elle s’élève derrière Raku, bras tendu, et dans un mouvement sec, déclenche une tempête de coups invisibles. L’espace autour du fléau se lacère de centaines de lames spirituelles. Raku est tranchée, sectionnée, pulvérisée en cubes mouvants.

Sho, Rin, même Nanami, retiennent leur souffle. 

Un ricanement déformé brise le silence.

Ça chatouille.

Raku se tient là, les coupures disparaissent instantanément. Son masque tressaille.

Bien essayé… tu m’intéresses…

Elle fait un pas en avant. Aya rouvre les yeux, horrifiée. Son souffle est court, ses jambes flanchent. Elle chancelle, les doigts blancs à force de serrer son livre.

— Ça n’a… servi à rien…

Gojo, toujours adossé au mur, termine calmement son bubble tea avant de jeter le gobelet vide dans un coin.

— T’as fait ton taf, Aya. Mais là, tu joues dans la cour des grandes. Elle est pas du genre à tomber si facilement. Et toi… t’es déjà à court d’énergie maudite, non ?

Raku rit à nouveau, grinçante comme une lame tordue.

Intéressante… très intéressante… Tu seras bientôt mienne… ta lumière sera mienne…

 Elle tend les bras.

Extension du territoire : Néant d’Ébène.

L’air se déforme.

Une marée noire se répand depuis ses pieds, engloutissant les murs, le sol, les lumières. L’univers devient encre. Des ombres rampantes, des formes distordues. Des mains surgissent du sol comme dans un cauchemar. Des yeux s’ouvrent, partout.

— Bienvenue dans mon domaine… Lieu où toutes vos peurs vous submergent… annonce Raku avec un sourire cruel. 

Aya pousse un cri bref, recule de deux pas, tétanisée.

— C’est son territoire, dit Nanami, impassible. Elle a enfermé l’espace. Son monde, ses règles. Restez groupés. Chaque geste peut être fatal ici.

Sho et Rin se placent immédiatement devant Aya.

— Reste derrière moi, murmure Sho.

— Dans tes rêves, la momie, crache Rin, tu n’auras pas notre pote !

Gojo s’avance calmement. Ses pas traversent les ombres sans difficultés.

— Beaucoup de spectacle, murmure-t-il. Pas beaucoup de tranchant.

Il retire ses lunettes d’un geste lent. Ses yeux, d’un bleu infini, capturent le néant.

— Tu veux jouer au territoire ? Très bien. Dans un domaine… Le roi c’est moi.

Son aura explose brièvement. Une onde repousse les ténèbres.

Raku ricane et grince : 

–-Essaie d’esquiver ça Gojo Satoru ! Sur ces mots, elle lance une attaque avec ses bandelettes affûtées comme des sabres. Mais ces dernières s’écrasent contre une barrière invisible.

— Infini Raku, souffle-t-il. Tu l’avais oublié ?

Puis, sans même hausser la voix, il croise ses doigts devant lui :

Extension du territoire… Sphère de l’Espace Infini.

Le monde bascule.

Autour d’eux, le tunnel s’étire à perte de vue, chaque atome se multipliant. Le sol, les murs, l’air deviennent données infinies. Une éternité dans une seconde.

Les élèves et Nanami, pourtant au cœur du domaine, ne ressentent aucun mal. Gojo les a inclus en érigeant un voile de protection autour d’eux. Aucun dégât, aucune surcharge sensorielle. Juste la sensation d’être hors du temps, hors du danger.

Bienvenue dans l’infini, les enfants, dit-il avec un clin d’œil.

Nanami, bras croisés, lâche sans sourciller :

— Arrête de frimer. Fini le boulot Satoru !

Gojo esquisse un sourire plus sérieux.

— Tss. Toujours aussi sévère et rabat-joie, Kento…

Il tend lentement la main vers Raku, comme pour éteindre une chandelle.

— Rideau pour toi Raku...

Mais Raku ne tombe pas, elle se débat encore. Une lueur sombre perce son masque. Un éclat de rage. D’instinct de survie.

Elle se transperce elle-même avec ses bandelettes, un cercle d’énergie distordue se formant autour d’elle.

Tu crois… que c’est fini ?

Une explosion distord la sphère. Gojo plisse les yeux.

— …Un sacrifice ?!

Raku s’arrache littéralement de l’espace infini. Une faille noire s’ouvre. Sa silhouette déchirée, presque floue, s’échappe à travers la brèche.

À bientôt… petite Aya…

Aya se fige, le souffle coupé. Sa gorge se serre.

Le domaine se dissipe d’un souffle. Le métro désaffecté reprend sa forme brûlée, calcinée. Nanami observe la direction de fuite du fléau, le regard dur.

— Elle reviendra.

Aya reste immobile, comme si la moindre respiration risquait de faire revenir l’horreur. Ses doigts serrent son livre à s’en faire blanchir les phalanges. Elle ne cligne même pas des yeux.

— Pourquoi… pourquoi elle a dit ça ? bredouille-t-elle enfin, la voix à peine audible.

Sho, en sueur, relâche lentement la tension dans ses épaules. Il range son fouet, le souffle encore haché.

— Merde… c'était quoi ce monstre…

Gojo fait craquer sa nuque avec nonchalance, comme s’il sortait d’une sieste interrompue.

— Pff… Elle a coupé court. Juste quand je commençais à m’amuser.

Il soupire profondément, les mains sur les hanches.

— J’avais même préparé une punchline stylée… gaspillée. Quelle perte.

Nanami le regarde, exaspéré.

— Tu veux qu’on applaudisse, peut-être ?

Gojo le pointe du doigt, sourire en coin :

— Franchement ? Oui.

Mais son ton change légèrement lorsqu’il se tourne vers Aya. Il la fixe avec une douceur inhabituelle, bien que son visage reste détendu.

— Elle a vu ton pouvoir, Aya. Elle ne l’a pas compris. Et ça, c’est ce que les fléaux haïssent… ou désirent le plus.

Nanami hoche la tête, sobre.

— Ce n’est pas toi, c’est ton potentiel. Et tu t’en es servie. Mieux que bien des exorcistes aguerris.

Rin s’approche, son regard direct sur celui d’Aya.

— Elle t’a choisie parce qu’elle t’a sentie dangereuse. Pas faible. Dangereuse.

Aya secoue la tête, paniquée, les larmes aux yeux.

— Mais… je l’ai même pas blessée… vous, vous êtes forts… Nanami, Gojo… elle aurait dû vous craindre, pas moi…

Gojo croise les bras, sérieux pour la première fois depuis son arrivée.

— C’est justement parce qu’on est trop forts qu’elle n’y voit aucun intérêt. Elle sait qu’elle ne peut rien obtenir de nous. Toi… tu peux encore être « moulée ». Elle espère pouvoir t’influencer. T’attirer. Te modeler à son image.

Nanami ajoute, plus grave :

— Et pourtant… tu l’as atteinte. Même si elle l’a caché. Il n’y a pas de honte à avoir. C’est une victoire.

Rin pose une main ferme sur l’épaule d’Aya.

— Elle t’a peut-être sentie responsable de ce qui lui est arrivé. Ou de ce qu’elle a perdu… Peut-être que les autres fléaux étaient de sa famille… Mais t’as fait ce qu’il fallait. Et on est là.

Sho s’approche à son tour.

— Bien sûr qu’elle te veut. Regarde-toi. T’es novice… et déjà capable de la blesser. Mais on la laissera pas t’approcher. Pas vrai ? dit-il en regardant les autres.

Rin acquiesce. Nanami garde le silence, mais ne nie pas.

Aya baisse les yeux, des larmes silencieuses roulant sur ses joues. Elle murmure, presque pour elle-même :

— J’ai rien demandé, moi…

En elle, Cindy frémit d’impatience. Loin d’être effrayée, elle semble bouillonner de vouloir y retourner, de finir ce qui a été commencé.

Nanami la regarde longuement. Son ton est calme, ferme, presque paternel.

— Personne ne choisit d’avoir un pouvoir comme le tien. Mais maintenant que tu l’as… tu as deux choix : le subir. Ou le maîtriser. Pour toi. Et pour ceux que tu veux protéger.

Aya relève légèrement la tête vers lui, encore tremblante.

Rin lui sourit doucement.

— Et t’es pas seule. T’as nous. On est là, Aya.

Gojo fait un pas vers elle, pose brièvement une main sur sa tête avec légèreté.

— Tu as peur ? C’est normal. Mais tu as aussi quelque chose d’exceptionnel. Et crois-moi… c’est comme ça que ça commence. Les grands changements.

Il regarde l’endroit où le tunnel s’effondre dans l’ombre, l’air rêveur.

— Allez. On rentre. Le vrai entraînement commence demain.

Sho, voyant qu’elle ne bouge pas, passe doucement un bras autour de ses épaules pour l’encourager.

— Viens… on va rentrer.

Aya ne répond pas, mais elle se laisse guider.

Nanami soupire, jetant un œil à Gojo.

— En voiture. Tu viens avec nous, Satoru ?

Gojo lève la main comme s’il saluait une foule invisible.

— Naaaaan. Allez-y sans moi. Je sécurise la zone… et j’ai un stand de mochis à rattraper. Priorités, tu vois ?

Nanami secoue la tête, l’air dépité.

— Oh ! moi aussi j’en veux bien chef ! Lance Sho avant de sortir du tunnel. 

Sho, Rin, et Aya s’éloignent vers la sortie. Le silence revient, mais pas celui d’avant. Plus dense, plus lourd… et chargé d’un pressentiment.

Gojo les regarde s’éloigner. Son sourire reste, mais ses yeux, eux, sont devenus graves

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