Mites et légendes : Provençal le Gaulois

Chapitre 7 : La quête de Bohort ou Le Chevalier Vert

3451 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/11/2025 17:27

Une bien belle balade bucolique attendait notre chevalier. Bohort était heureux de pouvoir sortir du château. Il devait se rendre à Verte-Colline et rencontrer le fleuriste avec lequel il s’était déjà entretenu. Le chevalier avait fait envoyer un message à Verte-Colline pour annoncer sa venue et être sûr d’être bien reçu. Il avait également pris quelques présents pour ses hôtes.

Il prit près d’une semaine à arriver à cheval, alors qu’un voyage à pied aurait pris autant de temps. Bohort avait fait plusieurs escales, selon son bon plaisir. Il avait décidé de s’adonner à la poésie et offrir quelques vers à ses hôtes lorsqu’il arriverait. Il louait les bienfaits du soleil et les couleurs des fleurs. Il se préparait également à arriver à Verte-Colline le jour de la fête d’Alexandre le Grand et s’entraînait à parler en alexandrins. Ce trait d’esprit lui semblait, à coup sûr, être une excellente idée pour sympathiser avec les villageois, qui devaient être d’une grande ouverture d’esprit et d’une grande délicatesse.

Le soleil tapait sur les collines comme un forgeron sur son enclume. Bohort avançait à cheval, le dos droit, la cape immaculée, persuadé que la beauté attire la sympathie. Il avait répété ses alexandrins tout le long du chemin, convaincu que la poésie serait la clef pour amadouer ces âmes rustiques.

La route serpentait entre des champs où les menhirs semblaient pousser comme des champignons. Bohort frissonna. Ces pierres lui rappelaient les histoires de Léodagan sur les concours barbares. Mais il se rassura : Verte-Colline, quel nom charmant ! Ce village devait respirer la délicatesse.

Il entra sur la place. Une banderole crasseuse flottait au vent :

« GRAND CONCOURS DE LANCER DE MENHIRS – INSCRIPTION : 3 POULETS OU UNE DENT EN OR ».

Bohort déglutit. Trois poulets ? Une dent ? Où était la poésie ? Où étaient les rubans et les bouquets ? Il descendit de cheval, ajusta son armure et s’avança vers un étal couvert de fleurs. Enfin un signe de civilisation !

Le fleuriste, un gaillard au tablier taché de terre, bien différent de celui qu’il avait rencontré, écrasait des pétales sous ses bottes. Bohort inspira profondément et déclama :

— « Ô maître des corolles, apôtre des senteurs,

Je viens quérir savoir en ce jour de splendeurs.

Parlez-moi, je vous prie, du concours des menhirs,

Dont la rumeur s’étend jusqu’aux plus verts zéphyrs. »

Le fleuriste leva les yeux, l’air d’un homme qu’on dérange en pleine digestion.

— Hein ? Quoi ? Tu causes comme un bouquin moisi, toi ! Si t’es là pour les menhirs, faut payer l’inscription. Et ton charabia, là… ça m’file des crampes au cerveau.

Bohort sourit, persuadé que la rusticité cache souvent une âme sensible. Il sortit un petit sac de présents : rubans, fioles de parfum, et un poème calligraphié.

— « Voici quelques présents, doux gages de bonté,

Pour sceller entre nous la plus franche amitié.

Je cherche à comprendre, ô maître des corolles,

Les règles du concours où l’on lance des pierres folles. »

Le fleuriste éclata de rire, bientôt rejoint par deux villageois qui mâchaient des racines.

— Des pierres folles ? lança un villageois. Non mais t’as vu ta tête ? On balance des menhirs, pas des cailloux de jardin ! Et si t’as peur de salir ta belle tunique, retourne au château, poète !

Bohort fit un tour sur lui-même. La place du village ressemblait à un champ de bataille après la fête : des poules picoraient des miettes, des gamins lançaient des cailloux sur une vieille marmite, et un chien dormait au milieu du chemin comme s’il était payé pour ça. Bohort, le cœur vaillant, s’avança vers le groupe de villageois qui mâchaient des racines avec la lenteur d’un drame antique.

Il déclama, la voix vibrante :

— « Braves gens, écoutez, je viens en humble ami,

Pour chanter vos exploits et louer votre génie.

Dites-moi, je vous prie, quel est donc le vainqueur,

De ce noble tournoi qui requiert tant d’ardeur ? »

Un silence. Puis un rire gras éclata.

— Le vainqueur ? C’est Provençal, gros malin ! Il a balancé un menhir comme on jette une botte de foin. Et toi, t’es qui ? Un troubadour en armure ?

— Si tu veux le trouver, suis les poules. Elles pondent là où il est passé. Elle est où la poulette ? Ou alors, cherche un papillon. On dit qu’il en suivait un quand il est parti.

Bohort, imperturbable, reprit son souffle et lança un nouveau couplet :

— « Ô ciel ! Provençal, ce héros légendaire,

Dont l’ombre plane encore sur ce sol séculaire ?

Je veux, pour Camelot, percer ce grand mystère,

Et faire de son nom un éclat tutélaire ! »

Les villageois se regardèrent, consternés.

— Tuté… quoi ? Non mais il est malade, celui-là. Va causer tes poèmes au menhir, il comprendra mieux que nous.

Un vieux bonhomme, édenté, s’avança en se grattant le ventre.

— Provençal ? Ouais, je l’ai vu. Il a soulevé la pierre comme si c’était une miche de pain. Et il a crié un truc bizarre… « Par la barbe de Provençal ! » C’est la règle : si tu gueules un gros mot, t’as des points bonus. Si tu gueules ça, t’as double points.

— « Ô honte ! Ô barbarie ! Ô mœurs dégénérées !

Un concours sans beauté n’est qu’un cri de damnés !

Joignons à la vigueur la grâce et la mesure,

Pour que l’art du lancer devienne une parure ! »

Les villageois éclatèrent de rire.

— La parure ? Non mais il est marteau, celui-là ! Allez, dégage avant qu’on t’utilise comme menhir !

Bohort, après avoir essuyé les rires des villageois, se dirigea vers la maison communale. Une bâtisse bancale, avec une porte qui grinçait comme un vieux cheval. Il se dit qu’ici, enfin, il trouverait un esprit éclairé. Un maire, c’est forcément un homme de raison, non ? Bohort entra, le cœur gonflé d’espoir.

Le maire était assis derrière une table encombrée de papiers gras et de pots de confiture. Il mâchait une racine avec la lenteur d’un oracle fatigué. Bohort s’inclina légèrement et déclama :

— « Ô sage gouvernant, lumière de ce canton,

Je viens quérir conseil, noble et franc compagnon.

Parlez-moi, je vous prie, du héros Provençal,

Dont la gloire résonne en ce bourg pastoral. »

Le maire leva les yeux, l’air d’un homme qu’on réveille en pleine sieste.

— Provençal ? Ouais, on en cause. Mais faut pas croire tout c’qu’on raconte. Ici, la vérité, c’est comme la pluie : elle tombe quand elle veut.

Bohort cligna des yeux. Il tenta de rester digne.

— « Ô maître des proverbes, éclaire mon chemin,

Car je suis égaré dans ce doute sans fin.

Est-il vrai qu’il lança, d’un bras sûr et puissant,

Un menhir vers les cieux, tel un astre naissant ? »

— Ouais, il a lancé un menhir, répondit le maire en haussant les épaules. Mais y en a qui disent qu’il a pas lancé, qu’il a poussé. Et d’autres qu’il a juste soufflé dessus. Moi, j’dis que c’est pas la pierre qui compte, c’est l’élan. Sans élan, y a pas d’avenir.

Bohort sentit la migraine monter et son calme disparaître.

— « Ô sort impitoyable, ô discours sibyllins,

Je cherche la clarté, je ne veux point de grains !

Dites-moi où trouver ce héros sans égal,

Avant que mon esprit ne sombre dans le mal ! »

— Si tu veux le trouver, cherche le fromage, dit le maire en se grattant la tête. Provençal, il en avait toujours sur lui. Et si tu croises un pigeon borgne, suis-le. C’est la prophétie.

Bohort resta figé. Un pigeon borgne ? Du fromage ? Il sentit son âme vaciller.

Le maire, fatigué par les tirades interminables de Bohort, leva la main comme pour arrêter une pluie de mots.

— Bon, ça suffit les rimes, là. Tu me files mal au crâne. Parle normal, comme tout le monde. Sinon, je t’envoie chez le forgeron, il adore taper sur les trucs qui font du bruit.

Bohort resta figé, comme si on venait de lui arracher son armure. Parler sans alexandrins ? Quelle indignité ! Mais il se ravisa : il devait sauver sa mission. Il inspira profondément.

— Très bien… Je… Je vais faire un effort. Dites-moi… ce concours… comment cela s’est-il déroulé ?

Le maire haussa les épaules et fit signe au fleuriste, qui traînait dans l’ombre comme une pivoine mal arrosée depuis que Bohort était entré dans le bâtiment.

— Lui, il sait. Moi, j’étais occupé à compter les poules. Elle est où la poulette ?

Le fleuriste s’approcha, essuya ses mains pleines de terre sur son tablier, et commença son récit avec la gravité d’un témoin d’un miracle… ou d’une catastrophe.

— Ça s’est passé y a trois lunes il y a plusieurs années, jour de la fête du cochon farci. Le concours, c’est simple : tu prends un menhir, tu le balances le plus loin possible. Et tu fais gaffe aux poules, parce qu’il y a déjà quelques concours de ça, y en a une qui a fini dans un puits. Depuis, elle pond dans des bottes.

— C’est… c’est barbare. Et Provençal… il a participé ?

Le fleuriste hocha la tête, les yeux brillants.

— Ouais. Il est arrivé comme ça, l’air paumé, avec une passoire sur la tête. Il a pas pris le petit menhir, non. Il a pris le gros. Celui qu’on garde pour décorer la place. Deux Gustave de haut, trois Beatrix de large. Les autres ont dit : « Il va se péter le dos. » Ben non. Il l’a soulevé comme une miche de pain. Et il l’a lancé. Pas jeté, hein. Lancé. Comme un pigeon qui fait du ballet. Il a atterri dans le foin, sans casser une brindille. Les poules ont applaudi.

Bohort porta la main à son front, comme un tragédien frappé par la révélation.

— C’est… incroyable. Et après ?

— Après ça, il a demandé s’il y avait du fromage. Puis il est parti. Certains disent qu’il a suivi un papillon. D’autres qu’il s’est endormi dans un tonneau. Bref, on sait pas. Mais le menhir est là-bas, dans le foin. On l’appelle “Pierre de Provençal”. Les poules pondent dessus.

Bohort se tourna vers la place, le regard enflammé.

— Je dois voir cette pierre. Elle porte la trace d’un héros… Un héros qui pourrait sauver Camelot.

Le fleuriste haussa les épaules.

— Ouais, ben fais gaffe, y a des crottes de poule.

Bohort, encore secoué par le récit du fleuriste, se redressa avec la dignité d’un chevalier en croisade. Il regarda, en sortant, la place, les poules, les menhirs, les villageois qui mâchaient des racines comme si c’était un sport national. Une idée germa dans son esprit : il fallait élever ces gens. Leur offrir autre chose que la brutalité. Leur donner… la beauté.

Il monta sur une vieille caisse, leva les bras et déclama, en prose, mais avec emphase.

— Braves gens ! Ce concours est… comment dire… rustique. Mais pourquoi ne pas joindre la force à l’art ? Je propose… un concours de poésie ! Oui ! Des vers pour sublimer vos exploits ! Des rimes pour glorifier vos menhirs !

Un silence. Puis un rire gras, suivi d’un autre. Et soudain, une voix tonna :

— Un concours de quoi ?! Tu veux qu’on cause en chansons pendant qu’on soulève des cailloux ? Mais t’es malade, toi !

— Moi, j’peux faire une rime : « Si tu continues, on t’balance dans la rivière. » Ça rime, non ?

Les autres éclatèrent de rire. Bohort tenta de garder son calme.

— Non, mais… écoutez… Ce serait beau ! Imaginez : « Ô menhir, noble pierre, témoin des âges… »

Un gaillard énorme, sans doute Beatrix, les bras comme des jambons, s’avança.

— Écoute-moi bien, poète. Ici, on lance des menhirs. Pas des mots. Si t’as envie de voler, on peut t’aider. On t’attache à un menhir et on voit si tu rimes avec la rivière.

Les villageois hurlèrent de rire. Bohort sentit ses jambes trembler. Il descendit de la caisse, les mains levées.

— Très bien… Très bien… Pas de poésie. Je… Je vais juste… admirer la pierre. Et… repartir.

Le gaillard lui tapota l’épaule avec une force qui aurait pu déplacer un mur.

— Bonne idée. Parce que sinon, t’allais finir en projectile.

Bohort s’éloigna, le cœur lourd, en marmonnant pour lui-même :

— Ô monde sans beauté… Ô rustique enfer… Je suis entouré de barbares…

Bohort quitta la place, le cœur lourd, mais la tête haute. Il avait échoué à civiliser ces rustres, mais il n’avait pas renoncé à sa mission : retrouver Provençal. Et il avait deux indices. Un indice absurde, certes, mais un indice quand même : un pigeon borgne et du fromage. L’autre, c’était le menhir dans le foin.

Il marcha jusqu’au chemin qui menait aux champs. Le vent portait des odeurs de foin, de boue… et vaguement de chèvre. Bohort s’arrêta, inspira profondément, et murmura, comme pour se rassurer.

— Si le destin se cache derrière un fromage… Alors soit. Je suivrai la piste lactée.

Il avança, scrutant chaque recoin, chaque battement d’ailes. Et soudain, il le vit : un pigeon bancal, posé sur une barrière, l’œil gauche fermé comme un secret. Bohort sentit son cœur bondir.

— Par les saints ! Le borgne ailé ! C’est lui !

Il s’approcha doucement, tendant la main comme pour saluer un oracle. Le pigeon le fixa, puis s’envola. Bohort se lança à sa poursuite, cape au vent, armure cliquetante. Il traversa un champ, glissa dans la boue, se releva avec la dignité d’un homme qui refuse d’admettre qu’il vient de manger la terre.

Le pigeon se posa près d’un vieux tonneau. Et là, Bohort vit un morceau de fromage, posé comme une offrande. Il s’agenouilla, ému.

— Ô signe céleste… Le fromage est la clef…

Il tendit la main pour saisir le fromage… et bascula dans le fossé derrière le tonneau. Un bruit sourd, suivi d’un juron étouffé. Bohort resta coincé, les jambes en l’air, la cape trempée.

Une voix s’éleva derrière lui. C’était le vieux bonhomme édenté, celui des proverbes.

— Alors, poète ? Tu cherches la vérité ou tu fais la sieste ? Parce que là, t’as l’air d’un menhir mal rangé.

Bohort, couvert de boue, tenta de sauver la face.

— Je… Je suis sur la piste. Le pigeon… le fromage… Tout cela… a un sens. »

Le vieux éclata de rire.

— Ouais. Le sens, c’est que t’es paumé. Allez, viens. Avant qu’on te prenne pour un épouvantail. Faut arrêter ces conneries une fois pour toutes. Le sens, suivant comment on est tourné, ça change tout. Je te ramène au menhir.

Après l’épisode humiliant du fossé, Bohort décida qu’il était temps de revenir à l’essentiel et seul indice tangible : le menhir dans le foin. Ce monument, témoin du prodige de Provençal, devait livrer ses secrets. Il se redressa, essuya la boue sur sa cape, en vain, et marcha d’un pas solennel vers le champ.

Le soleil déclinait, jetant une lumière dorée sur la pierre massive. Elle trônait au milieu d’un tas de foin, comme un roi endormi sur un lit de paille. Autour, des poules picoraient avec l’indifférence des sages.

Bohort s’approcha, le souffle court. Il posa la main sur la pierre, comme on salue un reliquaire.

— Ô noble témoin… Tu as volé… Tu as défié la gravité… Dis-moi… où est ton maître ? Où est Provençal ?

Une poule caqueta, comme pour se moquer. Bohort l’ignora. Il fit le tour du menhir, inspectant chaque fissure, chaque trace. Et soudain, il vit une inscription grossière, gravée à la pointe d’un couteau :

« PROVENÇAL ÉTAIT LÀ. ET IL AVAIT FAIM. »

Bohort écarquilla les yeux.

— Une preuve ! Une trace tangible ! Il… il avait faim… Cela confirme le fromage…

Il sortit un carnet et nota avec application :

« Indice : Provençal – appétit prononcé – fromage probable. »

Puis il se mit à genoux, fouillant le foin comme un archéologue en détresse. Il trouva une vieille passoire cabossée. Bohort la souleva, ému.

— La couronne du héros… Son casque improvisé… Ô Providence, tu me guides !

Il serra la passoire contre lui, comme un talisman. À cet instant, une voix derrière lui tonna :

— Hé, poète ! Tu comptes épouser la pierre ou quoi ? Parce que là, t’as l’air amoureux.

Les autres villageois présents éclatèrent de rire. Bohort se releva, digne malgré la boue.

— Je mène une enquête. Une enquête capitale pour le royaume. Et je vous prie… de respecter la sacralité de ce lieu.

— Sacralité ? C’est un caillou dans du foin, mon gars. Et si tu continues à fouiller, tu vas trouver des crottes avant des miracles.

Bohort ignora la pique. Il posa la passoire sur sa tête, comme pour communier avec l’esprit du héros. Les villageois éclatèrent de rire plus fort.

— Regardez-moi ça ! On a un Provençal de pacotille ! Allez, les gars, on le prend et on le lance !

Un frisson parcourut Bohort. Il recula, serrant la passoire sur sa tête.

— Ô ciel…

Alors que Bohort s’apprêtait à fuir l’agressivité des villageois, une voix douce mais ferme l’arrêta. C’était le fleuriste qui lui avait conté la légende. Contrairement aux autres, il avait quelque chose de distingué. Son tablier brodé de pensées et de marguerites contrastait avec la crasse ambiante. Ses gestes étaient précis, presque élégants, comme s’il maniait les fleurs avec la rigueur d’un moine copiste.

Il s’avança, essuya ses mains sur un linge propre (un miracle dans ce village).

— Chevalier… Vous cherchez Provençal, n’est-ce pas ? Je crois que je peux vous aider. Mais pas ici. Suivez-moi.

Bohort, encore coiffé de la passoire, hocha la tête et le suivit derrière un étal dans le village. Ils entrèrent dans une petite remise où l’air sentait la lavande et non la sueur. Bohort inspira, soulagé.

— Vous êtes… un homme de goût. Enfin, un esprit éclairé ! Dites-moi… que savez-vous ?

Le fleuriste posa ses outils, s’assit sur un banc, et parla à voix basse.

— Provençal n’est pas un simple gaillard. Il n’est pas d’ici. Il n’est pas d’ailleurs non plus. Il est… lié à Camelot. À votre Table. On dit qu’il a un frère… un frère qui siège déjà.

Bohort sentit son cœur bondir.

— Un frère ?! Mais… qui ?

Le fleuriste sourit, mystérieux.

— J’ai entendu ce nom… Perceval. Les gens disent qu’ils se ressemblent. Comme deux gouttes d’eau… ou deux cailloux dans la même botte. Quand Provençal a gagné le concours, il a crié un nombre étrange. Un nombre que seul un esprit, ou un idiot, pourrait inventer. Ça parlait de pierres. Beaucoup de pierres. Ça vous dit quelque chose ?

Bohort blêmit. Il se souvenait des divagations de Perceval sur les « seize-mille-cent-trente pierres ». Était-ce un signe ?

— Par tous les saints… Cela… Cela change tout. Je dois… je dois prévenir le Roi !

Le fleuriste lui tendit un petit objet : une feuille séchée, avec des mots griffonnés. “Perceforest ubi omnia coeperunt et ubi desinent.”

— Il a laissé ça. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Mais ça sent la prophétie. Et… le fromage.

Bohort serra la feuille contre lui, tremblant.

— Vous… vous êtes mon seul allié dans ce monde de brutes. Je vous jure… votre nom sera chanté dans les chroniques.

Le fleuriste haussa les épaules.

— Ouais, ben… commence par enlever la passoire. Tu fais peur aux pivoines.


 

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