Le Revers de L'Infini - Tome 2 : L'Eveil
Le couloir de l’hôpital s’étire devant eux, faiblement éclairé. L’odeur des désinfectants, mêlée à une tension invisible, flotte dans l’air.
Souta marche en tête, les épaules tendues, l’attention fixée sur le moindre bruit. Aya le suit, un glaive serré contre elle, encore un peu tremblante. Yu ferme la marche, ses yeux scrutant les murs, le plafond, le silence.
— Y’a un truc au plafond… là, huit mètres… souffle-t-il.
Souta le regarde, fronçant les sourcils.
— T’as une lampe ?
— Non… bonne vue, c’est tout...
Souta ne commente pas. Il tend deux doigts vers le sol.
— Allez, Koen. Éclaire-moi ça...
Un petit chat d’ombre se détache de sa silhouette et grimpe le mur. Ses yeux diffusent une lumière spectrale, révélant peu à peu les contours d’une forme suspendue.
Souta jette un regard en coin à Yu.
— On va voir si t’as vraiment une bonne vue.
Aya reste entre eux deux, Cindy en alerte dans son esprit.
Yu murmure, tendu :
— Y a un truc. Très bas. Très lent...
Souta lève la main pour signaler à Aya de ne pas avancer.
— Koen a trouvé. Chambre 418… Comme prévu...
Le chat feule doucement. La porte est entrouverte.
Un cliquetis métallique. Un gémissement étouffé.
— C’est… humain, ça ? demande Yu, la voix tremblante.
— Non. C’est ce qu’il veut te faire croire, réplique Souta, tendu. Il fait un signe à Koen qui recule, prêt à bondir.
— On encercle, lentement. Aya, reste entre nous deux. »
Elle hoche la tête, le glaive toujours contre elle.
—Trois… deux… un.
Souta ouvre la porte d’un coup. Rien. Une pièce blanche, vide, aseptisée. Trop vide.
— …C’est encore pire quand y’a rien, murmure Yu.
Un bip retentit. L’électrocardiogramme du patient devient continu. Arrêt cardiaque.
Aya sursaute.
— Il faut agir…
Souta la regarde.
— Tu le sens, c’est ça ? Vas-y. On couvre.
Yu serre son arme, prêt. Aya ferme les yeux. Dans son esprit, Cindy s’élève, s’approche du patient, glisse une main en lui, puis attrape le fléau invisible. Elle le fait prendre feu d’une flamme noire silencieuse. Le parasite brûle et disparaît.
Le souffle de Souta se relâche.
—…Elle l’a eu.
Yu, figé.
— C’était… stylé. Terrifiant… mais stylé.
Le patient remue. Il respire. Le bip se stabilise.
— Faut prévenir les médecins. Et Kiyotaka. Dit Souta
Il jette un regard vers Aya, sincère.
— Bien joué.
Un hurlement, au loin. Ils se tournent tous. Un infirmier, au sol, se tient la jambe, mordue par… rien ?
— Le fléau n’était peut-être pas seul… murmure Souta, sortant son arme.
Aya panique.
— Pourquoi on l’a pas senti ?
— Il se cache dans les résidus. Comme un œuf.
Une silhouette rampe dans le couloir. Koen gronde. Souta invoque Raven, son corbeau spectral. Il s’élève, ses yeux brillent.
— Fléau de classe inférieure. Instable.
Il regarde Aya, puis Yu.
— On le coupe en deux, ou on tente l’exorcisme ?
— Moi j’essaierai en une fois… répond Aya.
Yu avance.
— Attendez… Il s’immobilise. Il me fixe. Allez-y.
Souta fixe Yu.
— T’as fait quoi, au juste ?
Aya passe en tête, ferme les yeux. Cindy agit. Le fléau est réduit à l’état de cendres dorées. Aya rouvre les yeux, un sourire bref.
— Merci Yu
Yu reste figé.
— C’était impressionnant…
Souta perçoit un mouvement, dégaine un kunaï de sa ceinture qu’il lance sans hésiter. Le bruit du fléau s’écrase contre le mur.
— Y’en avait un troisième. Inactif.
Il récupère son arme.
— S’il y en avait trois, y en aura peut-être quatre. On sécurise et on sort.
Yu reste figé, bouche-bée devant le geste de Souta.
— Ok… c’est impressionnant. Mais on reste pas plantés, hein…
Aya suit, tremblante, concentrée. Souta passe près d’elle.
— Tu fais mieux que certains gradés, Aya. Continue comme ça.
Puis, plus bas :
— Yu… ferme la marche.
— Y’a un truc… murmure Yu, tendu.
Souta invoque son renard.
— Pas un parasite. Libre. Mobile. Vous sentez rien d’étrange ? Reprend Yu
L'atmosphère se fait lourde. Un silence poisseux remplit le couloir, alourdit les respirations.
Aya fixe l’espace devant elle, les doigts crispés sur son arme.
— Il y a plus d'énergie... plus que l'autre, souffle-t-elle.
Yu s'arrête net, le visage tendu.
— C'était pas censé être un nid…
Ses yeux balayent le couloir, inquiet.
— J'dois avoir coché "mode cauchemar" sans faire gaffe...
Souta avance prudemment, regard braqué sur l'obscurité derrière son shikigami parti en éclaireur.
— Dans un hôpital, c’est rarement un seul fléau. Douleur, mort, peur... c'est un terrain fertile.
Yu tremble, serre son arme.
— Ouais ben il devait bien le savoir Gojo... Il nous a bien eu là...
Il jette un regard à Aya, qui murmure :
— C'est étrange que les infos aient été fausses...
Souta jette un coup d’œil autour, plus méfiant encore.
— Fausse info... ou fléau arrivé après...
Yu baisse la voix, un brin paranoïaque.
— Ou quelqu’un qui voulait qu’on sous-estime le truc...
Ils s’engagent lentement vers l’ascenseur. L’air devient épais, presque tangible. Une vibration sourde déforme l’espace.
Yu lève les yeux vers le panneau.
— ...Attendez. C’est écrit « Étage 3 » ?
Souta s’immobilise.
— Impossible. On est montés jusqu’au quatrième. J'ai compté les marches.
Aya blêmit.
— On est ailleurs...
Yu frissonne.
— On est redescendus sans s’en rendre compte ?
Souta fait tourner un kunaï entre ses doigts, tendu.
— Non. C’est un tour. Pas du déplacement, de la perception.
Aya acquiesce.
— Ça se moque de nous... J'espère qu'on n'est pas dans son territoire...
Souta hoche lentement la tête.
— Fléau parasite. Il peut t’enfermer dans ta propre logique. Ce qu’on croit voir... ce qu’on comprend...
Yu murmure :
— Et si on croit être au bon endroit… il nous garde là...
Souta déclare simplement :
— Alors on est déjà dedans.
Il forme un mudra. Une brume froide se lève. Un loup spectral, Fenrir, se matérialise à ses côtés. L’animal grogne en direction de l’ascenseur.
Aya le suit du regard, tétanisée.
— C'est dans l'ascenseur...
Mais Fenrir pivote. Il gratte le sol, puis fixe un couloir opposé.
Souta murmure :
— C’est un piège. L’étage est faux. On suit Fenrir. Pas l’ascenseur !
Ils s’éloignent du leurre. Yu hausse un sourcil.
— Sérieux... t’as un loup ? J'suis censé trouver ça rassurant ou flippant ?
Aya, sobre :
— Tous ses animaux sont fiables.
Fenrir les guide à travers les couloirs. Il grogne devant une porte. Yu murmure :
— ...Ça sent pas bon, ça.
Aya regarde une salle de côté.
— On tourne en rond. Il nous observe... du centre peut-être...
Le grognement s’intensifie.
Yu :
— Si c’est une barrière mentale, on est coincés. Faut casser le sort... ou trouver son cœur.
Souta :
— Ou le forcer à se montrer.
Aya hésite, puis propose :
— Je peux essayer avec Cindy...
Souta approuve d’un signe bref.
— Vas-y. Mais reste pas trop loin.
Aya ferme les yeux. Cindy explore. Elle repère le fléau, tapi dans une pièce au centre de l’étage. Le fléau la voit. Elle disparaît.
Aya ouvre les yeux, blanche.
— Je l’ai vu... Il m’a vue aussi.
Souta serre les dents.
— Nid de classe S... sous couverture 2...
Il se tourne vers ses deux coéquipiers.
— Gojo savait. Il voulait tester notre limite. Mais on est là maintenant. On finit.
Il fixe Yu.
— Si t’as un truc en réserve, c’est le moment.
Yu, mal à l’aise :
— J’peux y aller. Peut-être qu’il se montrera... C’est pas censé marcher, mais...
Souta hoche la tête, lentement.
— Alors vas-y. On te couvre.
Yu avance. Le fléau, suspendu au plafond, descend lentement à sa hauteur, docile.
Yu se tourne vers eux.
— Il est à découvert. Faites vite.
Souta, méfiant :
— Tu l'as pas touché... Et il obéit. On en reparlera.
Il envoie Fenrir en avant pour protéger Aya. Elle ferme les yeux et laisse Cindy agir. Le fléau s’évanouit.
Mais... il revient. Plus dense. Plus sombre.
Souta bondit devant Aya.
— Il est trop fort. Rang S, confirmé.
Il dégaine une deuxième lame. Tente la radio. Silence.
— Bordel ! Pas de renforts ! On capte pas !
Aya se concentre, tente d’accroître son énergie.
Yu, à voix basse :
— Je vais le faire. Mais après ça, pas de questions...
Souta ne cille pas :
— Si tu le peux. Règle-ça.
Yu s’avance. Le fléau recule. Une langue inconnue glisse entre ses lèvres comme un murmure.
Aya :
— Il le maîtrise... ?
Le fléau se dissout. Respectueusement. Sans lutte.
Yu souffle.
— C’est fait.
Souta :
— T’as pas utilisé ton énergie. Et il est parti. C’est quoi ton rang ?
Yu évite leurs regards.
— Il était affaibli. Ou pas d’humeur. J’sais pas.
Aya sourit doucement.
— C’était impressionnant.
Souta, froidement :
— On déguerpit avant que ça recommence. Et toi Yu. Il faudra que tu t'expliques quand même.
Ils se remettent en marche vers la sortie du bâtiment. Souta en tête. Mais cette fois, son regard, ne quitte plus Yu.
Prochains chapitres jeudi entre 20h et 22h