Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Bonjour à tous ! Me revoilà pour la dernière partie de ce chapitre, qui après moult évènements et apprentissages fait une petite pause calme avant la tempête…

J'espère que vous apprécierez ces quelques moments de paix et je vous dis à bientôt pour le prochain chapitre… et la prochaine révélation.

Bonne lecture à tous !

Malgré quelques épreuves difficiles, Sora retrouve enfin prise sur ses pouvoirs, dont la Fusion Maîtrise et la nouvelle Transformation de Keyblade apprise de Riku et Maître Yen Sid. Maintenant que son cœur semble finalement sur la voie, va-t-il retrouver le moyen d'aider Roxas ?

Roxas : Vu le titre du chapitre, j'en doute un peu…

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 Kairi s’étira longuement, avant de se lever pour rejoindre la cuisine pour le petit-déjeuner ; Merlin avait accordé un jour de congé à ses élèves aujourd’hui, et si Lea avait décidé de pioncer comme d’habitude, elle comptait quant à elle peaufiner quelques petites choses en plus de profiter de son temps libre. C’était donc juste un peu plus tard que d’habitude qu’elle s’était réveillée et quittait sa chambre, prête à commencer la journée.

- …saaaalut Kairi… bâilla une voix familière derrière elle.

La Princesse se retourna pour voir Sora, l'air à moitié endormi, sortir du couloir et se traîner à pas lents en saluant mollement ses camarades. Souriant devant sa bouille somnolente, elle le rejoignit tandis qu’il se préparait machinalement un chocolat chaud, versant sans faute lait et poudre dans la casserole malgré ses yeux mi-clos :

- Bonjour Sora, tu vas bien ?

- …ouais, bâilla-t-il encore… et toi…?

- Très bien, merci… tu te lèves tôt dis-moi !

- …habitude… t’jours comme ça au colisée…

Kairi ne put s'empêcher d’être impressionnée en le voyant se débrouiller si bien avec la cuisinière malgré son air endormi qui la faisait rire ; il était tellement mignon comme ça. Il ne réagit même pas quand Youfie venue chercher à manger pour la chatte se fit piquer la boîte de croquettes par le trio de chasseuses et les coursa en dehors de la cuisine en s’égosillant.

Un moment passa en silence alors que l'Élu sirotait son chocolat chaud, déjà un peu plus réveillé, avant qu’il ne lève le nez de son bol vers la jeune fille attablé :

- …T'as pas entraînement ? demanda-t-il alors que son amie secouait la tête. Oh… ben qu'est-ce que tu vas faire alors ?

- …J'avoue qu'il y a quelques trucs que je voudrais travailler, répondit-elle pensive en penchant la tête. Mais… un tour en ville me tenterait bien.

Elle fit un léger clin d’œil vers l'adolescent, et il se demanda si c’était une invitation ou une tentative de drague… mais si c'était de la drague, avait-elle donc changé d'avis pour-?

- Avoues, tu comptes l’emmener pour qu’il porte tes affaires pendant que tu fais les boutiques ! fit alors la voix de Riku.

Les deux adolescents tournèrent la tête vers l'aîné venant d’arriver, déjà plus présentable comparé à ses camarades toujours en pyjama et pour Sora pas coiffé (quoique avec lui c'était difficile de dire s'il en avait besoin) ; la Princesse esquissa un sourire malicieux :

- Hé hé, tu m'as démasquée ! Bien joué !

- C'était facile, cite-moi une fois où tu nous as pas pris pour des porte-manteaux quand on t'accompagnait ! répliqua le Maître en haussant les épaules.

- Hum… celle où Selphie nous a rejoins avec Tidus et Wakka et où ils ont porté les sacs ?

- Mais t'as failli nous donner les tiennes juste avant qu'elle arrive ! remarqua le plus jeune.

Le trio échangea un rire à ce souvenir, avant de retomber dans un silence réconfortant tandis qu'ils finissaient leurs céréales ou se préparaient un café. Kairi contempla le plafond un instant avec un léger soupir songeur, puis se tourna vers ses deux amis d'enfance :

- Mais plus sérieusement, ça vous dit pas de faire une sortie ensemble ?

- Pourquoi, tu trouves que j'ai besoin de changer ma garde-robe ? plaisanta l'aîné.

La jeune fille fronça alors légèrement les sourcils, et les deux garçons se turent en réalisant son changement d'attitude.

- …C'est juste… Je prends pas l’entraînement à la légère, mais…

Elle tritura alors une mèche rousse entre ses doigts, et baissa les yeux :

- …On s'est pas vus tout les trois depuis la tempête, et… Je sais pas si on pourra le faire aussi facilement après ton départ, ou après la Guerre…

Les deux garçons comprirent immédiatement ce qu'elle voulait dire. Sora posa immédiatement une main sur la sienne, alors que Riku croisait les bras avec amertume, le regard bas. Un court silence passa, avant que l'aîné ne propose :

- On pourrait t'aider à faire le tour des magasins, et tu pourrais nous montrer les coins sympas du Jardin Radieux…

- …Et si t'as envie, on pourra passer à la ferme à chocobo ! renchérit l'adolescent avec un grand sourire. Et on pourra aussi visiter les jardins, ou manger un morceau en ville, ou chanter au karaoké, ou aller voir les étoiles ce soir… Ça te va ?

Kairi regarda tour à tour ses deux amis d'enfance qui la fixaient avec amour et bienveillance, et bientôt un sourire reconnaissant éclaira son visage :

- Allons-y.

La première partie de la matinée fut occupée aux soldes de printemps, et la jeune fille ne chôma pas pour leur trouver à tous des articles, que ce soit vêtements ou accessoires forgés par les Mogs. Sora ne se faisait pas prier pour essayer ses propositions, au contraire de Riku qui fatiguait de devoir se changer en permanence ; il était déjà assez content d'être en jean et débardeur gris au lieu de ses habits de combat. Ses amis s'étaient aussi mis en tenue décontractée pour l'occasion, la Princesse arborant un haut noir avec une jupe mi-longue violette et son camarade un short marron et T-shirt blanc surmonté d'une veste vert clair.

L'adolescent prit régulièrement des clichés de leurs essayages, et des grimaces de Riku à chaque nouveau vêtement présenté. L'Élu décida d'ailleurs de l'embêter en faisant des choix loufoques, au grand bonheur de la jeune fille. Il alla même jusqu'à trouver deux robes pour eux deux afin d'être assortis à celle qu'essayait leur amie ; leur séance dans le magasin s'acheva avec une magnifique photo du trio, Kairi et Sora dans leurs robes rose pâle et orange et Riku refusant obstinément d'enfiler la sienne dégradé turquoise à froufrous.

Repartant articles en mains (et sans les robes, à la déception de l'Élu), les trois amis se dispersèrent dans la rue marchande, chacun allant vers l'étal de son intérêt. Alors que l'adolescent contemplait la devanture d'un magasin de Synthèse, il croisa son propre regard dans la vitrine, et ne put s'empêcher de chercher à nouveau dans le reflet l'image de son "double", scrutant ses iris, ses mèches, sa silhouette en quête de couleurs, de formes différentes ; mais toujours la teinte outremer héritée le fixa en retour, immuable. Soupirant, le garçon rouvrit ses yeux fermés un instant pour voir dans la vitre l'image de ses camarades de l'autre côté de la rue, l'aîné contemplant la robe blanche que la jeune fille tenait contre elle…

Sora sursauta en voyant une silhouette féminine inconnue, aux longs cheveux blonds, se tenir aux côtés de l'adolescent, et se retourna aussitôt ; mais quand il posa à nouveau les yeux sur ses amis, Kairi et Riku s'y trouvaient à la place, abandonnant le vêtement immaculé pour un autre sur l'étalage.

L'Élu resta quelques instants figé, incertain de ce qu'il avait vu, puis baissa les yeux vers son petit doigt qu'il avait inconsciemment trituré… De plus en plus perdu, le garçon contempla son auriculaire, songeur ; il y avait ressenti un bref tiraillement, presque imperceptible, mais pour quelle raison ? Quelque chose au fond de lui avait réagi à cette image fugace, et il n'avait pas l'impression que c'était Roxas… mais alors qui ? Et pourquoi ?

Ses pensés troublées s'arrêtèrent quand Kairi l'appela, et il rejoignit bien vite ses amis, la sensation dans son petit doigt et le sentiment l'accompagnant se perdant à nouveau dans le flot des souvenirs…

Leur escapade dans les rues marchandes s'acheva à la terrasse d'un café pour un goûter bien mérité ; Kairi avait pris assez d'articles pour refaire leurs garde-robes, Riku avait décidé de dépenser son argent pour quelques armures et accessoires en prévision de ses voyages, et Sora avait préféré se ruiner en milkshake fraise et gaufre chantilly, en plus de refaire son stock d'objets qui était vraiment à sec ; il avait d'ailleurs reçu une "mégacarte d'offres généreuses" (ou carte M.O.G., visiblement) après quelques achats, et la soupçonnait d'être un cadeau en retard vu le regard complice de ses amis à sa réception.

Les adolescents discutèrent de tout et de rien, jusqu'à dériver sur leurs projets imminents… et alors qu'il écoutait Riku préparant son prochain voyage et Kairi attendant la fin de son entraînement pour se voir confier des missions, Sora réalisa qu'il ne savait pas quoi faire.

Il était revenu ici pour renouer avec sa bien-aimée et changer d'air après la routine du Colisée ; et il comptait toujours sauver Roxas et Aqua. Mais il ignorait le moyen d'y parvenir. Et à part ça…

Il n'avait aucun projet concret, que des buts et des désirs hypothétiques.

…

Pourquoi tu vas pas voyager toi aussi ?

Sora écarquilla les yeux et tourna la tête, surpris par la voix dans le vent. C'était différent de quand Roxas lui "parlait", et pourtant…

- Sora ? Ça va ?

L'intéressé se retourna vers Kairi, préoccupée par sa soudaine réaction, et se gratta la nuque avec un sourire gêné :

- Oh, oui, t'inquiètes, j'ai juste cru entendre un truc…

Ses amis semblèrent à moitié convaincus, mais laissèrent passer. Le trio décida ensuite d'aller visiter les fameux jardins, et se séparèrent ; l'aîné alla s'informer sur les herbes médicinales, tandis que les adolescents admiraient la partie ornementale. Pendant que la jeune fille rejoignait les parterres fleuris, son compagnon marcha à son rythme, ne pouvant s'empêcher d'être sur ses gardes comme si une plante allait soudain jaillir de terre pour lui jeter ses feuilles tranchantes…

Sora s’arrêta soudain quand son regard se posa sur un banc de fleurs violettes ; des asters de Tartarie, il s’en souvenait maintenant. S’agenouillant près des pétales aux teintes améthyste, il ne put s’empêcher de se demander pourquoi cette si petite plante lui paraissait si familière… Roxas avait-il un attrait particulier pour elles ? Ça expliquerait la chose, mais… son "double" n’avait pas réagi à cette pensée ; ce qui voulait probablement dire que non. Ou alors, les asters étaient liés à un de ses souvenirs…?

Un léger mal de tête saisit les tempes du jeune homme, qui se releva une main massant son crâne en s’éloignant du parterre violacé. Machinalement, il rejoignit Kairi revenant après avoir admiré un champ de myosotis ; la jeune fille s’inquiéta de le voir soudain souffrir, mais il la rassura d’un sourire, lui disant que tout allait bien et qu’il avait juste une petite migraine. Elle ne sembla pas tant le croire, mais accepta sa réponse et l’entraîna pour retrouver Riku ; mais tandis qu’ils s’éloignaient, Sora ne put s’empêcher de jeter un dernier regard aux milliers de fleurs se mouvant dans le vent, remarquant plus qu’il ne la sentit une larme solitaire quitter furtivement son œil droit à l’éclat saphir devant le spectacle éphémère des pétales familiers.

Cloud et Tifa n'étaient pas à la ferme à chocobos, mais les éleveurs acceptèrent de les laisser monter sur les animaux. L'Élu sentit de nouveau l'appréhension étrange le saisir alors qu'ils sortaient les volatiles de leurs enclos, mais elle se calma une fois les adolescents installés sur leurs montures. Le garçon se trouva même chevaucher le même oiseau qu'il avait caressé lors de sa première visite.

Une petite piste était aménagée pour permettre des balades aux débutants, et le trio s'y engagea lentement sous l'œil vigilant des instructeurs. Duvet (le chocobo de Sora) se dirigea un peu vite vers la monture de Riku pour lui gratter les plumes du cou malgré les directives de son cavalier, alors que l'oiseau semblait désintéressé par l'attention et écartait systématiquement la tête. L'aîné haussa un sourcil perplexe devant cette scène, tandis que son ami sourit gêné et fit de son mieux pour retenir son chocobo qui se calma mais resta presque collé à l'oiseau plus gros et puissant que lui. La monture de Kairi arriva en courant, les dépassa et fit maladroitement demi-tour pour continuer la balade côte à côte, s'ébrouant copieusement une fois avec ses semblables.

- Eh ben, il est turbulent le tien ! remarqua l'Élu alors que Duvet grattouillait à son tour le cou du nouveau venu.

- Elle est turbulente, je crois, dit la jeune fille en essayant de calmer sa monture voulant accélérer.

- Au moins mon chocobo est bien choisi, lui, commenta l'aîné.

À ces mots, sa monture s'arrêta net et lui jeta un regard noir qui fit le reculer. Duvet alla automatiquement gratter ses plumes comme pour le calmer tandis que Sora penchait la tête :

- Hum… ça serait pas plutôt elle ?

Son camarade lui lança aussitôt un regard ahuri alors que sa chocobo reprenait sa route, la démarche fière et semblant royalement ignorer son cavalier.

- …Comment t'as su ? bredouilla le Maître abasourdi.

- Euh… une intuition ? Et peut-être aussi parce que Duvet a réagit pareil avec le chocobo de Kairi…

Son meilleur ami cligna des yeux, puis secoua la tête et se concentra sur la marche. Le trio se balada en silence, Riku se faisant bouder par sa monture, Kairi bataillant pour garder la sienne à un rythme calme et Duvet suivant gentiment les directives de Sora. Au bout d'un moment, l'Élu baissa la tête, un léger soupir mi-rire mi-triste s'échappant de ses lèvres :

- Ça faisait si longtemps…

Ses deux amis levèrent la tête vers lui, intrigués, alors qu'il contemplait le vide devant lui, nostalgique :

- Ça m'a manqué, d'être avec vous… C'était super de vous avoir à mon anniversaire, mais là c'est pas pareil, on… C'est juste nous trois.

Les adolescents ne répondirent rien, contemplant chacun les mots de leur cadet, les yeux baissés ou se mordant la joue avec tristesse. Puis la voix de l'aîné s'éleva :

- …Et si on partait ensemble, rien que tout les trois ?

Les deux plus jeunes levèrent aussitôt des têtes étonnées vers lui, surpris par sa proposition.

- Après tout, en tant que Maître, je peux décider de ta première mission de terrain, Kairi, surtout si je la supervise moi-même ! Et certains Mondes que nous devons visiter te sont connus, Sora ; il serait judicieux de t'emmener, non ? déclara Riku d'un sourire complice.

Ses deux amis écarquillèrent les yeux, un sourire radieux s'étirant sur les lèvres du garçon et un éclat de gratitude illuminant les iris de la Princesse :

- …Tu ferais ça ?

- Je vois pas pourquoi je m'en priverai, fit malicieusement le Maître.

- On part quand ? s'écria l'adolescent impatient.

- Hum… il faudra que je le dise au Roi, et que j'en discute avec Merlin et Maître Yen Sid, mais… Dans quelques jours, ça devrait être réglé !

- C'est génial !

Le cri de joie de l'Élu levant les bras en triomphe fut vraisemblablement trop communicatif pour le chocobo de Kairi, qui gonfla les plumes et partit toute excitée dans une course. Sora put juste comprendre que Duvet aussi piqua soudain un sprint, courant après sa camarade tandis que Riku jetait un regard circonspect à sa propre monture qui avait poussé son semblable d'un coup sur la queue et semblait très fière de sa manœuvre, avant que son cavalier lui dise d'aller les rattraper.

Le trio se retrouva dans une course involontaire autour de la piste, s'achevant par la "victoire" de la jeune fille visiblement déboussolée par l'incident, suivie du garçon et Duvet tout content du jeu et en dernier Riku confus de tout ce manège.

Ils décidèrent que ça suffisait pour les balades en chocobo et ramenèrent les bêtes à leurs enclos avant de repartir, non sans avoir attendu l'Élu un bon moment, ce dernier se faisant copieusement câliner par Duvet qui lui "mangeait la tête" à grands coups de langue sur le visage.

La porte s'ouvrit, laissant passer la jeune fille avec ses sacs pleins à craquer qu'elle posa un instant pour délacer ses chaussures. Elle et ses amis revenaient tout juste d'un repas au restaurant (et d'un dernier tour des boutiques) après cette matinée bien remplie, et elle comptait ranger ses affaires à un endroit plus spacieux que sa chambre. Et qui plus est, elle voulait parler à quelqu'un…

- Bonjour, Kairi. Tu es ravissante.

- Merci, grand-mère,  remercia la Princesse en souriant à son aïeule lisant au salon.

La petite-fille alla déposer ses affaires dans la chambre que la vieille dame avait mise à sa disposition, puis revint auprès d'elle, songeuse :

- Grand-mère, je… Je dois te demander quelque chose.

La dame sourit doucement, lui faisant signe de s'asseoir dans le fauteuil voisin, et prit la main de sa descendante dans les siennes :

- Alors, que me racontes-tu, ma chérie ?

- Et bien… tu te souviens du garçon dont je t'ai parlé, et qu… Qui m'a avoué ses sentiments ?

La vieille femme acquiesça, attentive. La Princesse se mordit alors la lèvre, hésitante :

- Et bien… il est ici depuis quelques jours, et c'est pour ça que je ne suis pas venue aussi souvent qu'avant, et… Je m'excuse de n'avoir pas prévenu-

- Ne t'en fait pas pour cela, je comprends parfaitement que tu ais eu besoin de le voir. S'est-il passé quelque chose entre vous ?

- …En fait, je crois qu'il va se passer quelque chose, avoua la jeune fille après une pause. Riku, mon meilleur ami, nous a proposé à tout les deux de voyager ensemble pour… pour une mission importante. Et je suis très heureuse d'avoir enfin l'opportunité de partir, mais je… J'ai repensé à ce qu'il s'est passé entre ce garçon qui m'aime et m… Et en fait, je crois que j'ai un peu peur d'y aller.

- Pourquoi donc ?

Kairi baissa les yeux un instant, incertaine, avant de murmurer avec tristesse :

- …Je ne sais pas. J'ai juste… cet étrange sentiment rien à penser qu'on sera que nous trois, et c'est… Je ne sais pas. Je ne sais pas et c-! C'est frustrant ! Je sais que je veux y aller mais je ne sais pas pourquoi ça m'inquiète, et ça m'énerve ! Pourquoi je sais pas ce qui va pas avec moi ?

Elle avait subitement serré le bras du fauteuil et la main de sa grand-mère à ces paroles, et desserra rapidement son poing pour ne pas lui faire mal : mais son regard resta froncé, empli de frustration. La vieille dame quitta son siège, et d'un geste doux releva le menton de sa petite-fille :

- Allons, pourquoi crois-tu que quelque chose ne va pas chez toi, ma chérie ?

- Parce que ça devrait pas être si difficile de savoir, non ? On a envie de quelque chose ou on en a pas envie, c'est tout ! Ça devrait pas être compliqué !

- Dis-moi, sais-tu pourquoi tu n'es pas sûre d'aimer ce garçon ?

La jeune fille se figea, puis baissa encore les yeux :

- …Non. Et pourtant… je crois que si. Mais… c'est comme si j'arrivais pas à me l'expliquer.

- Peut-être que ce qui t'inquiète autant pour ce voyage est que tu te retrouveras avec lui, et qu'il pourra te demander si tu as pris ta décision…

Muette, sa petite-fille ne put qu’acquiescer. L'aïeule serra alors tendrement sa main dans les siennes, la regardant avec tendresse :

- Je ne crois pas t'apprendre quelque chose en te disant que tu devrais suivre ton cœur ; mais ne crains pas non plus d'hésiter. Le doute est naturel, tu ne dois juste pas t'enfermer dans des questionnements sans fin. Aie confiance en toi, Kairi, comme j'ai confiance en toi.

La jeune fille écouta avec attention ses paroles, avant de sourire avec reconnaissance et d'enlacer tendrement la vieille dame.

- …Merci, grand-mère.

Allongé sur le canapé au QG, Sora bidouilla son Gummobile, essayant de comprendre le nouveau réseau de partage entre les Gardiens. Visiblement il n'était pas le seul perdu, car Riku postait des trucs mal orthographiés et remplissait la partie "commentaire" de ses propres manipulations maladroites. Vivement que quelqu'un lui explique ce truc…

Ce fut à ce moment-là que ses deux camarades d’enfance revinrent, en tenue d’entraînement et pour l’aîné occupé à bidouiller son portable. Comprenant ce qui était prévu, l’adolescent changea immédiatement de vêtement et rejoignit ses amis dans la salle temporelle ; le Maître laissa son cadet faire craquer ses articulations et se tourna vers la Princesse :

- Alors, par quoi on commence ?

- Et bien, je voulais vous demander… Comment vous faites un pistolet avec vos Keyblades ? Ce truc que Sora a fait pendant votre combat ?

Les deux Porteurs ouvrirent des yeux surpris, avant que l'Élu ne devance son camarade, un grand sourire excité aux lèvres :

- Tu veux apprendre la Transformation ? Super ! Ah mais euh… On peut Riku ? fit l'adolescent en se grattant la nuque embêté.

Le Maître se reprit et acquiesça, mais n'eut pas le temps de continuer que l'adolescent reporta son attention vers la Princesse, enthousiasme :

- OK ! Alors j'ai appris y'a pas longtemps et c'est pas facile, mais c'est un pouvoir qui te fait changer ta Keyblade en plein d'armes et tu dois d'abord la changer en Voleur Keyblade pour t'emmener dans d'autres Mondes !

- …C'est censé la Transformer en Planeur Keyblade, corrigea l'aîné, et en général seuls les Maîtres maîtrisent parfaitement ce pouvoir…

- Oui mais tu peux commencer à apprendre comme moi ! renchérit le garçon tout excité. J'ai pas réussi à invoquer mon Planeur mais j'ai pu changer ma Keyblade avec mes porte-clés ! Attends je vais te montrer !

Sans attendre, l'Élu sortit sa chaîne étoilée et changea son arme en Étoile filante ; et en deux secondes, une puissante lumière enveloppa la Keyblade, mouvant chacune de ses parties en arbalètes qu'il fit tourner dans ses paumes. Le jeune homme posa avec un grand sourire, puis Transforma les armes en un fusil, faisant semblant de viser ses camarades ; et en un nouvel éclat d'étoiles bleutées, la Clé reprit son apparence originelle sous le regard impressionné de la Princesse et celui étonné de Riku.

- Alors, c'est cool, hein ? fit Sora avec un clin d’œil. Oh, j'ai pas essayé avec celle-là mais peut-être que…

Sur ces mots, il sortit un autre porte-clé et échangea celui sur son arme ; mais alors qu'il accrochait le porte-bonheur à la garde, un éclat de Lumière envahit son corps en même temps que sa Keyblade, et ses amis clignèrent des yeux pour voir la Fusion Souvenance parer ses habits, à sa grande surprise.

- Oh… ah oui, c'est vrai… Bon pas grave, ça peut toujours marcher ! fit-il en faisant un geste avec son arme.

Une légère lueur prit brièvement l'arme, mais elle ne changea pas. L'Élu fronça les sourcils, puis ferma les yeux un instant pour se concentrer et répéta le geste en une expiration, faisant voler de nouveaux éclats pailletés de la tige. Mais toujours pas de changement. Il essaya une troisième fois, en tirant juste encore plus de lueurs étoilées sans que rien ne se passe.

- Sora, tu devrais peut-être arrêter…

- Oui, t'as raison, je vais en faire une autre !

- N-Non, c'est pas ça que…

Mais déjà l'adolescent avait retiré le porte-bonheur, retrouvant sa Clé et tenue d'origine, et fouillait ses poches.

- Sora,  peut-être qu…

- Ah ! Voilà !

Sortant le pendentif noir à l'effigie de la couronne qu'il portait en permanence, il redonna l'apparence de Souvenir Perdu à Chaîne Royale, observant un instant la Keyblade qu'il avait acquise et réacquise après ses combats contre son meilleur ami… Mais ce n'était pas le moment des souvenirs ; se concentrant comme il l'avait fait avec Tendre Promesse, il ferma les yeux un instant pour essayer de visualiser la forme de cette Clé. Et bien vite, l'image apparut dans son esprit, et il brandit la Keyblade d'un geste sûr, la sentant se modifier sous ses doigts en une sombre lueur violâtre…

Et tout comme il l'avait visualisé, une épée noire, très semblable à l'Âme-nivore et gravée d'un étrange symbole, se matérialisa dans sa paume moite. L'Élu sourit, fier d'avoir découvert une nouvelle Transformation :

- Wouah, plutôt pas mal non ?

- Oui, mais S…

- Oh, je dois en avoir une dernière quelque part-

- Sora arrête ça tout de suite !

Le garçon se figea à l'éclat de voix de ses amis, puis releva la tête pour les voir tout les deux le fixer, la même expression alarmée (et grave pour Riku) sur leurs visages.

- …Pourquoi vous faites ces têtes ?

- Pourqu-? Sora, regarde-toi ! s'écria sa bien-aimée avec inquiétude.

Sora fronça les sourcils puis baissa les yeux, et remarqua enfin le tremblement de ses membres, en plus de la légère pâleur de sa peau ; il eut aussi soudain conscience de la sueur coulant à grosses gouttes de ses tempes, et la fatigue qui s'abattait sur ses épaules. L'adolescent laissa retomber ses bras, sa Keyblade retrouvant sans joie son apparence initiale avant de disparaître, et se laissa tomber sur un banc alors que ses amis s'approchaient, concernés :

- …Ça va ? Tu te sens bien ? osa demander Kairi en tendant une main.

Il hocha la tête, tandis que la jeune fille inquiète s’asseyait à ses côtés. L'aîné l'observa un instant, avant de déclarer avec fermeté :

- J'admire tes progrès, Sora, mais rappelle-toi que ce pouvoir reste difficile à maîtriser et te demande énormément d'énergie. Tu devrais-

- Mais comment veux-tu que je fasse quand j'arrive pas à Transformer ma Keyblade sans porte-clé ? s'écria alors l'Élu en lui jetant un regard désemparé.

Les deux amis se fixèrent un instant, avant que Riku ne murmure avec sérieux :

- Sora, je comprends parfaitement que tu veuilles maîtriser ce pouvoir au plus vite ; mais brûler les étapes n'arrangera rien, et ça risque même de te faire beaucoup de mal.

L'adolescent écarquilla les yeux à cette phrase, puis baissa la tête, penaud :

- …Je suis désolé… C'est juste que… Je me disais qu'à force de le faire à fond ça finirait bien par marcher… j'en ai juste marre d'attendre…

- Et moi j'en ai marre d'être inquiète parce que tu ne fais pas attention à toi, remarqua Kairi en fronçant les sourcils, ou à cause de ta Non-Forme…

- Quoi ? s'étrangla l'adolescent en se tournant vers elle.

- Ça t’étonne ? souffla-t-elle en croisant les bras. Tu possèdes une Fusion qui te transforme littéralement en Sans-cœur, et…

- En Sans-c-Non ! C'est pas ça, la Non-Forme me change pas en… en ça…

- Pourtant t'y ressembles beaucoup quand ça arrive, remarqua Riku.

L'adolescent se mordit la lèvre, avant de contempler le plafond :

- Oui, mais c'est plus une "apparence" qu'une "transformation". Je t'ai déjà dit comment ça arrive, c-

- Tu me l'as pas dit, pointa alors la jeune fille. J’ai pas le droit de savoir, moi ?

Sora ouvrit des yeux choqués et lui prit aussitôt les mains :

- S-Si ! Bien sûr ! C'est juste… ça avait déjà assez effrayé Donald et Dingo la première fois que c'est arrivé, je voulais pas vous inquiéter à raconter ça, et… Je voudrais vraiment tout expliquer, mais… je sais pas vraiment ce que c'est moi-même, murmura l’adolescent en baissant les yeux.

- Dis-moi déjà ce que tu sais, murmura Kairi en penchant la tête.

Son amant se tut, se mordant la joue, puis regarda en l’air en se grattant la nuque :

- …C'est dur de savoir pourquoi ça arrive. La première fois, c'est vraiment sorti de nulle part, en plein combat contre un gros Sans-cœur. Je me souviens qu'il m'agaçait, et comme Donald et Dingo m'avaient décrit comme étant… infusé de Ténèbres, j'ai tout de suite pensé que c'était parce que j'étais en colère et que ça avait interféré avec ma Fusion. Alors j'ai fait en sorte qu'à chaque fois que j'en faisais une, je sois pas trop de mauvaise humeur…

Sora baissa la tête, avant de murmurer :

- Ça a rien changé. La deuxième fois, je crois, j'étais encerclé de pleins de Sans-cœurs et j'essayais de Fusionner pour dégager un peu et… ben disons que ça a marché, juste pas comme prévu. Et puis après… ça venait un peu au hasard. J'ai juste remarqué que si j'étais beaucoup trop près de Sans-cœurs, ou que quelque chose faisait que la Fusion se passait mal, genre on se faisait blesser… ça "non-formait". Et parfois c'est vraiment juste… sans aucune raison. Je pourrais pas expliquer.

Ses amis restèrent muets, avant que la jeune fille ne demande :

- …Ça te fait mal ?

- Mal ? Pas dans ce sens… ça m'est arrivé de sortir d'une Non-Forme plus blessé qu'avant, et je suis souvent crevé après, mais j'ai jamais été inconscient pendant… J'ai juste pas tout à fait le contrôle, mais j'ai jamais blessé personne à part moi… Me transformer m'a jamais fait mal, je sentais juste que ça allait mal.

Un lourd silence accueillit ces paroles, alors que la Princesse semblait digérer les nouvelles. L'Élu sembla réaliser l'étendue de ses "révélations" car il se redressa bientôt avec un grand sourire :

- Mais comme j'ai dit, ça a jamais blessé personne ! Et puis je suis toujours là, alors tout va bien ! Faites pas ces têtes !

Ses amis le regardèrent, hésitant à le croire ; mais le sourire sincère du garçon finit de les rassurer. Kairi lui donna néanmoins un petit coup sur l'épaule et lui fit promettre de leur parler de toute nouvelle "transformation obscure accidentelle", avant de laisser son camarade se reposer tandis qu'elle et Riku s'exerçaient ensemble.

L'Élu observa le Maître initier la Princesse à la Transformation de Keyblade, esquissant un rictus amusé quand l'aîné leur montra son Planeur en exemple, ainsi qu'une version épée de Cœur Vaillant (ce qui était pas vachement différent vu son aspect "clé plate"). La jeune fille écouta attentivement ses instructions alors qu'elle tentait de changer son arme, non sans difficultés. L'adolescent pensa qu'elle n'irait pas plus loin que lui quand en un éclat de Lumière soudain Appel du Destin se disloqua étrangement dans les mains de la Porteuse, faisant sursauter Kairi qui la lâcha. La Clé retomba au sol et disparut en une volée de pétales étincelants, sous le regard étonné des spectateurs.

Sora était impressionné que sa bien-aimée réussisse presque sa première Transformation, même si la jeune fille semblait déçue d'avoir arrêté en si bonne voie.

- C'est pas grave, la rassura Riku, tu as déjà compris le truc. Réessaye et je suis sûre que tu y arriveras très vite.

- En tout cas bravo ! renchérit l'adolescent tandis que la Princesse réfléchissait. Tu pourrais même tenter les Transformations avec mes porte-clés, tiens !

- Hum… je tenterai plutôt un combat. Contre vous deux.

L'Élu ne put s'empêcher d'ouvrir des yeux ronds à la demande de sa bien-aimée, fixant malicieuse ses deux amis avec un sourire :

- Je t'oblige pas si tu es fatigué, dit-elle au garçon. Mais si tu peux, je tiens à ce qu'on y aille tout les trois ! Et juste avec les sorts et Keyblades, pas de Fusions et tout !

Sora échangea un regard ahuri avec Riku, qui cependant sembla rapidement intéressé alors que l'adolescent fixait bêtement le vide. L'aîné lui tapota gentiment la tempe tandis que Kairi pouffait devant sa réaction :

- Allo la Terre, Sora est là ?

- O-Oui, mais… Kairi, t'es sûre de vouloir y aller à deux contre un ?

La jeune fille ouvrit la bouche pour râler, puis s'arrêta et réfléchit un instant, avant de déclarer avec un sourire :

- T'as raison, c'est pas équitable… fit-elle au grand soulagement du garçon. On va y aller chacun pour soi alors !

Le visage du jeune homme se décomposa alors que Riku levait un sourcil impressionné par cette audace :

- Eh ben, quand t'es décidée… D'accord !

- Hein-M-M-Mais-Que ?

- Quoi, t'as peur ? fit l'aîné d'un sourire narquois. OK, j'ajoute une nouvelle règle : le premier par terre a un gage. D'accord ?

L'Élu resta un instant sans voix, stupéfait ; puis un sourire complice s'étira lentement sur son visage, alors qu'il fixait son ami avec défi :

- …C'est d'accord. Prépare-toi à mordre la poussière !

- Hé, je suis là moi aussi ! remarqua Kairi mains sur les hanches.

- O-Oui, mais je vais quand même pas te mettre au tapis à notre premier combat à trois !

- Toi non, mais moi je me gênerai pas ! Depuis le temps que j'en rêve !

Son sourire de défi inquiéta soudain l'Élu qui prit néanmoins place, prêt au combat. Les trois amis s'échangèrent des regards déterminé, curieux et incertain, avant que Riku ne lance :

- À trois ?

- À trois, acquiesça Sora d'un sourire. Un…

- Deux…

- Trois !

À peine eut-elle prononcé ces mots que Kairi se jetait sur ses camarades, projetant une volée de Brasiers et Glaciers X. L'adolescent se figea une seconde et esquiva juste à temps, surpris, tandis que la Princesse lui fit face. Un pressentiment la fit se retourner de justesse pour contrer l'aîné ayant parfaitement paré ses sorts ; les deux amis s'échangèrent plusieurs coups, avant qu'un troisième parti s'invite à leur duel en repoussant le Maître. L'Élu se tourna avec un grand sourire vers son amie, et évita une Clé sur la tête.

- Hé, merci mais on a dit "Chacun pour soi" ! lui sourit la jeune fille avant de le projeter d'une Rafale sous ses pieds.

Le garçon se rattrapa à temps et resta un instant ahuri, alors que déjà la Porteuse retournait au contact contre son meilleur ami. Mais elle comprit bien vite que vouloir surpasser l'aîné au corps-à-corps était suicidaire ; une fois la surprise passé, sa vitesse et sa puissance était largement supérieure aux frappes certes acharnés de la Princesse. Agissant rapidement, elle invoqua un Miroir pour se sortir de là alors que l'Élu prenait le relais en bombardant le Maître d'une Explosion.

Kairi songea un instant à faire équipe pour affaiblir Riku qui était sans doute le plus endurant d'entre eux ; mais elle se ravisa. C'était un combat en solo, même si Sora s'obstinait à ne cibler que son meilleur ami. Et elle comptait bien montrer qu'il ne devrait pas la sous-estimer.

Visait le garçon, elle jeta gracieusement sa Keyblade sur lui alors qu'il était occupé à attaquer l'aîné. Mais ce qu'il se passa ensuite la laissa ébahie ; en une fraction de seconde, l'adolescent remarqua l'arme volant sur lui, lança en urgence son Glacier destiné à Riku sur le côté et glissa sur la traînée du sort, laissant le Maître se prendre l'arme dans la figure. La jeune fille resta figée devant ce retournement de situation… puis entendit le bruit du gel derrière elle et se tourna pour voir l'Élu poursuivre sa route sur la piste du Glacier, les deux revenant finir leur course sur l'aîné complètement pris de surprise.

Abasourdie par la tournure des évènements, la Princesse ne put retenir un éclat de rire au grand dam de l'aîné occupé à défaire l'inattendue coupe "style Sora" octroyée par le gel, et gratifia son amie d'un Brasier X obscur ; l'adolescent s'interposa alors et bloqua les flammes ténébreuses, avant de se recevoir un bon coup sur la tête par la jeune fille qui poursuivit l'assaut. Le garçon para et recula hors de portée, tandis que le Maître punissait d'une bonne volée de frappes la Porteuse pour sa moquerie.

Encore une fois Sora intervint et repoussa son camarade loin de la Princesse, l'obligeant à s'engager dans un duel furieux. Riku jeta un regard désolé à son amie entre deux coups, alors qu'elle faisait la tête devant le manège de l'Élu ; mais soudain, elle eut une idée. Une idée judicieuse.

Se concentrant, elle ferma les yeux un instant, inspira profondément… et d'une glissade parfaite s'élança sur ses deux amis bloqués en combat, une sphère de Foudre tourbillonnant autour d'elle telles des étincelles provenant d'un lointain souvenir.

Trop occupés l'un avec l'autre, les deux garçons ne remarquèrent l'assaut qu'au tout dernier moment et furent littéralement éjectés par la charge foudroyante. Ils retombèrent lourdement au sol, un peu sonné sous le choc électrique, et levèrent des yeux abasourdi et impressionné vers la Porteuse, un sourire satisfait aux lèvres.

L'Élu resta muet, avant de laisser échapper un cri d'admiration tandis que l'aîné gratifia son amie d'un regard empli de respect :

- …Je pense que j'ai gagné cette fois, pas vrai ? fit fièrement la jeune fille en se recoiffant, une main sur sa Keyblade planté en terre.

Sora sembla alors réaliser quelque chose et baissa les yeux, comprenant qu'ils étaient tout les deux au sol. Laissant échapper un petit rire gêné, il se gratta la tête :

- Bravo, tu nous a bien eus ! On dirait qu'on est bon pour un gage, Rik-

- T'es tout seul ce coup-ci, Sora, le coupa l'aîné en se relevant.

- Quoi ? Mais non, t'as un gage toi aussi, on est tombés ensemble ! Kairi, dis-lui !

La jeune fille fronça les sourcils un instant, comme froissée ; mais bientôt prit une tête pensive, doigt sur le menton, et dit malicieuse :

- Hum… Je crois bien t'avoir vu toucher le sol avant Riku, donc c'est toi qui a perdu.

- Quoi ! Mais allez, me laissez pas comme ça, Roxas va se ficher de moi ! s'écria Sora en poursuivant ses camarades qui partaient déjà. S'vouplaît, on tranche à la courte paille ! Les amis !

Mais l'adolescent eut beau supplier et leur courir après, le duo fut intraitable : il ferait leurs corvées vaisselle pour la semaine. C'était bien assez pour le punir d'avoir sous-estimé la puissance de la Princesse.

Les Keyblades s'entrechoquèrent dans une gerbe d'étincelles, avant que Kairi ne recule d'un bond. Le Maître resta en garde un instant, puis baissa son arme et gratifia son élève d'un sourire satisfait :

- Bravo Kairi, tu maîtrises de plus en plus tes enchaînements ! C’est pas encore parfait, mais c'est beaucoup mieux qu'avant mon départ !

La jeune fille sourit, touchée, puis se tourna vers la rambarde séparant les remparts de la ville en contrebas pour récupérer sa bouteille d'eau. L'aîné prit une pause bien mérité, et révoqua Cœur Vaillant pour contempler la ville en ce milieu de matinée. Le Jardin Radieux était si paisible, comparé à la Forteresse qu'il était à peine un an et demi auparavant… difficile de croire que les Ténèbres aient pu avoir une emprise sur ce Monde pendant presque une décennie quand on voyait l'étendue des restaurations terminées.

- Riku, merci de m'entraîner, dit alors la Princesse d'un sourire reconnaissant.

Surpris, le jeune homme leva le regard vers sa meilleure amie, et haussa nonchalamment les épaules :

- Oh, c'est rien… Et puis je suppose qu'en tant que Maître, c'est un peu mon devoir d'enseigner aux Porteurs, non ?

- Oui, mais tu m'entraînes moi et pas Lea, remarqua-t-elle malicieusement.

- …Très juste. Enfin, si je dois être honnête… C'est parce que je me fais plus de soucis pour toi que pour lui… avoua-t-il avec regret.

La jeune fille le regarda un instant, puis contempla la ville, mélancolique :

- Au moins toi tu n'hésites pas à te battre contre moi… Je sais que Sora est inquiet aussi, mais j'aimerai qu'il me fasse un peu confiance, murmura-t-elle en faisant la moue.

Ce détail, ou plutôt ce sujet rappela à l'aîné ce qu’il avait remarqué entre elle et l’adolescent quelques jours plus tôt.

Il s'était juré d'enquêter avant de poser la moindre question à son meilleur ami ou à la Porteuse, mais les résultats n'avaient pas été concluants : personne n'avait noté de tension entre l'Élu et la Princesse, Lea l'avait trouvée un peu dans les nuages sans trop donner de détails, et Donald et Dingo avaient immédiatement dit non. Vu leur réaction, ils savaient quelque chose, mais refusaient de le divulguer, et Riku avait compris que l'adolescent avait fait une confession qu'ils refusaient de révéler sans son accord ; tant pis, il réglerait ça avec lui.

Mais maintenant qu'il était seul à seul avec sa meilleure amie, il devait lui demander ce qu'il se passait entre eux. Il ne comptait pas être envahissant, mais il voulait comprendre.

S'éclaircissant la gorge, Riku se tourna légèrement vers Kairi, toujours en pleine contemplation de la ville :

- …Kairi, j'ai quelque chose à te demander.

- Hum ? Quoi donc ?

L'aîné prit son courage (et surtout son tact) à deux mains et murmura :

- J'ai… À propos de toi et Sora… l’impression que vous étiez un peu "distants" tout les deux…

La jeune fille se figea, et détourna le regard. Le Maître se maudit pour sa manie d'introduire délicatement les sujets qui fâchent, et se gratta la tête, désolé. Après un silence, son amie demanda doucement :

- …Sora t’a dit quelque chose ?

- Non, j’ai juste… cru remarquer un truc, depuis mon départ ? bredouilla l’aîné de plus en plus gêné de son interrogatoire.

La Princesse fixa un moment le ciel, tournant le dos à son ami qui vit ses épaules se soulever en un profond soupir alors qu'elle baissait les yeux :

- …Riku, c’est vrai qu’il y a quelque chose, mais ce… Il s’est passé quelque chose entre nous, et c'est que… Lorsque tu es parti, Sora m'a avoué quelque chose de très important et qui m'a vraiment touché, mais que je… j'étais pas certaine que moi je ressentais la même chose…

L'adolescent eut une idée de ce qu'était ce "quelque chose" et écarquilla les yeux, mais se tut :

- Je sais que ça lui a fait mal que je ne puisse pas lui répondre pareil, mais je… j'avais besoin de réfléchir et d'être sûre. Tout se passe trop vite en ce moment, et j'ai l'impression de… de plus savoir…

- …Tu sais maintenant ? demanda doucement son meilleur ami.

Sa main caressa doucement la pierre tandis qu'elle fronçait les sourcils, et se mordit la lèvre :

- Pas vraiment. Et en fait, c'est pas que pour ça, c'est pour… tu te rappelles hier, quand tu as proposé qu'on parte tout les trois à travers les Mondes ? Et bien je… Je tiens à y aller, je le veux vraiment, mais c'est comme si… une partie de moi hésitait. Et je sais pas pourquoi.

Le Maître l'observa un moment, puis demanda :

- Tu hésites comme ça depuis longtemps ?

- …Je crois que j'ai toujours eu un peu peur de l'inconnu, mais… Je suis pas sûre. Oui, peut-être…

- Et… après que Xehanort a forcé Lea à nous attaquer, tu veux toujours combattre à nos côtés en tant que Gardien de la Lumière ?

- Bien sûr que je veux ! Je refuse de le laisser m'intimider comme ça ! s'écria Kairi avec véhémence.

Riku esquissa un léger sourire devant tant de détermination, mais reprit un air sérieux :

- Mais est-ce que c'est ce que tu veux ?

- …Comment tu peux me demander ça ? dit la Princesse effarée. Je ne vais pas rester en arrière pendant que vous risquez encore votre vie !

- Je voulais pas le dire comme ça, s’excusa aussitôt son ami. Mais je voudrais que tu me dises, avec tes propres mots, ce que tu veux.

La jeune fille leva un sourcil, puis regarda droit devant elle.

- …Je voudrais que tout soit comme avant, avec nous trois sur l'île, ensemble… mais je sais que c'est impossible. Trop de choses ont changés, j'ai changé, et… Alors je veux qu'on puisse rentrer tout les trois sur l'île, chez nous, et vivre notre vie comme on l'entend. Sans Xehanort, sans l'Organisation, sans avoir une menace qui pèse constamment sur nous.

L'aîné écouta attentivement, puis baissa les yeux vers la ville, médita quelques secondes, et murmura prudemment :

- …Kairi, d’après ce que tu me dis… J'ai l'impression que tu as peur de t'engager.

Kairi le regarda, intriguée, et il poursuivit en la regardant dans les yeux :

- Tu veux nous rejoindre dans notre combat, mais tu hésites à venir quand on te propose ta première vraie mission sur le terrain. Et… si j'ai bien deviné ce "quelque chose" que Sora t'a dit, tu hésites aussi à t'engager avec lui ; c’est ça ?

La Princesse rougit légèrement, mais détourna la tête. Riku la regarda alors avec douceur, et se redressa pour s'approcher d'elle et poser sa main sur son épaule :

- Je te connais depuis qu'on est tout petits, et je sais que l'avenir peut te faire très peur… mais je sais aussi que tu laisseras personne le détruire sans te battre. Si tu étais prête à monter sur un radeau avec nous deux pour explorer l'océan sans savoir où ça nous mènerait, tu le seras aussi pour affronter l'Organisation XIII. Je sais que c'est effrayant, mais tu y arriveras, Kairi.

La jeune fille écouta son discours, puis baissa les yeux un moment, avant de murmurer :

- …Riku, laisse-moi reformuler ce que j'ai dit. Je veux rentrer avec vous deux, chez nous, sans être bloquée à hésiter ou à ne pas comprendre. Et pour cela…

Elle prit alors sa Keyblade, la planta fermement en terre, et posa ses mains dessus en regardant intensément le ciel, des larmes incertaines mais déterminées miroitant dans ses yeux marine :

- Je dois m'engager. Même si je me trompe, et que j'ai été trop vite, je dois prendre cet engagement. Et…

Kairi fixa alors un point précis, comme voyant quelque chose perçu par elle seule, et déclara la gorge nouée mais résolue :

- Je lui dirais. Ce soir, je le dis à Sora.

L'adolescent sortit de la gare centrale, les rayons du couchant caressant sa peau comme la paume rassurante d'un parent. Il contempla sa Lumière un instant, un sentiment qu'il savait ne lui appartenant pas mouvant sa poitrine en un étau mélancolique et reconnaissant.

- Sora ! T'écoutes ou quoi ?

Le Porteur roula des yeux alors que Donald se plantait devant lui, mains sur les hanches.

- Quoi ?

- Tu nous explique enfin pourquoi on est à la Cité du Crépuscule ?

- Et pourquoi pas ? Yen Sid a interdit d'y aller ?

- Mais non, on se demande juste pourquoi t'insistais autant pour venir ! dit gentiment Dingo.

- Pff, je croyais avoir été clair : on sait pas quand on y reviendra, alors autant en profiter !

En vérité, c'était à moitié faux : l'Élu ne leur avait pas encore dévoilé son prochain voyage avec ses amis d'enfance, et il voulait revenir dans la ville baignée du couchant, au moins une fois. Et qui plus est, quelque chose l'avait poussé à venir ici, "quelque chose" qui devait s'appeler Roxas.

Toujours était-il que Sora comptait visiter l'endroit avant le grand départ. Contemplant la ville, il promena son regard sur la place de la gare, un peu nostalgique ; quand soudain un rai l'aveugla un instant, imprimant l'image étrange de deux silhouettes sur sa rétine. Un douloureux pincement lui fit alors porter la main au cœur, et des larmes amères piquèrent brusquement ses yeux. Fixant les marches où il avait cru voir les formes de lumière, l'adolescent ravala difficilement une grosse boule dans sa gorge.

Roxas, est-ce que tu…?

Un nouveau caquètement de Donald détourna son attention, et la sensation disparut tout aussi vite. C'était troublant… mais l'Élu n'y prêta pas plus attention. Allant vers le centre-ville, Sora s'arrêta en voyant traîner quelque chose contre un mur. Un skate blanc aux curieux symboles noirs.

Un sourire malicieux s'étira lentement sur les lèvres du jeune homme…

Dingo proposait de retourner au Grand Bistrot voir le petit chef quand une silhouette noire les dépassa soudain en coup de vent, manquant de faire tomber le canard qui allait hurler sur le chauffard avant de reconnaître la voix poussant des cris de joie sur sa planche à roulettes :

- Sora ! Reviens ici tout de suite !

Ignorant les cris de ses amis, l'adolescent descendit la rue de la gare, le vent sifflant à ses oreilles ; une soudaine impulsion le poussa à sauter pour quelques figures aériennes, et il exécuta un 360 parfait avant de tenter un Air Walk.

Mais quand il voulut remettre les pieds sur sa planche, son talon racla le bord et pencha dangereusement dans le vide. Déséquilibré à plusieurs mètres du sol, Sora devint livide en comprenant qu'il risquait l'accident et essaya désespérément de se redresser, les sens en panique…

Non arrête, tu vas-!

Je vais faire !

Soudain et sans qu'il comprenne vraiment, sa jambe se repositionna correctement, stabilisant son saut, et son corps encaissa l'atterrissage sans dommages. L'adolescent allait soupirer de soulagement quand il vit le mur droit devant lui, et d'un geste presque involontaire freina à fond, s'arrêtant sur deux roues pile devant le panneau d'affichage.

Mettant une seconde pour assimiler qu'il était hors de danger, le garçon posa pied à terre, poussant un profond soupir tout en calmant de son mieux les battements effrénés de son cœur (et peut-être aussi ceux de Roxas).

- La vache, t'étais trop cool !

La voix familière interpella à peine Sora encore sous le choc, relevant la tête vers la bande d'Hayner pour les saluer :

- On a tout vu Sora, t'es vraiment le roi du skate !

- Ça va ? T'as l'air secoué, s'inquiéta Olette qui au contraire du chef avait remarqué l'air livide du garçon.

- O-Oui, donne-moi cinq minutes…

- Et sinon, quoi de neuf ? osa demander Pence après quelques secondes de répit. Tu viens pour une piste Roxas, ou…?

- Hein ? Non, enfin pourquoi pas, mais…

- Sora ! Où t'es encore passé ?

Sursautant à la voix de Donald, l'Élu vit ses compagnons au loin descendre la rue, et grimaça ; pour une raison étrange, il n'avait pas envie de leur compagnie là tout de suite. Sans attendre plus longtemps, il salua le trio, remonta sur sa planche et dévala les ruelles, ne cherchant même pas à avoir une destination précise tandis qu’il semait ses camarades au détour d’une entrée de souterrain. Roulant encore un moment à travers les tunnels, il laissa son esprit déambuler à l’instar de son skate au hasard, avant de prendre un escalier montant qui l’emmena au dehors. L’éclat familier du couchant l’aveugla un instant, avant qu’il ne reconnaisse la rue du repaire. Envoyant d’un habile coup de pied sa planche dans sa main, l’adolescent se dirigea vers la cachette de ses amis, soulevant le drap faisant office de porte ; personne n’était là, mais on pouvait deviner que Pence avait continué à potasser ses fameux "dossiers Roxas" vu les nombreuses fiches hâtivement rangées sur les cartons. Curieux, Sora s’approcha pour inspecter les documents…

- Sora !

Sursautant tellement qu’il lâcha son skate et cru à nouveau que son cœur chargé ratait un battement, l’Élu se tourna d’un bloc vers le chef de la bande qui venait de l’interpeller :

- H-Hayner ? Pence, Olette, que…

- Alors, Sora, c'est quelle mission méga importante qui t'envoie ici incognito ? l’interrompit le blond en serrant des poings impatients alors que ses camarades rejoignaient le garçon.

- Euh… bah aucune en fait.

Le chef manqua de s'étrangler, alors que la jeune fille levait un sourcil confus :

- Huh ? Tu viens pas pour Roxas ?

- Ben, si vous avez de nouvelles infos pour lui, oui, mais sinon… j'avais juste envie de passer vous voir…

Le trio se figea un instant, comme surpris ; mais ils sourirent bientôt, touchés.

- Oh, tu pouvais le dire plus tôt que c'était juste pour dire bonjour ! J'ai cru qu'on pourrait encore affronter des monstres comme la dernière fois ! fit Hayner un peu déçu.

- Euh, franchement j'espère qu'il y aura aucun monstre comme la dernière fois… marmonna le Porteur en réprimant un frisson.

- Donc tu veux juste passer l'après-midi avec nous, clarifia Olette tandis que l'Élu acquiesçait.

- Bon, fit Pence en sortant une fiche de ses dossiers, alors juste pour te mettre au courant : Ienzo pense décrypter le programme que j'ai copié avant de perdre l'ordi pour trouver des données cachées, mais pour l'instant on a rien. Et la vieille dame de l'ancienne boutique de bonbons a l'air de se rappeler de Roxas, mais elle a jamais su son nom, juste qu'il est venu tout les jours pendant un an acheter des glaces. On a fait le tour de la ville, mais y'a pas grand monde qui s'en souvient, apparemment.

Ces nouvelles mitigées serrèrent un peu le cœur de Sora ; mais pas longtemps. Le trio n'avait pas oublié leur ami disparu, et les données redonnaient un peu d'espoir. Tout irait bien.

- Bon, alors qu'est-ce qu'on fait ? demanda le chef.

- Et si on allait trouver un petit truc à la boutique d'accessoires pour que Sora soit assorti avec nous ? proposa la jeune fille.

- Ah non, tu m'y as déjà traîné hier ! Je pense plutôt à un petit Struggle moi !

- Hé d'ailleurs Sora, tu veux pas t'inscrire cette année ? Faut avoir minimum quinze ans au moment des épreuves pour participer, mais t’as l’âge non ?

- Hum, oui-Ah non, c'est seize maintenant !

- Maintenant ?

- Oui, acquiesça l'adolescent, je les ai fait y'a quatre jours ! Ça fait bizarre, maintenant que j'y… euh, pourquoi vous me regardez comme ça ?

Le trio s'était mis à le dévisager, stupéfait, comme venant de comprendre quelque chose ; puis d'un même mouvement, ils s'écrièrent :

- Attends, tu viens de fêter ton anniversaire ? s'écria le chef.

- Hein ? Ben, oui, m…

- Mais pourquoi tu l'as pas dit tout de suite ? Allez viens, on va arranger ça ! fit Pence en le poussant vers la sortie.

- Comment ça, arranger…

- Il faut bien qu'on fête tes seize ans, gros bêta ! répondit Olette en rejoignant son ami.

- Mais c'est pas la peine, on l'a déjà fait…

- Mais on était pas là et on savait même pas ! Il faut qu'on se rattrape ! renchérit Hayner.

Le garçon tenta de protester et dire que c'était pas la peine d'en faire autant, mais l'insistance de ses amis eut bientôt le dessus ; tout comme elle lui fit réaliser autre chose.

Il avait peut-être une mission importante sur les épaules, mais il restait un adolescent. Un adolescent portant en lui deux cœur dont un ne lui appartenant pas, un adolescent Élu champion du Royaume de la Lumière ; mais un adolescent quand même.

Et si on lui permettait d'être, de temps en temps, cet adolescent que le destin semblait vouloir mener vers l'affrontement ultime entre Ténèbres et Lumière, alors il n'allait pas s'en priver.

Après tout, c'était pas tout les jours qu'on fêtait deux fois son anniversaire.

Le trio de la Cité improvisa un petit tour de la ville, à commencer par ses détours secrets. Pence l'emmena voir le nouveau chemin vers le manoir abandonné, un passage souterrain conduisant à une porte à double battant digne d'un sous-sol de maison hanté ; heureusement, les tunnels y menant ne l'étaient pas, au grand dam du pro d'informatique. Le quatuor alla explorer des coins supposés paranormaux, sans trouver la moindre trace d'un fantôme ; mais quelque chose d'étrange arriva à Sora lorsqu'ils passèrent par la terrasse du couchant.

La fontaine y coulant en cascade était dite hantée car on y voyait quelqu'un derrière le mince filet d'eau, un mystère expliqué par l'eau réfléchissant l'image de ceux approchant assez près ; mais lorsque ce fut l'Élu qui s'y mira, son reflet lui renvoya la silhouette… d'un manteau noir. Pris de surprise, il avait reculé, et remarqué un autre détail intriguant : c'était pas le visage de Roxas qu'il y voyait, comme il l'avait d'abord cru, mais le sien… deux ans auparavant.

Et sans qu'il ne sache pourquoi, cette image de lui (déjà affolante en soi) provoqua en son sein une immense douleur. Il avait appelé ses amis pour vérifier s'il était le seul à voir ça ; mais son reflet était redevenu fidèle lorsqu'il y reporta le regard. Perturbé par le phénomène, Sora ne voulut bizarrement pas en savoir plus et préféra s'en aller ; mais juste quand il en détourna le regard, il crut apercevoir dans l'image une mèche blonde. Le temps de jeter un œil, il était déjà trop loin pour que la cascade puisse refléter quoi que soit d'autre.

Leur escapade continua en ville, où ils manquèrent de croiser le fer (ou plutôt les battes) avec leur bande rivale avant que l'organisateur du Struggle ne leur signale que les combats étaient interdits jusqu'au jour des éliminatoires du tournoi ; Seifer jura sa revanche lors de la compétition puis quitta les lieux de sa démarche dédaigneuse, et Sora ne put retenir son rire quand il remarqua enfin que lui et sa clique avaient eux aussi des tenues assorties bleues. Décidément, les deux bandes de la Cité avaient plus l'air de fratries se chamaillant pour des queues de cerises qu'autre chose.

Le trio emmena ensuite leur ami dans tout les coins "tendances", d'un nouveau bar karaoké au fameux Grand Bistrot en passant par les boutiques dernier cri. L'adolescent apprit d'ailleurs la nouvelle mode du moment, celle de trouver des "Emblèmes Fétiches" (symboles imitant fortement la figure aux rondes oreilles du Roi) dans les paysages et le mobilier urbain. Visiblement, les Mogs échangeaient des objets contre des photos de ces Emblèmes, la rareté du prix augmentant avec le nombre de clichés donnés comme l'affichait un panneau près de leur boutique.

Sora faisait justement la chasse aux Emblèmes pour quelques Mégapotions gratuites quand un caquètement retentit juste derrière lui :

- AH-HA ! TE VOILÀ !

L'adolescent sursauta, puis se retourna en grimaçant vers Donald, mains sur les hanches et tapant lentement du pied tandis que Dingo observait la scène, inquiet de l'humeur du canard.

- …On peut savoir où t'étais passé ?

- …J-

- Avec nous !

Sora sursauta encore lorsque Hayner vint à sa rescousse, secondé de Pence et Olette :

- Oui, on l'a emmené faire une sortie pour son anniversaire !

- C'est notre faute, on voulait lui faire une surprise ! Désolé !

Le magicien leva un sourcil, scrutant les trois adolescents comme pour jauger de leur sincérité, avant de soupirer ; mais il n'eut pas le temps de parler qu'une voix s'écria derrière eux :

- Nom d'une cornemuse ! C’est donc ton anniversaire, Sora ?

L'Élu se retourna vers Picsou, qui venait d'entendre leur échange et approchait avec hâte :

- Euh… oui ? fit l'intéressé en se grattant la joue.

- Toutes mes félicitations, mon garçon ! Attends un instant, je vais voir si le petit chef peut te préparer un cours spécial… Enfin, si tu as les ingrédients que je t'ai demandé, bien sûr… ajouta le milliardaire d'un sourire cupide.

L'adolescent eut un petit rire nerveux, espérant que Donald et Dingo sachent de quoi parlait le canard, avant que ces derniers n'attirent son attention vers des affiches non loin. La bande d'Hayner lui disaient de prendre en photo le "code" qu'il y avait en bas pour recevoir un "jeu promotionnel" quand Sora se figea devant l'image.

Là, sur le dessin représentant un géant attaquant quelqu'un ressemblant au Roi, un personnage aux cheveux ébouriffés et à la Clé surdimensionnée combattait vaillamment le colosse.

- …C'est moi ? murmura lentement l'Élu en pointant le petit héros lui ressemblant.

- Oh, tu as remarqué ! fit alors Picsou qui avait noté leur manège. Hé hé, j'espère que ce style épuré te plair-

- Sérieux c'est moi là ?

Tous sursautèrent à l'éclat de voix pas du tout contente du jeune homme, lequel jetait un regard outré au milliardaire, les poings serrés :

- Allons mon garçon, j'ai simplement pris la liberté de m'inspirer-

- Pris la liberté ? cracha l'adolescent. Vous faites un film… dessin an-Je sais pas quoi avec moi dedans et vous me demandez même pas mon avis ? Dites tout de suite que vous vous en fichez, ça ira plus vite !

- Sora ! Oncle Picsou prépare ça depuis longtemps, il-

- Alors en plus vous saviez ! Vous saviez et vous me l'avez même pas dit !

Ses amis reculèrent, choqués devant le regard noir que leur camarade jetait à Donald alors que Dingo s'avançait doucement, les mains levées :

- On connaissait pas l'étendue du projet, et on a pensé que ça te ferait une surprise-

- Et forcément parce que je suis l'Élu ça me ferait plaisir qu'on me mette dans un film sans me demander ! Mais oui, allez-y, j'ai très envie que tout le monde me voie en dessin animé ! Eh regardez tous, je suis Sora l'Élu de la Keyblade ! clama-t-il à la cantonade en levant les bras comme une bête de foire. Après tout mon avis compte pas et on s'en contrefout, pas vrai ? Et ben moi non, et j'en ai marre qu'on se foute de moi !

Et sur ces mots criés avec fureur, Sora tourna les talons et s'enfonça dans une allée vide, piétinant le sol. Ses amis restèrent sans voix, choqués autant par sa colère que par ses mots violents ; mais néanmoins vrais.

- …J'avais vu que ça lui ressemblait, mais je pensais qu'il était au courant… murmura Pence en se grattant nerveusement la nuque.

- Ouais, moi aussi… marmonna Hayner en cognant légèrement le sol.

- Peut-être qu…

- Mais qu'est-ce qui lui prend en ce moment ?

Les adolescents se tournèrent vers Donald, les bras croisés et visiblement agacé, tandis que ses camarades s'inquiétaient de sa réaction :

- Je sais qu'on lui a pas demandé mais pourquoi il se met dans un état pareil ? C'est qu'un stupide dessin animé !

- Je pense qu'il est plus blessé que nous ayons agi sans sa permission, remarqua Jiminy sous son béret.

- Encore une fois, soupira tristement Dingo.

Les trois adultes se regardèrent, avant que la même expression d'amertume ne se lisent sur leur visage face au coup de gueule de leur protégé. Tandis que le trio local s'asseyait sur les marches du Bistrot, ne sachant que faire devant cette situation, le duo s'avança vers la rue où s'était réfugié leur camarade pour ruminer accolé au mur, les bras croisés et leur tournant le dos. Vu son langage corporel, il était toujours bien remonté contre eux, et ils n'étaient pas sûrs qu'il soit prêt à entendre des excuses ; mais ils refusaient de le laisser ainsi.

Donald ouvrit le bec, hésita, puis se tritura les doigts alors que Dingo posait une main sur son épaule, l'encourageant à rejoindre Sora les boudant toujours. S'arrêtant près de lui, le canard tendit le bras, se rétracta, puis baissa la tête, penaud :

- …Je comprends si tu nous en veux encore, mais j… Sora, on est désolés. Vraiment. On aurait dû te mettre au courant.

- On pensait juste… On croyait sincèrement que ça serait une bonne surprise, et on s'est pas dit que tu pouvais être contre, murmura le chien en serrant douloureusement son chapeau. On s'excuse de t'avoir blessé, Sora. Pardon.

Pendant encore un moment, l'Élu ne dit rien, immobile et leur tournant obstinément le dos. Puis ses épaules s'affaissèrent en un profond soupir, et l'adolescent baissa la tête dans leur direction, dévoilant un visage blessé mais repentant :

- C'est moi qui devait m'excuser, les amis, j'ai vraiment été horrible…

- Sora…

- Je sais que j'étais pas être d'accord, mais je devrais pas piquer une crise comme ça devant tout le monde, poursuivit le garçon en se tournant un peu plus. Je me suis comporté comme une ordure, et pour quoi ? Un pauvre film ? C'est débile…

- Non Sora, c'est pas débile, l'interrompit Donald en posant une main sur son bras. C'est normal d'être blessé parce qu'on a fait quelque chose dans ton dos, on aurait pas dû.

- Mais j'aurai pas dû être aussi méchant, gémit-il sans oser croiser leur regard. Je sais pas ce qui m'a pris…

- Eh, n'en parlons plus, le rassura Dingo d'une main sur son épaule. On te pardonne ta grosse colère. Tu nous pardonnes de ne pas t'avoir mis au courant pour ces films ?

L'adolescent osa enfin lever les yeux vers eux, une profonde tristesse miroitant dans ses iris outremer. Puis un tout petit sourire étira ses lèvres :

- Bien sûr. Et tout compte fait, c'est super cool d'être le héros d'un dessin animé ! ajouta-t-il en serrant un poing enthousiaste.

Le trio revint vite vers leurs amis, auxquels le garçon s'excusa pour son comportement précédent avant que Picsou, qui était entre-temps parti, ne s'avance pour présenter des excuses solennelles au jeune homme. Il avait commit une grave faute envers lui, et offrait un cours gratuit avec le petit chef ainsi que le versement d'une munny symbolique en dédommagement. Sora accepta avec plaisir, tout en s'excusant de sa réaction et donnant sa permission d'être dans les films à l'affiche.

Après que l'adolescent ait terminé son gâteau d'anniversaire et épousseté toute la farine de ses vêtements (c'était sacrément bizarre de se faire contrôler pour faire la cuisine, encore plus par un rat vous tirant les cheveux), ils allèrent tous s'acheter des glaces et regarder un film diffusé en plein air ; mais à leur grande déception, la projection avait été annulée suite à un problème technique. Le visage de Sora s'éclaira néanmoins lorsqu'il vit le titre de l'œuvre : c'était un vieux film de son enfance, celui avec une nourrice magique et son ami ramoneur, qu'il avait vu et revu au point de le connaître par cœur. Hayner, certain qu'il bluffait, le mit au défi de reproduire toute une scène rien qu'avec la musique.

Sora se lança alors dans une épique danse tout autour de la cour du tram, au rythme effréné des pas sous le regard abasourdi de ses amis et des passants alentour se massant pour le spectacle ; l'adolescent chanta, sauta, virevolta, et entraîna même dans la ronde les spectateurs entre deux figures sur le pont du tram ou un mur voisin, se servant de tout l'environnement à son avantage. Il effectua même un incroyable tourbillon prolongé sur une main pour imiter une figure impressionnante tournoyante dans les airs.

Le garçon fit un dernier salto arrière, un genou à terre, et leva les bras vers la foule en délire qui acclama la performance d'une folle ovation, certains jetant même des pièces pour remercier de cet extraordinaire spectacle alors qu'il saluait humblement, le souffle court mais un immense sourire aux lèvres.

Plus tard, tandis qu'il remontait la rue de la gare en croquant la glace d'Hayner, le visage encore rougi par l'effort et le bonheur, une autre musique résonna au fond du cœur de Sora, telle la ritournelle d'un souvenir lointain ; et il en fredonna doucement l'air, se remémorant les quelques paroles qui lui revenaient en tête…

Chem-Cheminée, Chem-Cheminée, Chem-Chem-Chérie,

Pour avoir de la chance, prend ta chance telle qu'elle vient,

Chem-Cheminée, Chem-Cheminée, Chem-Chem-Chero,

Dans vos mains la chance met un bon numéro !

La fin d'après-midi était paisible. L'Élu avait dit au revoir à Hayner, Pence et Olette, se promettant de se revoir vite et de se tenir au courant pour Roxas, et le trio retournait lentement à la gare pour rejoindre leur vaisseau. L'adolescent ferma les paupières, profitant du silence léger de la ville…

Quand soudain un bruit particulier lui fit brusquement rouvrir les yeux.

Devant eux, plusieurs silhouettes blanchâtres menées par une créature semblant vêtue d'un kimono pâle et portant deux fines épées leur barrait la route, secondés par des monstres noirs sortant du sol.

Soupirant devant la venue surprise des Similis et Sans-cœurs, l'adolescent posa le gâteau qu'il portait et invoqua son arme, se jetant dans la mêlée. Croisant d'abord le fer avec le Samouraï, le plus dangereux des êtres du Néant, il le provoqua en duel sans même réfléchir. Le temps sembla s'arrêter autour d'eux, alors que le faux guerrier s'inclinait en prévision du coup unique ; l'Élu eut un instant l'impression que quelqu'un le maudissait pour son action téméraire contre le Simili…

Avant qu'une sorte de soupir ne retentisse au loin et que son corps ne trouve une ouverture et ne s'y engage tout seul, délivrant le coup de grâce au Samouraï qui s'effondra en une nuée de fumée blanche.

Ravi de son coup, le Porteur se tourna vers le reste de la troupe, repoussant avec ses amis les créatures qui cependant ne semblaient pas diminuer. Comprenant qu'ils comptaient jouer la carte des "renforts infinis", l'Élu esquissa un sourire narquois ; s'ils voulaient jouer, et bien d'accord, ils allaient jouer.

Mais selon ses règles.

Décidant de laisser ses camarades tranquilles pour cette fois, il plongea la main dans sa poche, en retirant avidement le porte-bonheur en coquillages qu'il accrocha au pommeau, anticipant la bouffée de puissance de la future Fusion.

À peine sa chaîne liée à la Keyblade qu'elle changea de forme dans la main du Porteur, lui conférant dans le même geste la parure étincelante qui bientôt ferait place à la Souvenance tandis qu'il ployait sous son pouvoir, enivré par sa force-

Quand soudain du plus profond de ses entrailles ressurgit l'Ombre engendrée par sa Lumière intense. Le visage de l'Élu se décomposa lorsqu'il réalisa ce qui arrivait, devenant livide en voyant la lueur de sa poitrine se teinter de corruption en comprenant trop tard pour empêcher la chose invoquée par son propre acte.

Non, pas ça ! Pas maint-!

La Lumière disparut et Sora avec, sombrant aux tréfonds de son être loin, très loin avec ses hontes et ses regrets…

Donald et Dingo eurent tout juste le temps de réaliser.

Leurs ennemis s'étaient figés, comme effrayés, et le cri résonna, furieux, agonisant. Ils se retournèrent avec horreur, et virent ce qu'ils n'aurait jamais souhaité voir aujourd'hui.

La Non-Forme ignora leurs regards atterrés et déchira toutes les créatures à portée, piétinant au passage le gâteau se trouvant sur sa route. Bientôt les Similis et Sans-cœurs partirent d'eux-mêmes, et la silhouette noire resta debout, voûtée, cherchant avec frénésie des orbes lui servant d'yeux ses proies, avant de pousser un nouveau cri empli de haine et de désespoir vers les cieux.

La forme tomba alors à genoux, les filaments de Ténèbres s'échappant d'elle comme des nuages s'évaporant dans l'air, et bientôt ne resta plus que la silhouette d'un garçon prostré sur lui-même, haletant mais immobile.

Soudain l'adolescent reprit vie et se redressa, serrant sa poitrine de ses mains tremblantes ; et sa voix résonna à nouveau, désespérée :

- Non ! Non ! Pas maintenant ! Pas aujourd'hui ! Pas l… pas là…

Le garçon se figea à nouveau, contemplant ses mains immobiles, et les deux adultes retrouvèrent enfin leur mobilité et s'approchèrent lentement de lui, le cœur rongé par l'angoisse ; mais ils connaissaient déjà la réponse à la question qui leur brûlait les lèvres.

Inquiets, ils posèrent leur mains sur les épaules du jeune homme ; et aussitôt, il tressauta, comme si ce contact l'avait ramené à la réalité. Il baissa honteusement la tête, serrant ses propres bras comme pour enlacer une personne qui n'était déjà plus là.

Et lentement, Roxas se rétracta des paumes rassurantes de ses amis, le cœur rongé par le remord tandis qu'à quelques pas derrière eux gisaient les restes d'un gâteau au glaçage en miettes, sur lequel on ne lisait plus qu'avec peine un seul et unique mot :

Sora