Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 44 : La fin du tyran (Sora)

7497 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/11/2021 21:06

Liam serrait de toutes ses forces son trident d’or.

La fumée violette d’Eoga redoublait d’intensité autour de lui.

Faisant abstraction de mon état, j’étais en garde, les yeux rivés sur l’ennemi.

Nous trois étions prêt à nous battre et à en finir avec Stellaos.

Nous trois étions prêts à sauver l’empire.

Le maître du zodiaque a finalement réussi à se remettre debout, avant de nous fixer de ses yeux verts étincelant avec une colère sans nom.

-         Peu importe votre nombre, le résultat sera le même.

Il nous avait lancé ça toujours avec cette voix étrange, comme si Maléfique, la sorcière, parlait en même temps que lui. Ce qui devait sans doute être le cas.

Dès la fin de sa phrase, la poussière d’étoiles s’est de nouveau rassemblée au-dessus de sa tête. Au même moment, le temps s’est dégradé : la température de la nuit a brusquement chuté de plusieurs degrés pendant que des flocons de neige tombaient du ciel. Stellaos avait encore changé la saison ! Ce qui voulait dire…

Encore un signe… ai-je pensé.

Liam et Eoga ont eu l’air surpris par le changement soudain de la météo.

-         Encore ? a commenté l’ancien chef de la prison.

Devant l’air interrogateur de mes deux compagnons, je leur ai très rapidement expliqué ce que je savais sur les pouvoirs de Stellaos sans lâcher ce dernier des yeux. Une fois que je me suis tu, les deux ont échangé un regard stupéfait. Mais avant qu’ils ne puissent dire quoi que ce soit, un symbole du zodiaque s’est dessiné grâce à la poudre stellaire. Le problème, c’est que je ne reconnaissais pas celui-ci non plus. Ce signe rappelait celle d’un « n » qui se terminerait par une boucle.

J’ai lancé un regard à mes alliés pour qu’ils m’expliquent. Ils ne me regardaient pas, mais ce n’était pas grave car Liam a quand même répondu à ma question :

-         Le Capricorne…

Malheureusement, aucune idée des capacités que Stellaos pourrait avoir grâce à ce signe. Je suis resté sur mes gardes, prêt à tout et n’importe quoi avec cette interrogation en tête. Et je n’ai pas eu besoin d’attendre très longtemps pour obtenir des réponses.

Des racines d’arbres sont sorties du sol. Trop surpris et faible pour réagir, ces dernières sont parvenues à m’immobiliser les jambes. J’ai essayé de bouger ces dernières ou de les trancher, mais sans succès. Les racines étaient drôlement robustes ! Ou alors est-ce ma fatigue qui l’emportait ?

Avec cette première attaque, Stellaos nous avait presque tous eu. Presque. Liam, le plus fort physiquement de notre trio à cet instant, a détruit les racines avec son trident. J’allais le remercier, mais j’ai vu l’expression de l’ancien Cadre. En suivant son regard, j’ai remarqué ce qui retenait son attention. La poussière d’étoile qui entourait l’empereur scintillait légèrement autour de lui en projetant des éclats de lumière verte. En plissant des yeux, j’ai vu à quoi cela servait. Stellaos se soignait ! J’ai immédiatement lancé un sort de foudre sur lui. Ce n’était pas la meilleure solution vu mon état, mais il s’agissait du sort le plus rapide que je pouvais faire. L’éclair a atteint l’ennemi en pleine face. Fumant et crépitant, Stellaos a grogné. Il a levé son trident et un autre signe est apparu. Un que je connaissais bien : celui de la Vierge. Encore une fois, la météo avait changé : la nuit reprenait la température qu’elle avait quelques minutes plus tôt.

C’est vraiment bizarre, ai-je pensé.

Je n’ai pas eu le temps d’encombrer mon esprit : il fallait combattre !

-         Attention, ai-je averti mes amis. Quand il utilise ce signe, il peut manipuler la terre et deviner nos attaques.

-         Comment est-ce qu’on s’en sort ? m’a demandé Eoga.

-         Euh…

Une fissure s’est dessinée sous mes pieds. Eoga m’a aussitôt protégé en créant un bouclier avec sa fumée violette. Je l’ai remercié, soulagé. Ensuite, Liam et nous deux nous sommes précipités vers Stellaos qui nous attendait de pieds ferme au milieu de la sphère de particules stellaires flottantes dans les airs. Le maître du zodiaque était légèrement en meilleur état que nous mais sa capacité à lire dans nos mouvements n’avait pas diminué d’un pouce. Liam essayait de l’atteindre avec son arme et des sorts de sommeil. Il ne le touchait pas. Eoga enchaînait les lances spectrales, tentacules brumeuses, poings et autres, formés par sa fumée. Il ne le touchait pas. J’attaquai avec ma Keyblade aussi vite que mon corps le permettait à cet instant. Je ne le touchais pas non plus. Même nos attaques combinées ne servaient à rien ! Aussi, il fallait éviter les attaques de terre de l’empereur, exactement comme quand j’étais tout seul. C’était possible, mais de justesse à chaque fois.

-         Stop, nous a ordonné Liam. On se fatigue, rien de plus !

Un sourire malicieux s’est dessiné sur les lèvres de Stellaos.

-         Bien observé, Liam. Essayez tout ce que vous voulez, ne parviendrez à rien.

J’ai jeté un coup d’œil à mes camarades. Liam avait de plus en plus de mal à tenir debout, même s’il faisait des efforts visibles pour le cacher. Pour Eoga, c’était nettement plus clair : son regard se faisait moins vif, il transpirait et haletait en éloignant des cheveux mouillés de son visage. Quant à moi…

KLANG !

Ça, c’était le bruit de Chaîne Royale qui venait de heurter le sol. Je l’avais lâchée sans m’en rendre compte. Ma main tremblait.

-         Quel dommage, a continué notre ennemi. Vous aurez subi tout ça pour rien. La mort de ton pathétique frère, Liam ou la survie de ta mère, Dæmonium. Tout ça pour rien. Vous êtes faibles.

-         LA FERME !

Ma colère m’a autant surpris que vous. C’était sorti tout seul pendant que mon épée me rejoignait.

-         Ne l’écoutez pas ! ai-je repris avec force. Vous vous êtes battus pour ceux qui vous tiennent à cœur pendant des années malgré les difficultés.

Je me suis tourné vers l’ancien maréchal.

-         Liam, pour respecter la promesse faite à ton frère, pour protéger Eeal et Minehi, tu es devenu un guerrier à la solde de ce type tout en supportant la haine qu’avait cette dernière pour toi.

Le concerné ne me regardait pas, visiblement perdu dans ses pensées. Je me suis adressé à mon autre allié.

-         Pour toi, Eoga, c’est pareil. Dans le but de mettre ta mère à l’abri, tu as choisi de devenir un démon pour l’empire. Chaque jour, tu as dû subir l’emprise de Stellaos en sachant parfaitement qu’il pourrait choisir de se retourner contre toi à n’importe quel moment. Vous deux avez choisi de suivre votre cœur et ça, monsieur « l’empereur », ce n’est pas de la faiblesse. Leur force ne fait plus aucun doute !

Le maître du zodiaque a grimacé de dégoût.

-         Cela suffit.

Le signe du Capricorne est de nouveau apparu au-dessus de lui, de même que la neige. Cette fois, des arbres ont jailli de nulle part ! Aussitôt, j’ai essayé de les trancher mais j’étais toujours trop lent : les racines et les branches se sont entortillées tout autour de mon corps, me forçant à rester immobile. Je me suis débattu de toutes mes forces, mais impossible de faire quoi que ce soit. J’étais compressé de part en part. Même respirer correctement devenait compliqué ! Malheureusement, Liam et Eoga subissaient aussi le même sort.

-         Où est donc cette « force », maintenant ? a ricané l’ennemi.

Allez, Sora.

J’ai tenté de me dégager le bras mais le bois sec et solide donnait l’impression de se renforcer à chacune de mes tentatives.

Bouge !

J’ai réessayé encore et encore. Les branches m’éraflaient le bras de plus en plus… mais il était hors de question que j’arrête !

FAIS QUELQUE CHOSE, BON SANG !

Je ne pouvais pas rester là sans agir. Le métal froid de mon épée s’est fait ressentir sur ma jambe. J’ai tout de suite pensé à lancer un sort, mais ce n’était pas une bonne idée : ma Keyblade était beaucoup trop proche de moi. Une magie de feu aurait été le seul moyen de m’en sortir mais en utiliser voulait dire me brûler à coup sûr… Cela dit, s’il s’agissait du seul moyen de m’en sortir et d’aider mes amis, je pouvais bien supporter !

-         Bra…

Soudain, Stellaos a fait quelque chose qui nous a tous pris de court. Il a abattu violemment son sceptre au sol et hurlé en même temps. Je n’avais jamais rien entendu de tel. Imaginez que quelqu’un s’approche de votre oreille et crie de toute ses forces un son si horrible et terrifiant que vous ne pouvez plus bouger, tétanisé. C’est exactement ce que nous avons ressenti, et je suis certain que la totalité des gens présents dans le village aussi.

Un sentiment d’effroi étrange m’a envahi. J’avais l’impression d’avoir subi l’Essence d’Eoga à pleine puissance d’un seul coup. Ma respiration se saccadait, ma vision devenait floue, mon corps ne me répondait plus du tout. Qu’est-ce que c’était au juste ? J’ai tout de suite pensé à Liam et Eoga. Malgré mon état, j’ai pu murmurer d’une voix faible :

-         Minehi… Eeal… madame Lordarc… Kain… Lys… comptent sur vous. Alors… n’aban…don...nez pas…

Mes forces m’ont quitté. J’avais l’impression de ne plus être capable de quoi que ce soit.

À partir de cet instant, malgré moi, je n’ai plus été que le spectateur du combat. Et avec le recul que j’ai maintenant, je peux vous affirmer sans le moindre doute que c’était une bonne chose.

Je ne saurais pas vous dire pourquoi, mais j’étais certain que mes paroles avaient été entendues. De toute façon, j’en ai eu la confirmation assez vite. Eoga a éclaté de rire. 

Stellaos a eu l’air surpris par la réaction de son ancien protégé.

-         Que t’arrive-t-il ? Tu perds la tête ? lui a-t-il demandé d’un ton méfiant.

Quand Eoga a enfin fini de rire, il lui a répondu :

-         Au contraire, je n’ai jamais eu les idées aussi claires de ma vie.

Pendant qu’il disait ces mots, il est parvenu à dégager ses deux bras de l’emprise des branches. Eoga a montré quelque chose sur son doigt à l’empereur. Je crois bien que c’était… sa bague ? Enfin, une autre que celle qu’il avait quand nous nous étions « affrontés », cette dernière s’étant brisé. Sans doute Stellaos lui en avait donné plusieurs.

-         Eh, Sora, a-t-il continué. Il n’y a pas à dire, tu as le don de remonter le moral des gens avec tes discours.

Je n’ai pu lui répondre qu’en souriant.

-         Je suis d’accord sur ce point.

Profitant de la perte de concentration de l’empereur, Liam s’est dégagé d’un seul coup. Il était vraiment robuste, lui !

En atterrissant, son armure a produit un son métallique presque aussi puissant que le cri.

-         Quelques mots de lui, a ajouté Liam, et on se sent tout de suite d’attaque ! Tu es prêt, Eoga ?

Ce dernier a hoché la tête, un sourire aux lèvres et ses iris gris brillant de détermination, avant de reporter son attention sur un Stellaos muet de stupeur. Il l’a regardé droit dans les yeux.

-         Cher empereur, c’est terminé. Tu ne nous manipuleras plus. Ni moi…

Eoga a commencé à retirer sa bague petit à petit.

-         Ni Liam.

La fumée violette a augmenté en intensité autour de lui, tellement que je commençais à avoir du mal à le distinguer.

« Ni personne. »

Il a laissé tomber sa bague.

-         Qu’est-ce que tu fais ? lui a lancé Stellaos, paniqué. Tu sais bien que tu ne peux pas contrôler ton pouvoir sans mes bagues !

-         Peut-être, a reconnu l’ancien Cadre Supérieur. Mais comme l’a dit Sora, je suis fort. Alors je devrais pouvoir m’en sortir !

Liam est venu à mon niveau, m’a débarrassé des branches en faisant soigneusement attention à ne pas me blesser davantage pendant qu’une main spectrale créée par Eoga le libérait des siennes. Il m’a déposé sur le sol avec une délicatesse surprenante pour quelqu’un d’aussi costaud que lui. Je l’ai remercié d’un signe de tête avant de reporter mon attention sur notre autre allié.

-         Eo… ga…

Ce dernier m’a fait taire d’un geste.

-         Economise tes forces. Tu vas en avoir besoin pour nous voir exploser la face de ce type.

Sur ces mots, la brume violette s’est mise à tourbillonner autour de lui encore plus fort. J’ai eu peur qu’il ne perde le contrôle encore une fois. J’ai essayé de le rejoindre et d’hurler son nom, mais Liam m’a retenu d’une main ferme.

-         Regarde-le, m’a-t-il conseillé.

Pourquoi est-ce qu’il me dit ça, au juste ? pensais-je, complètement paniqué. Si on ne fait rien

Il souriait.

Eoga souriait, tout à fait serein.

-         Com…ment…

Liam l’a imité.

-         Tu ne comprends pas encore à quel point tes mots sont puissants, on dirait. Tu nous as dit ce que nous avions besoin d’entendre. Maintenant…

Il s’est levé, me dominant de toute sa grande carrure de guerrier accompli. Avec son armure d’or qui brillait sous les étoiles et son trident lourd et menaçant, personne n’oserait douter un seul instant de sa force.

-         Fais-nous confiance.

Liam a rejoint Eoga, sans être plus préoccupé que ça par la fumée violette très intense autour de lui. Ces deux-là n’avaient plus peur de Stellaos et ce dernier a eu l’air de le remarquer, ce qui l’a effrayé encore plus.

-         Le cri panique aurait dû vous pétrifier de peur ! s’est exclamé Stellaos, toujours de cette voix doublée avec celle de Maléfique.

-         Tu parles de ton hurlement de tout à l’heure ? (Eoga s’est gratté l’oreille avec nonchalance) Désolé, mais c’est un peu stupide de ta part d’essayer de faire peur à un type dont c’est le pouvoir.

Stellaos s’est ensuite adressé à Liam, qui a déclaré.

-         Rassure-toi, cher empereur. J’ai bien été touché, mais… Je vais faire avec. Et puis, comparé à ce jeune homme (Il a désigné Eoga.), ce n’est pas grand-chose.

En l’observant, j’ai remarqué qu’il tremblait légèrement. Il ne s’était pas vraiment sorti indemne du cri panique de Stellaos. Cependant, sa détermination restait aussi vive !

-         Ah. (Eoga a eu l’air de comprendre, un peu gêné.) Désolé pour ce qui s’est passé en prison… Et pour tout le reste d’ailleurs.

-         C’est oublié, lui a répondu l’ancien maréchal. Concentrons-nous sur la cible.

Eoga n’a pas pu retenir un sourire.

-         Tu as raison. Maintenant…

-         Finissons-en, a complété Liam.

Décrire ce qu’il s’est passé ensuite va être un peu difficile, déjà à cause de mon état à ce moment-là, mais aussi, et surtout, à cause de la vitesse de l’action.

Les deux ex-membres du gouvernement de Stellaos attaquaient leur ancien maître avec une violence et une férocité incroyable ! La haine et la tristesse qu’ils avaient accumulé durant toutes ces années se ressentait dans chacun de leurs coups, tellement que même moi je pouvais m’en apercevoir malgré la distance qui nous séparait. Mais pour tout vous dire, le plus surprenant se trouvait dans l’harmonie avec laquelle Liam et Eoga se battaient. L’ancien maréchal s’occupait de charger Stellaos en permanence grâce à son imposante constitution et l’empêchait de se concentrer avec son sort de sommeil ; si l’empereur étant trop puissant pour s’endormir après une telle magie, ses mouvements s’en trouvaient quand même ralentis.

À ses côtés, un peu plus en retrait, Eoga enchaînait les assauts avec son étrange fumée violette qu’il modulait comme il le voulait, lui faisant parfois prendre la forme de poings géants pour cogner l’ennemi, de cônes immenses pour le transpercer ou encore de tentacules fantomatiques pour l’immobiliser. À chaque fois que Stellaos recevait un coup de plein fouet, la couleur de la brume s’intensifiait, passant du mauve à l’améthyste.

Décidément, son pouvoir était vraiment puissant. Plus l’empereur recevait de coups, plus il perdait la raison et se laissait envahir par la peur, et plus le pouvoir d’Eoga s’amplifiait. Il s’agissait d’un cercle vicieux que j’avais moi-même subi face à lui.

Son Essence, la peur… Maintenant, il la contrôlait parfaitement, sans se laisser consumer par elle comme précédemment. Sur le moment, je n’avais pas trop compris pourquoi… mais ensuite, tout est subitement devenu clair.

Dès le début, Stellaos savait que le pouvoir d’Eoga était puissant mais incontrôlable : il l’avait vu des années plus tôt. L’empereur, en lui donnant une de ses bagues, offrait au fils de madame Lordarc une chance pour que ses fautes (involontaires) soient oubliées, une chance pour vivre dans un endroit meilleur et surtout : une chance pour sortir sa mère de sa condition. En acceptant ça, en devenant Dæmonium, le Premier Cadre Supérieur, a, sans le vouloir, imposé une limite à ses pouvoirs afin de ne pas devenir inutile pour Stellaos ; car si cela arrivait, il ne pourrait plus protéger celle qu’il aimait tant. Eoga s’est finalement rendu compte qu’il pouvait le maîtriser lui-même, sans l’aide de l’empereur. L’ex-Cadre a enfin réalisé qu’il aurait besoin de tout son pouvoir pour vaincre celui qui le retenait et que, contrairement à ce qu’il pensait, la clé pour se contrôler était sa mère, tout ce qu’il avait enduré pour elle, et non Stellaos. Son ancien maître le savait, j’en étais sûr. Mais heureusement, cela se retournait contre lui.

Quant à Liam, sa colère rivalisait avec celle de son compagnon. La colère d’avoir dû tuer son frère contre sa volonté, la colère d’avoir trahi les siens et d’avoir rejoint un dirigeant aussi cruel que Stellaos, la colère d’avoir dû supporter ses agissements ainsi que la haine de Minehi pour la protéger elle et son fils toutes ces années… Cette colère était bien réelle, sans l’ombre d’un doute. Cette fois, Liam en était sûr : Stellaos n’échapperait pas à son châtiment.

Celui qui occupait auparavant la place de chef de la prison secondait parfaitement Eoga. Ou était-ce l’inverse ? Les deux combattants échangeaient si facilement de place que j’avais presque de la peine pour notre adversaire. Quand Liam lançait un sort, Eoga passait en première ligne en donnant des coups de faible portée avec sa fumée et, inversement, quand Liam le blessait avec son trident d’or, Eoga restait derrière en favorisant l’immobilisation et les assauts de loin.

Comme je le disais, heureusement que je ne pouvais pas intervenir : c’était leur combat.

L’empereur, complètement paniqué, en a eu marre de ne faire que prendre des coups ; il a éloigné les deux d’un coup de sceptre maladroit et, pendant son geste, la poussière d’étoile s’est rassemblée au-dessus de lui pour former les signes du Cancer et du Lion. Au même moment, le froid glacial et la neige ont disparu, laissant place encore une fois à une nuit d’été. L’empereur avait vraiment une expression atroce ; mélangeant terreur absolue et colère noire, il aurait pu faire peur à n’importe qui. Cela ne l’a pas empêché de continuer son sort.

La poudre stellaire l’a de nouveau recouvert sous une carapace étincelante armée de pinces et de griffes embrasées géantes de la même matière (mais sans bouclier d’eau, cette fois, ce qui m’a un peu surpris). Eoga et Liam se retrouvaient à face au combo ultime de Stellaos. Malgré tout, les deux compagnons d’armes ne semblaient pas plus impressionnés que ça, au contraire, leur détermination se renforçait encore plus. L’ennemi a invoqué d’innombrables crabes aqueux avant de se précipiter vers eux. Eoga s’est occupé sans difficulté de ces derniers à l’aide d’un nouveau sort : invoquant une sphère dans les airs qui a explosé en des milliers d’aiguilles spectrales couleur améthyste dans tous les sens. La légion de monstres a été décimée instantanément. Curieusement, plusieurs d’entre elles m’ont atteint sans me faire le moindre mal. Aucun doute, il maîtrisait vraiment ses capacités à présent !

Liam parvenait à tenir tête aux griffes et au Stellaos-crabe. Il avait un peu de mal bien sûr, et subissait des dégâts de temps en temps, mais rien de bien significatif. Comme quoi, j’étais peut-être à bout mais, heureusement, l’empereur aussi : ses attaques se faisaient moins précises, plus lentes et bien plus faibles. L’ex-maréchal pouvait donc résister aux assauts de plein fouet et contre-attaquer violemment par derrière avec son trident, privilégiant la carapace, l’endroit où se trouvait l’adversaire. Bientôt, le visage ainsi qu’une partie du corps de Stellaos était devenu visible : trop de poudre stellaire avait été perdue.

Au bout d’un moment, Eoga et Liam ont senti que Stellaos était suffisamment faible. D’un commun accord, il se sont élancés vers lui pour l’assaut final. Eoga a placé une main au sol avant de se concentrer. Sa fumée a tapissé le sol autour de lui d’un nuage relativement épais avant de s’étendre jusqu’au maître du zodiaque. Pendant que Stellaos regardait cette brume d’un air inquiet, Liam courrait vers lui à une vitesse incroyable malgré son armure.

-         Liam ! a hurlé Eoga.

-         C’est entendu !

Pendant sa course, le guerrier a approché son trident du sol avant de le retirer : une partie de la brume recouvrait entièrement l’arme, comme un cocon.

Stellaos a essayé de réduire Liam au silence avec ses griffes enflammées et ses pinces, mais chacune de ses tentatives a échoué quand une lance spectrale a jailli de la brume en-dessous d’eux, embrochant ses membres.

Stellaos était impuissant face à l’attaque d’Eoga et Liam, bien déterminés le vaincre. Il le savait, pourtant, dans un élan de désespoir face à sa défaite proche, il a quand même essayé de les dissuader :

-         Vous n’arriverez à rien et vous ramperez devant moi, comme d’habitude !

Liam ne s’arrêtait pas de courir.

-         Je détruirai tous ceux qui vous sont chers, vous m’entendez ?! Ils mourront dans d’atroces souffrances !

La fumée était à présent bleu persan.

-         Ta mère sera la première sur ma liste, Dæmonium !

Eoga ne relâchait pas sa concentration le moins du monde, captant la peur grandissante de l’empereur. 

-         Quant à toi, tu mourras comme le misérable que ton frère était !

Liam a armé sa frappe. Eoga a levé les bras. Les deux ont crié d’une même voix, exprimant toute la rancœur à l’écart de leur tortionnaire, toute leur haine envers cet être cruel que l’empereur était, une voix qui n’était pas seulement la leur, mais également celle de tous ceux qui avaient souffert pendant des années sous son joug :

 

« VA AU DIABLE, STELLAOS ! »

 

Celui qui répondait au nom de Dæmonium a invoqué un cône brumeux immense a transpercé le reste de carapace de l’empereur.

Au même instant, l’ex-maréchal a attaqué l’ennemi à l’aide de son trident enchanté avec une puissance surhumaine.

J’ai ressenti une rafale de vent malgré les mètres qui nous séparaient. Un hurlement de douleur a retenti…

Puis plus rien.

Le silence a soudainement envahi le village.

En regardant autour de moi, je me suis enfin aperçu d’une chose : les habitants s’étaient rapprochés. Je ne savais pas depuis combien de temps ils étaient là ; mais j’étais sûr qu’ils avaient tous vu l’attaque finale d’Eoga et Liam.

Tout le monde, moi y compris, retenait son souffle, redoutant une autre attaque de Stellaos ou n’importe quoi d’autre.

Les gens, pendant plusieurs secondes, affichaient une expression incrédule, comme s’ils peinaient à croire ce qu’ils venaient juste de voir.

Comme s’il était impensable de voir Stellaos, à terre et très blessé, incapable de faire quoi que ce soit.

Comme s’il ne s’agissait que d’un rêve.

Et pourtant, non.

Le maître du zodiaque gisait bien au sol, juste devant Eoga et Liam, guerriers autrefois à son service, qui le regardaient d’un air méprisant.

Après des années d’injustices et de tristesses…

Après des années de pleurs et de trahisons…

Stellaos avait été vaincu.

Les villageois ont explosé de joie. Partout où je tournais la tête, des femmes embrassaient leurs enfants, certains se prenaient dans leurs bras, d’autres encore sautaient de joie. Il ne restait plus aucun Trinovas et les gardes restants ont tous rendu les armes. À part eux, tout le monde était heureux. Enfin !

Aussitôt, plusieurs personnes se sont précipitées vers Liam et lui ont demandé son nom, avant de l’acclamer tel le héros qu’il était : « Vive, Liam ! Notre sauveur ! » à plusieurs reprises. Il n’avait pas retiré son casque mais je pouvais sentir son malaise jusqu’ici. Il leur répétait qu’il n’avait pas été tout seul et lorsqu’il leur a parlé de moi et des autres, ils se sont rués vers nous.

Thomas était toujours inconscient : le combat contre Magnus l’avait vraiment vidé. Mais à part ça, malgré ses blessures, il semblait aller bien ! Yuki et Lea étaient encore assez en forme après tous ces combats, et ce, même après avoir vaincu leurs Cadres Supérieurs respectifs : Bullet et Twice. Heureusement pour les soldats qu’aucun d’entre eux n’a tenté quoi que ce soit, parce que ces deux-là auraient bien pu leur régler leur compte.

Voyant mon sale état, certains des gentils habitants ont même essayé de m’aider ! Mais ce n’était pas la peine : Lea est venu et m’a porté sur son dos, comme si j’étais un bébé.

-         Reste avec nous, Roxas. Tu t’es vraiment bien battu.

Même Yuki, d’habitude très silencieuse, s’est sentie obligée d’ajouter :

-         Deux Keyblades… a-t-elle commencé avec un ton admiratif. Quelle puissance !

Je n’ai pu leur répondre que par un sourire. Pendant que Lys s’occupait de prendre Thomas, Kain, de son côté, portait Dingo. Mon pauvre compagnon était encore dans les vapes, trop épuisé et amoché par les combats. Il avait vraiment fait du bon boulot, comme nous tous !

Mais en particulier Liam et Eoga. C’était grâce à eux que Stellaos avait enfin perdu et la foule tout autour de nous qui scandait nos noms le savait. Le seul bémol, c’est que les gens semblaient esquiver Eoga ; il ne s’en plaignait pas, mais je sentais bien que ça le tracassait un peu.

Sa mère est rapidement venue vers lui aussi vite que lui permettait son fauteuil roulant pendant que Lea, Yuki, Kain, Lys et moi-même nous rapprochions de Liam et lui.

-         Tu as réussi, mon ange, a félicité madame Lordarc. Je suis si fière de toi !

Son fils s’est approché d’elle, s’est agenouillé pour être à sa hauteur et l’a laissé toucher son visage avant de prendre sa main dans la sienne. Ce dernier a baissé la tête.

-         Je suis désolé, maman. (Sa voix s’est brisée.) Je t’avais promis que plus rien ne t’arriverait… mais à cause de moi, tu as failli… tu as failli…

Madame Lordarc a essuyé une larme qui perlait sur la joue de son fils.

-         Mon ange, a-t-elle répondu avec douceur, ce n’est pas ta faute. Je sais bien que toutes ces années à servir l’empereur n’ont pas été faciles pour toi. Je sais aussi que tu t’es sacrifié pour moi pendant tout ce temps alors…

Eoga a pu de nouveau la regarder.

-         … sois fier de toi comme je le suis. Je t’aime.

La mère et le fils se sont pris dans les bras, enfin heureux de ne plus avoir à subir un quelconque châtiment injuste. J’ai pu voir le sourire d’Eoga et, pendant quelques instants, je me suis rappelé l’enfant joyeux sur la peinture de leur maison.

Profites-en, pensais-je, tu le mérites.

Heureusement pour nous, ce n’était pas la seule belle scène à laquelle nous avons eu droit. Minehi et Eeal, indemnes à mon grand bonheur bien qu’un peu fatigués, nous ont rejoint, esquivant comme ils le pouvaient la foule d’habitants qui fêtaient la défaite de Stellaos. Quand la guérisseuse est arrivée à notre niveau, son regard a croisé celui de Liam, maintenant libre de son heaume. Son expression était complètement différente de ces derniers jours : elle ne regardait plus Liam avec haine, mais avec beaucoup d’admiration. Elle a voulu s’exprimer, mais quelque chose semblait l’en empêcher, comme si elle ne savait pas trop quoi dire. Ce que je trouvais parfaitement logique après des années à le détester.

C’est Liam qui a engagé la conversation.

-         Vous allez bien, tous les deux ?

-         O… Oui, a timidement répondu Minehi.

Un silence s’est installé entre eux. Eeal regardait tour à tour sa mère et son oncle sans comprendre. J’avais vu juste, elle ne savait pas encore comment réagir avec Liam.

Après plusieurs secondes, Minehi a repris la parole.

-         J’ai tout vu, Liam.

Son interlocuteur a levé un sourcil.

-         De quoi parles-tu ?

-         J’ai vu comment tu épargnais les soldats malgré le fait qu’ils essayaient de te tuer.

Liam a regardé ailleurs.

-         Notre seul ennemi était l’empereur, a-t-il répondu. Personne d’autres.

-         J’ai vu comment tu essayais de nous protéger.

-         C’est ce qu’Aythan voulait.

-         Et surtout, j’ai vu comment tu as vaincu Stellaos.

-         J’ai eu de l’aide.

Bon sang, Liam, il fallait accepter ses compliments ! Si seulement j’avais pu parler à ce moment-là…

Ils se sont regardés un long moment, puis lorsque Minehi s’apprêtait à dire quelque chose :

-         Vous… vous… agenouillerez… devant… moi…

Stellaos avait repris ses esprits.

-         Il est coriace, celui-là, a commenté Lea.

-         Ne peut-il pas juste se taire ? a ajouté Yuki, exaspérée.

-         Ça peut s’arranger, a répondu Minehi.

Elle s’est avancée vers lui en prenant le trident de son beau-frère au passage. Minehi avait du mal à se déplacer avec, vu le poids de l’arme, mais ça ne l’a pas empêché de faire ce qu’elle avait à faire.

Stellaos l’a vu venir et a continué à proférer des menaces qui paraissaient impossibles à réaliser dans son état actuel. La guérisseuse l’a fait taire d’un coup du manche du trident au visage. Je me suis noté dans un coin de la tête de ne jamais l’énerver.

Ensuite, d’un geste naturel, elle a rendu l’arme à son propriétaire en lui adressant un regard lourd de sens.

Les habitants nous regardaient tous, et en particulier Liam. L’étoile sur son heaume semblait briller de façon surnaturelle… ou était-ce juste une impression ?

Le message était clair, et Liam l’avait compris.

Il a pris une grande inspiration, puis a déclaré d’une voix forte :

-         Peuple de l’Empire de la Poussière d’étoiles ! Pendant des années, vous avez souffert de la domination d’un gouvernement autoritaire et cruel. Vous avez perdu des êtres chers, emprisonnés injustement ou tués sous vos yeux sans que vous ne pussiez rien y faire…

Il a marqué une pause, lançant un regard à Minehi. Cette dernière a hoché la tête pour l’encourager.

-         Mais c’est terminé ! a-t-il repris sur un ton enthousiaste. Dès aujourd’hui, il n’y aura plus de Cadres ou de Fournisseurs et tout le monde travaillera d’égal à égal. Je vous en fais la promesse !

-         Et l’empereur ? a demandé quelqu’un dans la foule. Qu’allons-nous faire de lui ?

Visiblement, Liam s’attendait à cette question.

-         Stellaos répondra de ses actes en étant emprisonné jusqu’à la fin de ses j…

Immédiatement, des protestations ont éclaté parmi les habitants. Ces derniers demandaient que l’empereur soit exécuté sur-le-champ ou devant tout l’empire et ce, lentement et dans la douleur. J’ai eu du mal à croire ce que j’entendais. De tels déferlements de haine… J’avoue que c’était assez nouveau pour moi.

Liam ne parvenait pas à ramener le calme malgré de nombreux efforts. Kain et Lys l’aidaient mais cela ne changeait pas grand-chose.

-         Silence ! a fait une voix féminine.

Christa Lordarc s’est avancée devant eux. Malgré sa condition, je pouvais sentir une aura particulière émaner d’elle. La mère d’Eoga semblait indignée par leur comportement.

-         Vous n’avez pas honte ?

-         Mais, a fait l’un d’eux, madame Lordarc…

-         Ces jeunes gens (elle nous a désigné) se sont battus au péril de leur vie pour nous sauver alors qu’ils ne viennent même pas d’ici. Mon fils et cet homme, ont choisi de trahir l’empereur malgré les risques – que vous connaissez très bien – pour atteindre ce but. Tous ont affronté et vaincu les Cadres Supérieurs et leur maître, un exploit qui n’a jamais été réalisé depuis l’avènement de Stellaos. Alors écoutez-les !

La plupart des villageois se sont gratté la tête, gêné. Puis, d’un même mouvement, ils ont regardé Liam. J’ai remercié intérieurement madame Lordarc pour son intervention. Elle l’avait beaucoup aidé, cette brave dame !

-         Croyez-moi, je comprends ce que vous ressentez, a repris Liam. Stellaos m’a obligé… (son visage s’est assombri) à mettre fin à la vie de mon propre frère il y a longtemps. Je me suis engagé dans l’armée impériale pour respecter la promesse que je lui avais faite ce jour-là. Avec les années, contraint de suivre ses ordres sous peine de mettre les miens en danger, j’ai fait des choses horribles que je ne me pardonne toujours pas aujourd’hui. Au bout d’un moment, ne pouvant plus le supporter, j’ai commencé à réfléchir à plusieurs moyens de le destituer. La tâche me paraissait impossible… jusqu’à l’arrivée de ces braves enfants.

-         « Enfants » ? a répété Lea, indigné. Je vous signale que j’ai…

-         Chut, a fait Yuki.

Ignorant la remarque de mon ami, Liam a repris son discours :

-         … et aussi grâce à Eoga Lordarc, qui a été dans la même situation que moi.

Quelques regards méfiants ont fusé vers notre nouvel ami pendant que des chuchotements parcouraient la foule. En le regardant, je me suis aperçu que le concerné hésitait à dire quelque chose. Du peu que j’ai réussi à entendre, certains se demandaient s’il était vraiment digne de confiance ou encore s’étonnaient d’apprendre que l’ancien Premier Cadre Supérieur était en fait le fils de Christa Lordarc. Minehi a coupé court à leurs discussions.

-         L’ex-empereur ne doit pas mourir tout de suite. Ce serait trop facile.

-         Exact, a renchéri Liam. Il passera le restant de ses jours emprisonné dans l’Abîme, contraint à voir son énergie vitale aspirée, à travailler pour améliorer le territoire mais aussi à voir les personnes qu’il a traumatisé s’en sortir malgré tout ce qu’il a fait.

-         De cette façon, a enchaîné la guérisseuse, nous lui montrerons qu’il n’est rien du tout.

Le silence est tombé parmi nous.

Minehi, Liam et les autres ont échangé un regard inquiet.

Lea et Yuki restaient silencieux.

J’ai espéré intérieurement qu’ils seraient d’accord avec ça, sinon, ça allait être difficile à gérer.

Soudain, d’un même mouvement, ils se sont mis de nouveau à nous acclamer, mais Liam et Minehi en particulier.

-         Vive Liam ! Vive notre nouvel empereur !

Ce dernier, complètement surpris par ses paroles, a essayé de protester, jusqu’à ce que sa belle-sœur le fasse taire avec un petit coup de coude. C’était l’issue naturelle à tout ça, après tout !

Après plusieurs secondes sans que le guerrier puisse en placer une, il s’est finalement résigné. Il a regardé une nouvelle fois Minehi puis Eeal. Il a serré son trident. Sa décision était prise.

Il a levé son arme d’un geste triomphant avant de déclarer de toutes ses forces :

-         POUR L’EMPIRE !

Ce n’était pas un cri de guerre, mais plutôt un cri de détermination. Une volonté de rendre la vie meilleure pour les siens, et pour le reste de leur monde.

Les ovations ont encore explosé de tous les côtés et la bonne humeur a de nouveau envahi les lieux. C’était vraiment beau à voir. Toutes ses expressions de joie, ces rires, ces larmes de bonheur… Ils le méritaient, après des années de souffrance.

Il s’agissait de la dernière vision que j’avais eu avant de céder complètement à la fatigue. Je me souviens que la dernière pensée que j’avais eue, était que les étoiles brillaient de mille feux dans cette belle nuit. Comme si même le ciel se réjouissait de la fin du règne du tyran. 


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