Le Revers de L'Infini - Tome 3 : Labyrinthe

Chapitre 3 : Les lignes se brisent

3777 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/12/2025 20:18

A partir de maintenant nous passons sur une narration en "choral"...






Aya & Yuta



La galerie est étroite. Trop étroite. Le plafond racle presque leurs têtes, suinte une liqueur sombre qui goutte dans des flaques épaisses. L’air colle à la peau, chargé d’une moiteur maudite. Des murmures rampent dans les murs, des syllabes à l’envers, comme si quelqu’un récitait une prière décomposée.


Aya pousse un cri bref, arraché par la surprise et l’effroi de la séparation. Elle tourne sur elle-même, paniquée, comme si la réalité allait encore se déchirer sous ses pieds. Puis son regard accroche une silhouette familière. Yuta.

Il est immobile, posture calme, mais son aura bruisse imperceptiblement d’alerte. Ses yeux sont doux, et pourtant son expression dit clairement : Je sens qu’on est dans la gueule du loup.


T’es là… souffle Aya, sa peluche serrée contre elle comme une amulette. Sa voix tremble, mais tient encore debout.


Yuta s’approche d’un pas lent, mesuré.

Je suis là.

Sa voix est un baume. Stable. Sûre.

— Et on va le retrouver, Aya. Quoi qu’il en coûte. On va retrouver tout le monde.


Il inspecte les murs, les ombres mouvantes, les reflets qui tremblent dans les flaques. Rien ne respire comme un lieu normal. Tout semble… observé.

Elle t’a mise avec moi pour une raison.

Son ton est bas, sérieux.

— Pas au hasard. Elle t’isole du reste… pour te pousser. Pour te tester. Pour que tu plies.


Aya avale sa salive, le souffle court. Mais quelque chose naît au milieu de sa peur. Une tension nouvelle. Une braise chaude et tenace. Elle relève lentement les yeux.

Elle va être surprise.

Un frémissement traverse la galerie. Sa projection se matérialise derrière elle, plus dense, plus affirmée, presque lumineuse dans cette obscurité humide.


Aya serre sa peluche contre elle, non plus par fragilité, mais comme une ancre. Comme un rappel de ce qu’elle a à défendre.

Parce que moi aussi, j’ai changé.

Sa voix n’est plus un squelette. Elle a du poids.

— Ma projection est plus forte. Et moi aussi.


Yuta la regarde longuement. Pas comme une élève. Comme une alliée. Un sourire discret étire ses lèvres, un mélange de fierté et de reconnaissance.

Je le sais.

Il se tourne vers l’avant, son aura prête à mordre.

— Et je suis content d’être celui qui marche à tes côtés pour ce combat-là.


Aya inspire, profondément. Puis elle avance à pas lents, mais solides.


Yuta suit, un pas légèrement derrière elle, non pas pour la protéger, mais pour veiller à ce qu’elle ne vacille pas seule.


Dans l’ombre, quelque chose remue. Quelque chose qui écoute. Qui jauge. La première épreuve approche.

 


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Rin, Sho & Maki



L’air pue la rouille, l’acide et le souvenir d’un lieu oublié. Un vieux centre commercial abandonné… mais pas vide. Le silence y pèse comme une chape. Les escalators figés grincent sans bouger, comme si quelque chose respirait dedans.


Rin frissonne malgré elle. Les mannequins derrière les vitrines… Tous tournés vers eux. Tous alignés comme une armée immobile. Leurs orbites peintes semblent palpiter dans l’ombre.

T’es blessé Sho ? demande Rin à voix basse, sans quitter les silhouettes du regard.


Sho, nerveux, tente un sourire.

Non, ça va.

Il jette un œil à Rin, puis à Maki, puis aux mannequins.

— …mais eux, ils nous matent, c’est sûr. C’est quoi ce parc d’attractions maudit ?!


Rin resserre sa prise sur sa lance épineuse, ses ronces vibrant comme un animal prêt à bondir.

C'est ultra glauque…


Maki ne bronche pas. Naginata en main, elle avance d’un pas sûr, d’une froideur presque rassurante.

On est dans un piège mental.

Elle jauge les ombres qui coulent au plafond comme du goudron.

— Mais elle a fait une erreur.

Elle pointe sa lame vers le vide au-dessus, comme pour défier la zone entière.

On est trois.

Un sourire cranqué traverse ses lèvres.

À trois, on fait exploser n’importe quelle saloperie, poufiasse ou pas.


Sho lâche un petit rire tendu.

— Elle a dit poufiasse. On est morts, c’est officiel.


Rin lève les yeux au ciel mais ses épaules se détendent légèrement.

J’espère que les autres vont bien…

Sa voix tremble plus qu’elle ne veut l’admettre.


Sho roule des épaules, fouet crépitant, expression déterminée.

T’inquiète.

Il prend une pose dramatique.

— Les rang S sont avec Aya… Il y en a forcement un avec elle. Minimum. Et elle est plus toute seule maintenant. Ils vont gérer… ou détruire un quartier. Un des deux.


Maki hoche la tête, leur jette un regard sec mais protecteur.

Et vous avez une classe 1 avec vous.

Elle pivote son naginata dans un geste fluide.

— Alors les gosses…

Un clin d’œil.

On va tout donner.


Les ronces de Rin frémissent à cette assurance.

Sho fait claquer son fouet dans l’air stagnant — CRACK ! — le son résonne jusqu’au troisième étage, réveillant quelque chose. Quelque chose qui bouge derrière les mannequins.


Rin resserre sa prise, sourcils froncés.

Ok. Venez, alors. On vous attend.


Maki sourit, prête.

Et vous allez apprendre une chose :

Elle avance d’un pas. Son aura fend l’air comme un éclair.

On n’effraie pas des exorcistes. Même coincés dans un cauchemar.


Les mannequins pivotent.

Tous.

En même temps.


Sho pâlit.

— …ok, c’est littéralement un cauchemar.


Rin souffle :

Alors on le défonce, ce cauchemar.


Et les trois avancent.

En formation.

Dos droits.

Prêts à détruire tout ce que Raku’en osera leur envoyer.

 


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Gojo & Megumi



Une rue étroite. Déserte.

Pas un souffle de vent.

Pas une poussière déplacée.


La lumière au-dessus d’eux semble mourir à chaque pas, aspirée par les murs qui se resserrent comme une mâchoire.

On dirait que même le monde refuse de les suivre.


Megumi avance, les épaules raides, le regard fixé sur l’asphalte craquelé.

Elle savait qu’on viendrait, dit-il. Elle a choisi les binômes avec soin.



Gojo ne répond pas tout de suite. Il marche devant, le dos droit, les mains dans les poches, mais chaque muscle trahit un contrôle trop parfait.

Son aura est basse. Trop basse.

Elle veut tester notre isolement. Nous diviser. Classique.

Il s’arrête d’un coup. Ses lunettes reflètent un éclat pâle, un fragment de lumière qui n’existe pas ici.

Et elle m’a gardé avec mon propre reflet…


Megumi ne bouge pas.

Il le regarde de côté.

Un regard court, mais lourd.

Il sait.

Il sent.

La tension dans la voix de Gojo, trop calme.

Le poids invisible que Raku manipule avec cruauté.

Parce qu’elle l’a compris : Ces deux-là sont liés par un passé que personne d’autre ne peut toucher.


— Elle croit qu’on va se briser, souffle Megumi. Mais c’est mal nous connaître.

Le ton est bas. Presque grondant.


Gojo tourne enfin légèrement la tête. Ses lèvres s’étirent d’un sourire infime. Un sourire sans joie. Un sourire fracturé, qui n’a rien de son arrogance habituelle.

— T’as grandi, Fushiguro.

Il replonge les mains dans ses poches, inspirant lentement.

Elle va essayer de t’atteindre par moi, et moi par toi. Prépare-toi à tout.


Megumi baisse un peu les yeux… mais pas par peur. Pour cacher sa résolution qui s’affûte comme un couteau.

— Je suis prêt. On verra.


Ils reprennent leur marche. Le silence se referme. Leur ombre, elle, reste immobile derrière eux, comme si elle hésitait à suivre.

Parce qu’ici…

Même les ombres savent que quelque chose observe.

Et attend.


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Aya & Yuta



Le souterrain se resserre autour d’eux comme une cage humide. Le sol suinte, glisse, respire presque sous leurs semelles. Chaque pas renvoie un écho différent, trop vite, trop fort, comme si quelqu’un marchait en même temps qu’eux… sous le sol.


Yuta avance le premier, une main posée sur son fourreau, l’autre légèrement levée pour lui indiquer de rester proche.

Reste près de moi. Ce couloir… il change. Tu sens ? Le sol bouge sous nos pieds.


Aya acquiesce, tremblante. Sa projection flotte tout près, très près, plus proche qu’elle ne l’a jamais été, comme un double crispé, prêt à bondir entre Aya et le danger.

— Oui… j’aime vraiment pas ça…


Un râle, long et poisseux, s’élève à leur gauche.


Le mur se déchire.

Lentement.

Comme une chair qu’on ouvre.

Un soupir glacial s’échappe de l’ouverture.

Une salle circulaire les attend de l’autre côté.

Une chambre noire.

Un lieu sans lumière.


Aya avance d’un pas, puis s’immobilise. À travers les yeux de sa projection, la vérité lui saute au visage.

— …oh non…


Des silhouettes se tiennent dans l’ombre.

Immobiles.

Visages figés.


Souta.

Megumi.

Gojo.


Mais leurs contours vibrent comme des mirages brûlants. Ils n’ont rien d’humain.

— C’est pas réel… souffle Aya, terrifiée.


Yuta ne dégaine pas, pas encore. Il analyse. Son regard froid défait chaque illusion une par une.

— Elle veut jouer avec nos nerfs. Te faire paniquer. Mais ce ne sont que des copies. Des reflets. Rien de plus.

Il se tourne vers elle. Son regard devient plus précis, plus technique, presque un éclat de stratège.

Ta projection est puissante. Très pratique ici. Mais j’ai une idée.


Aya cligne des yeux, sans comprendre.

— Une idée… ?


Yuta pose deux doigts contre son torse, juste sous la clavicule.

— Mon pouvoir me permet de copier les capacités des autres. Et là… on gagnerait en portée. En analyse. En défense.

Il lui tend la main.

Tu veux bien me le prêter ?


Aya reste figée une seconde.

Surprise.

Touchée.

Effrayée, aussi.

Mais elle inspire.

S’avance.


Et pose sa main dans la sienne, douce mais ferme.

— Alors… vas-y. Copie-le.


Le contact est léger.

Presque tendre.

Une lueur pâle glisse entre leurs doigts.

La projection frémit, se dédouble, se replie puis s’étire — comme si elle reconnaissait enfin un second maître.


Et Yuta ferme les yeux, concentré.

— …d’accord. Je l’ai.

Il rouvre les paupières. Un reflet spectral danse dans ses iris.

— On va pouvoir avancer loin. Très loin. Et cette fois… tu ne seras pas seule pour regarder dans le noir.

 


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Rin, Sho & Maki



Le centre commercial semble suspendu dans un cauchemar figé. Escalators immobiles. Néons mourants. Des vitrines éventrées laissent pendre des lambeaux de mannequins… tous tournés vers eux. Tous. Comme si leurs yeux de verre attendaient un signal.


Sho avance lentement, ses doigts crispés sur le manche de son fouet.

Faut sortir d’ici… On dirait un film d’horreur mal financé.


Rin serre sa lance, son regard acéré scrutant chaque reflet.

C’est trop calme. Et j’aime vraiment pas ça.


Maki ne répond pas. Elle est déjà en mode combat : naginata levée, pieds ancrés, pupilles tranchantes.

— Restez alertes, mais paniquez pas. Si y’a un truc qui bouge… on le découpe. Y’a anguille sous fléau.


Un craquement sec.

Un bruit de verre qu’on écrase.

Puis d’un seul coup, toutes les têtes se tournent vers eux. Alignées. Synchronisées. Les yeux des mannequins s’allument d’un rouge pourpre, malsain.


Sho recule d’un demi-pas.

— …Oh. Eux, je vais me les faire.


Maki souffle par le nez.

frappe pas au hasard. Y’en a qui sont vivants là-dedans. Les autres sont des pièges.

Pour prouver ses mots, elle lance sa lame d’un geste précis. Elle transperce un mannequin… qui explose dans une gerbe de sang violet.


Rin sourit un sourire de prédatrice.

Elle a planqué des fléaux dans la déco. Malin. Mais pas assez.

Elle pivote vers Sho.

— On les descend ?


Sho, l’œil brillant d’excitation nerveuse.

— Vivants, morts, ou entre les deux… ils vont prendre pareil !

Son fouet claque comme un tonnerre.

Le cuir s’enroule autour trois mannequins — CRACK.

Ils éclatent en nuages noirs.

Toi, tu mates pas Rin comme ça, sale poupée dégueulasse !


Rin lui emboîte le pas. Sa lance fuse, un éclair argenté. Ses ronces jaillissent d’un geste brutal, lacérant, étranglant, pulvérisant les silhouettes qui se jettent sur eux.


Les mannequins tombent comme des feuilles mortes.


Maki croise les bras, observe la scène avec un hochement d’approbation.

Pas mal du tout… Vous commencez à ressembler à quelque chose.

Puis son expression redevient sérieuse.

— Nettoyage terminé. On avance.


Sho essuie une tache d’énergie maudite sur sa manche, balance son fouet sur son épaule.

— Beau boulot, Rinette !


Rin lève un sourcil, ricanant.

— Continue de m’appeler comme ça, et je te plante dans une vitrine.


Maki sourit. Un vrai sourire, bref, rare.

— Bonne ambiance. On y va.

 


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Gojo & Megumi



Les ruelles sont tordues comme un serpent malade. Les murs fondent dans l’obscurité, gouttent, respirent, ou font semblant. La lumière, elle, pulse comme un cœur défaillant.


Gojo s’arrête net. Son iris bleu pâle vibre d’un éclat dangereux.

L’air est saturé. Elle a copié Shibuya. Pas complètement… mais assez pour blesser.


Megumi avance à ses côtés, les poings serrés.

— C’est pas Shibuya. Mais ça en a le goût et l’odeur.. Les cendres, la fumée, et le sang... Elle n’a juste pas reproduit les cadavres pour le moment… Une illusion construite à partir de ce qu’on voudrait oublier.


Au bout de la ruelle, une silhouette apparaît.

Petite.

Fragile.

Une enfant qui fredonne une comptine fausse, grinçante, comme si elle mâchait les notes au lieu de les chanter.


Megumi se crispe.


Gojo, lui, ne cligne même pas des yeux.

C’est pas elle, ni une civile. Un jouet. Un test.

Il lève deux doigts.

Une vrille de bleu traverse l’espace. L’enfant se fissure, puis éclate en milliers d’éclats translucides, comme du verre brisé sous un cri muet. Du sang factice coule le long des murs.

Puis disparaît.


Le silence retombe.


Gojo, plus bas :

Elle veut que je m’effondre. Sous la culpabilité. Sous Shibuya. Sous… tout le reste.


Megumi tourne légèrement la tête vers lui. Son regard est grave, tranchant, sans pitié, mais pas pour Gojo.

T’as pas le droit. Pas aujourd’hui. Souta est quelque part là-dedans. Et Aya compte sur nous. Alors tu lâches rien. On lâche rien.


Un battement.

Un bref silence entre maître et élève.

Famille déchirée.

Force forcée.


Gojo expire, longuement. La tension dans ses épaules ne disparaît pas… mais elle se stabilise.

Ouais. Je sais.

Il avance. Megumi à ses côtés. Le sol tremble sous leurs pas, comme si quelqu’un, ou quelque chose, attendait leur chute.

 


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Aya & Yuta


La salle pulse comme un cœur malade. Les murs respirent, les reflets tremblent… et la lumière vacille d’un frisson mauvais. Puis une voix chute dans l’air. Une voix connue. Trop connue.


Aya… j’ai froid. Pourquoi t’es partie ? Pourquoi tu m’as laissé tout seul… ?


Aya s’arrête net. Son souffle se brise. Ses doigts se crispent sur la peluche, comme si la fourrure pouvait la ramener dans le réel.

Souta… ?


La silhouette avance, lourde, chancelante. Trop petite. Trop sombre.


Aya secoue la tête, la gorge serrée.

— Non… Non, c’est pas vrai… C’est pas… lui.


Ses yeux se mouillent, mais elle ne recule pas. Elle sait que ce n’est pas Souta. C’est la douleur qu’elle craint. Pas l’ombre.


Yuta, sans un mot, se place devant elle. Il lève une main, patient, calme, comme si chaque mouvement pesait dans le silence.

C’est pas lui t’as raison. Mais c’est exactement ce qu’elle veut que tu entendes.

Il dégaine.

Le métal chante.

Une seule coupe.

Le faux Souta se fissure d’un craquement sec… puis explose en volée de corbeaux noirs qui s’évanouissent dans un souffle cendré.


Le calme revient.

Lourd.

Saturé.


Elle attaque tes failles, dit Yuta, sans la ménager. Elle veut t’atteindre avant que tu l’atteignes. Elle veut que tu arrives fragile… pour mieux te briser.


Aya tremble encore.

Mais ses yeux… brillent d’autre chose maintenant.

Une colère ténue.

Une volonté neuve.


Je suis pas faible. Je la laisserai pas… me détruire. Pas cette fois.


La projection glisse à ses côtés, les yeux brillants comme une eau vive.

Elle pose une main translucide contre celle d’Aya.

Un ancrage.

Un soutien.


Yuta la regarde, sincère, un peu fier.

— Tu doutes. C’est normal. Mais t’es puissante, Aya. Et surtout… tu n’es pas seule.


Aya baisse la tête, mais son sourire tremble d’un courage retrouvé.

— Je suis pas sûre de moi. Pas encore.

Elle serre la peluche contre elle.

— Mais j’ai ma projection. Et j’ai vous tous.

Elle relève les yeux, plus solide qu’avant.

— Alors je tiendrai. Jusqu’au bout.

 


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Rin, Sho & Maki



Les mannequins gisent en morceaux. Des miettes d’énergie maudite flottent encore dans l’air comme de la poussière toxique. Le silence revient, mais pas un vrai silence. Un silence qui écoute.


Maki ralentit, le regard affûté.

Hm… Trop facile.


Sho, fouet encore vibrant dans sa main, tourne sur lui-même.

— Ouais… C’est pas son style de se laisser couper en rondelles comme ça.


Maki lève la main, paume ouverte. Le sol vibre sous leurs pieds.

Vous sentez ? Il y a un second voile. Fin. Discret. Comme une peau en dessous de la peau. Elle a superposé les couches.


Rin souffle, presque exaspérée.

— Super. Un millefeuille maudit géant. Si elle voulait nous assommer avant la vraie attaque, elle s’y prend bien.


Sho claque son fouet dans l’air — un tchak sec qui résonne comme une défiance.

— Qu’elle vienne ! J’suis chaud !


Rin lui tire le bras en arrière.

Calme-toi, dingo. On a peut-être trois secondes avant qu’elle se montre, arrête de l’inviter.


Ils suivent Maki vers la sortie du couloir effondré. Sho trottine derrière, lance un clin d’œil.

— T’inquiète, Rinette. Tu te débarrasseras pas de moi comme ça.


Rin roule des yeux. Maki, elle, s’arrête net. Sa main se lève. Ses doigts tremblent à peine. Un signe que quelque chose arrive.

Stop.


Le trio se fige.


Un rire d’enfant file dans l’air.

Aigu. Trop clair.

Il ricoche dans les murs, entre deux lampadaires brisés.

Une silhouette floue traverse brièvement une ruelle, un mouvement rapide, joueur, puis disparaît.


Rin murmure, mâchoire crispée :

— Elle joue.


Maki, froide, précise :

Non. Elle nous observe. Elle veut voir comment on se déplace. Comment on réagit sans les autres.


Sho déglutit, plus sérieux.

— Alors… on court ? Ou on reste groupés ?


Rin secoue la tête.

— On n’a aucun moyen de les prévenir… On sait même pas où ils sont.


Maki pointe du menton un escalator brisé qui mène vers les niveaux supérieurs.

On grimpe. Point haut. On cherche les mouvements, les distorsions. On analyse avant de se jeter la tête la première.

Elle regarde Sho droit dans les yeux.

Et on ne court PAS. Pas maintenant. Elle nous attend au tournant.


Sho range son fouet, plus concentré, et souffle :

— D’accord… On avance. Mais… on garde les yeux ouverts. Tous les trois.


Rin serre sa lance.

Maki ouvre la marche.

Sho ferme la ligne, les sens en alerte.


Le jeu n’est plus un jeu.

Ils commencent l’ascension.

 


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Gojo & Megumi



Le leurre dissipé, la rue se contorsionne comme un animal blessé. Les façades vibrent, se tirent, se plient. Sur le flanc d’un immeuble, une faille noire s’ouvre lentement, pulsant comme un organe malade.


Megumi analyse, voix basse :

Ce n’est pas juste une illusion. Cette zone… elle avale. Elle absorbe les formes. Les repères. Elle nous recrache tordus.


Gojo, grave, concentré :

Elle a fusionné une barrière miroir inversée. Ce qui est vrai dehors devient faux ici. Et ce qui est faux… peut nous tuer comme du vrai.


Un grondement secoue le sol. Une créature informe, massive, rampe hors de la faille : une masse suintante, faite de fragments de souvenirs, lambeaux d’ombres et bouches cousues.


Gojo penche la tête, presque détendu :

— Tu prends la droite ?


Megumi n’attend pas la fin de la phrase. Ses doigts s’unissent en mudra, précis, rapides.

L’ombre sous ses pieds se déploie, un serpent colossal jaillit, ses crocs éclatants plongeant droit dans la bête.


La créature hurle, se dissout dans un nuage d’encre.


Gojo trace un cercle de son doigt dans l’air. L’espace se brise comme du verre. Une onde rouge repousse les résidus maudits, nettoie le sol autour d’eux.

Elle veut te faire flancher toi aussi, dit-il sans se retourner.


Megumi reste silencieux, essoufflé mais stable.


Gojo pivote enfin vers lui. Ses lunettes reflètent le chaos. Son regard, lui, transperce l’obscurité.

— Tu dois tenir, Megumi.


Un silence.

Pas de blague.

Pas de masque.

Juste une vérité nue.

Tu es un des derniers verrous.


Une pression terrible dans l’air.

Ce n’est pas une menace.

Ni même une responsabilité.

C’est un fait.

Une réalité trop lourde pour un garçon de son âge.


Megumi serre les dents. Redresse les épaules.

— Je tiendrai. Quoi qu’elle montre. Quoi qu’elle tente.


Gojo hoche lentement la tête.

— J’en attends pas moins de toi.


Ils avancent dans les ruines mouvantes.


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