Mites et légendes : Provençal le Gaulois

Chapitre 9 : De zéro à héros

2260 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/12/2025 11:39

La cour du château avait été transformée en arène improvisée. Au centre, un miroir monumental, cerclé de bois sculpté, trônait comme une relique. Sa surface lisse reflétait la lumière du soleil, éclatante, presque aveuglante. Deux écuyers avaient ciré le cadre pour « donner du prestige », ce qui le rendait glissant comme une anguille.

Arthur, debout, les bras croisés, fixait Perceval qui souriait comme un enfant devant un dessert promis de longue date. Bohort, Karadoc et Léodagan étaient là, chacun prêts à savourer le spectacle. Merlin, lui, traînait dans un coin, l’air inspiré, ce qui inquiétait déjà Arthur.

— Bon… Première épreuve. Tu dois vaincre ton double. Ton adversaire, c’est toi-même.

Perceval cligna des yeux.

— Ah ouais… Il est beau, le gars. Bon… On y va. Facile, c’est un miroir filiforme.

Arthur leva les yeux au ciel. Perceval s’approcha, épée en bois en main. Son reflet fit de même.

— Hé ! Il me copie ! Sire, il triche !

Arthur soupira.

— Non, il fait son boulot. À vous de trouver comment le battre.

— Si vous voulez, je peux lui donner un coup de hache. Ça ira plus vite, dit Léodagan.

— Non ! Il doit se débrouiller seul. C’est une épreuve de courage et d’esprit.

Perceval fronça les sourcils.

— Si je fais rien… il fait rien, alors ?

Perceval resta immobile, tout comme son reflet.

— Ah ben voilà. Égalité. On arrête ?

— Non, on continue. Frappez-le !

Perceval donna un coup. Le miroir vibra, mais tint bon. Perceval recula, surpris.

— Mais… il est fort, le miroir !

Il tenta une feinte ridicule et se prit le cadre dans la tête. Le cochon poussa instantanément.

— Aïe ! Bon… Technique unagi. Le poireau ou la caillasse ? Ha !

Perceval lâcha son épée, sortit un caillou de sa poche.

— Ça, il l’a pas.

Il lança le caillou, qui rebondit sur le miroir et lui revint au milieu de la figure.

— Aïe ! Non mais c’est pas possible ! Il me renvoie mes coups !

— Moi, je parie deux saucissons qu’il va se faire assommer par son propre caillou.

— Karadoc, on est pas là pour parier !

— Ben si, ça rend le truc intéressant.

Perceval, vexé, tenta une autre idée. Il se mit à insulter son reflet.

— Espèce de traître ! Tu crois que t’es moi, mais moi, je suis toi aussi !

Silence. Le miroir ne bougea pas. Perceval réfléchit, à sa manière.

— Bon… Si je casse le miroir, il peut plus copier.

Il recula, prit son élan et se fracassa contre le miroir.

CRAC ! Le cadre se brisa, mais le miroir resta debout. Perceval tomba à la renverse.

— Il a failli se tuer en chargeant un meuble. Il y a le beau geste !

Merlin s’avança alors, l’air inspiré.

— Sire, je peux… améliorer l’épreuve. Avec un enchantement, dit-il en sortant une poudre verdâtre d’une bourse. Ça va rendre le miroir… vivant.

Arthur leva les mains vers Merlin.

— Non, Merlin. Pas de magie. Pas aujourd’hui.

— Mais enfin, Sire ! répondit Merlin, offusqué. C’est une occasion unique de tester mes talents !

« Speculum animatus ! »

Un souffle étrange parcourt la cour. Le miroir vibre… puis se met à parler.

— Bonjour. Je suis toi. Mais mieux coiffé. Vieux pou !

Perceval sursaute.

— QUOI ?! Il parle ! Sire, il parle ! C’est pas normal !

Arthur se frotta le visage.

— Merlin… Qu’est-ce que vous avez encore foutu ?

— Je lui ai donné une conscience, dit Merlin, visiblement fier de lui. Et un sens critique. Ça va pimenter le duel.

Le miroir ricana.

— Tu crois que tu peux me battre ? Regarde-toi. T’as même pas mis tes bottes à la même hauteur. Comme tes chicots !

Perceval se crispa.

— Hé ! Ça, c’est pas gentil ! Je vais t’apprendre la politesse ! dit-il en brandissant son épée en bois.

Perceval chargea. Le miroir esquiva… en glissant sur son cadre. Il pivota, fit un tour complet, et se planta devant Perceval.

— Tu frappes comme un pigeon enrhumé. Moins fort que ta grand-mère !

— Non mais regardez-moi ça ! Il se fait insulter par un meuble ! lança Léodagan.

Perceval tenta une feinte. Le miroir répliqua avec un coup de cadre dans le tibia.

— Aïe ! Mais il tape, en plus !

— MERLIN !!!

— C’est normal. Il a une âme. Et un peu de rancune.

Perceval recule, haletant.

— Bon… Si je casse la glace, il peut plus parler.

Il recula, prit son élan et sauta sur le miroir. CRAC ! Le miroir se fendit, mais ne tomba pas. Perceval glissa et s’écrasa dans la poussière.

Le miroir, fendu, murmura.

— Tu… as… gagné… mais t’es… moche.

Perceval leva le poing, triomphant.

— Voilà ! Il a admis que j’ai gagné !

Arthur se laissa tomber au sol.

— Bon… On va dire que c’est réussi. Parce que j’ai plus la force de continuer.

— Vous voyez ? Mon sort fonctionne. Enfin… à moitié.

— Merlin… Si tu refais ça, je t’enferme dans un tonneau.

***

La cour n’avait pas retrouvé son calme après le carnage du miroir. Perceval, couvert de poussière et fier comme un paon, se tenait au centre, prêt pour la deuxième épreuve. Arthur, assis à présent sur un tabouret, se frottait les tempes comme un homme qui regrettait d’être né. Léodagan jubilait, Karadoc mâchait un morceau de lard, et Bohort préparait un discours sur « la beauté des mots ».

Un écuyer entra, portant une poule. Une vraie. Blanche, dodue, avec un regard vide mais déterminé. Il la posa sur un tabouret au milieu de la cour.

— Voilà. Épreuve numéro deux. Vous devez vaincre cette poule… par la parole.

Perceval cligna des yeux.

— Par la parole ? Je dois lui parler ?

— Pas seulement lui parler, Messire ! Vous devez la surpasser par la beauté des mots ! Une joute verbale, une confrontation d’esprit ! Que la dialectique triomphe !

— Ah… Donc je dois dire des phrases ?

— Oui. Des phrases belles, profondes. Plus belles que ses caquètements.

Perceval hocha la tête, sérieux.

— D’accord. Facile.

Perceval se planta devant la poule, bomba le torse.

— « Quand il pleut, c’est mouillé. » Voilà. Ça, c’est puissant.

La poule caqueta. Perceval se crispa.

— Elle m’a répondu ! « Quand il fait nuit, on ne voit pas. » Ça, c’est encore plus fort.

Arthur se frotta le visage.

— Messire Bohort… Ce n’est pas de la poésie. C’est de la météo.

— Mais Sire, il y a une forme de vérité brute ! Une sincérité qui transcende la syntaxe !

— Non mais regardez-moi ça ! Il débat avec un poulet qui lui tient tête !

Léodagan se tordait de rire, proche de la douleur. Merlin, qui n’avait pas digéré l’échec du miroir, s’avança avec un sourire inspiré.

— Sire, je puis… améliorer l’épreuve. Un sort léger, juste pour… donner la parole à la poule.

Arthur leva les mains.

— Non, Merlin. Pas encore. Le tonneau !

— Mais enfin, Sire ! Une poule qui parle, c’est la quintessence du duel philosophique ! « Gallina eloquens ! »

Un souffle étrange. La poule cligna des yeux… et dit :

— « C’est pas faux. »

Silence. Toute la cour se figea. Arthur se leva d’un bond.

— MERLIN !!!

— Elle parle ! Et elle commence fort !

Perceval recula, paniqué.

— Elle… elle a dit un truc intelligent ! Il se gratta la tête. Bon… « Quand on marche, on avance. » Ça, c’est imparable.

La poule répondit :

— « Et quand on vole, on tombe pas. »

Puis elle caqueta, comme pour ponctuer sa phrase.

— Moi, je parie trois saucissons sur la poule. Elle a l’air plus futée.

— Merlin… Si elle commence à philosopher, je vous étrangle.

— Mais Sire, c’est magnifique ! Une dialectique inter-espèces !

Perceval, vexé, se mit à improviser.

— « Quand il fait jour, on voit mieux. » Ça, c’est beau, non ?

— Ô miracle ! Une vérité nue, sans fioritures ! Une pureté qui transcende la rhétorique !

La poule répondit :

— « Et quand il fait nuit, on dort. »

Puis elle ajouta :

— « Sauf les hiboux. »

Perceval blêmit.

— Elle connaît les hiboux ! Elle est trop forte !

Arthur hurla.

— STOP ! Ça suffit ! On arrête avant qu’elle cite Platon !

La poule caqueta une dernière fois… puis dit :

— « Je préfère Aristote. »

Arthur se figea. Léodagan éclata de rire.

— Non mais regardez-moi ça ! On a un poulet aristotélicien !

— Vous voyez ? Mon sort fonctionne à merveille.

Arthur fusilla Merlin du regard.

— Merlin… Si vous refaites ça, je vous jure que je vous enferme dans un tonneau. Avec la poule.

Alors qu’Arthur allait clore l’épreuve, Perceval leva la main.

— Attendez ! J’ai une dernière phrase.

Il se planta devant la poule et prit une grande inspiration.

« Quand on est deux, on est pas tout seul. »

Silence. La poule cligna des yeux… et s’inclina. Oui, elle s’inclina.

— « Je rends les ailes. Vous avez gagné. »

Toute la cour resta figée. Bohort porta la main à son cœur.

— Ô miracle ! La dialectique a vaincu la nature !

Arthur se laissa tomber sur son tabouret.

— Bon… Il a gagné. Je ne sais pas comment, mais il a gagné.

— Il a battu une poule… avec une phrase de comptine. C’est beau, dit Léodagan tordu de rire.

— Vous voyez ? Mon sort fonctionne. Elle reconnaît la supériorité intellectuelle.

Arthur le fusilla du regard.

— Merlin… Taisez-vous. Pour toujours.

Perceval bomba le torse, triomphant.

— Voilà. Je suis le champion des poulettes.

***

La cour sentait encore la poussière et les plumes après la victoire improbable de Perceval contre la poule. Arthur, assis sur le tabouret, se frottait les tempes comme un homme qui regrettait d’avoir accepté les épreuves. Léodagan jubilait, Karadoc mâchait une épaule de cochon, Bohort préparait un discours sur “la noblesse de la tempérance”, et Merlin… Merlin triturait déjà une fiole suspecte.

Un écuyer entra, portant un plateau sur lequel reposait un énorme fromage rond, doré, luisant comme une relique. L’odeur était si forte que deux pigeons tombèrent raides sur le toit.

Arthur leva la main.

— Voilà. Épreuve numéro trois. Vous devez garder ce fromage pendant dix minutes… sans le manger.

Perceval cligna des yeux.

— Dix minutes ? Facile.

— Je parie qu’il tient deux minutes. Pas plus.

— Karadoc, cessez de parier ! Ce n’est pas une foire !

— Si, ça rend le truc intéressant.

Perceval s’assit devant le plateau, les mains sur les genoux. Il fixa le fromage comme un trésor.

— Bon… Je ne vais pas le manger. Je vais juste… le regarder. Comme un ami.

Une minute passa. Perceval transpirait déjà.

— Il me regarde. Je crois qu’il me regarde. Il dit : « Mange-moi. »

Arthur leva les yeux au ciel.

— Perceval… C’est du fromage. Il ne parle pas.

— Si. Il parle. Et il a raison.

Merlin s’avança alors, l’air inspiré.

— Sire, je puis… améliorer l’épreuve. Un sort léger, juste pour… rendre le fromage plus… disons… expressif.

Arthur se redressa, furieux.

— Mais enfin, Sire ! Un fromage qui tente l’âme, c’est la quintessence de la gastronomie mystique ! « Caseus tentator ! »

Un souffle étrange parcourut la cour. Le fromage vibra, puis se mit à chanter. Une voix douce, presque angélique.

— « Viens… goûte-moi… Je suis crémeux… Je suis ton destin… »

Silence. Toute la cour se figea.

— MERLIN !!!

— Il chante ! Et il a du talent ! répliqua Merlin, les mains sur les hanches, empli de fierté.

Perceval recula, paniqué.

— Il… il me fait une sérénade ! Bon… Je vais résister. Je suis fort.

Le fromage continua, suave :

— « Si tu me manges… tu seras un héros… »

— Moi, je parie dix saucissons qu’il craque avant la fin du refrain.

— Merlin… Si ce fromage commence à faire des promesses, je vous étrangle.

— Mais Sire, c’est magnifique ! Une dialectique sensorielle !

Perceval tremblait. Il approcha la main du fromage quand, soudain, un pigeon borgne tomba du ciel et se posa sur le plateau. Oui, un pigeon borgne, avec une patte tordue, qui fixa Perceval comme un juge antique.

Arthur cligna des yeux.

— Qu’est-ce que… ?

Le pigeon roucoula… puis donna un coup de bec sur la main de Perceval.

— Aïe ! Mais… il me défend !

— Ô Providence ! Un signe céleste ! Le pigeon protecteur !

Le fromage, vexé, hurla :

— « Écarte-toi, volatile ! Il est à moi ! »

Le pigeon roucoula plus fort, battit des ailes et… lâcha une fiente sur le plateau. Perceval recula, dégoûté.

— Bon… Je ne peux pas manger ça maintenant. C’est souillé.

Arthur se frotta le visage.

— Très bien. Il a gagné. Grâce à un pigeon constipé.

— Non mais regardez-moi ça ! Il a résisté… parce qu’un piaf a chié sur son destin !

— Vous voyez ? Mon sort fonctionne. Il a provoqué l’intervention cosmique.

Arthur le fusilla du regard. Perceval bomba le torse, triomphant.

— Voilà. Je suis champion. J’ai réussi toutes les épreuves. N’empêche que je suis une légende !

Lancelot déboula dans la cour, tirant un homme par la cape.

— Sire, je pense qu’on a un problème. Regardez qui nous espionnait…

D’un geste puissant, Lancelot fit voltiger le mystérieux espion, qui vint s’écraser devant le Roi et ses chevaliers.

— Perceval ?

— Non, Perceval c’est moi.

— Et lui, alors ?

L’homme se releva. C’était Perceval, à côté de… Perceval.

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