Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 37 : Travailler tous ensemble - L'ombre guette…

12814 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/02/2024 16:02

Et re-bonjour à tous ! Aujourd'hui un nouveau chapitre toujours bien long mais surtout mouvementé ! Sur ce, je vous laisse découvrir les nouvelles aventures de l'Élu de la Keyblade auprès de ses camarades Porteurs, en vous souhaitant à tous une bonne lecture !


Ayant décidé de poursuivre son entraînement (et la maîtrise du pouvoir de l'Éveil) au Jardin Radieux, Sora essaye de s'intégrer au quotidien des deux apprentis déjà sur place. Mais si la tension avec Lea semble enfin s'être calmée entre eux, parler à Kairi est une toute autre affaire…

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 Une douleur sourde plomba la poitrine de Sora, alors qu'il fixait sans but le plafond de sa chambre. Donald et Dingo venaient juste de passer pour le réveiller, avant de le laisser en comprenant qu'il ne rejoindrait pas l'entraînement ce matin-là.

Kairi l'avait encore blessé, et par deux fois. Oh, il savait bien que c'était accidentel ; mais elle l'avait quand même blessé. Profondément.

S'il avait tenu à la soigner hier, ce n'était pas pour la protéger (enfin, pas exactement) ; c'était pour se prouver qu'il en était capable, lui. Sa magie s'était bien améliorée depuis son échec de l'Examen… sauf pour les Soins. Il n'arrivait toujours pas à guérir réellement les plaies et les bosses, malgré tout ses efforts ; et c'était pour ça qu'il voulait soigner celle qu'il aimait, pour montrer qu'il pouvait le faire et que c'était qu'une question d'habitude et non de faiblesse

Mais elle avait cru qu'il la pensait incapable, quand c'était lui l'incapable.

Et cette soirée… Il ne savait pas ce qui le blessait le plus, la chanson ou le fait qu'elle n'ait rien remarqué avant qu'il ne quitte le karaoké. Il savait bien qu'elle n'était pas bonne en langues, mais ces paroles…

Elles décrivaient presque parfaitement leur relation actuelle. Une fille qui délaisse un garçon amoureux, parce que leur flamme commune s'était éteinte même s'il continuait d'y croire…

Peut-être que c'était ça, au final. Un amour sans avenir, parce qu'elle ne l'aimait pas comme ça, et qu'y croire était un pauvre rêve d'adolescent aveugle…

Non. Elle n'avait pas encore rendu sa décision. S'il abandonnait maintenant, ça serait la trahir. Et il l'aimait encore ; c'était pour ça que tout ces incidents lui faisaient aussi mal. Il l'aimait, tendrement, sincèrement. Mais ils devaient arranger les choses s'il voulait que ça marche. Mieux communiquer avec elle, ça serait un bon début.

Et devenir plus fort, pour savoir la soutenir quand elle aurait besoin de lui.

Ce but en tête, l'adolescent se leva enfin, décidé à démarrer sa journée. Mais il n'alla pas dans la salle temporelle ; il avait besoin d'autre chose, un vrai défi pour réellement améliorer sa force. Peut-être qu'avec les Sans-cœurs vers le chantier… attends, il y avait mieux ! Cette simulation d'Ienzo, au "Jardin de l'Assemblée" comme ils l'appelaient, c'était parfait ! Bon, ça le rendait nerveux d'affronter encore l'illusion de Xemnas, mais il devait y avoir d'autres membres disponibles, non ? Il défoncerait bien Xigbar ou Saïx, là…

Sans plus attendre, il se rendit sur les lieux, traversant l'étrange couloir blanc qui comme la veille le mit mal à l'aise sans qu'il ne s'explique pourquoi. Ienzo était à nouveau là, accompagné d'Aeleus ; et Sora était content que son camarade garde ne l'accompagne pas cette fois contrairement à ses habitudes. La présence du lancier lui faisait encore plus froid dans le dos, à lui rappeler de douloureux souvenirs datant d'à peine quelques mois…

- Oh, bonjour Sora. Que puis-je faire pour toi ? fit poliment le scientifique en le voyant arriver.

- Salut, je voulais faire d'autre simulations si c'est possible.

- Et bien… nous n'avons pas encore tout programmé, mais nous pouvons lancer celle de Xemnas ou Saïx, si tu le souhaites.

Le Porteur allait demander s'il n'y avait aucun autre combat disponible quand Aeleus leva un bras vers son camarade et se dirigea vers le garçon, qui ne put s'empêcher de déglutir devant sa carrure le dépassant de trois bonnes têtes.

- Si tu tiens à t'entraîner, fais face à un véritable adversaire.

Sora mit quelques secondes à comprendre, avant d'écarquiller les yeux en se pointant du doigt :

- Tu veux dire… moi contre toi ?

Le garde hocha la tête, impassible, tandis que Ienzo semblait craindre la suite des évènements. L'Élu sentit la sueur couler dans son dos, nerveux ; il comptait s'entraîner sérieusement, mais… se battre contre l'armoire à glace lui faisait vraiment craindre d'être balancé contre un mur.

Eh ben, on est tout les deux du même avis, vieux…

L'adolescent secoua mentalement la tête devant la pensée (ou voix ?), avant de peser le pour et le contre, d'avaler sa salive… et d’opiner courageusement du chef.

Sur cet accord, le garde alla se poster de l'autre côté, dégainant son impressionnante arme alors que Ienzo programmait à regret l'arène ; le frêle garçon serra fort sa Keyblade, déterminé, et tandis que les murs illusoires finissaient d'apparaître, s'élança sur le géant lui faisant face.

À peine quelques minutes plus tard, Sora recula, projeté par un revers paré de justesse, et essaya de reprendre son souffle alors que l'armoire à glace reprenait position, Hachépée sur l'épaule. C'était très mal parti : si sa vitesse lui avait octroyé quelques bons coups en début de combat, il s'était rapidement rendu compte que l'endurance et surtout la puissance de son adversaire compensait largement sa lenteur. Sans compter ces secousses sismiques provoquées chaque fois qu'il frappait le sol. Le peu de coups reçus, l'Élu les avaient bien senti passés ; et maintenant qu'il s'était épuisé à courir et attaquer, il ne pourrait plus en supporter beaucoup.

Il devait chercher une autre approche, genre une bonne pluie de sorts ou-

Le garde leva soudain son arme, poussant l'adolescent à s'écarter pour éviter l'imminent séisme ; mais à la place apparut une stalagmite que l'homme frappa, projetant d'énormes débris. Le garçon para, mais la force de l'impact l'envoya à terre, sa Keyblade glissant quelques centimètres plus loin. Grimaçant, il vit soudain les murs de l'arène s'effacer tandis qu'Aeleus s'avançait vers lui :

- Reprends ton souffle, et ne surestimes pas ta force la prochaine fois.

- Qu… mais attends, j'ai pas fini de me battre ! protesta le Porteur en s'aidant de sa Clé pour se relever.

- Il suffit, trancha l'adulte en s'éloignant. Ce combat est terminé.

- Non ! On en a pas terminé !

Le garde ne se retourna même pas. Serrant les dents et décidé à lui prouver son erreur, l'Élu bandit Chaîne Royale et se rua sur lui malgré ses jambes tremblantes, prêt à le frapper de toute la force qu'il avait enc-

En un instant, un puissante douleur lui saisit l'estomac et lui coupa le souffle, alors que sa Keyblade tombait non loin. Il s'écroula à terre, toussant et les sens en panique.

Comment n'avait-il pas anticipé-? Pourquoi n'avait-il pas pu voir venir-? Qu'est-ce qui-?

Les pensées en pagaille et la vision floue, Sora vit tout juste deux bottes s'approcher et leva faiblement les yeux, ne distinguant dans ce brouillard que la voix sévère de l'ancien Numéro IV :

- Tu n'es pas blessé ; mais que cela te serve de leçon. Ne gaspille jamais tes forces et ne sous-estimes jamais un adversaire ; si tu te comportes ainsi, tu as déjà perdu le combat. Et tes ennemis ne seront pas cléments une fois vaincu.

Le garçon ne put répondre, trop occupé à retrouver son propre souffle. Aeleus tourna les talons, et l'adolescent tenta de se redresser et de le rattraper pour lui prouver qu'il pouvait toujours se battre ; mais ses jambes plièrent sous son propre poids et il retomba, se retenant tout juste d'une main. Son regard encore brouillé tomba alors sur sa Clé, gisant là après sa défaite cuisante.

- Sora, est-ce que tout va b-

Un cri inhumain arrêta Ienzo en plein mouvement alors que l'Élu saisissait sa Keyblade inutile pour la jeter faiblement au loin, avant de se plier en deux les mains au ventre, hurlant de douleur et de rage.

Tout s'immobilisa autour de lui, alors que même l'air et les chutes semblaient s'être figés face au hurlement du Porteur ; tout, sauf le feu intense qui enflammait le cœur entier du garçon vaincu.


L'arme s'abattit à nouveau sur la victime, arrachant un bras qui rebondit au loin alors que son meurtrier s'acharnait sur le reste du corps inanimé. Mais Sora y prêta peu d'attention ; les mannequins de la salle temporelle avaient la fâcheuse manie de se réparer après un certain temps.

Ce qui l'agaçait encore plus.

Ça devait faire des heures qu'il attaquait le même pantin, et il n'avait toujours pas pu faire plus que lui couper les deux bras avant qu'ils ne se reconstruisent. Il n'avait même pas pu le cramer vu qu'il était en plus résistant à la magie. À croire que même lui faisait tout pour lui rappeler combien il était faible.

Conjurant un nouveau Brasier si ardent qu'il sentait sa brûlure jusque dans ses bras, l'Élu déversa une véritable furie de coups sur le mannequin, ignorant le feu qui aggravait la rougeur de son visage dégoulinant de sueur. Mais toujours la cible restait entière, alors que le membre précédemment arraché revenait sur son épaule comme si de rien n'était. Le Porteur crispa la mâchoire, et dans un pur cri de haine se déchaîna encore sur le pantin.

Le bruit du portail l'informa de l'arrivée de quelqu'un ; et au son des bottes et de la voix masculine qu'il percevait entre deux coups, il devina l'identité du dérangeur et lui tourna le dos :

- Fiche-moi la paix, Lea, siffla-t-il entre ses dents en entendant les pas se rapprocher.

Mais à son agacement, ces derniers persistèrent tandis que la voix l'appelait pour demander une attention qu'il ne comptait absolument pas accorder.

- J'ai pas le temps, dégage ! fit-il en arrachant un bras du mannequin tel un avertissement explicite.

Encore une fois les pas résonnèrent et son nom fut répété, cette fois assez proche pour qu'il sente l'ombre d'une main effleurant son épaule ; la fureur bouillit dans ses veines alors qu'il se retournait :

- FOUS-MOI LA PAIX JE T-!

Un violent choc retentit lorsqu'une autre Clé rencontra celle qu'il brandissait de rage alors qu'un bras puissant maintint une pression égale à la sienne ; par delà leurs lames d'argent entremêlées, il croisa les yeux uniques de son propriétaire et écarquilla les siens.

Riku soutint son regard stupéfié, puis abaissa lentement leurs Keyblades, ses iris turquoises contemplant avec circonspection ceux outremer de l'adolescent comme jaugeant son humeur (ou peut-être son identité), avant de lâcher nonchalamment :

- Alors Sora, tu te mets au meurtre de mannequin à ce que je vois ?

L'Élu cligna des yeux une seconde, encore sous le choc de sa méprise, avant de froncer les sourcils en crispant la mâchoire :

- Tu préférerais que je refasse ton portrait, peut-être ?

L'espace d'un instant, l'aîné resta muet, avant de baisser les yeux en grimaçant vers le pantin bien amoché :

- Je crois que tu te débrouilles déjà très bien. Enfin bref, fit-il en reportant son attention vers lui, tu as fini ton entraînement au Colisée paraît-il ?

Comprenant où il allait en venir, l'Élu lui jeta un regard froid et retourna taper du mannequin :

- Tu comptes faire un rapport à Môssieur Yen Sid ?

- Je compte prendre de tes nouvelles, répondit le Maître en se plaçant en vue du jeune homme.

- Bah je vais très bien, merci, marmonna le Porteur sans le regarder.

Du coin de l'œil, il vit l'autre froncer les sourcils, l'air soucieux, ou suspicieux, avant qu'il ne murmure d'un ton parental que l'Élu détestait :

- …Je suis rentré depuis même pas cinq minutes et tu me fais déjà la tête. Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Qui te dit que ça te regarde ?

Riku soupira, et l'adolescent eut encore plus envie de lui cogner la tête :

- Donc tu t'entraînes ici ? Ça se passe bien ?

- Si t'as pas remarqué, j'essaye de m'entraîner en paix, grogna le Porteur en gelant sa cible pour mieux la briser.

- Tu ne préférais pas te défouler contre un adversaire ayant plus de répondant ? osa dire l'aîné d'une arrogance qui fit grincer des dents l'Élu.

- Si t'es aussi bon que ça, Ô Prof Riku, t'as qu'à aller enseigner à Kairi ! Visiblement tu lui manques plus que moi !

Criant ces mots, il donna un dernier coup au pantin, faisant éclater ses deux bras en des débris glacés. S'arrêtant enfin, essoufflé par l'effort, Sora fit disparaître son arme et s'en alla à la recherche d'une meilleure cible que les mannequins incassables.

Avant que son meilleur ami ne décide de l'en empêcher.

- Sora, attends ! Qu'est-ce qui t'arrive ?

À peine eut-il attrapé son bras que l'adolescent s'était retourné, rappelant à lui sa Keyblade en un large coup qui manqua d'un cheveu le Porteur. L'Élu planta alors ses yeux sombres dans les siens abasourdis, crispant la mâchoire, et lui déclara sèchement :

- Rien qui vous regarde, Maître.

Et sans plus attendre, il tourna les talons et disparut dans le portail.


Traversant la ville en trombe, le Porteur tua sans pitié tout les Sans-cœurs qui se dressaient sur sa route ; enfin, tout ceux qui ne se faisaient pas détruire par les claymores. Si les monstres continuaient d'être aussi faibles, il n'augmenterait jamais sa force, juste sa frustration.

Si seulement il pouvait encore la rematérialiser et enfin s'exercer correctement…

Un Soldat fut envoyé s'écraser sur les roches bleues. Grinçant des dents devant cette débâcle lamentable, le Porteur s'arrêta néanmoins pour regarder les reliefs extérieurs. Mais oui… pas de ville, pas de système de sécurité, pas de dérangement intempestif… et surtout, des ennemis à foison, peut-être même plus puissants que ces minables Ombres.

Oui, c'était exactement ce qui lui fallait.

Sans plus attendre, il rejoignit la brèche des fortifications et s'aventura dans le paysage bleuté, droit vers le grand vallon. Il n'eut même pas besoin de dépasser les anciennes portes pour que deux Roto-tanks n'apparaissent en faisant valser leurs poings ; un simple Miroir suffit à les éliminer, tandis que quelques Androïdes tentaient d'attaquer l'adolescent qui les transperça de sa Clé, leurs lasers ne l'échauffant même pas.

Ainsi le Porteur traversa les gorges cristallines, détruisant Rondouillards, Sambas Cinabre et Carapaçons sur son passage. C'était parfait : les créatures avaient à peine le temps de poser leurs griffes sur sa peau qu'elle étaient exterminées sans autre forme de procès, ne laissant derrière eux qu'éclats hyalins et cœurs perdus aux Ténèbres.

Éliminant d'un feu noirâtre crépitant de ses doigts une autre Boule Noire le mâchouillant, l'Élu pénétra enfin dans la gorge ayant été le théâtre de sa plus épique bataille. Mais pas le moindre monstre en vue pour réitérer l'exploit ; pas même une petite Vouivre ou Behemoth, rien. Enfin, presque ; quelques Crypto Ombres étaient venues, et disparurent tout aussi vite sous la lame du Porteur malgré leurs griffures plutôt bien placées. Bien trop peu pour s'arrêter déjà, il devait bien y avoir plus d'agitation aux ruines du Val du Mal…

- Décidément tu cherches les ennuis, Sora.

Surpris, mais bizarrement pas inquiété par la sinistre voix, l'Élu leva un regard importuné vers l'intrus au sommet du vallon :

- Qu'est-ce que tu me veux encore, Ansem ?

L'usurpateur haussa un sourcil, visiblement étonné de sa réaction, avant de rétorquer d'un ton bas :

- Étrange, j'aurai cru que ma présence t'aurait quelque peu plus… préoccupé, Sora.

- Si ça faisait pas la troisième ou je sais plus fois que je te revois après t'avoir trucidé, ça aurait été le cas. Alors si t'as rien à me dire, fous le camp ! J'ai autre chose à faire.

- Et bien, dans ce cas, laisse-moi donc te dire que tu ne devrais pas rester ainsi tout seul.

L'Élu qui avait fait mine de reprendre sa route s'arrêta à nouveau, plantant ses iris sombres dans ceux presque similaires du nouveau Numéro III :

- Je comptais tabasser des Sans-cœurs normaux, mais si t'insinues que tu veux encore m'attaquer j'hésiterais pas à te remettre une raclée pire qu'à la Fin du Monde, cracha-t-il en serrant plus fort sa Keyblade argentée.

- Quelle témérité, c'est admirable ! ricana hypocritement le Chercheur. Cependant, je serai plus… prudent, si j'étais toi. Mais si tu insistes pour me défier…

Il n'eut pas le temps de finir que le Porteur s'élançait déjà, courant sans effort sur la paroi du vallon pour atteindre sa cible tout en lui envoyant un Brasier aux teintes sombres. L'usurpateur se décala pour éviter l'assaut inutile ; l'adolescent surgit alors derrière l'explosion, Clé en avant. Le Sans-cœur se poussa simplement, arborant un sourire moqueur face à l'Élu qui pointait son arme pour un nouveau sort infusé de colère ; un orbe obscur contra le sortilège, projetant des éclats de Ténèbres à l'impact.

Le Porteur darda ses yeux d'océan assombris sur le Chercheur qui le toisait de loin, bras croisés et le sourire hautain. En ayant plus qu'assez de cette arrogance, l'Élu bondit sur lui, Keyblade brandie et hurlant à plein poumons. Un instant, il crut entendre par delà son cri d'autres voix très familières, avant que le Sans-cœur ne lève à peine un doigt et fasse apparaître un passage obscur…

Droit sur la trajectoire du Porteur.

Sora écarquilla les yeux, comprenant enfin le piège où il s'était jeté dans son propre élan de colère. Alors que son corps se figeait en tentant d'échapper au portail qu'il ne pourrait pas éviter et que les volutes noirâtres léchaient déjà ses membres, il eut le temps d'entendre la voix d'Ansem susurrer, vainqueur :

- Bon séjour dans l'entre côté, Sora…

Une horrible vague lui glaça le cœur tandis que le noir l'aspirait dans son vortex et-

- SORA !

Des mains chaudes se jetèrent soudain sur lui, et le monde tout autour s'embrouilla dans une nuée de bleu et jaune et vert tel un roulé-boulé inattendu. Sora tourna encore quelques secondes, s'arrêta sur le dos, et osa rouvrir les yeux sur un spectacle que peu avaient pu voir : un tunnel aux teintes indéfinissables entre l'aube et le crépuscule, entourés de faux cœurs blancs inversés, dans un espace empli de vide ni froid ni chaud, dénué de toute vie véritable.

L'Entremonde. Le passage vers le Monde qui Jamais ne Fut, où Axel s'était sacrifié pour…

La poitrine du garçon se gela à ce souvenir, alors qu'au fond de lui quelqu'un semblait à nouveau hurler sa souffrance face à la seconde perte de sa non-existence…

- Sora !

Et soudain leurs voix rappelèrent l'adolescent à lui, et il se releva pour voir Donald et Dingo se précipiter sur lui ; il le prirent dans leurs bras, et aussitôt le gel fondit au creux de la poitrine de Sora.

- On t'a cherché partout ! s'écria le canard d'une voix brisée. Personne savait où t'étais depuis ce matin, on a juste eu le temps de te voir aller au vallon, puis ton combat avec… On était tellement inquiets !

- Ça va ? T'es blessé ? demanda le chevalier en examinant son protégé.

- N-Non, j'ai rien…

- Et c'est quoi tout ça ?

L'Élu baissa les yeux vers les plaies que le magicien Soignait déjà, observant les coupures et brûlures se refermer alors qu'il réalisait l'étendue de ses actes. Dans sa colère aveugle, il était parti seul sans prévenir personne, avait combattu en ignorant ses blessures et était allé jusqu'à provoquer un Chercheur de Xehanort, plongeant la tête la première dans son piège et y entraînant deux de ses amis. Quel abruti.

L'adolescent serra les poings, cherchant sans les trouver les mots pour s'excuser de sa bêtise ; deux mains se posèrent alors sur ses épaules, lui faisant relever la tête vers celles de ses amis qui souriaient malgré leur inquiétude :

- Allez, tout va bien, alors fais pas cette tête ! le rassura Donald.

- Oui ! Rappelles-toi : pas de visage triste ! renchérit Dingo.

Sora resta un instant muet, puis sourit en retour ; ils avaient raison, tout irait bien maintenant qu'ils étaient ensemble. Il se releva avec eux, cherchant une issue pour revenir au Jardin Radieux ; quand subitement une nuée de Similis les encerclèrent, ondulant tels des rapaces dénués d'os et de vie, et le trio durent se résoudre à combattre.

La meute se mua tel une vague sans fin. À chaque instant il y en arrivait toujours d'autres, toujours plus mais jamais assez pour les submerger. Coincé dans la mêlée et le souffle irrégulier, l'Élu serra sa Keyblade et conjura la plus puissante Explosion possible pour dégager les Assassins et Snipers nouveaux venus, ignorant le tremblement fébrile qui suivit son attaque. Enfin la masse sembla s'espacer, reculant sous les coups et sorts de Donald et Dingo tandis que l'adolescent les observait, une étrange sueur froide commençant à mouiller sa nuque. Les derniers Similis disparurent sous leurs assauts, alors qu'il laissait échapper un petit rire triomphant.

Mais étrangement le sentiment chaleureux de son corps échauffé s'effaça rapidement, tel une flamme qu'on souffle. Troublé par cette sensation, l'adolescent porta machinalement la main à son cœur devenu si froid, et sentit soudain ses battements ; il étaient lents, et s'estompaient.

Quelque chose allait très mal.

Un subtil frisson autre que la fatigue le prit, lui faisant baisser les yeux vers sa poitrine qu'il serrait inconsciemment, comme pressentant le pire : et il la vit.

La lueur, juste sous ses doigts, si petite et scintillant pourtant si fort à travers le tissu. La Lumière qui brillait intensément au rythme de son cœur affaibli.

Comme si la réalisation aggravait son cas, le souffle lui manqua et le froid glaça sa poitrine ; tremblant, Sora agrippa presque désespéré son torse, tentant de retenir la lueur qui allait s'échapper. Un bruit le fit se retourner vers ses camarades accourant lentement, alors qu'il écarquillait les yeux devant ce qu'il voyait : la même lueur, plus faible mais bien présente à leur cœur.

Il savait ce qu'il se passait. Il savait ce qui leur arrivait. Axel leur avait bien dit de ne pas rester immobile trop longtemps ; maintenant les Ténèbres s'emparaient d'eux.

Dans peu de temps, ils perdaient leur cœur.

Sora tituba, s'effondrant dans les bras de Donald et Dingo venus le soutenir ; mais il se releva, utilisant toute la force qui lui restait pour tenir.

- Vite… il faut qu'on s'en aille… dit-il en tirant ses camarades dans une direction hasardeuse.

Haletant, il avança, ignorant la fatigue de ses membres et le froid qui voulait envahir son corps, serrant dans ses mains sa poitrine à l'éclat vacillant et Chaîne Royale telle sa dernière ligne de défense contre les Ténèbres. Il ne pouvait pas disparaître maintenant, ses amis non plus. Roxas comptait sur lui, il ne pouvait pas le laisser tomber ; il ne pouvait pas décevoir Lea, ou Riku ; il ne pouvait pas encore abandonner Kairi…

Mais il ne put aller bien loin face à la faiblesse de son corps épuisé, incapable de suivre sa volonté ; ses jambes lâchèrent, lui faisait plier un genou ; il se releva, agrippant sa poitrine à la lumière sur le point de filer entre ses doigts, et fit un pas ; mais ce fut tout.

Ses membres s'écroulèrent sous son propre poids ; il sentit deux corps amortir sa chute, et ses yeux outremer se levèrent faiblement vers ceux épuisés mais déterminés de ses amis qui le soutenait sans pouvoir eux-mêmes tenir debout.

- Allez Sora… juste un petit pas…

- C'est pas… le moment… d'abandonner…!

Mais leurs propres efforts étaient vains ; chancelant, ils s'effondrèrent ensemble, blottis les uns contre les autres tel un amas de chair cherchant à garder ce cher protégé qu'ils ne pouvaient plus sauver. Le froid et le néant assirent leur emprise dans le cœur du Porteur, tandis que tout se brouillait en un vide de couleurs qui elles-mêmes sombraient dans le noir grignotant sa vision. C'était trop tard, il ne pouvait plus garder ce cœur qui n'était plus vraiment sien désormais…

Alors que sa conscience s'effaçait lentement, un bruit lointain lui fit relever les yeux ; mais tout ce qu'il vit, ce fut une silhouette noire s'approchant d'eux.

Une dernière fureur embrasa l'Élu ; alors c'était ça. Ils venaient réclamer son cœur, après des mois passés à l'affaiblir et une seule attaque décisive… L'espace d'un instant, un sursaut d'énergie sembla animer son bras pour un dernier assaut dans l'estomac du Sans-cœur venu l'attraper ; mais il n'en eut pas la force.

Mais, courageux jusqu'au bout, il leva la tête vers l'homme maintenant tout près et qui déjà tendait la main vers ce cœur prêt à être arraché, foudroyant d'un dernier regard l'ennemi qu'il n'avait pu abattre…

Bon sang, accrochez-vous, me lâchez pas maintenant !

Quand soudain quelque chose de sombre et inhabituellement chaud drapa leurs épaules alors que sa voix résonnait à ses oreilles, tandis qu'il distinguait les bras resserrant désespérément l'étoffe protectrice comme pour l'y emmitoufler davantage.

Il eut tout juste le temps de voir une explosion rouge flamme, et deux éclats verts francs et inquiets le fixaient comme le suppliant de ne pas l'abandonner.

Puis tout devint noir.


Les sensations revinrent lentement à Sora, d'abord par la chaleur qui couvrait ses jambes et son torse, puis par la douceur des draps dans lesquels il était allongé. Il retrouva le contrôle de son corps, alors qu'il sentait quelque chose soulever légèrement son poignet et des bribes de sons bourdonner à ses oreilles ; il ouvrit lentement les paupières, sa vision brouillée dans un nuage de couleurs :

- Et …reize… font cin…eux. Enc… lent, m…vec une lég… amélioration, fit une voix familière.

L'adolescent cligna des yeux, distinguant peu à peu les contours plus nets des deux silhouettes à son chevet ; et tandis que le scientifique relâchait son poignet pour écrire quelque chose, l'Élu rétracta instinctivement son bras, attirant l'attention des deux adultes :

- Sora ! Si tu m'entends, réponds-moi, ordonna aimablement Ienzo en se penchant vers lui.

- O… Oui, fit-il d'une voix pâteuse, où… suis-je ?

- Tu es au quartier général. Te rappelles-tu ce qui est arrivé ?

- Je… Donald, Dingo ! Les am-!

Une main puissante plaqua doucement mais fermement l'Élu essayant de se redresser en panique. Surpris, l'adolescent cligna des yeux et les leva vers l'imposant Aeleus le maintenant contre le matelas, son regard sévère semblant lui intimer de ne pas bouger.

- Reste tranquille. Tu dois récupérer, ordonna-t-il sans menace.

Sora n'eut pas envie de le contredire alors qu'il retirait sa main, et posa la question qui le préoccupait :

- Où sont Donald et Dingo ? Comment vont-ils ?

- Ils se reposent dans leur chambre, répondit Ienzo. Ne t'en fais pas, ils vont bien.

Poussant un soupir de soulagement, le garçon ferma les yeux un instant, avant de les rouvrir en réalisant qu'il manquait une partie des évènements :

- Qu'est-ce qui s'est passé ? Je… On était piégés dans l'Entremonde, et puis j… comment on a atterris là ?

- Lea vous a ramenés.

Sora se figea malgré lui, stupéfait, tandis qu'Ienzo complétait la réponse du garde :

- Une population Sans-cœur anormale est apparue aujourd'hui vers le Val du Mal, et au même moment vous avez tout les trois disparus. Nous avions débuté les recherches quand Lea a à son tour disparu, avant de sortir d'un Couloir de Ténèbres avec vous ; il a dit vous avoir trouvés dans l'Entremonde, inconscients et en train de perdre votre cœur. Heureusement, il vous a ramenés avant le point de non-retour. Donald et Dingo se sont réveillés rapidement, mais tu as dormi pendant plusieurs heures ; je ne peux l’affirmer avec certitude, mais je pense que tu as été plus affecté qu’eux à cause de la présence de Roxas en toi.

Un frisson saisit lentement les épaules du garçon à ses mots : alors il n'avait pas rêvé. Ils avaient vraiment failli y passer, tout ça parce qu'il avait été assez stupide pour provoquer l'Organisation et se jeter dans leur piège grotesque. Quel crétin.

- Ton réveil est un très bon signe, mais je dois te poser des questions pour évaluer ton état, reprit aimablement le scientifique. As-tu mal quelque part, une sensation anormale au cœur, ou des symptômes désagréables ?

- …Juste très fatigué, murmura l'adolescent en secouant la tête.

- Je vois. C'était à prévoir, mais je ne pense pas que ça laissera de séquelles. Reposes-toi autant que possible, nous réévaluerons votre état plus tard pour s'assurer que tout va bien.

Sur ces mots, Ienzo et Aeleus quittèrent sa chambre en lui souhaitant bon rétablissement. Sora se rajusta dans ses oreilles et ferma les paupières. Pourquoi était-il parti affronter des Sans-cœurs tout seul…

- Sora !

L'adolescent rouvrit les yeux pour les tourner vers Donald et Dingo qui venaient de franchir la porte pour se précipiter à son chevet :

- …L-Les amis ! Ça va, vous allez bien ?

- T'inquiètes pas, on est résistants ! lui sourit le chevalier en levant un pouce.

- C'est toi qui nous a inquiété ! T'es resté inconscient cinq heures ! On a cru qu… Que tu étais encore endormi comme avant !

Le Porteur se figea en comprenant à quel évènement il faisait référence et se renfonça dans les oreillers, penaud.

- …Je suis désolé.

- Ne t'excuse pas, t’avais besoin de repos…

- Je parle pas de ça, répliqua l'Élu en refusant de les regarder. C'est ma faute si on s'est retrouvés là-dedans, j'ai été imprudent et stupide et à cause de moi on-

- Dis pas ça ! s'écria fermement le magicien en serrant les poings. Ça serait jamais arrivé si Ansem t'avait pas piégé, et même si c'était ta faute on aurait préféré y rester avec toi que t'abandonner à nouveau !

Sora écarquilla les yeux, tandis que ses amis réaffirmaient leur résolution d'un hochement de tête. Un étau chaleureux étreignit le cœur fatigué du garçon, et il dût retenir des larmes émues alors qu'il les remerciait d'un sourire. Des pas précipités résonnèrent alors, avant que la porte ne s'ouvre pour laisser apparaître le Roi et Riku. Leur expression inquiète se détendit dès qu'ils posèrent le regard sur le trio, et ils s'approchèrent :

- Le ciel soit loué, vous allez bien ! soupira Sa Majesté.

- Ça va ? Tu n'as rien ?

L'adolescent allait répondre à son meilleur ami d'un sourire quand il se rappela leur dernière rencontre et baissa les yeux, secouant simplement la tête. L'inhabituelle lueur affolée dans les yeux du jeune homme s'effaça, alors qu'il s'asseyait sur le lit du garçon :

- Tant mieux… soupira-t-il en passant une main sur son visage fatigué. Sora, t-

- Je m'excuse pour tout, Riku.

Un léger silence suivit les paroles de l'Élu, alors que le jeune Maître écarquillait les yeux en fixant son ami au regard bas et honteux.

- Qu… Qu'est-ce que tu racontes ?

Sora se mordit la lèvre, triturant sa couverture, avant d'oser lever la tête vers l'aîné, repentant :

- Je t'ai envoyé baladé juste après ton retour alors que c'était même pas ta faute, et j'ai mis en danger Donald et Dingo juste parce que je voulais me battre contre des Sans-cœurs forts. J'ai été colérique et imprudent. Je te demande pardon, Riku.

L'adolescent fixa timidement les iris turquoise du Maître, penaud, attendant la remontrance. Ce dernier resta muet ; puis son regard stupéfait s'adoucit, alors qu'il serrait doucement le bras de son ami alité :

- Je n'ai pas besoin de te pardonner, tu n'as rien fait de mal. Et vous êtes toujours là, c'est le plus important.

- Riku a raison : vous n'avez rien tout les trois, c'est tout ce qui compte !

L'Élu les regarda alors qu'ils lui souriaient tous, confiants ; mais l'éclat coupable de ses yeux outremer ne s'effaça pas, et il garda la tête basse, se frottant le bras avec honte.

- …Je reste quand même responsable de ce que j'ai fait, même si c'est pas moi qui nous ai envoyés dans l'Entremonde.

- S'il y a un responsable c'est moi, fit Riku.

- Non, j'ai-

- Tu as peut-être été imprudent mais c'est moi qui connaissait le vrai danger et qui n'ai pas réussi à vous protéger, déclara alors le Maître en le regardant droit dans les yeux. Je savais qu'Ansem était ici.

Tous levèrent un regard choqué vers l'aîné, dont les iris s'étaient lentement empli d'une fureur glaciale tandis qu'il resserrait la mâchoire :

- J'ai un… certain pressentiment chaque fois qu'il est suffisamment proche, et je sais que la surpopulation de Sans-cœur au Grand Vallon est de sa faute. Je savais qu'il était là et je n'ai pas pu te protéger de lui, murmura-t-il en tremblant de colère.

- …Mais c'est moi qui suis parti seul et qui l'ai provoqué, répondit lentement l'Élu après un moment de silence.

- J'aurai quand même dû l'en empêcher, insista le jeune Maître en serrant le poing. Si je ne peux même pas faire ça-

- Tu ne pourras pas toujours faire ça ! répliqua son camarade. Je dois pouvoir me protéger tout seul aussi, pas avoir à me reposer sur toi-

- Mais là tu peux, rétorqua l'aîné. Qu'est-ce que tu as à refuser que je te protèges-

- Et toi qu'est-ce que t'as à toujours vouloir me protéger ? Tu me crois incapable, c'est ça ?

- Pas du tout, j'ai juste-

- Juste pensé que j'avais toujours pas récupéré de mon Examen comme un vieil handicapé ? Eh ben c'est faux !

- Je sais très bien que c'est faux, je veux juste pas qu'il t'arrive quelque chose de grave.

- Oh, parce que maintenant que t'es Maître tu peux absolument empêcher toutes les catastrophes de nous tomber dess-

- Comment j'aurai pu leur dire s'il t'était arrivé le pire ?

Sora se figea, déconcerté par le soudain éclat de voix de son meilleur ami, lequel gardait la tête basse et les poings serrés, comme retenant quelque chose au fond de lui. Un silence pesa. Puis le Maître inspira lentement, fébrile :

- …Sora, c… Comment j'aurai pu faire, si je n'avais pas pu empêcher qu'il t'arrive quelque chose ? Comment j'aurai pu regarder les gens en face, et leur annoncer que tu n'étais plus là ? Comment j'aurai pu le dire à tes amis ? À tes parents ? À Kairi ?

L'Élu écarquilla les yeux, alors que l'aîné semblait soudain pris d'un tremblement incontrôlable qu'il réprimait de toute sa force :

- Je n'ai jamais cru un seul instant que tu étais faible, mais j… Je ne peux pas m'empêcher de penser à ce qu'il serait arrivé si j'étais arrivé trop tard et qu… À quoi ça me sert d'être Maître si je ne peux même pas vous protég-

Quelque chose attira soudain le jeune homme vers un corps frêle pour l'y serrer de toute sa force. L'adolescent se figea, surpris, tandis que son meilleur ami passait simplement un bras dans son dos, enlaçant un peu plus son épaule sans un mot.

L'aîné resta immobile, ne sachant que faire devant cette étreinte inattendue alors qu'il luttait encore pour se contrôler lui-même. Il avala sa salive, essayant de se reprendre tandis que ce corps plein de chaleur l'enlaçait en chamboulant toutes les barrières qu'il s'était posées pour garder son sang-froid ; Sora posa alors sa tête sur son épaule et se rapprocha encore, serrant juste le plus fort du monde son ami d'enfance contre lui.

Et quelque chose céda.

Il tenta une dernière fois de rester calme, d'ignorer la tourmente qui le menaçait après la catastrophe précédente ; mais la chaleur et la vie du garçon l'étreignit encore, et il craqua. Riku passa ses bras autour de son meilleur ami, le serrant le plus fort possible tel un rappel qu'il était là, auprès de lui, bien vivant.

Sora ne dit jamais rien, ni quand l'étreinte du jeune homme commença à l'écraser, ni quand les gémissement étouffés mouillèrent son épaule où il avait blotti son visage. Il resta juste là, laissant l'adolescent poser une main sur sa tête et évacuer l'inquiétude des dernières heures.


Allongé dans sa chambre, Sora somnolait doucement ; enfin, tentait de, car ses sens encore un peu en alerte après son expérience bien trop similaire à son Examen le maintenaient éveillé. Ses amis l’avaient laissé se reposer tranquille peu de temps auparavant, et s’il appréciait qu’ils lui donnent un peu d’espace pour se remettre paisiblement, dormir seul l’inquiétait un peu…

Sa porte s'entrouvrit tout à coup, le faisant se relever sur un coude… avant que ses iris outremer ne croisent ceux marine violacés venu le voir.

Une seconde resta en suspens, alors que les deux amis d'enfance se regardaient dans les yeux, comme surpris. Puis un sourire soulagé s'étira sur les lèvres de Kairi tandis qu'elle s'approchait du garçon :

- Sora ! Je suis soulagée que tu ailles bien, dit-elle en s'asseyant à son chevet.

- Oh je… suis soulagé aussi…

L'adolescent eut très clairement l'impression que Roxas lui mettait une claque derrière la tête pour cette réponse stupide, alors que la jeune fille sembla comme gênée et tritura ses doigts un instant avant de reprendre :

- Je sais ce qu'il s'est passé, Lea m'a tout raconté. Je serai venue avec lui vous chercher, mais je… Je n'ai su qu'après son retour… fit-elle en baissant les yeux, comme honteuse.

Son expression serra le cœur déjà affaibli de l'Élu, alors qu'il fronçait les sourcils :

- C'est pas ta faute, tu ne savais pas… Et pour être honnête, on serait pas dans cet état si j'avais été plus prudent…

- Mais j'aurais voulu aider, insista la jeune fille en croisant son regard. Si j'avais juste-

- Hé, n'en fait pas une maladie, lui dit alors doucement son ami en posant sa main sur son bras. On s'en est sortis indemnes, c'est le plus important ; et puis, confia-t-il avec un petit sourire, ça aide pas mal de te voir…

La Princesse se figea, toute rouge, et l'adolescent réalisa ce qu'il avait dit et retira prestement sa main alors que ses joues chauffaient :

- E-Enfin je veux dire, c'est ce qu'on m'a recommandé, d'être avec des amis juste après ça pour mon cœur, tu vois…

L'apprentie se rétracta un peu et baissa les yeux, songeuse, alors qu'il ne savait que dire, et elle reprit doucement :

- Sora… je voulais te dire…

Elle leva alors une main et la posa timidement sur la couverture, tout près du bras du garçon :

- Je voudrais m'excuser pour hier, je… j'ignore pourquoi, mais je sais que je t'ai blessé et je-

- Je dois d'abord m'excuser aussi, l'interrompit gentiment Sora.

Kairi leva alors des yeux surpris, tandis qu'il la fixait avec douleur mais compréhension :

- Je sais que tu ne l'as pas fait exprès, mais je crois que je n'ai pas été très clair moi-même quand j'ai dit vouloir te soigner. C'est juste que… je voulais pas être faible, et…

- Tu n'es pas faible, Sora ! l'interrompit à son tour la Porteuse. Ce n'est pas parce que tu as perdu tes pouvoirs après l'Examen que tu es faible. Ton cœur est fort, je le sais ; sinon tu ne serais déjà plus là depuis longtemps… C'est plutôt moi qui suis faible-

- Kairi, ne dis pas ça, déclara sans hésitation l’adolescent. Jamais. Je sais que tu te trouves faible comparé à Riku ou moi, et c'est probablement vrai ; mais on a au moins deux ans d'avance ! Je suis sûr que si t'avais été là quand on a voyagé dans les Mondes y'aurait aucune différence ; non, tu serais en avance sur nous ! J'ai vu tout tes efforts pour être à la hauteur, et c'est géant ! Tu sais te battre avec intelligence, et t'arrive même à retourner la force d'un adversaire contre eux ! T'as de bonnes idées même quand elles marchent pas, comme quand t'as voulu imiter mon sort Eau ! Attends d'avoir un peu plus d'expérience et tu feras un malheur, j'en suis certain !

Sora la regarda dans les yeux, souriant et confiant, avant de réaliser son expression rosie et touchée, et détourner le regard avant qu'elle ne voie ses propres joues devenir rouge tomate. Il s'éclaircit la gorge maladroitement, tandis que la Princesse triturait le bord de sa jupe en se mordant légèrement la lèvre :

- …Merci. Ça me touche beaucoup, dit-elle enfin avec un sourire timide.

Un léger silence s'installa, avant qu'elle ne murmure, le regard bas et songeur :

- …Tu sais… J'ai beaucoup réfléchi, et je… pour toi et moi…

Le garçon fronça les sourcils, sentant malgré lui la crainte monter avec ce petit espoir persistant :

- …Je ne suis toujours pas sûre, mais… je n'arrête pas de penser… on le fait pas exprès, mais tout nos moments ensemble, avec toi ou avec Riku… tout les trois… Ça me manque terriblement. Et je me disais… peut-être qu'on a juste besoin de ça.

Kairi avait osé plonger ses yeux marine dans ceux outremer de Sora, hésitante mais résolue. Ils restèrent un long moment ainsi, comme se parlant par le regard ou ne voulant pas s'en détacher ; puis l'Élu se redressa, posant une main sur celle de sa bien-aimée qui tressauta mais ne rompit pas leur contact, et lui sourit tendrement.

- Dès que je vais mieux, on fait quelque chose. Tout les deux, ou tout les trois, c'est comme tu veux ; mais on fera quelque chose ensemble. Promis.

La Princesse sembla se figer un instant ; mais bien vite, son regard s'adoucit d'un sourire, osant poser sa main sur la sienne.

Ce fut à ce moment-là que Léon toqua à la porte pour rappeler l’apprentie à l’entraînement, faisant sursauter les deux adolescents ; la jeune fille jeta un regard attristé vers son ami, et l’espace d’un instant l’épéiste sembla considérer s’en aller. Mais la Porteuse annonça qu’elle arrivait bientôt, et se leva tandis que son professeur s’en allait.

Sora et Kairi se regardèrent encore un moment dans les yeux, ne pouvant mutuellement se cacher leur déception d’être à nouveau séparés.

Puis la jeune fille prit la main de son amant dans la sienne, et lui murmura en un doux sourire un "À tout à l’heure Sora, repose-toi bien", avant de quitter la pièce non sans un dernier regard dans sa direction.

Et Sora ne pouvait que sourire au contact des mains de Kairi, chaleureuses, douces ; mais surtout emplie de cette Lumière qui scintillait dans ses yeux chaque fois qu'elle les posait sur lui.


Les faibles rayons de lune éclairaient faiblement la chambre ; mais c'était assez pour garder l'Élu éveillé. En fait, c'était surtout ses pensées qui l'avaient maintenu alerte. Il avait déjà assez dormi, même s'il était sûr que ses amis penseraient le contraire.

Tout le monde était passé le voir, et bien qu'il apprécie leur attention, ça ne faisait que lui rappeler la raison pour laquelle il était dans cet état : lui. S'il avait été un poil plus intelligent, personne n'aurait failli perdre son cœur dans cette affaire. Ils comptaient tout sur lui, et il trouvait encore le moyen de faire l'andouille.

Enfin, plus pour longtemps.

L'avantage d'avoir sa chambre, c'était que personne ne se réveilla quand il se glissa dans le couloir. L'aube n'était pas loin, et il allait profiter d'être debout pour rejoindre la salle temporelle avant qu'on le repère. Son léger chancellement lorsqu'il s'était mis debout confirmait ses doutes ; il avait encore ses pouvoirs, mais restait affecté par l'expérience.

Raison de plus pour se remettre en forme au plus tôt.

Rejoignant rapidement la salle commune, l'Élu passa en silence la porte menant à la maison de Merlin ; avançant sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller l'enchanteur ronflant dans son lit, il s'approcha du mur arborant d'habitude le portail… Mince, est-ce qu'il fallait la magie du sorcier pour l'ouvrir ? Mais le vortex se dessina silencieusement à son arrivée, et il y sauta sans attendre, ne remarquant pas la silhouette sombre l'observant non loin.

Atterrissant un peu maladroitement, le Porteur reprit un instant ses esprits avant de se tourner vers les haltères et barres de musculations au mur. Ça irait. Trop d'efforts juste après avoir presque perdu son cœur était dangereux, mais il comptait s'exercer un peu pour rester en forme, rien de plus. Une petite "heure" ici ne ferait de mal à personne, non ?

S'échauffant, l'Élu se dirigea vers une barre horizontale, banda ses muscles, puis sauta et la saisit. Inspirant doucement, il se souleva jusqu'au barreau, avant de redescendre tout aussi lentement en expirant ; et recommença jusqu'à sentir ses bras tirer sous l'effort.

C'était pas mal. Encore quelques unes et…

- Salut champion.

Sora failli lâcher en entendant sa voix, et se retourna vers le rouquin l'observant adossé au mur, les bras croisés et l'air goguenard.

- Ax-Lea ?

Retombant à terre, l'adolescent vit l'adulte s'approcher nonchalamment et lui demanda :

- Qu'est-ce que tu fais l-

- C'est plutôt moi qui devrait poser cette question, non ? le coupa-t-il d'un petit sourire.

Fronçant les sourcils, le garçon allait protester mais comprit qu'il marquait un point. Avalant difficilement sa salive, il allait répondre quand Lea le devança :

- On s'exerce en cachette, alors ? T'as peur qu'on te plaque au sol dès que tu te lèves ou tu pouvais juste pas résister à l'appel de l'entraînement ? dit-il amusé.

- …Je pensais juste que ça ferait pas de mal, murmura l'adolescent.

- Oui, sans doute pas plus qu'un athlète qui fait dix kilomètres de plus juste après son marathon.

L'Élu perçut clairement le sarcasme dans sa voix, et se contenta de lui rendre un regard désapprobateur en retournant vers sa barre :

- J'ai juste besoin de rester actif, c'est tout.

- C'est sûr qu'après quelques heures de repos, y'a un sacré risque de perdre la main, ironisa sans amertume l'apprenti.

Sora ne put retenir un regard froid, avant de fixer le barreau au-dessus de lui :

- On doit pas avoir la même vision des choses.

Fléchissant les jambes, il s'apprêta à sauter pour se raccrocher, quand une main chaude et ferme se posa sur son épaule, le retenant délibérément ; l'Élu crispa la mâchoire et se retourna vers l'adulte, prêt à lui jeter une réponse sèche quand il croisa son regard.

Pas un moqueur ou autoritaire. Un empli d'inquiétude cachée derrière l'éclat de ces iris vert foncé.

Lea inspira, comme pour se donner du courage, puis déclara d'un ton étonnamment sérieux :

- Je crois que je dois être plus direct : retournes te reposer. Tu en as plus besoin que tu ne le penses.

Surpris par la sincérité de sa voix, l'Élu fut néanmoins irrité par cet ordre et voulut lui dire de s'occuper de ses affaires quand il continua :

- Je dis pas ça parce que je te crois pas capable d'endurer un passage dans l'Entremonde, promis ; je veux juste te donner un conseil d'expérience. Tu devrais vraiment prendre un jour de repos complet.

- Qu… comment ça, "d'expérience" ?

Le Porteur fixa le sol un instant, avant de replonger ses yeux dans ceux maintenant concernés de l'Élu :

- Quand… quand Xehanort m'a possédé, je suis resté sonné un moment ; c'était normal, on disait, mon cœur avait été corrompu depuis un certain temps et les Gardiens avait dû extraire Xehanort de force. Mais j'ai détesté rester là à rien faire, et je peux te dire que c'est rare que je sois motivé à bouger ! Alors dès que j'ai été assez en forme pour me battre un peu, j'ai repris l'entraînement à fond, sans réfléchir.

L'apprenti se tut un instant, laissant imaginer à l'adolescent la suite.

- …J'ai été cloué au lit pendant un mois après un malaise. Trop d'efforts pour mon cœur encore instable, paraît-il.

Sora écarquilla lentement les yeux, sentant les couleurs quitter son visage devant l'aveu du Porteur qui fixait le vague comme au souvenir d'amers moments. Ses iris songeurs reprirent bien vite leur gaîté, alors qu'il les reportait sur le jeune homme :

- Bon, je m'en suis pas trop mal sorti pour un mec possédé par l'ennemi numéro 1 de la galaxie ! fit-il avec un léger sourire. Et je sais que c'est pas la peine de te ressasser la leçon avec les Ténèbres et tout ; mais fait vraiment gaffe. Te mets pas dans la même situation idiote juste parce que t'es pressé de récupérer ta force.

L'Élu ouvrit la bouche, puis fixa le sol, ne sachant que dire :

- Je… je suis désolé, je savais pas que… je te demande pardon de t'avoir insulté pour ta possession, Lea… murmura-t-il repentant. J'avais pas imaginé que ça serait si grave…

- Oh, y'a pire que ça, genre redevenir un Simili au service de Môssieur le Supérieur ; ça, ça m'aurait fait mal au cœur ! plaisanta l'apprenti. Enfin, peut-être pas dans cet état… Bref, recouche-toi, amuse-toi à te muscler, fait comme tu veux, c'est ta vie ; viens juste pas dire que je t'ai pas prévenu quand tu resteras au lit trois semaines ! C'est bon c'est retenu ? conclu-t-il en tapotant gentiment le front du jeune homme.

Sora ne put retenir un sourire devant sa mimique et se dégagea du doigt taquin d'un geste amical. Sur ces mots, Lea lui donna une dernière tape sur l'épaule et retourna se coucher, car contrairement à lui il serait obligé de se lever.

L'adolescent le regarda disparaître, puis se tourna vers la barre d'entraînement, toujours trop haute pour lui. Son regard indécis resta fixé dessus un moment, avant qu'il ne ferme les yeux pour prendre sa décision.

Quand Léon vint quelques heures plus tard tirer Lea du matelas qu'il refusait de quitter, son regard tomba sur la porte de Sora, entrebâillée ; intrigué, il jeta un œil à l'intérieur.

Et vit, recroquevillé dans le lit aux couvertures à moitié par terre, un frêle corps adolescent, paisiblement endormi.

Léon soupira, puis referma doucement la porte, laissant l'Élu dans ses rêves profonds.


Sora ouvrir brusquement les yeux, une étrange sensation saisissant ses muscles. Perturbé par ce réveil étrange, il scruta les lieux si noirs… et comprit que ce n'était que sa chambre. Soulagé de voir qu'il s'était juste réveillé dans un endroit familier, il allait se lever quand quelque chose le frappa. Et il comprit quelle était cette sensation qu'il ne pouvait pas nommer.

Il ne pouvait plus bouger.

Soudain pris d'un frisson glacé devant cette réalisation affreuse, il lutta contre ses entraves invisibles.

Aucune réponse de son corps. Même sa tête restait figée, rivée vers le reste de la chambre plongée dans la pénombre.

Ne comprenant rien à ce qui lui arrivait et se débattant toujours, le regard du garçon distingua subitement quelque chose dans le coin de la pièce.

Une silhouette noire, aux cheveux blancs.

Figé de terreur, l'adolescent fixa cette apparition immobile. Pria pour qu'il se trompe, que tout ça ne soit qu'un rêve. Qu'un rêve comme toutes les dernière fois, un rêve

Et la silhouette s'approcha, la main tendue, comme elle l'avait toujours fait.

Paniqué, terrorisé, Sora tenta encore de bouger. Reculer, faire quelque chose, au lieu de rester planté devant l'homme qui avançait sans faillir, savourant la terreur de son réceptacle. Il essaya d'invoquer un Soin pour se libérer de l'emprise maléfique. En vain. Il voulut crier, hurler, pleurer même pour prévenir ses amis. Qu'ils l'aident et qu'ils viennent le chercher.

Aucun son ne quitta sa gorge.

L'homme s'approchait toujours, les brumes noirâtres autour de lui envahissant la pièce exigüe. Le garçon hurla encore en silence, le froid familier lui broyant à nouveau la poitrine. L'ombre s'étira jusqu'à lui, jusqu'à son cœur exposé et sans défense. L'adolescent sentit ses lèvres s'entrouvrir, ses doigts tressauter, mais ce fut tout.

L'homme s'approcha encore, un sourire satisfait s'étirant sur ses traits monstrueux…

- AAAAAAAAAAAAH !

La Lumière apparut dans sa main et envahit la pièce, un immense fracas retentit et l'apparition s'envola aussi vite qu'elle était venue.

Sora se vit alors dressé dans son lit, les sens en panique, trempé de sueur, ses muscles bandés à l'extrême et son cœur chargé battant la chamade, un bras tendu vers l'autre coin de la pièce où s'était écrasée Chaîne Royale. Des pas précipités se firent rapidement entendre de l'autre côté de la porte qui s'ouvrit en grand, déversant un flot de lumière et de silhouettes familières dans la pièce.

- SORA !

- Sora, ça va ?

- C'était quoi ces cris ?

Encore sous le choc, haletant, l'Élu ne répondit pas tandis que ses deux compagnons de voyage se précipitaient sur lui, cherchant déjà des blessures, et que Cid et Youfie regardaient la pauvre étagère victime de la Clé géante.

- Sora, qu'est-ce qui est arrivé ?

L'adolescent s'autorisa enfin à bouger à la voix de son meilleur ami. Tremblant, il fixa une nouvelle fois l'angle où était apparu la forme en noir et bredouilla :

- I-Il… q-quelqu'un était d-dans ma c-chambre, juste l-là !

- Qui ? demanda Dingo.

- J-Je sais pas, l-l'Organisation, j-je sais plus !

Tous se retournèrent, choqués ; mais l'informaticien secoua rapidement la tête :

- C'peut pas être eux, Merloc et ses Fées ont fichu trop de sorts pour qu'ils débarquent pas sans qu'on le sache !

- M-Mais je l'ai vu ! Il était là, je l'ai vu !

- C'était pas un très méchant cauchemar ? proposa doucement Donald.

- Non ! C'était forcément eux ! Je me suis réveillé et je pouvais plus bouger, et puis je l'ai vu, j'ai essayé de crier, il s'est approché, et j'ai juste eu le temps de lancer ma Keyblade avant qu'il me touche !

- Alors pourquoi on a pas un corps assommé ou… très amoché là ? questionna la ninja.

- Il s'est téléporté, je sais pas ; mais il était là ! Il était forcément là !

- …Es-tu sûr que ce n'était pas une illusion créée par les ombres ? demanda Jiminy.

- Vous ne me croyez pas, c'est ça ?

Tous écarquillèrent les yeux à cette phrase, stupéfaits, alors que Sora les regardait, blessé et la voix brisée. Dingo secoua la tête, bredouillant :

- N-Non, ça a rien à voir ! On se demande juste si-

- Si j'ai pas tout inventé parce que je suis trop bête pour comprendre qu'il y a aucun danger et que l'Organisation oserait jamais nous attaquer, hein ?

- Mais pourquoi tu dis une chose pareille ? On te reproche rien du tout, on essaye de comprendre ce qu'il se passe !

- Alors pourquoi vous ne me croyez pas quand je dis ce que j'ai vu ?

Le canard allait répliquer quand Riku posa sa main sur l'épaule de son ami qui se tourna vers lui, alors que l'aîné plongea ses iris turquoise dans les siens.

- Sora… Tu as bien vu un membre de l'Organisation ici, peu avant qu'on arrive ?

- Pff, toi aussi tu me crois pas… soupira l'Élu en rabaissant la tête.

- Je te demande juste ce que tu as vu.

Sora écarquilla les yeux, puis les releva vers son meilleur ami, comme abasourdi alors que le jeune Maître le fixait, son regard droit ne quittant pas le sien. Un court silence vint, avant que Riku ne rajoute :

- Dis-moi ce que tu as vu, Sora.

L'Élu resta encore un instant sans voix, puis baissa les yeux, et murmura :

- …Oui, enfin je crois, je suis sûr que j'ai vu une silhouette en noir mais pas si… si c'était l'Organisation…

L'aîné hocha la tête, puis se tourna vers les autres :

- Allons demander à Merlin s'il y a eu la moindre alerte. On est jamais trop prudent.

Alors que Cid poussait un soupir en cédant et que les autres semblaient inquiets d'une intrusion possible dans leur propre base, Sora leva encore une fois les yeux vers son meilleur ami, un peu surpris mais plein d'espoir :

- On va comprendre ce qu'il s'est passé, ne t'en fais pas.

- Mais Riku, tu… tu me crois vraiment ?

L'aîné haussa un bref instant les sourcils, avant de répondre :

- Tu n'as pas confiance en moi ?

- Qu-? Si, bien sûr, mais je…

- Ne t'inquiètes pas, répéta l'adolescent en resserrant doucement sa main sur son épaule, on va démêler cette histoire, quoi que c'était.

Le garçon resta muet, avant qu'un sourire reconnaissant n'éclaire enfin ses traits tirés par la fatigue et l'angoisse des dernières heures.


Assis sur la table d'examen, Sora ne put s'empêcher de surveiller Ienzo de loin, nerveux. Le scientifique avait examiné ses "constantes vitales" comme il disait, et s'affairait maintenant devant l'ordinateur pour vérifier quelque chose. L’Élu craignait une mauvaise nouvelle après l'incident d'hier…

- Bien, fit alors l'adulte en revenant vers lui, tout a l'air normal sur le plan physique, mais j'ai besoin de quelques informations : décris-moi ton état au moment de l'incident, et essaye de le comparer à comment tu te sens maintenant.

- Euh… Ben, ce qui était frappant c'est que j'ai eu très froid, comme si mon cœur avait gelé, et je sentais de moins en moins mon corps, et… le plus inquiétant c'est que j'avais l'impression que plus j'avais peur et plus ça s'aggravait… Et là je me sens normal, pas vraiment fatigué, peut-être un peu nerveux après ça ; mais sinon, ça va.

Ienzo finit de noter sur son porte-bloc, hocha la tête et se tourna encore vers l'ordinateur :

- Je vois. À première vue, il ne semble pas y avoir de dégât significatif après votre exposition aux Ténèbres ; cependant, je vous recommande du repos au moins pour aujourd'hui. Je ne te cache pas que votre état était pour le moins préoccupant lors de votre retour… Vous avez vraiment eu beaucoup de chance d'être rentrés à temps.

Sora se mordit la lèvre, inquiet ; il avait survécu à sa chute durant l'Examen grâce à Riku, et Lea les avait tirés d'affaire in extremis hier, mais… Peut-être avait-il été le seul à y survivre.

Peut-être que Roxas…

Un bruit d'explosion sortit brusquement l'adolescent de ses pensées, avant qu'il ne voie arriver du bureau l'autre scientifique à la blouse toute noire de suie pour réclamer l'utilisation de l'ordinateur ; alors que Ienzo lui répliquait aimablement qu'il n'en avait pas terminé avec son examen, le garçon ne put s'empêcher de dévisager son collègue aux longs cheveux blonds délavés. Quelque chose chez lui était familier, ou plutôt perturbant. Even (c'était son nom) quitta alors la pièce, jetant un œil sévère mais intrigué vers lui un bref instant, et bizarrement l'Élu se sentit comme suffoquer ; les contours de la pièce devinrent blancs et floutés, un son bref tel un craquement retentit derrière lui et quelque chose s'embrasa sous ses yeux effarés-

- Sora ? Quelque chose ne va pas ?

L'adolescent cligna des yeux, sortant de ses pensées (ou souvenirs ?), et se retourna vers l'adulte en secouant la tête :

- N… Non, rien… I-Ienzo ? Est-ce qu… il y a un moyen de voir dans mon cœur ? fit-il en jetant un œil à l'ordinateur comme si son ami Tron allait y apparaître pour lui répondre.

- Dans t… Oh, je comprends, murmura le scientifique pensif en portant une main au menton. Et bien, il est possible que nous en fassions une analyse, mais…

- Une analyse de mon cœur ?

- Oui. Ça sera indolore et non invasif, mais cela prendra du temps et nécessite un sujet endormi pour son bon déroulement, expliqua Ienzo en se tournant vers les appareils médicaux qu'il avait apporté pour l'examen.

- A-Attends, bafouilla le Porteur en le voyant s'emparer d'une seringue, ça veut dire qu… Tu vas m'endormir ?

- Oui, mais ça ne durera que quelques heures ; éventuellement tu seras un peu somnolent après, mais à moins d'une allergie tu-

- Non, je… Je ne veux pas m'endormir.

Le scientifique arrêta son geste et se tourna vers l'Élu, lequel avait prononcé ces mots avec fermeté et une certaine crainte. L'adulte considéra un instant le garçon serrant son propre bras comme pour s'empêcher de trembler, puis reposa l'aiguille, songeur :

- Très bien… Nous pouvons néanmoins tenter un examen préliminaire à la place ; les résultats ne seront pas aussi précis, mais tu n'auras pas besoin d'être endormi, proposa-t-il après une réflexion.

L'adolescent fronça les sourcils un instant, puis acquiesça. Ienzo lui demanda alors de s'allonger sur la table d'examen pendant qu'il préparait l'appareil, lui recommandant de se détendre pour faciliter l'analyse. Sora se raidit instinctivement lorsqu'une espèce de lampe se détacha du plafond pour s'approcher de lui, mais respira à fond ; c'était normal, c'était juste un examen comme chez le docteur, tout allait bien se passer…

La lampe projeta alors une lumière aveuglante, et un léger bourdonnement envahit les oreilles du garçon qui faisait de son mieux pour respirer normalement.

Allez, du calme, ça fera pas mal… Tout ira bien… C'est pour savoir si tout le monde va bien dans ton cœur… N'aie pas peur…

…Et si jamais ça bugait ? Que c'était pas si indolore que ça ? Ou qu'ils ont menti pour te manipuler et faire de toi ce qu'ils veulent, comme avant ? Non, ils feraient pas ça, Riku et les autres les laisseraient jamais faire… Tout va bien…

Mais si jamais les résultats étaient graves ? Si Roxas… S'ils étaient touchés, ou blessés, ou même perdus à cause de ta chute… Ou que la machine faisait tout déjanter sans prévenir ? Et si jamais tu étais le seul survivant, après tout tes efforts pour…

- C'est fini, Sora, tu peux te relever.

La voix d'Ienzo tira brusquement l'Élu de ses pensées, alors qu'il clignait des yeux devant la machine à présent éteinte et retournant dans le plafond. Un peu perturbé, il bredouilla :

- D-Déjà ?

Le scientifique leva un sourcil étonné, avant de se tourner vers l'ordinateur :

- L'examen a duré un bon quart d'heure, dois-je dire ; enfin, d'après l'analyse, tout est normal et… Une seconde.

Juste quand il prononçait ces mots, l'écran clignota brièvement et ouvrit des dossiers alors qu'une fenêtre de texte s'afficha doucement en surbrillance. Intrigué, l'adolescent s'approcha, fronçant les sourcils tandis que Ienzo écarquillait les yeux devant ce qu'il voyait.

- C'est incroyable…

- Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit le garçon en jetant un œil à une fenêtre où figurait un portrait schématisé de lui à demi clignotant.

Le scientifique sursauta, comme sorti d'une transe intellectuelle, puis murmura en fixant à nouveau l'écran, abasourdi :

- Sora… Une partie du Code s'est déverrouillée d'elle-même.

- Quoi ?

- Je crois que c'est grâce à l'analyse, supposa l'adulte en parcourant rapidement les dossiers apparus. Le Code a dû détecter des éléments similaires aux siens dans les résultats et s'est auto décrypté en réponse.

- Alors ça veut dire… on a décodé le Code ? s'écria l'adolescent plein d'espoir.

Le scientifique parcourut rapidement les dossiers, avant de prendre sa pose du penseur d'un air qui fit craindre une mauvaise nouvelle au jeune homme.

- …Il semble que seuls les fichiers identiques aux résultats aient été décodés, finit-il par déclarer. Cependant, cela nous offre une ouverture éventuelle sur le Code Ansem ; avec un peu de chance, nous pourrons décrypter de nouvelles données grâce à cela.

L'annonce mitigée redonna un peu d'espoir au Porteur, qui se tourna vers les dossiers déjà ouverts :

- Et sinon, qu'est-ce qu'on a ?

- …Nous le savions déjà, murmura Ienzo en parcourant les dossiers, mais c'est particulièrement extraordinaire : tu n'es pas seul dans ton cœur. L'analyse n'a pas pu déterminer leur appartenance, mais tu en possèdes plus d'un au sein du tien.

Une vague de réconfort envahit Sora ; Roxas était toujours là après l'incident. Il avait déjà ressenti sa présence, mais se le voir confirmer était un véritable soulagement. Il entendit à peine Ienzo remarquer que les forces lumineuse et obscure de son cœur semblaient légèrement instables, trop occupé à sentir les battements enfin calmes, et surtout, bien réels, de l'autre garçon bien à l'abri en lui.


D'après Merlin et les Fées, il n'y avait pas eu d'intrusion au QG, ni aux alentours ; ce qui rendait encore plus invraisemblable l'apparition dont avait été témoin le jeune Élu ce matin même. Et pourtant, Riku ne pouvait s'empêcher de penser que quelque chose clochait. Illusion ou pas, quelque chose avait poussé son meilleur ami à jeter sa Keyblade dans un mur ; et ce n'était sûrement pas parce que Sora avait pété les plombs après un cauchemar. Quelque chose clochait, il en était sûr.

L’aîné voulait en discuter avec son meilleur ami ce soir-là, mais ce dernier était parti se coucher tôt, suivant apparemment les conseils de Ienzo après son passage récent dans l’Entremonde ; et bien que le jeune Maître aurait préféré lui parler, il ne pouvait qu’être rassuré de voir que Sora se reposait convenablement.

Ce qui l’avait intrigué cependant, c’était l’étrange ambiance entre l’Élu et la Princesse ; si la jeune fille avait été grandement inquiète (comme eux tous) lorsque leur ami avait disparu la veille, elle semblait avoir comme qui dirait gardé ses distances avec lui… et l’adolescent faisait visiblement de même. Non pas qu’ils s’évitaient comme la peste ; mais ils semblaient hésiter à se voir, un peu comme s’ils… s’évitaient.

Qu'avait-il bien pu se passer pendant son absence ? Il espérait sincèrement que Roxas n'avait rien à voir là-dedans ; son agression avait déjà dépassé les limites, mais séparer ainsi les deux adolescents… Riku refoulait sa colère et son inquiétude, sachant mieux que quiconque que faire des suppositions sans fondement était la clé du désastre. Il menait sa petite enquête de son côté pour découvrir ce qu'il était arrivé ; et si besoin est, intervenir personnellement pour réunir à nouveau ses deux meilleurs amis.

Il se passait bien trop de choses étranges en si peu de temps…

Reportant son attention sur sa feuille pour essayer de chasser ces sombres pensées, il posa son menton dans sa main, pensif : jusqu'à présent, le Roi et lui avaient visité le Château Disney et la curieuse Arène des Mirages, et pour l'instant seul le premier monde semblait vraiment influencé par Aqua. Les deux Maîtres y avaient aussi enquêté sur les Porteurs Terra et Ventus, sans beaucoup plus d'information. Honnêtement, seul le monde d'origine de Mickey semblait avoir été affecté par le passage des trois disparus, vu qu'ils y avaient gagné tous ex æquo l'annuel (mais mérité) Prix du Million de Rêves.

Enfin, il restait d'autres mondes à explorer ; l'aîné avait jeté son dévolu sur le Colisée de l'Olympe, pensant faire une petite visite surprise à Sora pendant son entraînement, mais maintenant que son meilleur ami était installé au Jardin Radieux…

Levant le nez du schéma pour se tourner vers Cid qui programmait leur navigation, le regard du jeune homme se promena un instant dans la pièce… avant de se figer sur un point précis.

Là, sur le calendrier barbouillé de petits autocollants mignons aux innombrables pages arrachées au fil des jours passés, trônait la date tel un très voyant rappel à la réalité.

Dingo finissait son livre quand il remarqua la figure de Riku perdre lentement ses couleurs, ses iris turquoise rivés sur quelque chose comme s'il venait de comprendre la plus horrible révélation au monde. Il n'eut pas le temps de demander ce qu'il n'allait pas que l'aîné murmura, incrédule :

- Dites, vous voyez bien ce que je vois ?

- Comment ça ? s'étonna Donald en levant le bec de son café.

- La date…

- …Oui, on est lundi, pourquoi ? fit Cid en jetant un rapide regard.

- Non, pas aujourd'hui, demain, répéta le jeune maître en s'approchant comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.

Son visage pâlit encore plus quand il vit bel et bien la feuille juste derrière aujourd'hui, et il se mit à parcourir la pièce en marmonnant des mots incompréhensibles, inquiet. Les trois chasseuses de trésors, alors toutes occupées à se disputer une sphère brillante avec Youfie, levèrent toutes les quatre le nez vers le Porteur allant et venant comme affolé, pendant que Léon échangeait un regard confus avec Cloud qui haussa les épaules et que Donald et Dingo vérifiaient aussi la date, se demandant ce qui pouvait bien l'embêter.

- …Riku, tu peux nous dire ce qui va pas ? fit le chevalier inquiet quand il ne vit rien marqué pour le lendemain.

- Je vais très bien ! cria presque l'aîné sans s'arrêter. C'est pour Sora que… Oh mais qu'est-ce que je vais lui dire si…

- Qu'est-ce qui ne va pas avec Sora ? C'est à cause d'hier ? s'enquit Youfie préoccupée.

- Non, c'est demain qui va pas ! Bon sang, comment j'ai pu oublié à ce point…?

- Euh, tu peux nous dire POURQUOI demain c'est si important pour Sora ? répéta Donald un peu agacé.

Riku ouvrit alors des yeux ronds et s'approcha d'eux, abasourdi :

- Vous voyagez avec lui depuis DEUX ANS et vous ne savez pas quel jour on est DEMAIN ?

Les deux amis s'échangèrent un regard confus, alors qu'au même moment Kairi entrait dans la pièce, perplexe :

- Qu'est-ce qui se passe ?

Pour toute réponse l'aîné pointa le calendrier, horrifié ; la jeune fille regarda la date, et s'y repris à deux fois quand elle distingua le jour et le mois affiché, devenant à son tour affolée. Elle se tourna vers son meilleur ami, les yeux grands comme des soucoupes et muette comme une carpe alors qu'ils réalisaient quelle catastrophe se préparait. Cid en eut assez de leurs manigances et s'exclama :

- Bon vous allez nous dire c'que c'est c'mystère ou quoi ?

- Qu'est-ce qu'on fait…?

Sans répondre à l'informaticien, les deux amis se dévisagèrent, paniqués, avant de se plonger dans une profonde concentration, les bras croisés ou la main au menton.

- Je peux savoir ce que vous tramez ? fit Léon.

Les deux adolescents s'échangèrent alors un regard déterminé, avant de déclarer d'une voix résolue :

- On prépare le plan S.

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L'arrivée de Sora n'a pas été de tout repos, mais les choses semblent enfin se calmer malgré le passage du Sans-cœur de Xehanort. À moins qu'un évènement précis du calendrier ne chamboule tout encore une fois…





Et rendez-vous bientôt pour un chapitre TRÈS spécial !

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