Le Géant de Sucre et la Poupée de Feu

« Cher Journal,

Une nouvelle vie commence, le collège est définitivement derrière moi. Quand j’étais petite je m’étais imaginée grande, belle et gracieuse à mon entrée au lycée, une vraie lycéenne quoi. Au lieu de ça je ressemble toujours à une espèce de petite fille un peu bruyante…

Mais ce n’est pas de mon problème existentiel dont je voulais te parler. Aujourd’hui j’ai fait la rencontre d’un jeune homme pour le moins déroutant. DEROUTANT BIZARRE BIZARRE. Il était très grand, et m’a fait des réflexions assez étranges (il était plutôt mignon mais ça on s’en fiche). Puis il m’a pris dans ses bras après m’avoir renversée dans le couloir, quel malpoli ! (bon ok… C’est moi qui l’ai percuté…). Il a voulu m’emmener à l’infirmerie puis… Il s’est approché… »

Yumi tomba à la renverse sur son lit, le stylo encore à la main, écarlate. Elle n’aurait jamais imaginée que son premier jour commencerait d’une façon si déstabilisante. Qu’est-ce qu’il pouvait bien avoir dans la tête à s’approcher d’elle comme ça sans aucune gêne. Dans l’après-midi elle s’était un peu renseignée. Elle savait que le lycée avait un club de basket, il ne pouvait qu’en être membre, un club pour le moins brillant de ce qu’elle avait pu en apprendre. Il s’appelait Murasakibura Atsushi et était en seconde année.

« Sentir les cheveux de quelqu’un que tu ne connais pas, ce n’est pas bizarre cher journal ? Il n’avait pas l’air méchant… Enfin je veux dire il était juste étrange, il ne m’a pas fait de mal, j’aimerais bien en savoir un peu plus sur lui… »

Atsushi de son côté attendait dans une salle pleine de chaises et d’une table avec de vieux magazines, une musique d’ambiance douce. La salle d’attente du psychologue.

« Mr Murasakibara ! »

Comme à son habitude la psychologue, Mme Murada lui posa tout un tas de question « Comment ça va ? » « Ça se passe bien avec tes camarades ? Et à la maison ? » Puis elle lui demandait de dessiner, c’est ce qui fonctionnait le mieux avec lui.

Atsushi n’était pas autiste, mais il vivait quand même dans son monde merveilleux et coloré, comme une barrière qu’il avait érigé entre lui et le monde à la mort de ses parents. Mme Maruda appelait ça des « troubles d’ordres sociaux », ce qui aurait pour se résumer par l’expression « handicapé social ». Atsushi ne connaissant pas sa place dans le monde, et avait du mal à comprendre celle des autres, ce qui pouvait le rendre un peu étrange et un peu hermétique. Ce désordre social ne l’empêchait pas de se faire des amis, il attirait une certaine sympathie attachante avec cette bizarrerie.

« Alors voyons voir. » Dit-elle en saisissant le dessin.

Il avait encore dessiné des confiseries, des boites de jeu vidéo, un arc en ciel et des mangas. Mais une confiserie ressortait plus que les autres au centre de la feuille, ce qui n’échappa pas à l’œil d’experte de la psychologue.

« Mursaki, ce chocolat a-t-il quelque chose de spécial ? »

« Ahh… Je ne sais pas. » Répondit-il de son ton blasé habituel. «  Il a l’air un peu différent ce chocolat, j’aimerais bien pouvoir le manger. »

« Et pourquoi ne peux-tu pas manger ce chocolat Murasaki ? »

« Parce qu’il m’a échappé des doigts, ce tout petit chocolat. » Dit-il en détournant le regard.

« Est-ce que ce chocolat porte un uniforme de lycéenne ? » Ajouta de plus en plus amusée Mme Maruda qui avait bien compris l’origine du trouble du jeune homme.

C’était souvent le cas avec ses jeunes patients atteints de troubles sociaux, comment comprendre la complexité de ce types de sentiments, qui laissent tout le monde démunit, quand nos pensées sont déjà floues.

L’entretien se déroula comme à son habitude, calmement, le dialogue était devenu naturel entre eux après 10 ans de consultations.

« N’oublie pas Murasaki, quand tu n’arrives plus à comprendre tes pensées, n’hésite pas à demander à une personne de confiance »

Atsushi hocha la tête à nouveau blasé et perdu dans son petit monde qui tournait dans tous les sens.