Le Revers de L'Infini - Tome 2 : L'Eveil
Chapitre 41 : Entre les lignes, l’écho du réel
3752 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 15/11/2025 20:22
La bibliothèque est plongée dans une demi-lumière tranquille, où flottent des poussières dorées comme un brouillard silencieux. L’odeur du papier ancien et du bois ciré enveloppe l’endroit d’une douceur rassurante. Aya franchit le seuil avec hésitation, ses épaules légèrement rentrées, comme si une ombre invisible lui pesait encore sur la nuque. Ses pas sont presque inaudibles sur le parquet.
Elle balaye la pièce du regard, nerveuse, jusqu’à apercevoir Megumi.
Assis seul à une table reculée, il lit sans vraiment lire — les yeux plongés dans un point profondément enfoui derrière les pages ouvertes. Une concentration tranquille, mais sombre, l’entoure comme une aura. Il semble à la fois présent… et ailleurs.
Aya inspire, incertaine.
{De lui aussi, je dois me méfier ?...}
Comme s’il avait entendu cette pensée plutôt que ses pas, la voix de Megumi s’élève, basse, sans qu’il relève les yeux :
— Si t’es venue jusqu’ici, c’est que t’as pas envie d’être seule. Ou que tu cherches des réponses qu’un livre peut pas donner.
Le silence retombe, doux, dense. Les pages de son livre se soulèvent d’un souffle.
— Viens, si tu veux. On parle pas à distance, les pensées en vrac.
Aya avance, ses doigts crispés sur la couverture de son livre, comme sur une ancre.
— Je sais pas si je dois te faire confiance…
Megumi tourne enfin la tête vers elle. Son regard sombre, calme, la traverse sans la juger.
— Et moi, je me pose pas la question pour toi. C’est peut-être ça, la différence. Mais t’as raison. La confiance, ça se gagne.
Aya baisse légèrement les yeux, sa respiration tremblante. Le livre contre elle est presque un bouclier.
— Souta m’a dit de me méfier… même de ceux qui me font rire. Je suis paumée.
Megumi referme doucement son livre, glisse son marque-page avec une minutie tranquille.
— Ce qu’il t’a dit, c’est vrai. Mais méfiance, c’est pas paranoïa. Écoute ton instinct. Regarde ce que les gens font… pas seulement ce qu’ils disent. Surtout Gojo.
Il laisse flotter une courte pause, comme pour laisser ses mots se déposer.
— Personne ici n’est totalement honnête. Mais tout le monde n’est pas un menteur non plus.
Aya relève doucement les yeux vers lui, déstabilisée.
— Vous parlez pareil. Toujours en énigmes...
Un fin sourire étire le coin de ses lèvres, un sourire rare, presque discret.
— Peut-être parce que les réponses simples, ici, ça n’existe pas.
Puis son regard se pose pleinement sur elle.
— Mais t’es pas naïve, Aya. Fais-toi confiance.
Elle écarquille légèrement les yeux.
— T’es le premier à me parler comme si j’avais un vrai jugement…
Il hausse légèrement les épaules.
— Je juge pas à la place des autres. Et ouais, je suis pas comme les autres. Mais toi non plus.
Un silence s’étire, léger.
— Je t’aime bien, souffle-t-elle.
Megumi détourne brièvement les yeux, un sourire discret flottant sur ses lèvres, comme une fissure dans une armure trop solide.
— C’est réciproque. Même si je le dis pas aussi facilement.
Il se lève lentement, repousse sa chaise sans bruit. Ses mouvements sont mesurés, silencieux, comme toujours. Il range un livre sur une étagère proche, la main glissant un instant sur la tranche.
— T’as une façon d’être… qui calme les ombres. C’est rare.
Aya l’observe, touchée par cette phrase inattendue.
— Et toi, t’es plus posé que les autres. Moins sur la défensive. Ça fait du bien.
— C’est pas que j’suis moins méfiant. C’est juste que t’as rien fait pour que je le sois.
Il se tourne vers elle, ses yeux légèrement adoucis.
— Tu viens ? J’ai besoin d’air.
Elle cligne des yeux, un peu surprise par la demande.
— Oui… merci.
Ils se mettent à marcher entre les rayons, leurs pas absorbés par l’épaisseur du tapis. Les livres les entourent comme un mur de murmures silencieux.
— T’es pas obligée de tout comprendre tout de suite, dit Megumi en avançant. Parfois, faut juste observer… et garder ce qu’on voit pour soi.
Il attrape un livre au hasard, le feuillette machinalement, plus pour accompagner sa pensée que par intérêt réel. Puis il le referme.
— Souta parle peu, mais jamais pour rien. Prends ce qu’il dit… filtre à ta façon.
Aya le regarde, sincère.
— Il m’a dit que j’avais un bon cœur. Mais que c’est ce qui peut faire le plus mal… C’est ça, être naïve ?
Megumi repose le livre, tranquillement.
— Non. La naïveté, c’est croire qu’on peut pas souffrir. Toi, tu sais que tu vas souffrir… et t’y vas quand même. C’est pas naïf. C’est courageux.
Elle baisse un instant la tête, ses mains serrant son livre comme pour s’y accrocher.
— Tu crois que j’en ai, du courage ?
Il la fixe un long moment, sérieux.
— Oui. Et si tu doutes, c’est que t’en as plus que tu crois.
Elle respire plus court, ses joues s’empourprant légèrement.
— J’en suis pas sûre. Elle, elle est courageuse. Moi, je tremble en mission...
Megumi répond tout bas, d’une voix étonnamment douce :
— Si tu tremblais pas, t’serais pas humaine. Mais t’es là. Tu continues. Même en tremblant. C’est ça, le vrai cran.
Elle ferme un instant les yeux, émue.
— Merci… de me dire ça. Vraiment.
— Je dis pas ça pour te rassurer. Juste parce que c’est vrai.
Il glisse les mains dans ses poches, le regard un peu fuyant.
— Et puis… c’est bien que quelqu’un ici continue de croire en les autres. Même si c’est dangereux.
Aya reste bouche légèrement entrouverte, surprise par cette vulnérabilité subtile.
— Tu es… tellement différent de Satoru. Ou de Souta.
Elle hésite, puis s’entend dire :
— Tu veux pas revenir à l’école ? Pour de vrai ?
Megumi la fixe, un instant silencieux. La question semble l’avoir réellement touché.
— Revenir ici, hein...
Il souffle un rire discret, sans chaleur, mais sans tristesse.
— Je crois que je suis jamais vraiment parti.
Puis il la regarde droit dans les yeux.
— Tant que Souta est là… et toi aussi... j’peux pas vraiment m’éloigner.
Aya sourit, un sourire qui détend enfin son visage crispé depuis des jours.
— Alors je suis rassurée, si tu restes.
— Je suis toujours dans le coin. Gojo, Nanami et moi, on garde un œil sur… certaines choses.
Il ajoute plus bas :
— Et Souta, je le lâcherai pas. Même s’il veut pas l’admettre, il a besoin de savoir qu’on est là.
Puis, comme si c’était une évidence :
— Si toi aussi t’as besoin… tu sais où me trouver.
Il pousse la porte de la bibliothèque et, sans y penser, la maintient ouverte pour elle.
Aya le rejoint d’un pas léger, son livre serré contre elle comme un secret.
— Merci, souffle-t-elle.
Ils sortent ensemble dans le couloir silencieux, enveloppés d’un calme presque apaisant.
La cour est tranquille, balayée par un ciel bas dont la lumière pâle se répand comme une brume douce. L’air est d’une immobilité étrange, comme si tout autour d’eux retenait son souffle. Les arbres, immobiles, semblent écouter.
Megumi avance à un rythme lent, presque méditatif, les mains profondément enfoncées dans ses poches. Sa silhouette est droite, mais son pas a quelque chose de las.
— T’as pas à me remercier, souffle-t-il sans tourner la tête. Juste… reste comme t’es. C’est déjà beaucoup.
Aya marche à ses côtés, serrant son livre contre elle comme si elle cherchait à repousser un frisson. Son ombre tremble légèrement sur le gravier.
— Toi aussi… t’as grandi sans vrais parents ?
Les pas de Megumi ralentissent, imperceptiblement d’abord, puis plus nettement. Son regard se fixe droit devant lui, sur un point invisible.
— Ouais. C’est Gojo qui a pris le relais, plus ou moins. Avant lui, c’était... flou. Instable.
Sa voix s’abaisse, racle presque le silence.
— On apprend vite à se débrouiller seul quand on a pas vraiment le choix.
Il tourne brièvement la tête, juste assez pour croiser son regard.
— Et toi ?
Aya inspire lentement, comme si elle déballait un vieux souvenir resté enfermé trop longtemps.
— Moi… j’ai vécu un temps chez des gens gentils. Mais ils étaient trop pauvres pour me garder. Après, c’était les foyers.
Megumi hoche la tête d’un mouvement court, sans l’interrompre. Son visage ne change pas, mais il écoute.
— C’est pas juste. Mais… t’as pas l’air d’en vouloir à la vie pour autant.
Il la regarde un instant, ses yeux plus doux qu’à l’ordinaire.
— Tu tiens encore ton livre comme un bouclier. Et vu ce que t’as traversé… t’as tenu debout avec une sacrée dignité.
Un souffle lui échappe, comme une pensée qui glisse.
— T’as fait ton chemin jusqu’ici, malgré tout. Et ça, Aya, ça dit déjà beaucoup de toi.
Aya cligne des yeux, surprise, presque déstabilisée.
— Pourquoi en vouloir à la vie ?... Je suis là.
Elle baisse les yeux vers son livre, en caresse la couverture du bout du pouce.
— J’ai toujours aimé tenir quelque chose contre moi. Ça me rassure. Et… quand ma barrière suffisait pas… elle, elle était là.
Elle sourit, timide, presque gênée de se livrer autant.
— Toi aussi… tu t’en es sorti, malgré un mauvais départ.
Elle hésite, puis demande plus bas :
— Tu sais ce qu’il s’est passé avec le monstre de Souta ?
Megumi ralentit encore, ses sourcils se froncent légèrement avant qu’il murmure :
— Kagenryū, oui.
Il garde les yeux sur l’horizon un moment, puis les détourne vers elle.
— J’en sais un peu. Mais c’est à Souta de te dire ce qu’il veut. Ce que je peux dire, c’est que ce truc-là, c’est pas un simple shikigami. C’est un fardeau. Et un risque.
Il marque un temps.
— Mais c’est aussi une preuve. Souta est assez fort pour le faire apparaître. Et maintenant… il commence à le calmer. Grâce à toi.
Il pose enfin ses yeux dans ceux d’Aya. Des yeux francs, sérieux.
— Ce que t’as fait ce jour-là… même en tremblant, même en ayant peur, c’est toi qui l’as fait reculer. Ta projection… c’est toi.
Aya secoue faiblement la tête, désemparée.
— Non… elle est pas moi. Il a vu elle. Il l’a reconnue. Mais moi… il m’a même pas regardée.
Megumi laisse un bref silence se déposer entre eux, puis dit doucement :
— Tu te trompes.
Il s’immobilise, se tourne vers elle de manière plus nette.
— Il l’a vue, oui. Mais ce qu’il a ressenti… c’était toi. Pas un masque, pas un esprit étranger. Toi. Ta peur. Ton aura. Ton courage.
Puis il poursuit sa marche.
— Et ça, Kagenryū l’a reconnu. Tu sais pourquoi je le sais ?
Aya relève les yeux.
— Non. Pourquoi ?
Megumi s’arrête à mi-chemin, à moitié tourné vers elle, les cheveux légèrement soulevés par une brise froide.
— Parce que j’ai déjà vu ça. Un shikigami de ce niveau, ça réagit jamais au hasard. Et en tant qu’invocateur, je ressens les miens. Je sais ce qu’ils captent quand ils réagissent à quelqu’un.
Ses yeux brillent d’une intensité nouvelle.
— Kagenryū a perçu ta vibration. Une signature unique. Elle venait de toi, Aya. Pas d’un fantôme. De toi.
Il recommence à marcher.
— Souta ne le maîtrise pas encore. Mais il est lié à lui. Et ce lien, même fragile, transmet ses émotions, ses instincts, ce qu’il respecte.
Il lui jette un coup d’œil plus long, cette fois.
— Et ce jour-là… Souta t’a vue. Vraiment. Même si tu pensais être invisible.
Un souffle. Puis :
— Kagenryū l’a senti aussi. Que ta projection n’était pas un leurre. Juste… une part de toi que t’arrives pas encore à affronter.
Aya s’arrête un instant, frappée par l’idée.
— Il s’est presque incliné quand elle a tendu la main… Tu veux dire que si je le fais, moi, il aura la même réaction ?
Elle baisse la tête, murmure :
— J’ai du mal à croire qu’elle est moi… on a rien en commun. C’est comme imaginer que son opposé, c’est une part de soi…
Megumi lui répond sans hésitation :
— Elle n’a pas eu peur de tendre la main. Peut-être parce que toi, tu meurs d’envie de le faire… mais t’oses pas encore.
Un silence léger s’installe.
— Essaie. Quand tu te sentiras prête. Pas pour te prouver quelque chose. Juste… pour voir. Tu verras bien. Il saura que c’est toi.
Aya hoche la tête, lentement.
— Tu as raison… Tout ce qu’elle fait… j’ai envie de le faire.
Elle serre son livre, ses doigts blanchissent.
— Mais j’ai peur. Peur d’échouer. Peur d’avoir l’air ridicule. Peur de… mal faire.
Megumi tourne légèrement la tête vers elle, son expression plus douce que d’habitude.
— Ridicule ? Rater ?... C’est pas grave, Aya. Ce qui compte, c’est que ce soit toi qui essaies. Pas un masque. Pas une image parfaite.
Il laisse filtrer un souffle presque amusé.
— Et entre nous… si Kagenryū t’écrase pas au premier geste, t’auras déjà gagné quelque chose.
Puis, plus sérieux :
— Et s’il t’écoute… crois-moi, y’en a plus d’un qui va devoir revoir ses certitudes.
Aya ouvre la bouche, hésitante.
— Toi aussi… tu as un monstre… comme lui ?
Megumi ralentit encore. Son visage change (à peine) mais suffisamment pour que l’air devienne plus lourd.
— Ouais… moi aussi.
Ses yeux se perdent dans un endroit où Aya ne peut pas le suivre.
— Il y en a un. Le plus puissant de mes shikigami. Je l’ai pas invoqué pour faire le malin. Je l’ai invoqué parce que… je pensais que c’était la seule option. Je savais qu’il m’obéirait pas. Et je l’ai fait quand même.
Il inspire, ses épaules se contractent légèrement.
— Il m’a broyé. Littéralement. J’ai failli y passer.
Puis il s’arrête. Un vacillement passe dans sa voix.
— Ce jour-là… j’ai compris que certains liens ne se forcent pas. Ils se méritent. Par la résonance, la conviction… ou la peur.
Une ombre flotte dans son regard. Il bug. Son souffle se suspend. Comme si le souvenir lui échappait soudain.
— Je… je sais plus ce qui était vrai. Ce que j’ai vraiment invoqué… Ou ce que la peur m’a montré.
Aya pose une main à son livre, l’autre hésite à se tendre.
— Ça a dû être… tellement difficile.
Puis plus petit :
— Tu veux… qu’on essaye avec ma projection ? J’aimerais savoir si le tien… réagit aussi. Comme s’il la connaissait…
Megumi reste figé. Le vent s’arrête. Même l’air semble craindre sa réponse.
— …Pendant Shibuya.
Il ne la regarde pas.
— J’étais au bord. Physiquement. Mentalement. Plus rien ne tenait. Et… je me souviens de cette incantation. Celle qu’on apprend jamais. Celle qu’on n’est pas censés connaître.
Ses doigts tremblent légèrement dans ses poches.
— Il est venu. Mahoraga. Le Général Céleste.
Un silence. Un gouffre.
— Et la première chose qu’il a faite, c’est de me planter contre un mur. Comme si j’étais… un ennemi.
Un souffle secoue ses épaules. Aya le regarde, bouleversée.
— Je suis désolée…
Megumi secoue doucement la tête.
— T’as pas à l’être. Je t’en parle pas pour qu’on s’apitoie.
Il relève enfin les yeux, et dans ce regard, une sincérité brute.
— Je t’en parle parce que… je vois bien que tu crois être à part. Détachée de tout ça. Mais tu fais déjà partie de nous. Que tu le veuilles ou non. T’es déjà au cœur de ce qui nous lie. Même si t’en doutes encore.
Aya respire plus vite, une pointe de rouge sur les joues.
— Mais j’ai encore peur de tout ça…
Un mince sourire étire ses lèvres.
— Moi aussi, parfois. Répond sobrement Megumi
Il marche à nouveau.
— Allez. On garde cette idée pour plus tard. Mahoraga n’aime pas les surprises.
Petit souffle amusé :
— Et moi, j’aime pas me faire empaler.
Aya rit, un petit rire tremblant mais véritable.
Megumi esquisse un sourire discret.
— Tu vois. Même la peur, parfois… elle laisse passer un peu de lumière.
Il se tient droit, comme revenu d’un souvenir.
— Ce jour là à Shibuya... il m’a ignoré. Il est allé se battre contre Sukuna. Et moi… j’ai cru mourir. Ou j’ai peut-être rêvé que je mourais…
Il se tourne vers elle, regard flottant.
— Depuis… je sais plus ce qui était vrai. Je sais plus si je l’ai réellement appelé… ou si c’est juste la peur qui m’a menti.
Aya, bouleversée :
— Si je peux t’aider comme ça… je veux essayer.
Megumi ouvre la bouche pour répondre.
Une voix s’abat derrière eux, claire comme une cloche :
— Alors c’est ça, ton idée du progrès, Megumi ? Appeler un démon céleste sur une pelouse publique ? Pour savoir s’il va t’épargner ?
Ils se retournent.
Gojo.
Bras croisés.
Sourire insolent.
Mais les yeux… trop lucides.
Aya sursaute.
— Non non… c’est… c’est mon idée ! Mais on a pas dit ici…
Gojo s’avance, un pas léger, comme s’il marchait sur scène.
— J’ai vu des plans foireux dans ma vie. Mais invoquer un shikigami incontrôlé, en pleine crise existentielle ? Franchement… on touche au sublime.
Son ton est moqueur. Son regard, pas du tout.
Puis, plus bas :
— J’suis pas venu pour engueuler. J’ai entendu ce que t’as dit. Tout.
Une ombre passe derrière ses lunettes.
— Et crois-moi, je sais ce que ça fait… de plus savoir où s’arrêtent les cauchemars.
Aya baisse la tête.
— Non… le gronde pas… C’est mon idée.
Gojo lève un sourcil, soupire.
—Megumi... Si tu l’invoques comme ça, à l’aveugle, c’est pas toi qui risques le plus. C’est elle.
Il désigne Aya du menton.
Megumi s’immobilise, le regard plus sombre.
Gojo poursuit :
— Tu veux comprendre, c’est légitime. Mais pas seul. Pas comme ça.
Il se tourne vers Aya, ton adouci sans prévenir :
— Hé détend toi, personne gronde personne.
Il s’accroupit légèrement pour être à sa hauteur, yeux doux.
— Vouloir comprendre, c’est pas une faute. C’est même courageux.
Puis il se redresse, sérieux :
— On fait ça bien. En sécurité. Pas ici, pas comme ça.
Sourire complice :
— Et puis, si ta projection fout la trouille à un général céleste, j’veux être là pour filmer.
Aya, hésitante :
— Je suis sûre que Megumi voulait pas le faire ici…
Gojo soupire, secoue la tête.
— On peut essayer. Mais pas n’importe comment. Et SURTOUT pas ici.
Son regard passe de Megumi à Aya.
— Toi, t’es encore trop instable. Et toi, Megumi… tu sais pourquoi je dis ça.
Plus bas :
— Si on fait ce test, ce sera sous surveillance. Cercle de contention. Sceaux. Moi à moins de dix mètres.
Puis, d'un ton théâtral :
— Et toi, Aya… t’as intérêt à pas t’évanouir au premier frisson d’énergie, compris ?
Aya rougit, vexée.
— Je suis trop instable ? Et… m’évanouir ?
Gojo lève les mains.
— Oh, pardon princesse ! J’essaie de te ménager, et c’est comme ça qu’on me remercie ? En attendant c’est quand même moi qui vais subir le plus les risques.
Puis, plus tendre :
— Ton pouvoir répond à ton inconscient. Et ton inconscient, il est… explosif.
Aya baisse les yeux :
—Pardon, c’est pas ce que je voulais dire…C’est vrai que c’est toi qui risque peut-être le plus.
Gojo sourit.
— T’as rien à prouver, Aya. Pas à moi. Pas à lui. Et surtout pas à toi-même en prenant des risques inutiles.
Mais il ajoute, joueur :
— Bon… t’as quand même gagné un test. Contrôlé. Avec moi dans les parages. Et si tu t’évanouis… je promets de pas me moquer. Pas trop.
Aya hésite.
— Je peux même… ne pas être là. Elle y va sans moi. Et je vois tout à travers elle.
Gojo cligne des yeux, impressionné.
— Pas mal, Shikama. Très futé. Tu gagnes des points.
Il se tourne vers Megumi.
— Si tu te sens prêt à l’invoquer… on le fait.
Regard vers Aya.
— Mais tu restes pas loin. Si résonance y a, tu dois pouvoir couper court.
Il les regarde tour à tour.
— Marché conclu ?
Megumi hoche la tête, grave. Aya acquiesce timidement.
Gojo tape dans ses mains, ravi.
— Super ! Un petit pacte entre inconscients… parfait pour finir la journée.
Il claque des doigts.
L’air se déchire.
Le décor se tord.
Une clairière immense apparaît autour d’eux, encerclée d’arbres titanesques. Un vent sourd traverse les feuilles, presque un avertissement.
Gojo recule d’un pas, bras croisés, lunettes brillantes.
— Allez-y. Impressionnez-moi.
Le sol frémit doucement, comme si quelque chose, sous terre, commençait à se réveiller. Même le ciel… retient son souffle.