Le Revers de L'Infini - Tome 2 : L'Eveil
[NOTE :]
Pour rappel : les chapitres sont publiés par deux. Si vous lisez celui-ci sans avoir lu le précédent, il est normal que vous soyez perdus.
La structure suit celle d’un animé : manquer un chapitre revient à manquer un épisode. ;)
Un bref flash blanc les dépose dans une clairière penchée, comme si le sol lui-même avait glissé sous l’effet d’un séisme oublié. La végétation autour d’eux semble tordue par une main invisible : des troncs arqués, des fougères couchées, et des racines épaisses qui serpentent entre les pierres, pareilles à des veines noires sous une peau malade.
L’air est saturé d’une brume lourde, presque huileuse, traversée par une lumière rougeâtre, un rouge étrange, comme celui qui filtre à travers des paupières fermées.
Devant eux, les marches d’un ancien torii se dressent, rongées par le temps, inclinées comme si elles tentaient encore de retenir un temple en ruine à moitié avalé par le brouillard.
Les silhouettes des bâtiments sont floues, avalées, mouvantes, à la limite du réel.
Yu se frotte les bras, frissonnant déjà.
— C’est… chaleureux, comme accueil. Ils auraient pu au moins mettre un panneau “interdiction de hanter”...
Aya avance d’un pas, son livre serré contre elle comme une protection bancale.
Son regard balaie la clairière, hésitant, comme si chaque buisson cachait un souffle ou un œil.
— Mais on est où…? C’est pas rassurant…
Gojo, lui, a l’air d’être arrivé à Disneyland, version malédiction primordiale.
— Nous sommes au Temple de Nakanome !
Il fouille tranquillement dans sa poche, comme s’ils n’étaient pas au beau milieu d’un lieu qui avale des randonneurs depuis des années, et sort une feuille pliée.
— J’ai un ordre de mission pour ce lieu… Je vous le lis ?
Yu tremble un peu, tente néanmoins l’humour.
— Ben… Ce serait peut-être mieux de savoir ce qu’on fout là, non ?
Aya hoche la tête, crispée.
— On t’écoute.
Gojo déplie la note, d’un calme insolent.
— “Ancien temple shinto, abandonné depuis plusieurs années en périphérie d’Osaka. Randonneurs signalent perte de la notion du temps, voix dans la brume, ombres mouvantes. Une première équipe de reconnaissance n’a jamais donné signe de vie.”
Il relève la tête, sourire innocent.
— Mission intéressante, non ?
Yu en reste bouche bée.
— Et vous voulez que j’y aille tout seul, Sensei ?
Aya lui offre un petit sourire qui se veut encourageant.
— Tu es fort, Yu.
Gojo poursuit, imperturbable :
— Objectif : reconnaissance rapide. Récupération de survivants ou d’objets maudits. Niveau estimé : rang B. Mais possibilité de manipulation de perception.
Il lève les yeux, faussement enthousiaste :
— Je vais rester dehors… Bon courage !
Aya bondit intérieurement, ses yeux s’élargissent aussitôt.
— Je reste avec toi ?
Gojo retire ses lunettes. Le monde semble se contracter sous l’intensité calme de son sixième œil. Son ton reste presque neutre.
— Comme tu préfères, Aya.
Puis, sans transition, il pointe Yu d’un sourire qui ferait trembler un fléau de classe 1.
— Toi, par contre… c’est obligatoire.
Yu se fige, livide.
— Pitié… Vous voulez ma mort, en fait ?
Aya hésite, mord sa lèvre, puis souffle très doucement :
— Je vais rester là. Comme ça, Yu peut vraiment travailler son pouvoir…
Il la fixe comme si elle venait de l’abandonner sur une île pleine de zombies.
— Aya… Tu me trahis ?
— Mais non, enfin…
Elle tente un sourire, un peu fragile.
— Tu dois juste t’entraîner.
Gojo hausse un sourcil moqueur.
— T’inquiète pas, mon petit otaku… J’ai branché ma caméra intégrée six eyes.
Il s’installe, bras croisés, lunettes baissées, l’air de quelqu’un qui commente un match en direct. Aya reste à ses côtés, immobile, mais attentive. Le temple semble respirer.
Yu, lui, avance… mais chaque pas ressemble à une tentative d’évasion ratée.
— J’suis pas sûr que ce soit une bonne idée, Sensei. Les temples, c’est jamais bon dans les films d’horreur...
Il disparaît dans le brouillard. Aya avale difficilement sa salive. Sa projection se détache d’elle dans un souffle, glissant vers l’entrée comme une ombre fidèle.
INTÉRIEUR — Temple
Le silence est visqueux. Il colle à la peau, à la gorge, aux pensées.
Les murs semblent faits de pierre et de souvenirs, leurs gravures s’étirant et se tordant comme si elles respiraient. Soudain, une brise glaciale traverse le couloir sans qu’aucune fenêtre n’existe.
Une voix naît entre les murs.
Douce.
Lointaine.
Presque fascinante.
— Tu n’es pas seul…
Aya fronce les sourcils à l’extérieur. Sa projection vacille légèrement, signe que l’onde mentale est forte.
(Qui parle dans ce temple ?)
Yu s’arrête net.
Les gravures murales ondulent.
Elles changent.
Elles regardent.
— Tu mens.
La phrase tombe comme un couperet.
Son estomac se retourne.
Il recule, paniqué.
— Non non non non non…
Le sol s’ouvre juste sous lui, révélant une profondeur noire, comme un trou creusé dans la réalité. Une aura vénéneuse grimpe le long de ses jambes.
— AAAAH !!! Y A DES FANTÔMES ICI JE LE SAVAIS !!!
EXTÉRIEUR — Clairière
Le cri fend la brume.
Gojo lève un sourcil, blasé.
— {Ça n’a pas duré longtemps…}
Aya se tend.
— Il a peur ? Il est en panique…
Yu jaillit du temple en courant comme si sa vie dépendait de la vitesse.
— JE VEUX PAS ! Y A DES TRUCS BIZARRES ! C’EST PAS DES FLÉAUX, C’EST PIRE QUE DES FLÉAUX ! C’EST PSYCHOLOGIQUE !
Il chute à genoux, secoué de tremblements.
— Je veux rentrer à l’école ! Je veux mon lit ! Et des mochis !!!
Aya accourt, inquiète, hésitant à poser les mains sur lui.
— Yu…
Elle tourne des yeux suppliants vers Gojo.
Yu, lui, se jette presque à plat ventre devant leur professeur.
— S’il vous plaît, Sensei !!! Je veux pas y retourner !
Aya s’accroupit et pose une main douce sur son épaule.
— Ça va aller…
Elle inspire.
— Tu veux qu’on y retourne ensemble ?
Gojo claque la langue, recule d’un pas, bras croisés. Aucun signe de pitié. Juste une analyse froide, presque indifférente, comme s’il observait une expérience fournir exactement le résultat qu’il attendait.
Sa voix tombe, nette.
— Bon. Ok.
Il jette un bref regard à Aya, puis à Yu, un regard calculateur, lucide, qui transperce plus qu’il ne rassure.
— …On rentre.
Aucune chaleur. Aucune hésitation. Juste la décision logique d’un type qui vient de confirmer ce qu’il soupçonnait déjà, et qui n’a aucun intérêt à pousser plus loin. Pas maintenant.
Aya aide Yu à se relever.
— Tu vois, ça va…
(…Il est pas seul. Il ment. Faut que je demande à Gojo c’est quoi ce temple.)
Yu renifle, pitoyable.
— Non non… C’est pas possible… Le fantôme veut me tuer…
Puis, avec une gratitude démesurée :
— Merci, Gojo Sensei ! Je ferai votre ménage, votre repassage, je laverai vos chaussures… Je…
Gojo ne se retourne même pas.
— Relève-toi.
Puis il claque des doigts.
Le monde bascule.
Ils réapparaissent brutalement dans la cour de l’école, comme projetés en arrière hors d’un mauvais rêve. La lumière vive du soleil leur agresse les yeux après l’obscurité épaisse du temple. Le choc est tel qu’Aya trébuche et finit un genou dans la poussière. Sa respiration est encore courte, désorientée.
À côté d’elle, Yu s’effondre presque, mains au sol, tremblant comme s’il sortait d’un gouffre glacé.
Il halète, le visage pâle, marqué par la panique, des gouttes de sueur collées à sa tempe.
Aya relève les yeux, surprise, encore dans le contrecoup du changement brutal d’atmosphère.
Gojo, lui, ne se retourne même pas. Il reste planté devant eux, le dos droit, les mains glissées dans ses poches, silhouette immobile sous le soleil cru. Pas un regard en arrière. Sa voix tombe sèche, sans une once d’ironie ou de jeu.
— Mission annulée.
Rapport : sujet non coopératif pour cause de peur panique des temples hantés.
Original.
Aya cligne des yeux. Il ne plaisante pas. Pas du tout.
Yu fixe le sol, rouge d’humiliation, les épaules tremblantes. Sa voix n’est qu’un filet.
— J’ai… désolé. J’ai cru que j’allais devenir fou, là-dedans...
Aya l’aide doucement à se relever, sa main glissant sous son coude pour lui redonner appui.
— Ça va aller… Viens.
Gojo soupire à peine, un souffle sec. Rien de compatissant. Rien de tendu.
Juste… une observation froide d’un élément de mission défaillant.
— C’est bon, t’as eu ton ticket de sortie. Je t’envoie pas deux fois là-dedans.
Ses mots sont plats, mécaniques. Ses yeux, eux, glissent brièvement vers Aya. Pas Yu. Ayant déjà classé le garçon comme un dossier clos.
— À plus tard.
Il s’éloigne. Passe près de Megumi qui arrivait dans la cour. Un souffle, à peine un murmure porté par le vent :
— {Surveille...}
Puis Gojo disparaît au détour du bâtiment, avalé par la lumière.
Yu essuie ses joues d’un revers de manche maladroit, tente un sourire qui se fissure aussitôt.
— Merci, Sensei…
Il tente de reprendre contenance, mais son visage est toujours secoué par le choc.
Puis il se tourne vers Aya, les épaules basses.
— Je suis un gros nul…
Aya relâche doucement son épaule, son regard doux contrastant avec le décor trop lumineux autour d’eux.
— Mais non. Tu as eu peur, c’est tout.
Un peu plus loin, Megumi observe. Debout, immobile, comme une ombre attentive. Il avance enfin, son pas discret mais certain.
Il s’arrête devant Yu. Aucun agacement dans sa voix — juste un constat.
— …T’as pleuré ?
Yu tressaille, soudain raide. Il secoue la tête, honteux.
— J’ai juste eu un coup de panique, ok ? L’ambiance, les voix… J’ai cru que j’allais exploser...
Aya recule légèrement. Sa présence semble soudain intrusive. Elle préfère laisser l’espace.
Megumi, bras croisés, s’approche d’un pas.
— T’as pas explosé. T’es sorti en un morceau.
Un silence. Pesant.
— Tu veux que je te félicite, ou que je m’inquiète ?
Yu tente un rire. Il sonne creux, presque douloureux.
— Je sais pas… Les deux, peut-être ?
Megumi ne sourit pas. Pas même un air mitigé.
— Tu veux savoir ce que je pense ?
Yu hésite. Regarde Aya. Puis hoche la tête, une inquiétude sourde dans les yeux.
La voix de Megumi baisse, se fait plus précise. Comme une lame qui touche juste.
— Je pense que Gojo t’a laissé sortir… parce qu’il veut voir ce que tu fais quand t’as plus personne pour te couvrir.
Il le fixe, profondément.
— Et moi, je suis là pour voir.
Rien d’agressif.
Rien de menaçant.
Juste une vérité froide, posée entre eux.
Il se détourne ensuite, adresse à Aya un bref signe de tête. Une invitation silencieuse. Ou un ordre élégant.
Aya fronce légèrement les sourcils, ne comprenant pas l’intention, mais elle le suit.
Derrière eux, Yu reste figé au milieu de la cour. Sa posture s’affaisse… puis quelque chose se fige dans son regard.
— …Super.
Il les regarde s’éloigner. Et une lueur fine, presque imperceptible, d’or brûlant glisse dans ses pupilles.
(Je vois… Tu m’as testé, Gojo Satoru… Tu veux jouer ? On va jouer…)
Il tourne les talons et s’éloigne à son tour.
Son pas volontairement lent, l’air faux-fragile, parfait petit élève traumatisé.
Mais sous le masque, ses yeux brillent d’une colère nette, froide, calculée.
LES JARDINS — un peu à l’écart
Megumi marche sans se presser, guidant Aya loin de Yu, loin des éventuels regards. Ils contournent un bâtiment, puis débouchent dans un recoin tranquille, à l’abri d’un grand arbre.
Il s’arrête. L’air est plus frais ici, plus dense aussi. Il se tourne lentement vers elle. Son ton baisse, mais devient d’une netteté tranchante.
— Tu l’as vu… vraiment ?
Aya fronce les sourcils, un peu prise de court.
— Vu quoi ?...
Megumi ne cille pas. Il ne change même pas de posture.
— Si Gojo t’a laissée regarder… c’est pas un hasard.
Elle serre son livre instinctivement contre elle.
— J’ai surtout entendu… Mais je comprends pas. C’était quoi ce temple ? Qui parlait, là-dedans ?
Megumi croise les bras. Ses yeux se perdent un bref instant sur les branches de l’arbre, comme pour peser ses mots. Puis il dit :
— …Un endroit qui révèle ce qu’on cache. Ou ce qu’on refuse de voir.
Les mots tombent comme un frisson sur sa peau. Aya se fige.
— …Ça veut dire que… le temple a vraiment parlé…
Sa voix tremble.
— Il a dit… “Tu n’es pas seul.”
Et… “Tu mens.”
Elle avale difficilement.
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Megumi la regarde longuement. Très longuement.
— Tu es sûre de ce que t’as entendu ?
— Ma projection était près de lui…
Il inspire, lentement, profondément.
— Alors c’est pas juste une impression. C’est une alerte.
Aya sent son cœur se serrer. Puis l’erreur lui échappe.
— Alors c’est vraiment Elle...
Un tic nerveux traverse le visage de Megumi. Il regarde les arbres, le vent trop doux.
— …Si le temple a senti le mensonge, alors ce qu’on a en face de nous, c’est peut-être pas juste un gosse paumé.
Ses yeux reviennent à elle. Sombres. Lucides.
— C’est peut-être quelque chose qui sait très bien… comment pleurer.
Il serre la mâchoire, presque imperceptiblement.
— On n’a plus le droit de douter les yeux fermés. Même Gojo. Faut rester lucide. Même si ça fait mal.
Aya baisse les yeux, dépassée.
— On fait quoi ?...
Megumi marque un silance, tourne très légèrement la tête vers elle. Ses yeux plissent.
— Attends… t’as dit “Elle” ?
Le ton n’a pas changé. Mais il l’a entendu : il a relevé le mot.
— Pourquoi t’as dit “elle”, Aya ? Tu pensais à qui ?
Elle sursaute légèrement. Ses joues se colorent. Elle hésite. Puis finit par baisser les armes.
— Heu…
Elle soupire.
— On vous a entendus. Avec Souta...
La vérité tombe, fragile.
— On vous a espionnés.
Le silence s’épaissit.
Megumi la fixe. Calme. Mais tendu.
— Vous saviez… et vous avez rien dit ?
Il attend. Pas de reproche. Juste la demande brute.
— Pourquoi ?
Elle ouvre grand les yeux.
— Tu voulais qu’on fasse quoi, exactement ?
Il détourne le regard, soupire par le nez.
— Bon... Ok. Vous avez pas choisi le bon moyen.
Il ne la ménage pas, mais il ne la condamne pas non plus.
— Espionner une réunion privée, c’était idiot. Gojo aurait explosé s'il vous avait vu.
Un silence. Puis, plus bas :
— Mais j’aurais peut-être fait pareil à votre place...
Il soupire, longuement.
— Maintenant, faut juste pas vous rater.
Aya baisse les yeux.
— On voulait pas le dire… parce qu’on sait que c’était mal. Mais on a entendu. Et après… j’ai entendu le temple.
Megumi la regarde, attentif. Pas moqueur. Juste… attentif.
— T’as vu trop de choses. Mais maintenant, faut faire comme si t’avais rien vu.
Il s’approche un peu, grave.
— Tu peux gérer ça ?
Aya inspire.
— Je crois que Gojo sait même pas ce que le temple a dit… Mais il était bizarre, en revenant...
Elle cherche ses mots.
— Je suis… obligée de gérer, non ?
Megumi baisse les yeux un instant.
— …Alors il doute. Et ça… c’est pire.
Il relève la tête.
— Faut pas qu’il sache ce que t’as entendu. Pas encore.
Il ajoute, plus lourd :
— Il est plus aussi sûr qu’avant, depuis… Shibuya. Et ça, c’est dangereux.
Aya hésite.
— Et… je dois pas lui dire, pour ce que le temple a dit ? Pourquoi ?
Megumi secoue la tête.
— Non. Pas maintenant. Gojo agirait. Trop vite. Et il faut qu’on choisisse le bon moment.
Elle acquiesce. Puis, doucement :
— Je peux le dire à Souta ?
Megumi réfléchit. Longtemps. Puis finalement :
— Souta est déjà trop impliqué pour qu’on lui cache ça.
Il détourne le regard, visage un peu plus fermé.
— Mais choisis bien tes mots. Souta encaisse fort… trop fort. Depuis des années.
— On s’est promis de faire équipe, lui et moi. C’est pour ça qu’on fait semblant d’être fâchés. Pour qu’elle pense que je suis isolée...
Megumi l’observe, pensif.
— C’est risqué. Mais si vous êtes bien synchrones… ça peut marcher.
Il hoche la tête.
— Continue à faire semblant. Mais ouvre l’œil.
Il ajoute, presque imperceptiblement :
— Et surtout… n’oublie jamais qui vous regarde vraiment. Elle est extrêmement intelligente.
Aya hoche la tête.
— Je sais… Mais je suis souvent seule avec Yu… et ça, c’est ce qui m’inquiète le plus.
Megumi ne répond pas tout de suite. Il la regarde longuement.
Puis :
— Tu t’en es sortie jusqu’ici. C’est que t’as plus de ressources que tu crois.
Il baisse un peu les yeux.
— Mais si un jour tu sens que t’es plus en sécurité… Tu dis rien. Tu cours. Vers Souta, vers moi, Gojo, Nanami, Yaga… peu importe. Tu fuis.
Il la fixe. Sérieux.
— Promets-le.
Aya avale difficilement, puis hoche la tête.
— Promis…
Elle ajoute, plus doucement :
— Et si je peux pas bouger… c’est ma projection qui viendra vous chercher. Elle vous touchera. Si elle fait ça… c’est que je suis en danger.
Megumi hoche lentement la tête.
— Parfait.
Son regard se durcit.
— Si tu sens que ça dérape, on sera là.
Il serre les poings, presque malgré lui.
— On sait pas ce qu’elle veut vraiment. Et c’est souvent comme ça que commencent les pires manipulations…
Il inspire, lentement, puis pivote sur ses talons.
— On garde la tête froide.
Il s’éloigne de quelques pas, l’ombre du grand arbre dévorant peu à peu sa silhouette. Alors qu’il atteint la zone mi-ombre mi-lumière, son regard glisse vers le toit du lycée.
Un éclat blanc. Une silhouette longue.
Gojo.
Un pincement de décision traverse ses yeux, presque imperceptible.
(Je vais aller lui parler…)
Puis il disparaît dans la montée de l’escalier extérieur, déterminé, sa silhouette avalée par la lumière plate de l’après-midi.
Aya reste immobile un instant, son livre serré contre elle. Elle regarde la trace laissée par Megumi dans le sentier de gravier, comme si le sol se souvenait du poids de ses pas. Puis elle lève les yeux vers l’arbre au-dessus d’elle, dont les feuilles frémissent d’un souffle qui n’appartient ni au vent ni à la paix.
— D’accord… Je ferai attention.
Elle ne murmure pas. Elle constate. Sa voix tremble moins que son cœur.
Le campus semble calme, presque paisible. Trop paisible. Le ciel, lui, n’a plus rien de l’innocence qu’il affichait quelques minutes plus tôt. Il s’est chargé d’une lourdeur silencieuse.
Dans cette tranquillité apparente, une seule chose s’impose, insidieuse, invisible mais présente :
Le doute vient de trouver où s’accrocher. Et il ne lâchera plus.
Mais que va dire Megumi à Gojo exactement ?... Et que va faire Aya pendant ce temps ?
Suite dimanche entre 21h et 23h...