Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 36 : Travailler tous ensemble - Changement de cap

10789 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/02/2024 22:16

Bonjour à tous ! Cette fois une partie plus calme (et aussi plus longue) pour débuter un nouveau chapitre avec son lot d'aventures et de rebondissements ! Et surtout de changements… Qu'ai-je donc réservé à nos héros ?

*Sora et Roxas font la gueule blasés de mon excessive théâtralité*


En quelques jours, Sora a récupéré l'usage de la Sagesse et de la Vaillance… Cependant, un rêve inquiétant le préoccupe … est-ce le présage d'un terrible évènement ?

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 Sora contempla distraitement le ciel sans vraiment le voir, allongé dans un gradin du colisée et une seule image précise occupant à l’instant présent son esprit.

Son cauchemar, juste après sa Vaillance. Et aussi un peu ceux de cette nuit.

Exténué par l'effort physique et mental, l'Élu n'avait eu qu'une envie : s'allonger au dortoir, en sécurité auprès de ses amis. Mais pourtant, le sommeil avait pris son temps pour lui venir, et les songes qui avaient agité sa demi-veille nocturne n’avait fait que renforcé ses craintes.

Ça n'avait pas été des rêves aussi effrayants que celui au Bistrot, mais il lui était resté une impression de malaise, comme si quelque chose n'allait pas. Et du peu qu'il s'en rappelait, c'était effectivement préoccupant ; il voyait des silhouettes sombres apparaître et disparaître autour de lui, trop informes pour qu'il sache si c'était des êtres en manteaux noirs ou juste des gens aux traits indiscernables. À peine avait-il cru discerner quelques mèches folles, hérissées ou non, c'était trop flou pour le dire.

Soupirant, le garçon ne put chasser la crainte étrange que ses soudains progrès avec la Fusion cachaient quelque chose. Comme… une contrepartie inquiétante. C'était aussi pour ça qu'il avait tenu à exercer ses Formes sans se transformer pendant l’entraînement de tout à l'heure. Peut-être qu'il se faisait des idées, mais il n'avait pas envie de risquer quoi que ce soit. Pas après tout ses efforts pour retrouver ses pouvoirs.

Machinalement, sa main glissa vers sa poche, avant qu’il ne se retienne ; il n’avait pas trop envie de penser à ça, quand il avait déjà tout ces problèmes à gérer… Mais, il avait quand même envie de penser un petit peu à elle, surtout dans l’instant ; il essaya de se décider, entre laisser sa main ou sa tête agir… avant de soupirer, et de sortir le porte-bonheur en coquillage.

À nouveau le petit visage lui sourit ; mais cette fois un sentiment doux-amer tordit le cœur de l'Élu à sa vue. Il ne pouvait tout simplement pas laisser quelque chose lui arriver… et pourtant, ce simple témoignage sincère de l'affection de Kairi lui faisait encore plus mal. La dernière fois qu'il l'avait sortit pour le contempler vraiment, c'était avant que tout déraille pour les Gardiens. Et à ce moment donné, Sora pensait encore à tout ce qu'il n'avait pas pu dire, pas pu faire avec la jeune fille qu'il aimait : des choses qu'il n'était même plus sûr de pouvoir partager maintenant.

Surtout si en plus elle l’évitait, vu comment elle n’avait toujours pas répondu à son message. Enfin, peut-être qu’il l’évitait un peu lui aussi, vu qu’il n’était pas non plus revenu au Jardin Radieux depuis sa lamentable tentative juste après leur rupt-séparation temporaire. Encore un coup de sa lâcheté légendaire, apparemment… Bon, il savait déjà qu’il devait travailler ça, mais qu’est-ce qu’il y avait d’autre qui l’empêchait d’être un bon ama-partenaire aux yeux de Kairi ?

En gros, comment la reconquérir, quoi ?

Sora cligna des yeux à cette pensée. Il l'aurait pas formulé de cette façon, mais… c'était quand même un peu ça, mine de rien. Même s'il avait un peu l'impression que dire ça revenait à la considérer comme un trophée à obtenir… Ah, mais qu'est-ce qu'il avait aujourd'hui ? Kairi n'était pas un trophée, c'était une personne, une super amie ! Et même plus pour lui, même si leur relation était effectivement mal partie…

Pourtant il avait essayé d’être aussi parfait que possible, même si tout ne l’avait pas été ; il faisait de son mieux pour suivre les conseils amoureux de ses amis, mais ça avait pas marché !

Qu’est-ce qu’il avait encore raté après tout ses efforts, putain ?

- Sora ? Tout va bien ?

La voix d’Hercule sortit soudain l’adolescent de ses pensées sombres, lui faisant réaliser qu’il s’était pris la tête dans les mains comme pour s’arracher les cheveux ; se retournant vers le héros, il rangea rapidement la précieuse amulette et opina du chef, un sourire maladroit sur ses traits :

- Euh oui, ça va…

L’olympien ne sembla pas très convaincu par cette réponse, vu comment il s’approcha doucement du jeune homme :

- Tu es sûr ? Tu m’as l’air assez préoccupé ces derniers jours…

Le garçon pensait répondre positivement à nouveau, mais la juste remarque de son ami le retint ; il n’avait pas tort, beaucoup de choses l’inquiétaient en ce moment…

Et à cet instant précis, une inquiétude particulière, une qui tenaillait l'Élu depuis des mois déjà, refaisait doucement surface…

- …Hercule ? Tu te souviens de quand je suis venu ici la dernière fois ? Quand j'avais dit qu… j'avais demandé si tu pouvais m'entraîner ?

Le héros fronça les sourcils, intrigué, et hocha la tête tandis que le jeune homme semblait fixer obstinément un point dans le ciel. Puis Sora détacha son regard outremer de l’azur nébuleux, avant de murmurer :

- En fait, je… Je commence à me demander… si je t'ai posé la bonne question.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

L'Élu ferma les yeux en soupirant ; c'était dur à expliquer en respectant toute cette politique de "l'ordre des mondes", mais…

Oh et puis zut.

- Il s'est passé un truc récemment, dit-il en rouvrant des yeux fatigués, et qui m'a… volé tout mes pouvoirs, et je… J'en avais un très important qu'il faut que je retrouve, mais je sais pas comment faire… Et…

Il tourna alors son regard outremer vers le héros qu'il admirait tant, un peu timide :

- Tu avais perdu ta force toi aussi, quand l'Hydre a détruit le colisée, tu te sentais mal et tout, et…

L'adolescent s'arrêta, redoutant la réaction de son ami au rappel des évènements ; mais le guerrier soutint son regard, prêt à l'écouter.

- …Et tu as pu la retrouver, conclut le jeune homme. C'est pour ça que je suis venu ici, pour essayer de faire pareil avec cet entraînement et tout, mais…

- Mais tu penses que tu t'y es mal pris, c'est ça ? compléta Hercule.

- …Peut-être bien, soupira l'Élu en contemplant à nouveau les nuages.

Son ami ne put que lui rendre un regard désolé, avant que le garçon ne murmure :

- Ce que je voulais savoir, en fait…

Il soupira, comme fatigué par sa propre idiotie, avant de demander en fixant le héros dans les yeux :

- Ta force. Comment l'as-tu retrouvée ?

Le guerrier soutint un instant le regard résolu, presque implorant du jeune homme, avant de s’asseoir non loin de lui, pensif :

- Hum… Comment expliquer ? Quand c'est arrivé, Hadès avait jeté Meg dans le puits des Enfers, et tout ce que je sais c'est qu'à cet instant précis je ne pensais qu'à la sauver, quoi qu'il arrive. Et puis… Eh bien, voilà, ma force m'était revenue, conclut-il en se grattant la nuque. C'est un peu arrivé comme ça, sans prévenir.

Le visage de l'Élu se décomposa doucement, presque imperceptible ; puis il baissa les yeux, résigné :

- Je savais que c'était une question stupide…

- Non, pas du tout Sora, le contredit gentiment le héros. C'est juste… Tu te souviens de ce que je vous ai dit à notre première rencontre, quand vous vous demandiez ce qu'il fallait pour être un vrai héros ? Je pense que c'est quelque chose que tu dois aussi découvrir par toi-même. Je sais combien c'est dur, Sora, mais j'ai confiance en toi. Tu trouveras, confia-t-il avec assurance en posant une main sur l'épaule du garçon.

Ce dernier contempla un instant la paume solidaire, un peu timide. Puis son regard se leva vers celui du héros, et bientôt un sourire reconnaissant se dessina sur ses traits incertains.


Rentrant au dortoir, Donald poussa un profond soupir de soulagement d'avoir enfin fini leur journée. Tandis qu’il s'asseyait pour un repos bien mérité, il vit l'adolescent vérifier son Gummobile, avant de jeter son appareil sur le lit en soupirant. Vu sa déception, il attendait quelque chose qui n'était pas arrivé ; et sachant quelle était l'autre personne possédant un téléphone similaire, il avait une petite idée de pourquoi il avait l'air si triste.

Alors que Dingo rangeaient leur affaires comme à son habitude, Jiminy sauta hors du béret du magicien où il s'était réfugié pour la mission et sortit son journal :

- Ce fut une journée plutôt calme comparée aux précédentes, commenta le criquet en commençant son brouillon. Sora, pourras-tu me prêter ton Gummobile que je mette nos aventures à jours ? Sora ?

Devant l'absence de réponse du garçon, Donald se retourna machinalement vers lui pour le voir regard rivé sur le chroniqueur, les yeux grands comme des soucoupes. Il n'eut pas le temps de le questionner qu'il murmura, pétrifié :

- J-Jiminy… Tu étais avec Donald pendant tout l'après-midi ?

- Eh bien, oui, pourquoi d-

- Alors qui a sauté dans ma capuche tout à l'heure ?

Les adultes mirent quelques secondes à comprendre le sous-entendu, alors que l'adolescent restait figé. Puis d’un seul mouvement tous réagirent :

- Sora ! Surtout panique pas !

- Tourne toi doucement et laisse-nous v-Non ne retire pas ta veste aussi vite !

Mais trop tard, le garçon avait déjà prestement quitté son habit pour regarder dans le capuchon coupable, une horrible appréhension sur ses traits… avant que son visage ne se détende doucement, laissant place à une surprise enfantine alors qu'un simple "Oh…" quittait ses lèvres en un cercle parfait. Étonné par ce changement d'émotion, le trio s'approcha avec crainte et jetèrent à leur tour un coup d’œil dans le creux de la capuche.

Pour y voir lové une adorable boule de poil, toute noire et toute petite.

- Mais… C'est un chaton, si je ne m'abuse ! dit finalement Jiminy en soulevant son chapeau, soulagé.

- Comment il a pu atterrir là ? Et pourquoi t'as rien dit ? s'écria le canard.

- Oh, il est tellement petit ! fit Dingo tout attendri. Il doit être très jeune !

- Ah non, commence pas ! On va pas le garder, il faut le ramener à sa m-

- L-Les gars…

Le ton soudain angoissé de Sora reporta leur attention vers le jeune homme, tenant d'une main sa veste et de l'autre le chaton, si petit dans sa grande paume ; et d'un regard qui s'embrumait, il murmura d'une voix brisée :

- …Il est tout froid…

Une vague de réalisation affreuse frappa les trois adultes, alors que l'adolescent continuait de fixer la minuscule créature, la lèvre tremblante comme s'il allait éclater en sanglots. Mais réactif comme l'éclair, Dingo saisit une serviette et prit délicatement le petit des mains de Sora pour l'y envelopper, le frictionnant doucement. L'Élu resta figé un instant, semblant encore sous le choc, avant de se rapprocher avec espoir du chevalier qui délicatement continuait de frotter la serviette et son précieux contenu, l'air très concentré. Le regard du jeune homme alla du tissu au capitaine, puis au tissu, semblant chercher dans ses plis le moindre signe de vie du pauvre petit être.

Donald le rejoignit, s'attendant néanmoins au pire ; il n'y avait probablement plus rien à faire. Posant sa main sur la jambe du garçon, le magicien l'observa en silence scruter la serviette avec crainte.

Le temps passa, interminable. Toujours, Dingo frictionnait la serviette, s'interrompant à peine de temps en temps avant de continuer avec minutie. Toujours, Sora fixait la serviette, son regard empli d'espoir commençant à s'assombrir face à l'affreuse vérité, mais continuant d'y croire. Toujours, Donald et Jiminy observaient leur protégé et l'objet de ses craintes, la main du magicien serrant doucement sa jambe en un geste désolé mais compatissant. Le temps passa.

Et puis, le chevalier retira doucement sa main. Tout semblait s'être suspendu aux attentes de ses trois autres compagnons, tandis que le capitaine leur tendait la serviette.

Et doucement, un imperceptible mouvement agita le pli du linge, sous les yeux écarquillés et mouillés d'espoir de Sora… et un tout petit museau se pointa sous le tissu, tandis que les lèvres du garçon s'étiraient lentement jusqu'aux oreilles.

- IL EST VIVANT ! TU L'AS SAUVÉ DINGO IL EST VIVANT !

Son cri de joie résonna dans leur petit dortoir, tandis qu'il prenait le chaton des mains du chevalier pour l'élever dans les airs tel un artefact sacré, tournoyant sur lui-même en une danse de la victoire.

- Sora ! Arrête, tu vas lui faire mal !

Le garçon ne sembla pas l'entendre de cette oreille alors qu'il continuait de danser en riant de joie et de soulagement avec le petit être à bout de bras, avant que le chien ne lui reprenne la serviette pour examiner de plus près leur invité surprise.

- C'est juste… super… Oh je sais ! Je vais l'appeler Kiseki ! C'est parfait !

- "Qui c'est qu"… Ah non, commence pas à lui donner un nom ! On peut pas le garder ! protesta Donald devant l'enthousiasme de l'adolescent.

- Mais ça lui va super bien ! Faut l'appeler comme ça, c'est un miraculé !

- Peut-être une miraculée, plutôt, glissa Dingo.

Sora s'arrêta un instant, avant de hausser les épaules en marmonnant "Bon pas grave, ça ira quand même" et de se tourner à nouveau vers le chaton qui miaulait faiblement, le regard émerveillé.

Son ami le laissa reprendre le bébé, qu'il cajola avec amour en ignorant les avertissements du canard sur les potentielles puces et autres maladies, avant de se disputer avec lui sur quoi faire de leur petite rescapée : le canard voulait la ramener d'où elle venait, et l'Élu s'était déjà beaucoup attaché à sa "Kiseki" et ne savait plus vraiment où il avait confondu la chute du chaton dans sa capuche avec un saut du chroniqueur. Jiminy et Dingo tranchèrent en remarquant que c'était déjà trop tard pour faire des recherches, et que même s'ils retrouvaient la mère, elle risquait d'abandonner son bébé maintenant qu'il était passé entre les mains de trois inconnus.

Kiseki fut donc officiellement adoptée, à la grande joie de Sora.


Assis dans l'herbe en contemplant le ciel orangé et les étoiles qui commençaient à y apparaître, Sora serrait contre lui la petite Kiseki blottie dans sa veste. Pour une fois, il ne regardait pas le soleil se coucher sur l'horizon maritime, mais les astres qui apparaissaient de l'autre côté.

C'était par là que se trouvait leurs constellations de ce monde.

Il commençait à voir celle de Dingo, avec son étoile toute brillante au bout du nez. Ça l'avait toujours fait rire. Et celle de Donald, pile dans sa pupille gauche ; quand elle scintillait, il avait l'impression que son ami faisait des clins d'œil à quiconque le regardait. Et lui…

Il n'arrivait plus à se voir dans ce ciel qui avait immortalisé ses exploits d'antan. Il ne savait même plus où était son étoile.

Il savait qu'il se trouvait entre ses deux amis, comme il l'avait toujours été… mais il distinguait à peine ses contours. Sans l'astre qui servait de repère, il ne pouvait qu'imaginer sans réellement voir son portait au firmament. Et cette réalisation lui faisait mal au cœur, encore plus que les divers trophées de ses tournois qui lui rappelait sa puissance perdue.

Durant ses précédentes soirées où il se demandait encore s'il ne retrouverait jamais ses pouvoirs, bien avant que Roxas ne lui sauve la vie dans l'effondrement de ce temple, il peinait à se retrouver dans le ciel constellé de lumières et d'autres figures héroïque. Il trouvait toujours Hercule et ses deux amis posant fièrement, mais lui était toujours brouillon à distinguer, comme dissimulé derrière des nuages inexistants lui cachant sa propre existence, sa preuve de ce qu'il avait avant.

Il n'était plus ici, comme si son propre échec à l'Examen avait effacé sa présence en ces cieux.

Poussant un soupir, il baissa le regard vers le chaton recroquevillé contre son cœur, et caressa du bout du doigt sa petite tête noire, se recevant un miaulement adorable en retour.

- …T'as de la chance, tu sais… Pas de Sans-cœurs à combattre, pas d'Organisation à arrêter…

Kiseki donna pour toute réponse un petit coup de patte, semblant vouloir attraper le doigt qui taquinait sa tête sous le petit sourire attendri du garçon. C'était peut-être ridicule de fondre ainsi devant une pauvre bestiole, mais il ne pouvait s'en empêcher ; il avait toujours aimé les animaux, bien avant de rencontrer ses deux amis anthropomorphiques. Et cette petite chatte, avec déjà son histoire bien à elle, lui remontait un peu le moral.

- Ah ! T'es là, p'tit.

Tout occupé à cajoler le chaton dans ses mains, Sora n'en avait pas entendu arriver Phil et sursauta presque, avant de se tourner vers lui :

- O-Oh, salut Phil…

- Je te cherchais, graine de champion, parce que j'ai deux mots à te dire.

Le satyre s'approcha, l'air grave, et l'Élu eut soudain l'impression d'avoir commis une gaffe. Reportant son regard vers Thèbes en avalant difficilement sa salive, il attendit le sermon de Philoctète. Un silence s'installa à la place, comme s'ils attendaient mutuellement que l'autre ne prenne l'initiative ; finalement l'entraîneur se racla la gorge et mit les mains sur les hanches :

- Bon, j’vais être honnête p'tit, ça fait des mois que je t'observe au colisée, et j'ai compris quelque chose.

Un mauvais pressentiment saisit Sora, qui serra inconsciemment Kiseki pour se rassurer en attendant la nouvelle qui allait tomber :

- Je dois dire, la toute première fois que je t'ai vu, je te trouvais bien trop gringalet pour pouvoir déjà devenir un héros.

Allez, il allait repartir avec ses débuts lamentables…

- Et franchement, tu m'as vraiment épaté quand t'as passé l'entraînement et les éliminatoires haut la main ! Bon, ce grand blond qu'était avec Hadès t'as battu à plate couture, mais tu t'étais bien défendu ! Et t'as affronté le Cerbère sans y réfléchir à deux fois, et t'y as même survécu ! Enfin bref, tu m'as impressionné, p'tit, et je peux te dire que ça c'est un exploit !

Sora écarquilla les yeux, avant de les tourner vers le satyre quand il lui donna un mini coup de poing sur le bras. Il fixa alors un point bien précis dans le ciel :

- Et bien sûr ça s'est pas arrêté là ! Sinon tu serais pas accroché aux étoiles comme ce bon vieux Herc' !

L'Élu tressauta. Est-ce… Phil voyait où était son image céleste ?

- Enfin bref, reprit l'entraîneur en se caressant la barbe, tout ça pour dire que quand t'es revenu y'a quelques mois avec une baisse de performance pareille, je pouvais juste pas te laisser comme ça et je me suis mis en tête de te remettre à niveau moi-même ! Et puis…

Philoctète croisa les bras, semblant contrarié.

- …Plus le temps passait, et plus je voyais pas grand-chose changer. Je comprenais pas pourquoi, et je me disais que t'avais juste besoin de plus d'exercices. Et puis depuis ton accident au temple, t'as commencé à être différent, et à disparaître un peu à droite et à gauche avec tes amis. Et chaque fois que tu revenais, t'avais l'air plus fort. Je le sentais dans mes vieilles béquilles de bique. Et puis je me suis dit… Peut-être que c'est ça qu'il te faut, en fait.

L'Élu fronça les sourcils, peu sûr de comprendre, avant que l'entraîneur ne pose la main sur son épaule, en un soupir vaincu :

- C'est ma fierté d'entraîneur qui m'empêchait de lâcher l'affaire, mais faut se rendre à l'évidence : j'ai plus rien à t'apprendre. Tout ce qui te rendra fort, tu le trouveras pas chez moi.

Le regard de Sora s'écarquilla quand il comprit, tandis que Phil se tournait vers lui, serrant un peu plus l'épaule de son ancien élève :

- Ton entraînement est terminé, p'tit.


La Princesse serra plus fort sa Keyblade, scrutant ses alentours. Un cliquetis la fit se retourner vers une boule de feu fusant droit sur elle ; elle contra d'un revers qui renvoya l'attaque tandis que l'envoyeur se dissimulait dans les ombres. Un coup sur la droite lui fit relever les yeux vers son partenaire qui envoyait son arme enflammée sur une cible se mettant à couvert. Les deux camarades s'échangèrent un regard, puis détalèrent de concert alors que leurs poursuivants les talonnaient.

Un pied fondit soudain droit sur la figure de l'apprenti ; un Miroir de sa camarade arrêta net l'attaque, et alors que l'assaillant se servait du sort pour se propulser en arrière, le rouquin remercia sa camarade d'un regard. Il lui rendit la pareille en repoussant un shuriken géant la ciblant, tandis que sa lanceuse évitait de justesse le renvoi en braillant.

Soudain un barrage de glace les força à s'arrêter ; l'adulte éleva la température pour éliminer l'obstacle, mais une lourde épée entra soudain en contact avec la Keyblade de l'apprentie, si fort qu'elle la fit plier ; son ami voulut l'aider, mais une pluie de foudre les sépara avant avant qu'une jambe n'essaye à nouveau de s'abattre sur son visage. Tandis qu'il bataillait avec les poings qui menaçaient sa magnifique figure, sa camarade trouva la force de repousser son propre assaillant et lança un Glacier qui explosa sur le plat de l’arme adverse.

La jeune fille enchaîna d'un sort magnétique dont l'attaquant réchappa en sautant hors de portée, avant qu'une lance n'essaye d'entailler la Princesse ; un Brasier bien placé fit reculer son deuxième adversaire, alors que son partenaire avait repoussé la boxeuse et évitait d’autres éclairs tandis que la responsable lançait avec grâce des orbes magiques de son bâton. Un nouveau projectile en étoile menaça l'apprenti qui crama l'objet en plein vol pour dévier sa trajectoire, se recevant une nouvelle injure de sa propriétaire tandis que la jeune fille esquiva une boule de feu en se rapprochant de son camarade.

Les deux partenaires se mirent dos à dos, leurs adversaires les encerclant pour le coup de grâce. Le duo s'échangea un regard, puis sourirent alors même que leurs assaillants se jetaient sur eux.

Le rouquin fit alors voltiger sa Clé imprégnée de flammes autour d'eux, empêchant tout assaut pendant que la Princesse levait sa Keyblade vers les cieux en se concentrant, et cria d'une voix déterminée :

- LUMIÈRE !

À cet instant une multitude de colonnes étincelantes s'abattirent sur les attaquants, les forçant à esquiver avant qu'un ultime rai ne jaillisse depuis l'arme légendaire, engloutissant les deux Porteurs et s'étendant sur plusieurs mètres avant de disparaître comme il était venu.

La jeune fille laissa retomber ses bras, essoufflée par l'effort tandis que son camarade rattrapait son arme, prêt à la défendre alors que leurs adversaires restaient à distance.

Puis un applaudissement retentit non loin, alors que Merlin et les Trois Fées apparaissaient dans un nuage d'étincelles multicolores :

- Magnifique, les enfants ! C'était excellent !

Kairi ne put retenir un sourire reconnaissant alors qu'elle essuyait la sueur de son front, pendant que Lea faisait tournoyer Ardeur Flambante et la replaçait avec nonchalante sur son épaule d'un sourire fier. De leur côté, Léon rangeait sa Gunblade en tranchant l'air et Aerith époussetait sa jupe, pendant que les professeurs s'approchaient de leur élèves :

- Vous vous débrouillez à merveille, félicitations ! Votre travail d'équipe commence à porter ses fruits !

- C'est pas juste ! Ils abîment mes shurikens ! geint Youfie en faisant la tête, pointant l'apprenti du doigt.

- Ouais ouais, bravo les jeunes… Ah, c'est vraiment plus de mon âge ces conneries, grommela Cid en s'étirant le dos.

- J'espère qu'on pourra bientôt refaire une séance ! s'écria joyeusement la soigneuse, visiblement ravie de cette expérience.

- C'était pas mal. Mais vous pouvez mieux faire ; surtout toi Lea, tu as trop tendance à lancer ton arme à tort et à travers, commenta l'épéiste en se tournant vers l'apprenti.

- Oh, allez ! Avouez qu'on était super cools, Kairi et moi ! Même Cloud est d'accord, pas vrai Cloud ?

Au grand dam du Porteur, le blond partait déjà sans demander son reste.

- T'en fais pas, lui glissa Tifa pendant qu'Aerith suivait le jeune adulte, il ne le dit pas mais il a bien aimé.

Axel continua néanmoins de faire la tête, alors que la ninja jacassait toujours sur ses shurikens cramés et que leurs professeurs magiques félicitaient leurs chers élèves. Kairi remercia ses camarades pour leur combat ; cette mise en situation contre plusieurs adversaires avait été un peu impressionnante au début, mais ils s'en étaient bien sortis. Son seul regret était que Riku n'ait pu être là pour la voir ou même y participer. Elle avait hâte qu'il rentre pour lui montrer ses progrès.

Pendant qu'Axel continuait de se crêper le chignon avec Youfie et que leurs amis retournaient à leurs activités, la jeune Princesse décida de rentrer prendre un peu de repos après cette longue journée. Une vibration résonna dans sa poche, et elle prit son Gummobile pour voir arriver un nouveau message de…

Son cœur s'arrêta malgré elle en voyant le nom de l'expéditeur, et elle se mordit la lèvre.

C'était le deuxième qu'elle recevait de lui depuis leur dernière rencontre. D'un côté, la jeune fille lui en voulait un peu de n’être pas venu la voir directement ; mais en même temps elle était bien mal placée pour se plaindre, vu qu'elle-même n'avait pas envoyé un seul message. Vraiment pas de quoi être fière.

Inspirant profondément, elle soupira pour se calmer et ouvrit ses deux messages.

Le premier était très bref, une simple salutation presque maladroite après les pavés un peu mal écrits qui précédaient. Le plus récent était tout aussi court, mais plus énigmatique.

Kairi, lève la tête.

S'il te plaît.

La jeune fille fronça les sourcils devant cette étrange injonction, avant de soudain réaliser qu'un troisième message était apparu alors même qu'elle lisait. Un déclic se produisit soudain, et elle leva le regard vers le haut de la rue, droit devant elle.

Et là, dressé à juste quelques mètres tel une apparition, se tenait Sora la contemplant de ses yeux d'océan.

Kairi resta figée, semblant subjuguée par cette manifestation, ses mains serrées sur le Gummobile comme pour garder prise dans la réalité. Le garçon continua de la regarder, immobile ; elle remarqua juste l'autre téléphone dans sa main pendante et un coffre de voyage à ses pieds comme s'il se l'était trimballé avec lui.

Elle osa lever les yeux vers les siens, troublée, et n'y trouva aucune colère, aucun reproche. Tout ce qu'il y avait, c'était une grande douceur ; et surtout, une espèce de peur. D'une certaine façon, toute son expression semblait redouter quelque chose.

Mais il était là et la regardait, simplement.

Puis, il inspira profondément, comme pour se donner du courage ; et lentement, il entrouvrit les lèvres, murmurant d'une voix qu'elle ne pouvait s'empêcher d'adorer les mêmes mots qu'elle lui avait adressé la dernière fois :

- Bonjour Kairi. Je suis content de te voir.


Le premier jour fut un peu bizarre ; et d'après Sora, ce le fut pour tout le monde ici.

Déjà, il avait fallu expliquer à leurs amis qu'ils étaient venus pour rester, et ça ils l'avaient évidemment pas prévu. Bon, le trio avait déjà décidé de dormir au Gummi pour pas déranger, mais le comité avait insisté pour qu'ils logent au quartier général ; et leur avait appris par la même occasion l'adoption de leur "mascotte", une chatte et sa portée ayant élu domicile sous le lit de Léon (lequel avait paniqué à leur découverte, avait discrètement ajouté Youfie) ; la famille féline s'était d'ailleurs agrandie, Kiseki ayant rejoint les cinq autres chatons visiblement pas plus âgés qu'elle.

Un petit problème de moins.

Ensuite, s'installer ici signifiait que l'Élu croiserait fréquemment Lea et Kairi. Sora avait eu le courage d'aller la voir en premier, pour lui annoncer son déménagement ici et lui parler ; et bien que leur conversation avait été rapidement interrompue par Axel et Merlin qui avait réclamé des explications sur sa venue, le garçon était soulagé de voir qu'elle allait bien.

Et que l'éclat de ses yeux marin brillait toujours en sa présence.

Enfin, vint le problème de l'entraînement.

Tirés du lit tôt le matin (ce qui n'était pas très différent de leur routine au Colisée), le trio avait rejoint dans leur échauffement les deux Porteurs, avant que l'épéiste ne demande à ces derniers de se mesurer aux sujets du Roi ; d'après lui, c'était important de s'entraîner contre différents adversaires, même si Sora avait plutôt l'impression qu'il avait aucune autre idée de comment les entraîner tout les trois (tout les cinq ?).

Lea et Donald se portèrent volontaire pour le premier match, qui se résuma à un surpuissant échange de sorts incendiaires. Et ce fut le pyromane qui l'emporta après que le canard ait épuisé toute sa magie en deux minutes.

Alors que son camarade canin prenait sa place, le magicien alla s'asseoir en maugréant tandis que Kairi avait la gentillesse d’éteindre le filet de fumée s’échappant de sa queue cramée ; l'Élu t elle s'échangèrent un regard semi-amusé… avant de détourner les yeux de concert, soudain mal à l'aise. L'adolescent força sa concentration sur le combat, lequel fut beaucoup plus long grâce à l'endurance du capitaine qui tint face à la vitesse de son adversaire ; et ce fut lui qui remporta cette manche après justes quelques coups bien placés.

L'apprenti reprit sa place sur le banc tandis que la jeune fille le remplaçait, accompagnée du magicien déjà de meilleure humeur d'avoir vu le rouquin se faire battre à plate couture. Leur match fut beaucoup plus serré ; la tactique défensive de la Princesse était bonne, mais insuffisante face à la sur-offensive magique du canard. Le cœur de Sora bondit dans sa poitrine lorsqu'une Foudre la toucha quand son Miroir s'effondrait comme n'ayant plus de magie pour le maintenir ; mais l'instant d'après, elle était sur Donald, attaquant avec force et vitesse. Le magicien n'eut aucune chance malgré sa brave tentative de défense au bâton.

L'Élu poussa malgré lui un profond soupir soulagé, tandis que Dingo prenait la place de son camarade visiblement moins vexé d'avoir été battu cette fois. Le duel fut plus court, grâce à la stratégie de la jeune fille ; elle l’obligea à aller sur l’offensive, tout en usant de sa maladresse naturelle pour garder l'avantage. Le garçon ne put s'empêcher de sourire en la voyant détourner un Glacier vers le sol pour faire glisser le capitaine, et sa victoire fut rapidement déclarée après cela.

- Bravo Kairi, t'es super ! s'écria-t-il avant de réaliser qu'il venait de s'adresser à elle et baissa timidement le nez.

Il entendit ses camarades l’imiter, alors que la Princesse reprenait sa place sur le banc, et l'adolescent remarqua d’un rapide coup d’œil qu'elle aussi semblait hésiter à le regarder.

Léon commenta les combats, relevant rapidement les lacunes et capacités des Porteurs, avant de se tourner vers l'Élu :

- Sora, viens faire une démonstration de tes "Fusions".

Cette demande figea l'adolescent, alors que ses camarades étaient partagés entre la surprise et le dubitatif. Le garçon baissa les yeux, hésitant : non pas qu'il était incapable d'une petite utilisation, mais…

La crainte insidieuse de son cauchemar s'était réveillée et s'immisça dans son cœur. Il voulait vraiment leur montrer de quoi il était capable, surtout à Kairi ; mais cette peur de ce qui pouvait, allait arriver le retint. Il ignorait ce que c'était… et il n'avait pas envie de le savoir.

- Non.

- …Pourquoi ?

- Je suis désolé, je ne peux pas. J'ai pas de problème avec ça, mais c'est pas un pouvoir qui s'utilise n'importe comment ; je dois emprunter la force de Donald et Dingo pour ça, et ils sont déjà assez fatigués. Je peux pas leur imposer ça, s'excusa l'adolescent d'un petit sourire en haussant les épaules.

Il sentit le regard de son amie d'enfance sur lui, et comprit qu'elle avait décelé son mensonge ; mais elle ne dit rien. Le guerrier réfléchit un instant, comme pour essayer de trouver quoi faire après ça :

- Bon, dans ce cas, on continue les duels ; Sora, tu te mets avec Kairi et-

- NON !

Les deux adolescents se figèrent en réalisant qu'ils avaient parlés exactement en même temps, avant de se fixer étonnés puis détourner le regard, ne sachant plus où se mettre tandis que leurs camarades observaient la scène perplexes. La jeune fille bredouilla une excuse comme quoi elle voulait se reposer un peu avant de reprendre, et le garçon crut que l'adulte n'allait jamais gober ça avant qu'il ne soupire en demandant aux apprentis de se reposer pendant que le trio s'affrontait.

Sora sentit un nœud au ventre ; il avait bien compris que le refus de son amie cachait autre chose qu'une simple fatigue. Sans doute était-ce lié à leur séparation. Lui même avait du mal à envisager un combat contre elle après ça, surtout avec cette désagréable impression ressentie lors de leur premier (et unique) duel.

Tandis qu'il se battait, il ne put s'empêcher de jeter des coups d’œil à la jeune fille en plein combat contre Lea et Léon, quitte à manquer de se faire cramer les cheveux par Donald pour son inattention. Mais il n'y pouvait rien ; il admirait la performance de la Princesse. Elle avait d'abord été sur la défensive contre le magicien, mais elle s'était reprise et avait compris les points faibles de ses camarades avant de les tourner à son avantage. Et il ne pouvait qu'apprécier la grâce de ses mouvements.

Elle faisait d'énormes efforts pour se battre, même en étant physiquement plus faible que ses deux adversaires.


Les duels s'arrêtèrent avec l'arrivée de Merlin et compagnie pour la leçon de magie. Sora eut beaucoup de fierté à démontrer son nouveau sort aquatique, et encore plus lorsque leurs professeurs s'étonnèrent qu'il l'ait ainsi appris sur le tas. Ce qui fut plus embarrassant, cependant, c'est quand on lui demanda d'enseigner sa "sagesse" à ses camarades. Lea se désista aussitôt, clamant que déjà qu'il arrivait pas à créer un Glacier sans le faire fondre il réussirait encore moins avec une Eau ; même si le garçon pensait qu'il disait ça surtout parce qu'il était toujours en froid avec lui.

L'Élu ne parvint pas à faire reproduire son sort à ses camarades, ne sachant pas vraiment comment il l'avait invoqué en premier lieu mis à part que c'était en plein incendie ; et il ne comptait pas demander à Lea de recréer ces conditions, même pour rigoler. Kairi tenta de combiner un Glacier fondu par un Brasier à un sort protecteur ; cependant l'eau générée ne fit que couler tristement sur les parois du Miroir sans adopter le mouvement gracieux du bouclier aqueux. Mais l'idée était originale.

Heureusement pour l'adolescent, ils passèrent rapidement aux exercices habituels, joyeusement encouragés par Dingo depuis les bancs ; Donald se fit régulièrement enlevé par les meubles tandis que la Princesse essayait toujours vainement d'imiter le sort de Sora, lequel évitait les Brasiers de Lea semblant presque viser une fois sur deux sa tignasse au lieu des théières et autres tasses volantes.

Après avoir ainsi passé la matinée, le groupe put enfin quitter la salle pour prendre le repas avec Aerith et Youfie, laquelle quitta la table à la poursuite de Yuna, Rikku et Paine qui lui avaient volé son dessert (mais pas avant d'avoir re-jeté un œil curieux à Sora). La jeune fleuriste discuta amicalement avec eux, prenant des nouvelles du jeune Élu et semblant encourager les deux autres à lui parler ; mais Lea manifesta peu d'intérêt, et Kairi resta timide. Sora était reconnaissant que la soigneuse essaye de l'inclure à leur routine, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander s'il ne valait pas mieux qu'il fasse lui-même le premier pas.

Cloud finit par arriver dans la salle pour poursuivre l’entraînement des Porteurs, et ils le rejoignirent lui et Tifa dans les exercices physiques. L'Élu comprit très vite que ses deux camarades étaient bien moins habitués que lui à des séances aussi intenses : la Princesse avait eu du mal à garder le rythme pendant leur course autour de la ville, et Lea s'était carrément écroulé en plein milieu de ses pompes. Le garçon n'était pas aussi performant que leurs entraîneurs, mais il tint relativement bien jusqu'aux tractions ; visiblement, agiter une Keyblade ne lu permettait pas de soulever son propre poids plus de trois fois ! Ce fut d'ailleurs le seul exercice où son amie d'enfance se montra meilleure que lui, parvenant à garder le rythme avec la jeune femme (ce qui était quelque chose).

Leur journée touchait à sa fin, quand la Princesse demanda à faire un duel avec Lea ; et Sora sentit dans son regard qu'elle voulait qu'il voie ça. S'installant donc sur un banc, il regarda avec attention les deux Porteurs se mettre face à face, alors que l'apprenti semblait un peu déconcentré, visiblement agacé de la présence intrusive du garçon. Ce dernier baissa les yeux, désolé, quand il entendit ces quelques mots :

- Ne retiens pas tes coups Axel, promis ?

Le temps sembla se figer alors que l'adulte tournait le regard vers Kairi qui venait de prononcer ces paroles, les yeux écarquillés comme s'il voyait soudain quelque chose d'autre devant lui.

Non, ce n'était pas ça, ce n'était pas à elle de dire ça, ça ne devait pas arriver, ça ne pouvait pas…

- Non ! Je voulais pas ça, je-!

Sora ne réalisa qu'il s'était levé et avait parlé que lorsque les regards des deux autres Porteurs se braquèrent sur lui, estomaqué et confuse. Il resta muet, soudain privé de sa voix, alors que plus rien ne semblait bouger autour d'eux. Mais brusquement Lea quitta le terrain en marmonnant une excuse, tandis que la jeune fille le regardait tour à tour lui et son ami d'enfance, avant de s'avancer hésitante vers ce dernier :

- Sora ? Ça va ?

L'Élu sentit soudain quelque chose d'humide sur sa joue gauche et leva la main pour y découvrir de grosses larmes, s'échappant sans cesse de ses yeux saphir. Il croisa un instant le regard violacé de la Princesse, toute aussi perdue que lui… avant de quitter le terrain à son tour, sans un mot.

Sans savoir pourquoi, il alla se cacher dans un coin des jardins supérieurs, les genoux contre la poitrine. Son cœur battit douloureusement, comme un prisonnier enfermé dans ses sentiments de regrets et de désespoir. Il ne comprenait pas. Quelque chose n'allait pas, il le savait. Mais il… il ne savait pas quoi, juste que… ce n'était pas lui.

Ce n'était pas lui qui était bouleversé.

Des pas retentirent non loin, et il leva les yeux pour voir une silhouette en noir familière traverser la terrasse pour s'asseoir au bord du vide, regardant le ciel déjà un peu orange. Mû d'une soudain impulsion, l'adolescent se redressa d'un bond et se rapprocha de l'adulte, désespéré :

- Axel !

L'apprenti se figea aussitôt, avant de se retourner les yeux écarquillés. Sora s'arrêta immédiatement, comme obéissant à un ordre inaudible, avant de se tordre les mains et de se mordre la lèvre en répétant, hésitant :

- Axel…

- Je veux pas que tu m'appelles comme ça, dit brusquement l'adulte en se détournant.

Ces simples paroles sonnèrent comme un coup de poignard au cœur, alors que l'Élu réalisait qu'un autre que lui était blessé par ces mots :

- Mais… Axel, je…

- Je t'ai dit qu-!

Lea s'arrêta subitement en voyant le regard bas de l'adolescent et comprit, avant de baisser à son tour les yeux et de murmurer plus doucement :

- Je veux dire… Je veux pas que toi tu m'appelles comme ça, Sora.

Le garçon releva la tête, comme rassuré, et une espèce de sourire imperceptible apparut sur son visage alors que l'apprenti le regardait à nouveau. Le jeune homme inspira doucement, puis dit :

- Je… pour tout à l'heure, je voulais te dire… Je sais pas trop ce que c'était, mais j… Je sais que c'est pas moi qui ai dit ça.

Lea ne sembla pas étonné, juste perplexe, alors qu'il continuait :

- Je sais pas trop pourquoi, mais… Je crois que j'ai parfois des souvenirs de… que Roxas me fait réagir à sa place et je… C'est vraiment bizarre et je fais pas exprès mais-

- C'est pas grave. Je comprends, le coupa doucement l'adulte en regardant le paysage orangé.

L'Élu haussa les sourcils, surpris, mais baissa la tête à son tour, avant de murmurer :

- Lea… Je suis désolé de m'imposer à toi et Kai-

- Je te pardonne aussi.

L'adolescent s'arrêta net, surpris par les mots de l'apprenti qui semblait le regarder à demi, comme hésitant, et ajouta :

- Je pense que si j'avais été à ta place j'en aurai voulu au type qui a menacé deux fois ma petite amie, avoua-t-il avec une once de rire. Et puis, je me sens un peu responsable d'avoir laissé Xehanort m'avoir si facilement…

Le garçon se mordit la joue à l'appellation de "petite amie", mais osa s'approcher un peu plus vers l'adulte qui contemplait le soleil descendant vers l'horizon. Tout deux regardèrent un moment l'astre couchant en silence, avant que le pyromane ne lance à l'adolescent :

- Sora, je sais que c'est pas ta faute si t'es revenu après l'attaque de Maléfique ; mais t'as vraiment intérêt à faire quelque chose.

Le jeune homme haussa les sourcils, confus, avant que Lea ne se penche vers lui, l'air très sérieux :

- La prochaine fois, laisse Roxas me parler avant de te ramener ; c'est bon, c'est retenu ?

Sora ouvrit de grands yeux surpris, puis osa faire un petit sourire en hochant la tête :

- Parfaitement retenu.


Kairi et Sora suivirent Léon jusqu'à une destination mystérieuse ; Ienzo nécessitait l'assistance de Porteurs ce matin-là, et Lea roupillait toujours. L'épéiste s'arrêta devant une étrange ouverture blanchâtre, entrée illusoire dans le chantier, et repartit en ville. Les adolescents jetèrent un œil incertain dans le passage, se regardèrent, puis avancèrent.

Un escalier apparut bientôt au bout du couloir immaculé, alors qu'un lointain bruit de chutes rompait le silence entre eux. La jeune fille n'avait pas osé parler à son ami d'enfance, et ne savait pas trop par où commencer ; c'était comme si un mur s'était érigé entre eux, sans qu'elle ne le réalise.

Sans doute était-ce une des raisons qui la faisaient tellement hésiter sur ses véritables sentiments.

Jetant un regard vers le garçon, elle le vit fixer le sol, songeur. Elle l'avait rarement vu aussi sérieux ; et autant se savait-elle en partie responsable de ce changement, autant se demandait-elle à quel point Roxas avait pu influencer son ami d'ordinaire si insouciant et jovial. Alors qu'ils finissaient de gravir les marches, débouchant dans une salle à ciel ouvert aux contours circulaires aussi immaculés que le reste des lieux, la Princesse décida de briser la glace et ouvrit la bouche… avant d'entrevoir dans le coin de sa vision une silhouette toute vêtue de noir, aux longs cheveux gris et au yeux orangés sans vie.

- XEMNAS !

En un clin d’œil Kairi vit Sora se jeter entre elle et le Supérieur, brandissant déjà sa Keyblade pour-

- Non ! Attends !

Surpris par la voix juste au dessus, les Porteurs tournèrent prudemment leur regards vers le scientifique, devant une console informatique et une main tendue en panique.

- Je-Ce n'est pas le vrai Xemnas, ne paniquez pas.

La jeune fille écarquilla les yeux, alors que son ami avait déjà reporté son attention vers la silhouette toujours immobile du Simili, guettant ses moindres gestes.

- Pardon de vous avoir inquiétés, s'excusa Ienzo en reprenant son pianotage, je vérifiais les paramètres de la simulation de combat.

- La… simulation ? murmura la Princesse en observant l'image instable dont s'approchait précautionneusement l'Élu.

- Oui. Ce système simule des combats en créant des "illusions physiques", qui bien que tangibles ne peuvent causer de dégâts graves, expliqua l'adulte tandis que Sora osait toucher de son arme la silhouette qui ne réagit pas. Nous avons découvert des données de combat dans l'ordinateur de cet endroit, et bien que nous ignorons pourquoi elle ont été installées, nous comptons au possible les utiliser pour votre affrontement futur contre l'Organisation.

Les deux adolescents écarquillèrent les yeux en réalisant ce qu'il voulait dire, avant que le garçon ne se tourne vers lui :

- Tu veux qu'on… combatte ces machins ?

Ienzo hocha la tête gravement, avant d'ajouter en tapant une dernière entrée :

- Il serait insensé de comparer ceci à une réelle confrontation avec les véritables membres, mais toute préparation que nous pouvons faire contre eux est indispensable. Il semble cependant que la programmation complète requiert un premier test contre Xemnas, et c'est pour cela que j'ai demandé votre assistance.

Kairi avala difficilement sa salive, comprenant où le scientifique voulait en venir, et allait demander à Sora s'il préférait attendre Lea quand sa voix s'éleva soudain :

- D'accord, je m'en charge.

La jeune fille regarda avec surprise son ami d'enfance qui avait parlé avec une assurance presque téméraire, et il se tourna vers elle, un grand sourire familier sur ses traits fougueux :

- J'ai déjà battu ce mec deux fois, une petite illusion de lui me fera pas de mal ! fit-il en levant un pouce, les yeux brillant de détermination.

La Princesse refusa presque qu'il l'affronte tout seul : elle aussi voulait donner une bonne correction au Supérieur, même si c'était une simple illusion ! Mais quelque chose dans son sourire semblait comme implorer de le laisser gérer ce combat. Kairi n'aimait pas ça. Mais elle ne pouvait pas non plus rejeter cette demande implicite.

À regret, donc, elle rejoignit Ienzo et observa alors qu'un dôme semi invisible engloba l'arène où se tenaient l'Élu et son adversaire, leur masquant le paysage des chutes ascendantes sans les cacher aux yeux des spectateurs.

Le scientifique démarra le combat, et dans l'instant qui suivit le faux Supérieur s'élança droit sur l'adolescent ; la Princesse ne put retenir un cri en voyant les sabres rougeoyants trancher l'air avant d'être parés de justesse par le garçon qui recula, déjà débordé. Mais son regard désarçonné se fronça de détermination alors qu'il repoussait leur ennemi commun, et la jeune fille s'autorisa à respirer tandis qu'il contre-attaquait.

Ce fut alors une danse macabre entre les deux adversaires ; plus souvent que nécessaire, l'illusion physique du Simili rencontra le corps de chair de l'adolescent qui à chaque coup grimaçait, mais jamais ne criait ou ne manifestait sa souffrance, semblant n'avoir qu'encore plus envie de battre son adversaire.

Malgré son estomac qui se tordait à chaque assaut et lui rappelait qu'à une époque, ces coups étaient destinés à le tuer, Kairi ne put s'empêcher d'admirer la ténacité qu'elle connaissait si bien chez son ami d'enfance. Il semblait lutter autant contre la fatigue que l'entité irréelle, mais pourtant chacun de ses gestes désespérés de vaincre portaient en eux une beauté brute, barbare et imprévisible. Il usait de magie aussi offensivement qu'astucieusement, ralentissant l'ennemi d'un Glacier de front ou encore créant une Eau pour éviter un coup tourbillonnant.

Un laser le força au corps-à-corps avec le faux Xemnas, et il le repoussa après un intense duel d'un geste large et puissant, faisant voler dans le même mouvement quelques gouttes de sueur qui miroitèrent dans la lueur rougeâtre des sabres. Une brusque inspiration prit la jeune fille, qui sentit une étrange sensation naître dans son ventre alors que les deux adversaires s'arrêtaient comme pour s'affronter du regard, l'adolescent respirant bruyamment.

Visiblement, cela suffit pour le décryptage car Ienzo mit fin à la simulation, faisant disparaître la silhouette et les murs illusoires de l'arène sous le regard surpris de Sora. Son amie se précipita vers lui, conjurant un Soin instinctif pour le soulager alors qu'il s'essuyait le front, semblant encore pris dans l'adrénaline du combat. L'adolescente l'examina rapidement, rassurée devant l'absence de blessures sur son corps rougi toujours ruisselant de sueur…

Une chaleur lui monta soudain aux joues en réalisant qu'elle dévisageait le garçon et secoua la tête, espérant qu'il n'ait rien remarqué tandis que le scientifique les remerciait de leur aide ; ils retournèrent au QG, laissant Ienzo finir de programmer les autres simulations.

Kairi éprouva une soudaine difficulté à marcher aux côtés de l'Élu. Non pas que sa présence la mettait mal à l'aise : non, plutôt… la sensation dans son ventre, qui faisait battre son cœur et serrait sa gorge chaque fois qu'elle tentait de jeter ne serait-ce qu'un œil vers son ami d'enfance toujours dans ses pensées. Elle ne savait que dire, trop troublée par ce qu'elle avait ressenti… et ce qui en découlait. Mais leur silence la dérangeait encore plus :

- Tu étais génial pendant la simulation, dit-elle en se tournant vers lui avec un sourire qu'elle voulait naturel.

L'adolescent ouvrit des yeux ronds, comme stupéfait, et ses lèvres bredouillèrent quelque chose d'incompréhensible avant qu'il reporte son regard sur la route, se raclant maladroitement la gorge :

- M… Merci…

Un nouveau silence suivit, alors que tout deux fixaient bêtement le paysage, avant que le Porteur ne murmure, le visage bas :

- J'aurais pu faire un peu mieux contre une simulation, quand même…

La jeune fille fronça les sourcils, choquée, et secoua la tête :

- Qu'est-ce que tu racontes ? Tu te débrouilles comme un chef ! Quoi qu'il arrive, tu t'en sortira toujours, Sora. Je le sais.

Cette fois, son regard outremer se fronça un peu à ces mots, comme confus ou… ayant du mal à y croire. Est-ce qu'il… doutait de ses paroles ? Était-ce à cause de son hésitation envers ses propres sentiments qu'il réagissait ainsi ? Ou n'avait-il pas compris que…

- Attention !

Sora la poussa soudain de côté et leva sa Keyblade, bloquant les griffes qu'elle n'avait pas vues arriver ; fulminant contre sa propre inattention, Kairi remarqua des Carapaçons et des Samba cinabres (nouvelle version des Nocturnes rouges) rejoindre les quelques Soldats venus les attaquer. Ni une ni deux, elle se jeta sur eux, veillant à couvrir son ami encore fatigué après son combat ; et juste quelques minutes plus tard, la menace était repoussée. La jeune fille s'essuya le front, avant qu'un murmure ne la fasse se retourner vers l'adolescent fixant un point précis de son corps : son avant-bras, qu'elle s'était écorché après une réception maladroite sur un mur. Devant son regard concerné, elle allait se soigner pour le rassurer quand il la retint :

- Attends Kairi, je m'en occupe…

Son sang ne fit qu'un tour.

- C'est rien, je peux m'en changer, répondit-elle doucement malgré la bile qui montait dans sa gorge.

- S'il te plaît, laisse-moi faire…

- Je peux le faire sans aide, dit-elle plus fermement en écartant son bras de sa main tendue.

- C'est pas ça, laisse-moi juste te soigner cet-

- Je n'ai pas besoin que tu me soignes ou que tu me protèges comme si je ne pouvais pas m'occuper de moi-même ! s'écria-t-elle en reculant alors que sa propre magie semblait affirmer ses mots en réparant son membre blessé.

Le regard outremer du garçon s'écarquilla soudain, comme s'il comprenait quelque chose ; mais l'instant d'après, ces mêmes yeux s'assombrirent, comme blessés, et il retira lentement sa main, sans un mot. La Princesse sentit son cœur se serrer en pensant que, peut-être, c'était elle qui avait mal compris son ami ; mais elle refusait qu'il la voie faible, elle voulait lui prouver qu'elle était assez forte pour se tenir à leurs côtés.

L'Élu se détourna soudain vers le chemin du retour, et murmura, sans jamais la regarder :

- Je comprends. Rentrons.

Sa voix neutre n'avait pu cacher sa dureté, et quand elle fit un pas pour être à sa hauteur, elle ne put que constater avec douleur l'éclat de honte dans ses iris profonds comme l'océan.


La journée s'était passée normalement… hormis le fait que Sora ne voulait manifestement pas parler à Kairi depuis l'incident sur le chantier, et fuyait constamment son regard. Et la jeune fille ne pouvait que se sentir coupable de ce silence qu'elle avait involontairement provoqué.

Elle avait essayé de s'excuser, mais l'adolescent n'avait cessé de disparaître à chaque moment qu'elle avait. Peut-être devait-elle s'y prendre autrement… Un souvenir lui revint soudain en tête : une vieille dispute d'enfant, dont elle ne se rappelait pas le motif, et qui avait mit à dos Sora et Riku pendant deux jours. Aucun des deux ne voulait se parler, ni même jouer avec elle si l'autre était impliqué. C'était leurs parents qui avaient eu une idée pour qu'ils se pardonnent ; la construction d'un château de sable tous ensemble, avec une belle récompense pour tout les trois s'ils en faisaient un très beau. Il n'avait pas fallu longtemps avant que les deux garçons ne se parlent et s'excusent mutuellement d'un gros câlin.

Bon, il n'y avait pas de plage au Jardin Radieux, mais il devait bien exister autre chose qui plairait à Sora ! Elle eut soudain une idée en plein séance de sport :

- Hé, ça te dit d'aller au karaoké après l'entraînement ?

Elle comprit qu'elle avait été trop ambitieuse dès que les mots avaient quittés sa bouche, alors que l'adolescent se figea en plein élan, les yeux ronds comme des soucoupes. Peut-être aurait-elle dû attendre la fin de l'exercice…

- Un karaoké ? Moi je suis partant, par contre je décline toute responsabilité s'il pleut demain !

La jeune fille esquissa malgré elle un sourire grimaçant à la réponse de Lea ; elle voulait que ce soit un moment entre elle et Sora, même si l'adulte ne l'avait pas deviné. Cependant, sa remarque fit froncer les sourcils de l'adolescent, avant qu'il ne déclare d'une voix blanche :

- Je viens aussi.

Malgré sa réponse positive, la Princesse sentit un certain malaise devant cette réaction presque sérieuse. Était-il… jaloux ? Non pas que c'était la première fois, vu combien lui et Riku se disputaient son attention avant l'invasion des Ténèbres… Peu importe ; elle devait se concentrer sur son plan. Et puis, même si c’était pour s'excuser, elle comptait bien profiter d'une soirée avec son ami !

Une fois leur entraînement terminé, elle emmena ses camarades à l'établissement le plus proche, ne pouvant s'empêcher de remarquer comment l'Élu avait l'air de guetter les moindres gestes de l'apprenti envers elle…

L'endroit ressemblait plus à un bar avec scène qu'au juke-box de la salle des fêtes sur l'île, mais pas grave. Lea tint à passer en premier dès la place libre, et tandis que ses amis patientaient interpréta avec passion un certain "Why should I worry?". Son accent était terrible, mais son ardeur reflétait les sonorités de la chanson et il ne chantait pas si mal que ça, au final.

Pendant que tous (même Sora, malgré son attitude précédente) applaudissaient sa performance, la jeune fille entraîna l'adolescent sur scène, essayant d'ignorer le nœud qui tordait son ventre tandis qu'elle serrait sa main dans la sienne. Cherchant une chanson à deux pour ne pas laisser l'un d'eux sur la touche, elle découvrit le titre "I know what you did last summer".

Elle ne comprit pas exactement ce qu'il était écrit ; entre elle, Riku et Sora, ça avait toujours été lui le meilleur en langues. Tout ce qu'elle savait, c'était que ça parlait d'été ; ce n'était pas si mal, donc. Son ami la laissa démarrer la chanson, et bientôt une mélodie de guitare douce et rythmée commença, avant que Kairi n'entame la première partie :

He knows

Dirty secrets that I keep

Does he know it's killing me?

He knows, he knows

Does he know

Another's hands have touched my skin?

I won't tell him where I've been

He knows, he knows, he knows

Essayant d'ignorer les quelques rires de l'assistance devant son chant un peu maladroit, la Princesse écouta Sora jouer sa partie, d'une voix soudain remplie d'émotion :

It's tearing me apart

She's slipping away

(I'm slipping away)

Am I just hanging on to all the words she used to say?

The pictures on her phone

She's not coming home

(I'm not coming home)

Puis vint le refrain, joué en grande partie par Sora :

I know what you did last summer

Just lied to me, "There's no other"

I know what you did last summer

Tell me where you've been

I know what you did last summer

Look me in the eyes, my lover

I know what you did last summer

Tell me where you've been

Puis vint un échange étrange dans le chant, alors qu'il continuait de murmurer ses paroles d'une voix tremblante qui fit tiquer la Porteuse :

I know, I know, I know, I know

I didn't mean it, no, I didn't mean it, mean it, no

Can't seem to let you go

Can't seem to hold you close

Le prochain couplet fut prononcé avec du retard, mais surtout une voix plus ferme, presque dure malgré le ton fragile de l'Élu :

When she looks me in the eyes

They don't seem as bright

No more, no more

I know

That she loved me at one time

Would I promise her that night

Cross my heart and hope to die

Leur nouvel échange fut étrange et brisé, une disharmonie entre la maladroite voix troublée de la jeune fille et celle durement emplie d'émotions du Porteur ; et soudain un second couplet en duo fit monter la tension de la chanson déchirante :

I know, I know, I know

Can't seem to let you go

Can't seem to keep you close

(Hold me close)

(You know I didn't mean it, though)

Tell me where you've been lately

(Just hold me close)

(Don't, don't, don't let me go)

Can't seem to keep you close

Can't seem to let you go

(I didn't mean it, though)

I know you didn't mean it, though

(I don't wanna let you go)

Tell me you didn't mean it, though

(Can't seem to let you go)

I wanna know you mean it though

(Hold me close)

I know you didn't mean it though

(Just hold me close)

Et soudain, alors que la musique semblait arrive à son point culminant, Sora… reposa tout simplement son micro et quitta la scène, sans un mot.

Choquée par cette situation, la Princesse resta un instant figée, avant de suivre le jeune homme déjà dehors. Qu'est-ce qui l'avait blessé ? Qu'avait bien pu dire cette chanson dont elle n'avait pas réalisé la signification à temps ?

Pourquoi avait-elle eu cette idée stupide ?

Courant pour rattraper l'Élu déjà loin, elle l'appela, désespérée :

- Sora ! Sora, attends s'il te plaît !

L'espace d'un instant, il sembla presque ralentir, son regard tourné en arrière ; puis la seconde suivante, il reprit sa marche sans se retourner. Elle l'appela encore, saisissant sa main pour le retenir et s'excuser.

Il se dégagea brutalement ; et la jeune fille vit dans ses yeux une expression qu'elle n'avait jamais voulu y voir.

Un regard profondément blessé, comme si elle l'avait giflé.

- S-Sora, je… qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi ?

Il la fixa un instant, lui disant presque "À ton avis ?", avant que son regard ne se fronce de douleur alors qu'il tournait les talons :

- Rien d'important.

- Sora, je-

- Laisse tomber, OK ? fit-il cette fois d'un ton plus sec.

Kairi resta sans voix, trop bouleversée par la tournure des évènements, alors que Sora s'éloignait lentement, laissant là celle qui l'avait blessé sans le vouloir.

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Sora est rentré au Jardin Radieux pour poursuivre son entraînement, et tenter de renouer le contact avec Kairi, mais… C'est manifestement plus difficile à dire qu'à faire…

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