Le Revers de L'Infini - Tome 3 : Labyrinthe
"Avant que vous ouvriez ce chapitre… vérifiez que vous avez bien lu le précédent. On avance comme dans un animé : si vous sautez un épisode, c’est moi qui dois recoller les morceaux. Et croyez-moi… j’ai déjà assez de boulot comme ça actuellement." — Gojo Satoru
------
Aya & Yuta
Ils avancent dans un couloir où la lumière semble malade, une clarté violette, pulsante, comme une veine à vif. Chaque pas s’arrache du sol poisseux, comme s’ils marchaient sur des pensées liquides. Les murs respirent. L’air tangue. Par instants, l’espace penche d’un côté, puis de l’autre, comme si le couloir hésitait à exister.
Yuta, voix basse, tous ses sens en tension :
— Ce n’est pas du décor… Elle plie la psyché du lieu. On marche dans une conscience étrangère. J’ai l’impression d’être coincé dans un cauchemar collectif... Et vu comme ça ressemble à 2018… ça confirme que c’est pas la première fois…
Aya serre sa peluche si fort que ses doigts blanchissent. Sa projection se presse contre elle,
geste presque maternel ou animal.
— C’est une illusion… faut pas y croire…, murmure-t-elle. Peut-être qu’en vrai… on est juste allongés dans la rue… comme des légumes… et elle nous manipule de l’intérieur…
Sa voix se brise sur la dernière syllabe.
Yuta ouvre la bouche pour répondre, mais une silhouette passe derrière eux. Une ombre longue, trop longue, qui s’efface aussitôt dans un souffle déformé.
Aya sursaute violemment. La projection tremble, réaction instinctive à la peur d’Aya.
Yuta, calme malgré tout, pose une main brève mais sûre sur son épaule. Un contact ancré, solide, humain.
— Écoute-moi. Si elle veut t’atteindre, elle te parlera. Elle te poussera. Elle va chercher à t’ouvrir comme on ouvre une plaie.
Il penche légèrement la tête vers elle, sa voix plus douce :
— Mais tu ne réponds jamais seule. Je suis là. Je reste. OK ?
Aya hoche la tête. Un geste minuscule, fragile… mais déterminé. Elle ne parle plus. Elle ne pleure pas. Elle avance, recroquevillée autour de sa peluche et de son courage. Et dans son ombre, la projection s’étire, prête à mordre.
---
Sho, Rin & Maki
Le décor se dissout sans bruit. La ruine du centre commercial disparaît, comme avalée. À sa place : une forêt noyée de brume, humide, lourde, trop réelle pour n’être qu’une illusion. La mousse crisse sous leurs pas. Un souffle glacé traverse les arbres.
Sho plisse les yeux.
— …C’est quoi encore ce délire ? Un jeu ?
Rin passe une main sur sa manche détrempée, grimace.
— Je sens l’humidité. L’air colle. Ça, c’est pas une illusion standard. Elle tord la réalité. C’est de la distorsion brute.
Maki prend la tête, un pas en avant, naginata levée.
— Formation serrée. Je couvre l’avant. Sho, à droite. Rin, ouvre l’arrière.
Un craquement résonne entre les troncs.
Un pas.
Puis un autre.
Puis plus rien.
Le silence retombe… trop vite.
Sho se fige.
— Ok. Je retire ce que j’ai dit. Ça me plaît pas du tout.
Rin referme sa prise sur sa lance, les ronces vibrantes dans sa paume.
— J’ai entendu. Et j’aime pas ce que ça implique. Si on grimpe, elle nous écrase. Littéralement.
Sho jette un regard vers la cime, nerveux.
— On monte… elle nous plaque comme des insectes, ouais. Elle attend qu’on fasse une erreur.
Maki ferme brièvement les yeux. Respire. Analyse.
— L’énergie maudite est trop dense. Je peux pas sentir ce qui nous approche. C’est comme respirer de la cendre.
Rin serre les dents.
— Impossible de repérer un fléau à plus de dix mètres. Elle brouille tout.
Sho fait claquer son fouet dans l’air saturé de brume.
— Alors on colle nos ombres. Ils viennent, on les accueille.
Un souffle passe sur leur gauche.
Rin pivote aussitôt, arme tendue.
Rien.
Sho se place légèrement entre les deux filles, protecteur sans le dire.
Sérieux. Focalisé.
— On avance. Ensemble.
---
Gojo & Megumi
Le sol ondule sous leurs pas comme un tapis vivant. L’air frémit. Se tord. L’espace se plie comme une bulle prête à éclater. Les ruelles ne sont plus des ruelles. Elles respirent.
Gojo garde le regard droit, un éclat bleu glissant sous ses paupières.
— Tu sens ? C’est pas un décor. Elle manipule le terrain comme… un organisme. Un domaine qui veut nous digérer.
Megumi hoche la tête, les mains déjà prêtes à former un mudra.
— Elle veut pas nous tuer d’un coup. Elle veut qu’on s’épuise. Qu’on regrette d’être entrés.
Gojo plisse les yeux. Le Sixième Œil perce les couches invisibles du monde, fouille les interstices, cherche au-delà. Un fil. Une vibration ténue. Une présence étouffée.
— …Il est là. Je le sens. A peine, mais… il est là.
Megumi avance aussitôt, le pas ferme.
— Alors on continue. Jusqu’à lui.
Mais soudain l’air se densifie. Il devient métallique. Chaque respiration s’alourdit comme si leurs poumons se remplissaient de sable. Le décor fond. Les murs disparaissent. Un champ de cendres se répand à leurs pieds.
Le centre de Shibuya. Ou plutôt… un fantôme de Shibuya.
Les immeubles éventrés. Les néons brisés. Le goudron craquelé sous les impacts anciens d’une guerre perdue.
Gojo s’arrête. Aucun son ne sort. Le monde entier retient son souffle avec lui.
— …Elle a osé.
Megumi marche un pas de plus, puis se fige. Son cœur manque un battement.
— C’est… C’est ici.
L’air se contracte autour d’eux. La lumière se fane.
Et au centre de la rue dévastée,
assis comme un roi sur les ruines, une silhouette attend.
Dos tourné.
Majestueuse.
Inoubliable.
Implacable.
Pas un mot n’est nécessaire.
Sukuna.
Megumi sent un frisson glacé lui remonter l’échine.
Gojo baisse légèrement la main vers son flanc. Un geste réflexe. La douleur n’est plus là, mais son ombre remonte, précise et froide. Il reste debout, immobile, le regard vissé sur la silhouette devant lui. Ses yeux se vident un instant, comme happés ailleurs.
— Elle veut nous briser…
La voix de Megumi répond derrière lui, droite, calme en apparence, tendue comme un fil.
— Elle pense qu’on va craquer.
Un rire sec traverse la gorge de Gojo.
— Elle pense mal.
Mais il ne bouge pas. La silhouette, floue, vacille au loin. Un mensonge ? Non… trop réel…
L’air se tend.
La silhouette tourne lentement la tête.
Le sourire. Carnassier. Le regard de prédateur.
Sukuna, le vrai, se lève et avance comme un fauve.
—T’es revenu pour perdre encore, Gojo ?
Gojo se fige une fraction de seconde en le voyant approcher puis remet le masque, il retire ses lunettes et grimace…
-…Attends… C’est ça, l’original ?
Ok, je retire tout ce que j’ai dit.
Posséder Yuji et Megumi… C’était de la survie esthétique. Franchement mec je compatis… j'aurais fait pareil !
Le sourire de Gojo claque dans l’air, Sukuna se fige. Pas un grand geste. Pas une explosion d’aura. Juste… un clignement de paupière. Puis, très lentement, son regard remonte vers Gojo. Sa lèvre se soulève, pas pour sourire. Pour découvrir une canine trop longue. Ses yeux passent brièvement sur le visage de Megumi.
— Tu oses… me réduire à ça… misérable insecte ?
Sa voix est basse, grondante, presque humaine, sauf qu’elle tremble d’une colère contenue.
Gojo, lui, reste parfaitement droit, parfaitement calme. Sukuna, lui, a l’air d’un dieu antique qu’on vient de gifler avec un magazine de mode.
Il avance d’un pas. Chaque contact de son pied avec le sol fait vibrer le domaine entier. Mais ce n’est pas une montée en puissance. C’est de la pure susceptibilité masculine.
— J’ai pris ces corps parce qu’ils étaient… pratique. Pas pour… ta misérable petite lecture humaine.
Gojo incline légèrement la tête, comme pour mieux observer un animal rare.
— Ah oui ? Parce que là, vraiment, je t’assure : c’est pratique pour personne.
Sukuna serre les poings. Les veines noires remontent le long de ses avant-bras. Il est à deux doigts de perdre la face, ce qu’il déteste plus que mourir.
— Continue de rire, Gojo. Je te ferai ravaler chaque syllabe quand tu ramperas devant moi.
Gojo sourit, tranquille, presque doux.
— Avec ta vraie tête ? Ça va être difficile de me faire regarder vers le haut.
Sukuna lâche un rire sec.
— Tu parles toujours autant pour ne rien dire hein…
Gojo hausse un sourcil, lentement, comme si Sukuna venait de prouver son point tout seul.
— Oh, ça, c’est pas vrai. Je dis des trucs très utiles. Là, par exemple, je viens littéralement de te donner un diagnostic : t’es moche, et t’es vexé.
Un silence.
Épais.
Electrique.
Sukuna ne bouge plus. Pas un muscle. Mais son aura… son aura explose en spirales rouges, comme si le domaine tentait d’éviter son regard.
— Gojo… souffle-t-il, chaque syllabe tranchante comme un rasoir. Tu joues avec quelqu'un qui n’a aucun sens de la pitié.
Gojo glisse ses lunettes dans sa poche, très calmement.
— Ouais. Mais apparemment, t’as un sens très développé de la susceptibilité. On fait avec ce qu’on a, hein.
Les ombres se tordent. Sukuna est à une insulte de perdre le contrôle.
— Tu crois vraiment, dit Sukuna d’une voix plus grave, plus lente, que ton humour pathétique te sauvera…?
Gojo sourit, yeux mi-clos, dangereux et lumineux à la fois.
— Non. Ce qui me sauvera, c’est ça :
Il pointe vaguement Sukuna du doigt.
— …le fait que tu détestes profondément qu’on te voit pour ce que t’es vraiment.
Sukuna s’avance d’un pas.
Un pas qui annonce une mise à mort. Un pas qui ferait reculer n’importe qui.
Gojo ne bouge pas.
Sukuna exhale. Un son guttural, mêlé de rage et de meurtre pur.
— Je vais t’arracher les yeux…
Gojo relève à peine le menton. Ses yeux s’illuminent d’un éclat glacial.
— Je vois que t’as pas changé sur le fond... Toujours persuadé qu’un mec qui saigne a déjà perdu.
Il fait un pas. Une spirale d’énergie se déploie autour de lui, silencieuse. Il ne tremble pas.
— Mais c’est pas moi qu’elle a piégé, cette fois. C’est toi. Une imitation. Un souvenir qu’elle manipule. Un outil. Il marque un temps, son sourire s’élargit. T’es une illusion ou c’est toi ? Je sais plus à force !
Son regard glisse un bref instant vers Megumi avant de revenir sur Sukuna.
— Mais rassure-toi : je reste jusqu’au bout. Même si je dois t’effacer deux fois.
Sukuna rit, un grondement moqueur.
— Tu parles trop... Tu veux voir si je suis une illusion ? Alors allons-y Gojo !
Il lève la main. Le sol se déchire sous les pieds de Gojo. Mais Gojo claque des doigts : l’espace se contracte, ondule, et repousse la faille sous lui. Il se stabilise sans même un pas de recul.
— Tu m’as manqué, toi aussi, murmure-t-il. Ravi de te voir combattre dans ton propre corps, pour une fois.
Il lève la main. L’Infini frémit autour de sa paume, prêt.
Sukuna ricane, son aura vibrant d’un plaisir malsain.
— Rien de neuf. Tu répètes tes tours comme un vieux comédien qui refuse de quitter la scène.
Il pivote légèrement, sa main fendant l’air. Une pointe de terre surgit, façonnée comme une lame, et fonce droit sur Megumi.
Gojo réagit instantanément, une onde rouge sort de sa main. Elle explose, brutale, pulvérisant le projectile avant qu’il ne touche son élève.
— Toujours aussi prévisible, grince Gojo. Mais pas cette fois.
Gojo ne cligne même pas des yeux.
—{Megumi. Casse-toi. Va retrouver les autres}
Le jeune exorciste ne bouge pas.
—{Mais Satoru…}
—{Bouge !}
Quelque chose traverse les yeux de Megumi. Une ombre ancienne. Un souvenir qui n’est pas le sien, mais que son corps reconnaît dans ses os, dans sa respiration, dans sa peur la plus primitive. Gojo n’a pas à insister. Une seule injonction, une seule nuance dans sa voix, et Megumi comprend. Il obéit sans même s’en rendre compte en formant une mudra rapide.
Nuë jaillit de son ombre dans une gerbe de vent. Le shikigami ouvre ses ailes et un courant violent emporte Megumi loin de la confrontation.
Vers l’arrière.
Vers l’obscurité.
Vers la mission.
Il disparaît dans un souffle.
Sukuna suit sa fuite du regard, un sourire déchirant la peau tatouée de son visage.
— Le pantin s’enfuit. Très bien. Enfin… seul !
Il se lève comme s’il flottait. Les cendres se soulèvent autour de lui. Puis il tend la main. Un simple geste. Une Onde Tranchante. Presque invisible. D’une précision chirurgicale. Elle vise le même point. Exactement. Le flanc qui avait scellé leur bataille.
L’air se fend avec un bruit sec.
Gojo fronce les sourcils, il ne bouge pas.
L’impact le frappe.
Un claquement violent.
Un choc brutal dans sa côte, bloqué par l’infini.
Sa main se crispe un dixième de seconde. La douleur fantôme traverse son corps comme un éclair, puis s’éteint.
Il soutient l’assaut.
Il reste debout.
Il inspire lentement.
— Toujours obsédé par mon ventre, hein…
Sa voix est douce.
Trop douce.
Comme si rien n’avait d’importance.
Puis son regard change.
Plus froid.
Plus vieux.
Plus aiguisé que celui d’un homme qui revient d’entre les morts.
Un regard qui dit : j’ai déjà vu la fin du monde, et je marche encore.
— Tu veux un replay ? Vraiment ?
Il redresse les épaules.
Son aura s’élève, claire, pure, verticale.
Un torrent sans faille.
L’air lui-même refuse de respirer.
Sukuna sourit.
Gojo le transperce du regard.
— Rejouer… c’est pas revivre.
Silence.
Une seconde suspendue, tendue comme un fil de rasoir.
Puis, d’une voix calme, implacable :
— Et moi… je suis pas du genre à perdre deux fois Sukuna…
Le sol tremble... Le combat va commencer...
Suite vendredi soir entre 20h et 22h...