Le Revers de L'Infini - Tome 2 : L'Eveil
[N'oubliez pas de regarder si vous avez bien lu le chapitre 31 avant de commencer ;) Je publie toujours par deux]
Plus tôt dans la soirée…
Le soleil décline lentement sur l’enceinte de l’école, peignant les murs d’une lumière douce, dorée. Les ombres s’étirent sur les couloirs de pierre, et les oiseaux lancent leurs derniers cris avant le silence du soir. Un souffle tiède soulève les rideaux ouverts des chambres.
Gojo Satoru, fidèle à lui-même, se tient devant la porte d’Aya. Lunettes relevées sur le front, chewing-gum en bouche, il mâche paresseusement comme s’il attendait qu’une idée se manifeste d’elle-même. Il jette un rapide coup d’œil autour de lui, couloir vide, lumière oblique, puis se baisse, glissant une enveloppe sous la porte.
— J’ai hésité à faire un discours dramatique… mais j’ai déjà grillé ma réplique culte ce matin avec Yaga, murmure-t-il, l’air faussement concentré.
Il tapote la porte du bout des doigts, presque solennel, puis ajoute :
— Allez… cadeau. C’est pas tous les jours qu’on découvre qu’on est peut-être une pièce rare du puzzle familial.
Un sourire en coin. Il se redresse, fait quelques pas… puis s’arrête, l’air songeur.
— Si t’aimes pas ton nouveau nom, sache que “Nanami”, c’était dispo aussi. Mais ça sonnait trop comme un mec qui trie ses impôts pendant un exorcisme.
Rictus satisfait, il remet ses lunettes et disparaît dans le couloir, littéralement, entre deux battements d’air.
Chambre d’Aya
Quand elle rentre, le soleil a presque disparu. Un rai de lumière passe entre les rideaux et découpe une bande dorée sur le plancher. Sur le seuil, elle remarque l’enveloppe. Une écriture rapide, nerveuse :
“À ouvrir sans pression (mais un peu quand même)”.
Intriguée, elle s’assoit sur son lit, déchire délicatement le papier.
[ Aya,
Pas de blabla inutile. Juste un mot : Shikama.
Une lignée cachée, ancienne, que même les archives de Gojo ne mentionnent qu’en soupirant. Trop de lumière dans une époque d’ombre.
Et pourtant… tu brilles pareil.
Ce n’est pas un ordre, ni un héritage qu’on t’impose. C’est un nom, si tu veux en porter un. Rien de plus, rien de moins.
Prends ton temps. Ou brûle la lettre.
Tu resteras toujours toi.
Mais si ça peut t’aider à te sentir moins seule, alors c’est gagné.
Gojo Satoru
(le seul, l’unique, celui qui se fait engueuler par Nanami pour avoir mis des paillettes dans les archives de l’école) ]
Aya lit. Puis relit. Ses doigts tremblent légèrement sur le papier. Un sourire timide se dessine, trempé d’émotion.
— Il l’a fait… Il a cherché qui je suis…
Elle serre la lettre contre sa poitrine, un instant. Un souffle profond, un battement apaisé. Puis, sans réfléchir davantage, elle sort de la chambre.
{Je vais voir s’il est là où je le trouve toujours…}
Le toit – Crépuscule
La cour s’embrase des dernières lueurs du soleil. Les vitres du dojo renvoient un éclat orangé, les feuilles du cerisier bruissent doucement.
Aya lève la tête. Sur le toit, la silhouette blanche de Gojo se détache nettement, assise au bord, le vent dans les cheveux. Lunettes abaissées, regard perdu vers la ville. Megumi est parti, il est de nouveau seul.
Elle commence à grimper.
À mi-chemin, la voix de Gojo retentit, neutre, presque distraitement :
— Ne va pas tomber… Shoko n’est pas là aujourd’hui.
Aya manque une prise, son pied glisse.
— Houla…
Elle se rattrape de justesse, grimace, puis finit par atteindre le sommet. Elle s’assoit à côté de lui, souffle court.
— Cette vue est magnifique, murmure-t-elle.
Gojo esquisse un sourire, le regard toujours tourné vers l’horizon.
— J’y viens quand j’ai besoin de me souvenir que le monde est plus grand que nos emmerdes.
Il finit par la regarder, plus attentif.
— T’as lu la lettre, hein ?
Aya hoche la tête, la voix adoucie.
— Oui… Tu l’as vraiment fait, alors ?
— J’ai pas fait ça pour te surprendre. Encore moins pour me faire applaudir.
Sa voix perd son ton joueur.
— Je l’ai fait parce que ça devait l’être. Parce que t’as le droit de savoir d’où tu viens… même si ça change rien à ce que t’es aujourd’hui.
Un léger sourire.
— Et pour moi, ça change rien non plus. T’étais déjà de la famille.
Aya le fixe, les yeux grands.
— De la famille ? À qui appartient ce nom, exactement ?
Gojo bascule la tête en arrière, observe les nuages rougis.
— Le nom vient pas d’un clan connu. Une branche oubliée du clan Gojo… volontairement. Ils ont fui le prestige et la pression. Nouveau nom, nouvelle vie. Et toi, t’as ce sang-là.
Il se tourne vers elle.
— Et visiblement… ce pouvoir-là aussi.
Aya secoue la tête, déconcertée.
— Je comprends pas. C’est vraiment mon nom ? Et ce pouvoir… pourquoi moi ? Pourquoi je suis seule ?
Gojo lève la main, calme.
— Ooo-kay… on respire. Une question à la fois, princesse.
Il s’appuie contre la rambarde.
— Oui, c’est ton nom. Oui, c’est ton sang. Et ton pouvoir… c’est pas un accident.
Il désigne vaguement l’air autour d’elle.
— Ta projection, elle, c’est pas une illusion. C’est une conscience. Un fragment de toi, autonome. Capable de percevoir des choses que même moi, je capte à peine.
Il ajoute, plus doux :
— Et si t’étais seule, c’est parce que certains ont cru bien faire. Mais c’est fini. Maintenant, t’as un nom, un foyer… et des gens autour.
Aya murmure :
— {Aya Shikama…} Elle répète, pensive.
{Un fragment actif… qui perçoit…}
Puis, un voile d’amertume.
— J’espère ne jamais croiser ceux qui m’ont laissée seule.
Elle relève les yeux, gratitude mêlée de colère.
— Merci… de m’avoir trouvée.
Gojo sourit.
— C’est toi qui t’es hissée jusque-là. Moi, j’ai juste reconnu la lumière quand elle s’est allumée.
Il regarde l’horizon.
— Shikama… Va falloir s’y habituer. Ce nom va foutre le bazar dans les archives. Mais si ça devient trop lourd, on dira que t’es ma cousine. Ça embrouillera encore plus le conseil, et moi j’adore ça.
Aya rit doucement.
— Ta cousine ? Alors on est presque de la même famille ?
— Pas de lien direct. Mais assez pour que je veille sur toi. Répond Gojo avec bienveillance.
Silence.
Une brise légère. Puis… un frisson.
Aya se fige. Ses yeux s’écarquillent.
Un instant, une seconde à peine, elle voit Tokyo en flammes. Les buildings éventrés, les cendres dans le ciel. Une clameur sourde, une chaleur impossible, des hurlements, un rire démoniaque porté par le vent.
— NON !
Elle tend la main, tremble.
Gojo se tourne aussitôt.
— Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
— Tu as vu ? Les flammes ? La ville… elle brûlait !
Gojo fronce les sourcils, attentif.
— Des flammes ? Non. Rien vu. Il réfléchit.
T’as peut-être eu une image projetée. Ou… quelqu’un t’a visée.
Aya se crispe.
— Tu crois que c’est… elle ?
Gojo soupire. Son ton se durcit.
— Peut-être. Elle adore glisser un pied dans la tête des gens. Si elle t’a trouvée… c’est qu’elle te cherche.
— Elle veut quoi ?
— Te comprendre. Ce qu’elle sent en toi, ça lui échappe encore.
En bas, dans la cour, Yu passe. Il relève brièvement les yeux vers le toit. Gojo le remarque. Un éclat sérieux traverse son regard. Mais il ne dit rien.
Aya, elle, ne l’a pas vu.
Gojo se tourne de nouveau vers elle.
— T’inquiète. Je la laisserai pas t’approcher.
Aya hoche la tête, encore tremblante.
— Tu crois que je devrais cacher ma projection ?
Gojo secoue la tête.
— Surtout pas. Apprends à t’en servir. Si tu la refoules, c’est elle qui prendra le dessus.
Il sourit.
— Tu la maîtrises. Pas l’inverse.
Aya l’observe.
— C’est moi… ou c’est pas moi ?
— C’est toi. Mais à nu. Sans masque. Comme Souta avec son shikigami.
— Elle est plus forte que moi… plus courageuse aussi.
Aya inspire, regarde ses mains.
— Tu sais pourquoi Kagenryū l’a reconnue ?
Gojo hausse un sourcil.
— Les shikigamis comme Kagenryū reconnaît les vérités. Ta projection vibre juste.
Aya ferme les yeux, invoque sa projection. Les contours se forment, nets, lumineux. Elle garde les yeux ouverts, cette fois, sans peur.
Gojo sourit.
— J’la vois plus précisément. Sixième Œil, tu connais la chanson… Même Nanami a senti quelque chose quand tu as espionné son cours, une énergie...
Aya la dissipe, un peu ébranlée.
— J’ai vu ton énergie à travers elle. C’était comme… une aurore boréale.
— Elle te complète, dit Gojo.
Là où tu recules, elle avance. C’est pas une faiblesse. C’est un miroir.
Il fixe le ciel où les étoiles commencent à poindre.
— Un jour, faudra que tu lui demandes qui rêve, et qui veille pendant ce temps-là.
Aya rit doucement.
— C’est 50/50, je crois.
Gojo sourit.
— Fusionnel, alors. Mais si elle commence à parler toute seule, on appelle Shoko.
— Pourquoi Shoko ?
— Parce qu’elle saura dire si t’as un don… ou si t’es juste une sorcière perchée.
Il se lève, d’un bond léger.
— Allez, t’as encore un pouvoir à apprivoiser. Tu viens ?
— Tu vas où ? Demande Aya surprise.
— Là où vont les profs fatigués : chercher un café. Ou donner un cours improvisé, si on me paie en mochi.
Aya rit.
— Ça me va.
Gojo tend la main.
— Accroche-toi. Tu te crasheras pas. Pas aujourd’hui.
Elle attrape sa main, un peu hésitante.
— D’accord…
Ils s’élancent. Un battement d’énergie, un souffle. Le monde bascule.
Gojo atterrit souplement dans la cour, l’air de rien. Aya, elle, lâche un cri de surprise puis rit, portée par l’élan.
— T’as survécu à Raku, à ta projection éveillée, à ma mauvaise foi et à ma pédagogie. T’es prête pour… la vraie méthode Gojo !
Aya rit plus fort.
Gojo regarde sa montre et ouvre les yeux de surprise.
— Oh… Déjà… Bon, je vais pas tenir parole, mais demain, première heure, ici même. En attendant au lit Shikama !
— Marché conclu ! Elle s’éloigne, sourire aux lèvres.
Gojo la regarde partir, ses lunettes redescendant doucement sur son nez. Un souffle de vent. Un murmure, presque pour lui-même :
— {Shikama… bienvenue dans la famille…}
Puis, comme toujours, il disparaît avant que la nuit ne tombe.
Rendez-vous vendredi entre 20h et 22h pour les deux prochains chapitres...