Le Revers de L'Infini - Tome 2 : L'Eveil
Le cliquetis régulier des papiers froissés rythme le silence. Nanami, précis comme une horloge, trie des dossiers avec la méthode d’un chirurgien. De l’autre côté de la pièce, Yaga tourne lentement les pages d’un rapport, concentré, ses sourcils légèrement froncés.
La porte coulisse doucement. Aucune urgence dans le geste. Juste une présence.
Gojo entre.
Il n’a ni lunettes ni bandeau. Ses yeux, ouverts, brillent d’une lueur presque calme. Trop calme. Il s’avance comme un spectre assuré, puis s’installe nonchalamment face à Nanami, jambes croisées sur le coin de la table.
— Nanami. Ton petit cours de ce matin m’est revenu aux oreilles.
Sans lever les yeux, Nanami répond d’un ton neutre :
— C’est moi qui te l’ai raconté, Satoru.
Gojo sourit, lève les mains comme si ça n’avait aucune importance.
— Détail.
Yaga referme son dossier, son regard se relevant.
— C’est à propos du nouveau ? Yu ?
Gojo attrape le dossier en question. Il le feuillette sans réelle attention, l’air distrait.
— Mmh… C’est rare qu’un élève prétendument blessé depuis des mois place une frappe aussi nette, avec une feinte aussi propre… surtout quand il dit ne rien savoir faire.
Nanami pousse doucement son propre rapport de côté. Il croise les bras.
— Il s’est repris vite après une maladresse, comme s’il savait doser son impact. Pas impossible. Mais trop propre. Il avait l’air d’un élève qui veut se faire oublier... sans y arriver.
— Il était pas censé savoir tenir une épée, poursuit Gojo. Et il l’a tenue comme un gars qui s’est déjà battu. Pour de vrai.
Un silence. Le genre de vide qui commence à s’étirer entre les lignes.
— Tu veux dire que son histoire de blessure est fausse ? demande Yaga.
Gojo lève un doigt, l’air de rien.
— Peut-être. Ou peut-être qu’il n’a jamais été élève avant… mais qu’il sait parfaitement comment passer pour l’un.
Il penche légèrement la tête, ses pupilles fixées sur un point vague, ailleurs.
— Il est trop bien calibré. Poli. Discret. Légèrement maladroit, mais juste assez pour qu’on s’attache. Un cliché ambulant.
Nanami plisse les yeux.
— Tu penses qu’il ment sur son identité ?
Gojo prend une inspiration, courte.
— Je pense… qu’il a tout fait pour qu’on le classe comme « pas une menace ». Et qu’il observe tout ce qui l’entoure. Aya surtout.
Yaga se redresse légèrement.
— Tu penses qu’il est lié au fléau qui la traque ?
— Je n’écarte rien. Mais j’ai pas senti d’énergie maudite instable. Et c’est ça le plus flippant. Tout est maîtrisé. Trop maîtrisé.
Nanami hoche lentement la tête.
— Je le garde dans ma liste. Discrètement.
Gojo se relève, réajuste son col d’un geste absent.
— Dis aux seconds années de pas le coller de trop près. Mais qu’il soit jamais seul avec Aya. S’il fait un pas de travers… on intervient.
Il se dirige vers la porte. Juste avant de sortir, il ajoute, les mains dans les poches, le ton presque léger :
— Et… continue à le laisser croire qu’il passe inaperçu. C’est là qu’on verra s’il joue un rôle… ou s’il est piégé dans un costume trop grand pour lui.
La porte se referme.
Le silence retombe. Une tension plane, fine, presque invisible.
Yaga murmure :
— Il y a un truc chez ce gosse qu’on a raté… ou qu’il veut cacher…
Nanami, sans bouger, ajoute :
— L’un n’empêche pas l’autre.