Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 39 : Le Détenteur Rouge (Yuki)

5441 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/08/2021 16:03

Le garçon qui répondait au nom de « Bullet » se trouvait être mon adversaire une nouvelle fois.

Il s’agissait d’un adolescent au physique si imposant qu’il semblait être capable de briser des rochers à mains nues. L’air passait dans ses cheveux hirsutes, découvrant un visage dur et buriné, comme celui d’un vieil homme ayant travaillé ardemment durant toute son existence. Cela m’a paru étrange sur une personne aussi jeune.

Toutefois, son apparence n’était pas la chose qui retenait le plus mon attention. Le Troisième Cadre Supérieur, faisant fi des combats autour de lui, jouait nonchalamment avec sa batte de fer. De temps à autre, des éclairs d’un éclat rouge crépitaient autour de son arme. Cette couleur…

-       Oh ? fit mon adversaire. Ma foudre t’intrigue toujours autant, hein ?

Je ne répondis pas. À quoi bon ?

-       Je vais prendre ça pour un oui. De toute façon, c’est gravé sur ton visage. Tu connais d’autres gens comme moi, pas vrai ?

Exact. Pourtant, cela me paraissait absurde. Ces manieurs de foudre… ne les connaissais-je pas déjà tous ? Ou alors, faisions-nous fausse route depuis le début ?

Araen et les autres ne sont donc pas les seuls, pensai-je. Lui aussi…

Je retirai mes lunettes avant d’en nettoyer les verres avec précaution.

-       Oui, admis-je. À en juger par la couleur de tes éclairs, tu es un Détenteur.

Mon interlocuteur applaudit, visiblement satisfait de ma réponse.

-       Dans le mille, princesse ! C’est bien ça. Pourtant, c’est moi ou tu as du mal à y croire toi-même ?

Mon silence fut ma seule réponse. Bullet soupira.

-       Tu n’es vraiment pas bavarde, observa-t-il. Il faut que tu saches que les Détenteurs ne sont pas présents uniquement chez toi, princesse. Nous sommes censés être sept au total.

Je ne pus cacher ma surprise. Sept ? Qu’est-ce que cela voulait dire ?

-       Quoi qu’il en soit, ajouta Bullet, en savoir plus ne te servira pas.

-       Vraiment ? Et pourrais-je savoir pourquoi, je te prie ?

Les éclairs rouges autour de son arme redoublèrent d’intensité, produisant un vacarme assourdissant. Je ne parvenais même plus à distinguer le métal de son gourdin. Les yeux de mon adversaire me fixaient d’un air presque désolé.

-       Parce que tu vas mourir ici. Ne m’en veux pas, princesse : c’est un ordre de l’empereur.

Devant cette déclaration, je ne pus m’empêcher de sourire ; l’expression du Détenteur se mua en un masque d’incompréhension.

-       Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?

-       Tu n’es donc qu’un sous-fifre et tu oses t’adresser à moi de la sorte ?

Bullet fut muet de stupéfaction. Je pris un plaisir certain à contempler ce visage.

-       Dis-moi… « Bullet », quel est le nom se cachant derrière ce pathétique alias ?

Le garçon m'adressa un sourire en biais.

-     « Pathétique », hein ? Pourquoi est-ce que tu tiens à le connaître ?

Je redressai mes lunettes sous le regard haineux de cet être insignifiant. J’avais, semble-t-il, heurté sa sensibilité.

-       Afin de savoir quoi écrire sur ta pierre tombale, lui répondis-je d’une voix glaciale.

Une flamme s’alluma dans le regard de Bullet. Puis, il se mit à rire si fort qu’il parvînt presque à couvrir le son produit par les combats autour de nous.

-       OUI ! J’aime ce regard que tu as maintenant, demoiselle ! Rien à voir avec la dernière fois. Très bien. Si tu insistes…

Mon ennemi craqua les os de ses membres dans un bruit écœurant. Ceci fait, il pointa son arme dans ma direction, le regard brillant d’un désir ardent de m’affronter.

-       Je suis Rubrum Miceus, Détenteur de l’Éclair Rouge et Troisième Cadre Supérieur de l’Empire de la Poussière d’étoiles !

Je pris en main ma gourde d'eau ainsi que Neige d’Adamantine, ma Keyblade d’une blancheur immaculée. Hors de question que Bullet ne l’emporte. Mon chemin ne pouvait s’arrêter ici. Pour sauver ma famille, pour retrouver Araen, ma seule issue se définissait en un seul mot : victoire.

-      Je vois. Moi, Kōkesshi Yuki, héritière du clan éponyme, vais mettre un terme à ton existence ! 

Bullet fut le premier à lancer les hostilités. Il martela la terre de sa massue d’un coup puissant qui créa des débris d’un volume important autour de lui. Les morceaux furent ceints par des éclairs rougeoyants. Suivant la direction donnée par la batte du Cadre, les projectiles se dirigèrent vers ma position. Immédiatement, je déversai de l’eau de ma gourde sur le sol ainsi que sur l’attaque de mon adversaire tout en courant. Cela fut ardue étant donnée la grande vélocité des débris. Évidemment, son attaque me suivait où que j’aille. Impossible de m’arrêter ne serait-ce qu’une seule seconde sous peine d’être atteinte. Il s’agissait donc du pouvoir de l’Éclair Rouge… Non. Cela n’était point tout. Bullet avait encore des cartes à jouer. Mon adversaire ne tentait rien pour m’arrêter durant ma course, se contentant seulement de m’observer. S’amusait-il ? À moins que la raison pour laquelle il restait immobile ne réside autre part… La parade semblait être un choix judicieux face aux tirs ennemis, pourtant, la réalité était tout autre. En temps normal, les fragments de terre auraient été renvoyés à mon adversaire par ma Keyblade si je me protégeais. Or, la trajectoire de ces derniers était totalement sous son contrôle. Les projectiles auraient évité mon arme, voilà tout. Il en va de même si je tentais de les détruire. Dans ce cas… 

Je me dirigeai vers le Troisième Cadre. Mon geste ne manqua pas de le surprendre.

-       Tu es sûre de toi ? me demanda-t-il.

Je ne raffolais point du corps-à-corps, surtout contre quelqu’un doté d’un tel physique. Le combat rapproché semblait être sa spécialité. Pourtant, il fallait que j’essaie. Pour combien de temps encore rester sur la défensive me serait bénéfique ? Pendant mon élan, je versai de l’eau sur Neige d’Adamantine tout en intimant à cette dernière de se congeler. Le givre recouvrit mon arme, allant même jusqu’à prolonger sa lame avec de la glace.

-       Oui, fit Bullet en me voyant faire. Tu es sûre. Nos armes respectives croisèrent le fer dans un bruit strident. Puis, je multipliai les attaques envers mon adversaire et, ce faisant, je m’aperçus de son problème. Tellement évident que je me trouvai sotte de ne l’avoir remarqué depuis notre premier combat : le Cadre manquait cruellement de technique. Il me faisait même penser au minable nommé Thomas Aiden à ce niveau. Quoique, même lui semblait avoir – très légèrement – progressé en ce domaine. Bullet possédait la force et la résistance, cela à n’en point douter, mais ses attaques basiques se prévoyaient aisément. Le Détenteur me fit penser à la créature d’une histoire que mes parents me lisaient étant enfant ; une bête massive et puissante maniant un gourdin avec autant de finesse et de grâce qu’un nouveau-né découvrant son jouet. Je n’eus donc aucun mal à trouver des ouvertures. Sa maladresse m’aidait beaucoup, mais cela n’en était pas la seule cause. Ses attaques m’apparaissaient plus lentes qu’avant. Surtout comparées à celles de Sora. Bullet, après un enchaînement de coups infructueux, donna une ultime attaque. Au moment où sa massue amorça son arc, j’attendis un petit peu avant de me décaler sur le côté. Le vent siffla à mes oreilles. 

Certes, il est lent, pensai-je, mais je ne dois point laisser une seule de ses attaques m’atteindre. 

Ses flancs étant complètement exposés, j’abattis mon épée aussi fort que possible. Mon adversaire hurla de douleur pendant qu’il était projeté en arrière. Je m’attendais à ce qu’il s’écroule sous mon attaque mais, il resta debout. Je ne fus que partiellement surprise : il ne fallait point sous-estimer sa résistance. Je ne devais pas me focaliser sur lui, un autre problème devait être réglé : les projectiles qui me poursuivaient sous l’influence de l’Essence du Troisième. Ces derniers ne furent plus qu’à quelques mètres de moi. Je me précipitai vers eux et, profitant de la nouvelle allonge de ma Keyblade, les détruisis en plein vol. Il n’en resta plus que des petits morceaux inoffensifs qui tombèrent au sol. Plus aucun éclair rouge ne les entourait.

-       Je dois avouer, entendis-je dans mon dos, que tu débrouilles bien. Ce n’est pas surprenant venant d’un membre d’une famille royale.

Je tentai au mieux de cacher ma surprise face à cette déclaration, mais je ne pus berner mon interlocuteur.

-       Oui, je le sais, continua Bullet. Cela dit, ça crève les yeux quand on y réfléchit deux secondes.

Le Troisième se redressa avant de craquer son dos.

-       Et pourrais-je savoir ce qui te fait penser une telle chose ? lui demandai-je.

-       C’est assez simple, en fait. Ta façon de parler, la grâce de tes mouvements et surtout… (Ses yeux rencontrèrent les miens.) Cet air hautain que tu as en ce moment même. Il n’y a pas à dire, j’ai vraiment à faire à une princesse. Ce qui m’amène à ma prochaine question : que fais-donc une personne comme toi dans un endroit si loin de son foyer ? Tu ne dois pas t’occuper de ton royaume ?

Devant mon silence, le Détenteur soupira une nouvelle fois. Finalement, il se résigna.

-       Toujours aussi taciturne… Pas grave. Je voulais juste satisfaire ma curiosité. Reprenons le combat, tu veux bien ? 

Je ne saurais dire exactement pourquoi, mais son aura changea soudainement. Il dégageait en cet instant une présence féroce, au même titre qu’un animal traqué usant de toute son âme pour survivre.

Il chargea.

Je disposais de bien assez de temps pour me mettre hors de danger ou pour attaquer à mon tour, mais mes jambes se figèrent contre ma volonté. J’usai de toute mes forces pour tenter de m’échapper mais mes efforts furent vains. Finalement, Bullet se trouva beaucoup trop proche pour moi pour que je garde cette option envisageable. Tel un bourreau prêt à abattre sa lame, il leva sa massue et m’attaqua. Mes bras réagirent d’eux-mêmes et mon épée para son arme. Non, que dis-je, sa force était telle que je ne pus que dévier la trajectoire de son offensive. Mes membres menacèrent de se briser sous le choc. La glace présente sur ma Keyblade explosa en morceaux. Heureusement, l’épée bloqua les éclairs qui émanaient de sa batte, me protégeant de toute électrocution. Le Cadre voulut continuer son assaut et se prépara à asséner une nouvelle fois son arme. Une parade ne m’aurait servi à rien. De plus, je n’étais même pas certaine de pouvoir le faire. Peut-être fut-ce l’énergie du désespoir, mais j’eus étrangement assez de force restante dans mes bras pour utiliser une nouvelle fois l’eau de ma calebasse. J’en lançai son contenu entre nous deux et mon Essence me permit de le congeler en plein vol. J’espérai pouvoir créer un bouclier suffisamment solide mais il ne s’agissait là d’un effort inutile.

Peste ! maugréai-je intérieurement. Quelle idiote je suis. Jamais l’eau n’aura le temps de se congeler convenablement !

Sans surprise, ma protection se brisa sous l’attaque de la batte électrifiée de mon adversaire. Des éclairs rouges se manifestèrent autour des débris de glace. Hélas, je compris trop tard ce qu’il se passait. Mon sort – ou du moins, ce qu’il en restait – se retourna contre moi. J’utilisai aussitôt ma Keyblade afin de tenter de protéger ma vision. Bullet en profita pour m’assener un coup que je pus à peine voir. Impossible pour moi de résister à une telle puissance. Aussi, je fus projeté plusieurs mètres plus loin tout en perdant mon épée. Le Troisième Cadre siffla.

-       Tu as réussi à te protéger au dernier moment, observa-t-il. Pas mal. 

La puissance de ses coups dépassait presque tout ce que j’avais connu jusqu’à présent. Mon corps en tremblait encore, comme si l’attaque résonnait dans tout mon être. Si je l’avais reçu de plein fouet… J’ose à peine imaginer dans quel état j’aurais été. En tentant, non sans efforts, de me rétablir sur mes deux jambes, je vis le Cadre se ruer vers ma position. Neige d’Adamantine étant bien trop loin de moi, je ne pouvais essayer de la récupérer. Pas en me déplaçant, du moins. Je tendis la main et mon épée disparu avant de s’y matérialiser dans un éclat lumineux. Ignorant la douleur de mes mains (à cause du désarmement), j’attendis la venue de mon assaillant. En chemin, il racla le sol avec son arme, créant de nouveaux débris électrifiés de taille hétérogène sous son contrôle. Au lieu de les lancer à mon encontre, ces derniers se déplacèrent en flottant à ses côtés.

Il essaye de m’empêcher d’esquiver en attaquant de cette manière, pensais-je.

Très bien.

D’un geste, je déversai le contenu de ma gourde au-dessus de moi. Ma magie me permit de créer un dôme de glace suffisamment grand pour me contenir entièrement. Encore une fois, je savais qu’il ne solidifierait pas assez vite pour résister à Bullet, mais cela n’était pas mon but. Le Troisième envoya d’abord les débris les plus petits afin de gêner ma vision au maximum, mais je l’avais compris à présent. Je concentrai toute mon attention sur sa personne en gardant du coin de l’œil ses projectiles. Aussi, je versai de l’eau avec abondance sur ma Keyblade. Tellement que j’en répandis beaucoup au sol. Le liquide sur mon arme se congela comme je le souhaitais, allongeant encore une fois sa portée avec une lame de glace. Une fois non loin de moi, Bullet éleva son arme, prêt à l’abattre sur mon abri. 

Explosion.

Le dôme de glace éclata aussitôt, à la grande surprise de mon opposant. J’intimai à tous les morceaux de le prendre pour cible et ils s’exécutèrent. Chaque impact ne semblait pas le blesser grièvement, mais suffisamment pour le déconcentrer et lui faire perdre le contrôle des débris. Une ouverture s’était manifestée. J’en profitai donc pour donner un déluge de coup. Après quelques instants, Bullet, n’en pouvant plus de ne faire qu’encaisser, contracta ses muscles. Il se préparait à attaquer. Point le temps d’esquiver, je devais trouver autre chose.

Un instant… Que m’avait dit Sora, déjà ?

Je me souvins d’un de nos entraînements. Dans une nuit étoilée (comme toujours depuis notre arrivée), nous échangions quelques coups. Nos lames croisaient le fer, brisant le silence paisible de la forêt qui nous servait de lieu d’exercice.

J’usais de toute mes forces et de toute ma concentration pour tenter de toucher mon adversaire mais rien n’y faisait, sauf quelques rares exceptions. Bien que j’aie du mal à l’accepter, ses sorts, en dehors de ceux de glace, dominaient sans conteste les miens. Idem pour sa technique et sa force physique. Lorsque je commençai à m’essouffler, lui semblait encore en pleine forme. Quel genre de combats avait-il vécu, au juste ?

Je devais bien admettre qu’il ne fallait sous aucun prétexte sous-estimer la force de Sora. Sous ses airs de poupin gentil et bienveillant, il s’agissait d’un véritable monstre du combat. Je l’avais constaté maintes fois.

Sora finit encore par me désarmer.

-       C’est très bien, Yuki, me félicita-t-il. Tu te débrouilles de mieux en mieux ! Le truc, c’est que tu hésites encore un peu.

-       Le corps-à-corps n’est point ma spécialité, répondis-je sèchement.

Il planta son épée d’or et d’argent dans la terre et leva les mains en l’air.

-       Je sais bien. Désolé. Pas besoin que ça le devienne. Mais ça te sera utile face à Bullet.

Devant mon regard interrogateur, il ajouta :

-       Je pense que son Essence doit forcer les gens à vouloir s’échapper. Qui voudrait foncer sur des projectiles dirigés vers soi ? Aussi, sa carrure dissuade encore plus de s’approcher de lui. Personne ne tenterait. Enfin, ça, c’est ce qu’il croit. Il a peut-être dû renforcer son corps pour être bon en combat rapproché mais il est sans doute très lent. Pour ce qui est de sa technique… J’avoue que je ne sais pas.

Il se mit à réfléchir.

-       Je me souviens de la fois où j’ai affronté Hercule en duel, continua-t-il. Une des choses que j’ai apprises pendant ce combat, c’est que les attaques des types imposants comme lui sont en général assez prévisibles. Ça doit aussi être le cas de Bullet. Vu ton style plutôt défensif, tu dois avoir un bon sens de l’observation. Sers t’en pour prévoir ses coups et pour ce qui est de les contrer…

Il me sourit en récupérant son épée.

-       Je peux peut-être t’aider.

 

Je restai alerte, attendant l’attaque du Détenteur. Lorsque cette dernière arriva, je brandis ma Keyblade blanche, sans tenter de bloquer complètement son coup : je n’y serai jamais parvenue. Au contraire, j’utilisai mon arme pour accompagner son assaut, me manquant totalement. Puis, j’abattis mon épée en visant le manche de sa massue. Dans un hurlement, mon adversaire lâcha son arme. Mon assaut se termina avec une dernière rouste de Keyblade qui le fit reculer un peu plus loin. J’éloignai son arme d’un coup du pied aussi loin que je pus.

Je l’observai quelques instants. Je savais bien que la puissance de mes coups n’égalait pas la sienne, mais j’espérais lui avoir fait assez de dommages. Quoi qu’il en soit, je ne pouvais lui laisser de moment de répit. À l’instant même où j’étais sur le point de charger, il se dirigea en courant vers sa massue. Je ne devais pas le laisser faire !

J’invoquai, à l’aide de sorts Glacier X, plusieurs blocs de glace tranchants tout en visant les jambes du Cadre. À ma grande surprise, il les évita tous dans sa course et parvînt à récupérer son gourdin de métal. Et ce, avant même que je ne puisse tenter quoi que ce soit d’autre. Je lançai un regard à mes sorts de glace : aucun n’avait disparu après avoir manqué leur cible (comme ils le faisaient d’habitude). Ils avaient fondu, comme les précédents.

Bien.

Bullet tendit la main. Cette dernière crépita et une minuscule orbe électrique rougeoyante se forma, flottante en son creux. Elle grandit, grandit jusqu’à sembler capable d’envelopper son créateur entièrement. J’avais sous les yeux une immense sphère d’énergie électrique.

-       Il est temps d’en finir, déclara-t-il assez fort pour couvrir les crépitements de sa magie.

Il fit le geste de la lancer en l’air comme on le ferait d’une balle. Quand elle retomba sur lui, il donna un puissant de sa batte. Aussitôt, la sphère se divisa en six orbes de volume inférieur qui s’en allèrent à ma rencontre à une vitesse vertigineuse. Je versai de l’eau en formant une ligne devant moi. Essayant de ne pas succomber à mon angoisse, j’attendis que les orbes soient assez proches. Sentant le bon moment, je levai ma Keyblade et un mur de glace répondit à mon appel.

Telle fut mon erreur.

Les orbes – ou plutôt le Détenteur – réagirent plus vite que prévu, contournant subitement ma protection de chaque côté. Je n’avais absolument aucun moyen de parer ceci. Je subis chacune des attaques de plein fouet, m’arrachant un cri de souffrance à chaque fois. Je perdis complètement ma concentration et mes lunettes du même coup. Le mur de glace redevînt de l’eau liquide. Je m’écroulai au sol, parcourue de tremblements incontrôlables. J’avais la sensation que des milliers d’aiguilles brûlantes transperçaient mon corps. Chaque mouvement, même les plus vains, que je tentais me torturait. C’est à peine si je pouvais tenir mon épée correctement. Je n’eus d’autres choix que de l’utiliser pour me mettre debout. Sans elle, je tombais à nouveau. En voyant Bullet, je voulus diriger mon arme vers lui. Il fallait que je tente quelque chose… Un nouveau sort…

Soudain, je me figeai.

Que se passe-t-il ? pensais-je.

J’usais de toute mes forces mais je ne pus faire le moindre mouvement. Mon corps ne me répondait plus.

-       Tu dois être surprise, devina Bullet.

Ce dernier avançait nonchalamment dans ma direction, sa batte sur l’épaule. Il ne semblait pas s’apercevoir qu’il y avait de l’eau partout. Sans doute pensait-il que sa victoire était assurée. 

-       Malheureusement pour toi, poursuivit-il, le pouvoir de l’Éclair Rouge ne se limite pas qu’aux objets sans vie. Tu es assez faible et électrisée pour que cela fonctionne aussi sur toi. Maintenant…

Il se trouvait en face de moi, un air presque désolé au visage.

Neige d’Adamantine touchait l’eau.

Des éclairs rouges apparurent une énième fois autour de sa massue. Bullet se tenait prêt à me donner le coup fatal.

-       Je vais devoir terminer ce combat. Le « sous-fifre » comme tu le disais si bien a des ordres. Ne m’en veux pas trop, princ…

-     « Ne m’en veux pas trop ? » répétai-je.

La colère s’empara de moi.

Pour qui se prenait-il, enfin ? Comment est-ce que quelqu'un tel que moi pouvait se retrouver en difficulté de la sorte ? Je suis une Kōkesshi, membre d'une des familles royales les plus puissantes de l'existence, ayant apporté par sa force et son intelligence, la paix et la prospérité à de nombreux peuples. J'en suis le digne successeur, la seule capable de prendre la relève des miens. Il fallait encore les sauver, punir le coupable, retrouver Araen ; tant de choses à faire, et j’étais sur le point de périr face à cette espèce de vil faquin ?! Jamais.

Malgré la douleur, je regardai droit dans les yeux de l'insecte qui me servait d'adversaire.

 

« Quelle insolence. »

 

Il fronça les sourcils, visiblement surpris par mes paroles. Soudain, il observa le sol et sembla enfin se rendre compte de la quantité d’eau autour de nous. Ses yeux se posèrent à nouveau sur moi, encore immobilisée par son sort. Le Cadre faillit dire quelque chose mais n’en n’eût point le temps.

-       Surgélation.

La zone d’eau liquide autour de ma Keyblade devînt instantanément de la glace pendant qu'une partie de mes réserves magiques s'envolât. Puis, très vite, ce fut au tour du reste de la zone d’eau où nous nous trouvions. Les pieds de mon adversaire furent immobilisés. Désemparé, il me regarda :

-       Qu’est-ce que…

-       Silence.

Le sort que j'avais lancé m'accordait un bien meilleur contrôle sur une étendue glacée que ma congélation habituelle grâce à une cristallisation plus rapide de l'eau, mais, hélas, une longue préparation est nécessaire et, du fait de sa voracité en termes de magie, je ne peux l'utiliser qu'une fois par jour.

Je donnai l’ordre à la glace du terrain de former un immense cône de glace dans sa direction. Il para mon attaque avec sa massue et tenta même de la briser. Il échoua : mes sorts, complètement formés cette fois, étaient bien plus solides que lors de notre premier combat. Privé de toute concentration, l’emprise de son Essence sur moi disparut. La douleur ne m’avait point quittée mais je ne m’en souciais plus. Seule m’importait la victoire. Bullet employa toute ses forces pour se sortir de la glace, jusqu’à y parvenir. Cela ne m’affecta pas plus que ça.

Je ne pouvais pas perdre.

Le misérable hasarda une retraite mais n’eût d’autres choix que de rebrousser chemin face aux colonnes de glace qui venaient de jaillir du sol gelé.

-       Nous sommes sur mon territoire, déclarai-je. Tout ce que tu fais est inutile. Abandonne, cloporte.

Évidemment, il ne m’écouta point. Le Détenteur forma de nouveau un orbe géant emplis d’éclairs. Il la détruisit et les sphères se précipitèrent vers moi.

Son désespoir m’arracha un soupir.

Je commençai à marcher dans sa direction, parfaitement consciente des sorts qui se dirigeaient vers ma position. Toutefois, comme je le disais tantôt : nous étions sur mon territoire.

Des colonnes glacées s’élevèrent au dernier moment, faisant exploser les sphères en plein vol sur mon passage.

En voyant cela, Bullet resta figé quelques instants puis, il tenta le même sort à plusieurs reprises. Encore et encore. Le résultat fut le même. Je continuais de marcher vers le garçon sans me préoccuper de ses attaques. La glace ne m’empêchait de me déplacer, fondant sur mes pas avant de cristalliser à nouveau. Le froid me faisait l'effet d'une caresse agréable au milieu d'une journée de canicule. Toutefois, mes yeux restaient fixés sur Bullet.

Il était sans défense à quelques mètres de moi à peine. Son visage n’arborait plus du tout cette confiance dont il disposait plus tôt. Au contraire, le désespoir et la certitude d’une défaite imminente qu’il n’acceptait pas se lisaient en son expression. J’avais presque pitié de lui.

Presque.

Le Cadre constituait un mur qui se dressait entre moi et mes objectifs. La défaite signifierait perdre la chance de retrouver ma famille. Toute ma famille.

« N’aie pas peur de passer à l’offensive, Yu ! » m’aurait dit Araen.

Je ne pus m’empêcher de sourire en pensant à lui. Bientôt, je le retrouverais. En attendant…

-     « Ne m’en veux pas trop », Bullet.

À l’endroit où il se situait, plusieurs cônes de glace s’élevèrent du sol. Bullet n’eût pas la moindre chance et mes attaques l’atteignirent toutes de plein fouet. Mon adversaire hurla de douleur avant de tomber violemment au sol. Ce dernier n’était plus gelé. À en juger par l’état de Bullet, je n’avais plus besoin de l’affronter.

Le combat était terminé.

Le Cadre essaya de bouger mais la douleur le fit changer d’avis. Quant à moi, la douleur des éclairs s’était un peu calmée. Aussi, je savais que je pouvais encore me battre un peu si nécessaire.

Bullet toussa.

-       Ouah, fit-il.

Il essaya de me regarder.

-       Et… tu as l’air encore capable… de te battre après m’avoir… affronté, constata-t-il lentement, comme si articuler chaque mot lui faisait mal. Ta réserve magique m’épate. Non… Ton être entier… m’impressionne.

Ignorant les combats qui continuaient autour de nous, il éclata de ce qui semblait être un rire mêlé d’une toux.

-       Bizarre. À notre premier combat, tu ne faisais que te défendre. J’aurais dû… gagner… Pourquoi as-tu changé de style de combat en si peu de temps ?

-       Ce n’était que pour cette fois, expliquai-je. Je n’aime point me battre de cette façon. J’ai juste suivi des conseils avisés.

-       Je vois…

Nous restâmes en silence quelques instants, puis il me demanda :

-       Tu savais que j’étais un Détenteur, se souvînt-il. Qui sont les autres que tu connais ? Excuse-moi princesse, je suis curieux.

Je ne voulais pas spécialement lui répondre. Pourtant, mon intuition me souffla que lui parler serait une bonne idée.

-       Oui, des amis.

-       Quelle est la couleur de leur foudre ?

-       L’un d’entre eux, Araen, a des éclairs bleus. Puis, il y a aussi…

-       BLEUS ?

Le Détenteur écarquilla les yeux et essaya de se redresser brutalement.

-       Tu as bien dit qu’il a des éclairs bleus ?

J’acquiesçai d’un mouvement de tête.

Son visage prit un air grave. Je ne savais point pourquoi, mais je sentis la peur s’emparer de moi.

-       Pourquoi réagis-tu de la sorte ?

Il posa un regard désolé sur moi.

-       Princesse Yuki. Si ce que tu dis est vrai… Il est très probable que ton ami aux éclairs bleus meure bientôt.


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