L'Envol

Ça y est. Je n'arrive pas à y croire. La cérémonie du choix est arrivée. C'est ce soir. Pendant trois ans, on s'est entraînés dur pour survivre plus tard. Ce soir, on va nous demander de choisir si on veut passer notre vie à l'intérieur des murs, à l'extérieur ou au milieu, sur les murs. Je suis allongée sur mon lit, pensive, quand Eren entre brusquement :

Salut Adèle ! Tu as vu Mikasa ?

Non désolée.

Ok, c'est pas grave. Mais, qu'est-ce que tu fais là ?

Je lui lance un regard ironique :

Je tue des gens, quelle question !

Ha ha, très drôle. Ah, je sais, tu ne sais pas ce que tu vas choisir !

Si, le bataillon d'exploration.

D'ailleurs, pourquoi tu veux l'intégrer ? Moi c'est pour exterminer les titans, mais toi ?

Bonne question...

Il ne dit rien, me laissant continuer :

Je crois que... C'est parce que je leur dois la vie. Il y'a cinq ans, à Shiganshina, je suis tombée du mur. C'est un soldat du bataillon qui m'a rattrapée. Je me sens... Obligée de leur rendre ce geste, je crois.

Tu ne devrais pas l'intégrer juste par sentiment de devoir, tu sais. C'est ta vie que tu met en jeu.

Ma vie, c'est eux qui me l'ont rendue. Et, de toute façon, continuais-je en me redressant, même si j'avais des doutes avant, la tridimensionnalité les a enlevés. Avec, on a une chance de vaincre les titans.

Oui, tu as raison, aquiesca t-il.

Puis il reparti à la recherche de Mikasa. J'aurais peut-être dû le remercier. Il m'avait permis de mettre mes motivations au clair. J'étais sûre de moi.

Le soir tombait. Sur l'estrade en face de nous se trouvaient des officiels que je ne connaissais pas. L'homme du centre pris la parole :

Soldats. Aujourd'hui, il est temps de choisir votre orientation. Trois choix s'offrent à vous : la garnison des murs, le bataillon d'exploration et les brigade spéciales, que seuls les dix majors de la promotion pourront choisir. Je vais donc annoncer les dix premiers ! Par ordre décroissant :

Sacha Braus !

Conni Springer !

Marco Bott !

Jean Kirschtein !

Eren Jäger !

Annie Leonhart !

Bertholdt Hoover !

Et enfin les trois premiers...

Adèle Asada !

Reiner Braun !

Mikasa Ackerman !

J'avais à peine entendu les deux derniers noms. J'étais troisième ! J'avais sans doute perdu des points à cause de mon manque de technique. Après trois ans, j'y allais toujours au feeling. Je me demande à quel point ça évoluera face aux vrais titans... Aucune idée. On demande aux dix majors de la promotion de se mettre en ligne devant. Tout en me plaçant, j'observais discrètement les autres. Ils avaient tous l'air fier et surtout, digne. J'essayais de les imiter. Mais ce serait demain le vrai choix.

Le lendemain soir, nous étions à nouveau alignés devant la major Erwin, monté sur l'estrade. Il commença son discours. Quand il expliqua qu'il faudrait reprendre le mur Maria, ça allait encore. Mais j'ai observé les têtes des autres. À partir du moment où il a commencé à énoncer les chiffres, les survivants et les morts, les soldats à côté de moi perdirent toute motivation. Lorsque le major se tut, je sus que peu de soldats resteraient. Je vis ceux que je connaissais hésiter. Sacha. Conni. Jean. Eren, sûr de lui, Mikasa à ses côtés. Enfin, il ne resta presque que des soldats que j'avais connu. Eren, Mikasa, Armin, Sacha, Jean, Conni, Bertholdt, Reiner, Christa, Ymir. Le major nous regarda et demanda :

Est-ce que vous êtes prêts à mourir si on vous le demande ?

Eren cria aussitôt :

Je ne veux pas mourir !

Waouh. Je ne pensais pas qu'il irait aussi loin. Mais cela eut l'air de plaire au major Erwin.

Très bien, dit-il avant de prononcer la phrase qui scellerait notre destin :

Vous êtes désormais des soldats du bataillon d'exploration !

Après la cérémonie, nous sommes rentrés dans nos dortoirs. En contemplant notre chambre, je me rendis compte que c'était la dernière fois que j'y dormais. Ensuite, nous déménagerions vers les quartiers du bataillon. Je sentis que je n'allais pas facilement m'endormir ce soir.

En effet, à une heure du matin, je cogitais toujours. N'y tenant plus, je me levais et sortis à l'extérieur. Je décidais d'aller faire un tour sur la falaise. J'y étais souvent venue, durant ces trois années, parce que je ne dormais pas, ou juste pour regarder le crépuscule. Je traversais la forêt avant d'atteindre mon but et de m'agenouiller. Je pris le temps de me calmer. Une demi-heure plus tard, quand je rentrais dans mon dortoir, je m'endormis presque aussitôt.

Adèle !

Le lendemain je fus réveillée par la voix de Sacha. En voyant que j'ouvrais les yeux, elle me dit :

Mais tu t'endors à quelle heure, pour dormir autant le matin ? Bref, il est sept heures, Mikasa est déjà partie manger, tu nous rejoint là-bas !

Sans attendre de réponse, elle fila vers le réfectoire. Pas étonnant de sa part... Je me levais et me préparais le plus rapidement possible.Enfin, rapidement, se faire un natte collée à l'arrière de sa propre tête en cinq minutes, c'est pas gagné ! Heureusement, j'avais l'habitude. J'attachais toujours mes cheveux comme ça. Dix minutes plus tard, je rejoignais les autres au réfectoire. Mikasa m'expliqua que les recrues des brigades spéciales et de la garnison du mur étaient déjà parties.

Waouh, c'est tôt ! Il est à peine sept heures et demie... commentais-je.

Tu veux de l'eau Adèle ? me proposa Jean.

Euh... Oui, merci... répondis-je, un peu désarçonnée par sa question. Jean prévenant, c'était louche. D'ailleurs Jean, pourquoi tu as choisi le bataillon d'exploration ? lui demandais-je avant de boire machinalement une gorgée d'eau.

Et de la recracher aussitôt.

Elle est salée ! JEAN TU VAS ME LE PAYER !

Je lui balançais le contenu de mon verre par dessus la table. Il se leva vivement mais ne put éviter que la chemise informe qui lui servait de haut soit tachée. Il me cria:

T'es sérieuse ? T'as vu ma chemise maintenant !

Ah, parce que ça c'est une chemise ? me moquais-je. Désolée, j'ai confondu avec le torchon !

Au bout de quelques minutes Mikasa intervint :

Jean, tu ferais bien d'aller te changer, il est moins le quart...

Ok, j'y vais... maugréa-t-il.

Mikasa se retourna vers moi :

Et toi j'imagine que tu n'as pas préparé tes affaires ?

Oups ! Je me dépêche !

Je sortis en courant. À vrai dire, je n'avais pas beaucoup d'affaires. Comme beaucoup de réfugiés, je n'avais rien pu emporter lors de ma fuite de Shiganshina. Je rejoignis Jean, un peu plus loin devant. À vrai dire, même en trois ans, je n'avais pas fais beaucoup d'efforts. J'avais déjà parlé à à peu près tous mes camarades qui avaient choisi le bataillon, mais le seuls que je côtoyais régulièrement étaient Sacha (quand elle était à peu près normale), Eren, et Jean, même si nos rapports se limitaient plus à se battre quand il me cherchait. Parfois je me sentais un peu à l'écart de leur groupe soudé, mais c'était en partie un choix. Je ne ressentais pas d'attachement particulier pour certains, alors je ne faisais pas d'efforts pour aller vers eux. C'était tout. Jean me remarqua et me dit :

Excuse toi pour ma chemise et je ferais pareil pour l'eau.

Sérieusement ?

Sérieusement. Alors ?

Non.

Il grogna et s'éloigna. Je secouai la tête. Des fois c'était vraiment un gamin.

Cinq minutes plus tard, nous étions réunis en ligne pour attendre l'arrivée du bataillon, qui nous emmena vers les quartiers où on allait vivre.