Le chant des étincelles

Chapitre 3 : Nuit décisive.

5050 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/11/2021 14:42



Lora Lambert




Étrangement, m’étais-je mis à prier pour que tout ce passe bien que chacun s’était petit à petit endormi. Tous s’étaient comme volatilisé dans un sommeil profond, me tendant une perche pour que tout se passe sans encombre. J’avais longuement réfléchis à comment aborder mon plan et les voir s’éteindre les uns après les autres pendant que je faisais semblant de dormir me réjouissait un peu plus. Et en même temps, un profond sentiment de culpabilité m’empoignait. 

Étais-je réellement prête à faire ça ? À laisser ces inconnus ainsi que mes amis avec en leurs mains un tel pouvoir et de telles responsabilités que moi même je n’arrivais pas à assumer. Au final, ce comportement qui me donnait vie reflétait en moi cette part d’égoïsme que je n’aurais montré à personne pour rien au monde. J’avais tenté mainte et mainte fois de cacher ce sentiment qui faisait revenir dans mon cœur une peur bleue, celle d’avoir à ma disposition un pouvoir dont moi même j’ignorais la puissance. 

Ce pouvoir dont j’étais encore ignorante m’effrayait. Allais-je devenir de la chair à pâté ? Que se passerait-il si le monde apprenait que les titans n’étaient pas bel et bien mort mais que leurs retour était dû à la simple chute d’une petite peste dans mon genre. Et depuis mon réveil dans ce lit à côté de ma sœur Hedwig, de mes amis Lewis et Kei et de ces inconnus, je ne faisais que devenir paranoïaque sur le sort qui me serait réservé si je devais être l’inquisitrice de ces pouvoirs. 

Tout ça était de ma faute et de la même manière que ce Eren Jäger qui était tantôt mal vu, tantôt vu comme un héros, je finirais également ma vie dans les limbes de l’histoire, n’étant tout de même qu’un petit grain de poussière dans celle du monde.

Je ne pourrais pas supporter le fardeau de ces pouvoirs, et malgré le faite que je puisse m’en vouloir pour des décennies et des décennies, je préférais le transmettre à mes amis tant je pourrais assumer que de telles responsabilités m’incombent. Je n’étais qu’une fille faible et lâche ne pouvant pas même comprendre les vertus de ces pouvoir. En d’autres termes, je n’étais pas celle qui devait être l’hôte du pouvoir des titans. Car si grand et imposant il n’était, je ne pouvais pas le garder pour moi toute seule. Une stratégie s’était alors imposée dans ma tête, celle de transmettre le pouvoir aux réceptacles se trouvant autours de moi. Et grâce à ces espèces de souvenirs entrevus dans « Le chemin » je savais quand et comment tout mettre en place. 


Alors que tout le monde s’était étrangement mis à dormir subitement, je passais un pied hors du lit. Personne ne réagit. Hedwig et Lyam s’étaient posés sur des chaises et, les livres toujours entres les mains, dormaient tous les deux les bouches ouvertes. Kei et Lewis s’étaient quant-à eux adossés au mur et avaient posés inconsciemment leurs têtes l’une sur l’autre tandis que Charlie et Kate formaient toujours un adorable couple, roupillant les mains croisées mais tout de même allongés sur le parquet en bois. 

Je sortais du lit. Mes habits de membre de la Brigade des conquêtes étaient comme flambant neuf, étrange quand on savait à quel point j’aimais les porter. L’uniforme comportait une petite veste grise ainsi qu’une chemise noire. Le tout était retenu par une sangle nous traversant le torse de l’épaule droite à la hanche gauche. Un pantalon nous arrivant aux genoux nous était aussi fournit et de longues chaussette beiges. Enfin, nous devions porter une paire de chaussures à crampons capables de mieux se planter dans la terre afin que les expéditions se fassent sans trop de problème. Le port d’une canne était aussi recommandé notamment lors de longues montées. 

Les membres avaient également le droit d’apporter avec eux un petit accessoire tel qu’un couvre chef ou des gants lors de l’hivers. Je savais que Kei aimait apporter avec lui un sorte de foulard bleu qu’il avait trouvé on ne savait où tandis que Lewis arborait fièrement un collier offert par Kei il y a de cela plusieurs années. Pour ma part il m’arrivait d’emmener une petit vestes à capuche lorsqu’il pleuvait mais elle restait bien dans notre chambre commune à Hedwig et moi. 

Pendant un instant, je repensais à cette petite maison cachée dans les ruines de Shiganshina. Cette petite maison dans laquelle vivait paisiblement une petite famille. Et dire que cette petite famille n’était sûrement plus que cendre et pleurs. 

Au final, repenser à ce que je m’apprêtais à faire me rendait encore plus coupable et provoquait en moi une tristesse sans précédent. Mais il me faudrait aller à ce qu’il restait de Shiganshina malgré le fait que des soldats Mahr s’y trouvaient afin que tout se déroule sans encombre. 

Je prenais mon courage à deux mains et marchais vers la porte menant à l’autre salle. Au premiers pas que je fis, une douleur s’accentua dans mon pied droit. En le regardant, je remarquais qu’une sorte de petit trou s’était créé dans la chaussure au niveau du talon. De ce petit trou s’échappait une épaisse fumée grise remontant jusqu’au plafond. Regardant la plaie s’étant formée, je compris qu’elle était apparut suite au coup de feu et à la chute. Bizarrement, j’arrivais à me souvenir de cet instant ou mon corps avait basculé et s’était écrasé contre l’eau mais la souffrance que j’avais enduré de la balle ne me revenait pas à l’esprit. Quoi qu’il en soit, cette régénération était bien celle dont Charlie avait fait allusion quelques heures plus tôt alors que tout le monde cherchait dans les manuels. J’étais bel et bien détentrice de ce satané pouvoir, du moins plus pour longtemps. 

Voir cette plaie se refermer sur elle même en si peu de temps me glaça le sang. Mes dents se serraient doucement et crissaient légèrement sous la force de ma mâchoire. 

Je reposais mon pied au sol non sans souffrance et ouvrais la porte, découvrant au passage une petite salle excentrique. À ma gauche s’étendaient des marches d’escaliers montant vers un autre étage inconnu. Sur ces dernières dormaient Enos, un couteau entre les mains tandis qu’à ma droite, assise sur une petite chaise semblable à celle d’Hedwig, se reposait une jeune femme aux cheveux roux et bouclés lui tombant aux épaules. Son visage aux doux traits fins faisait penser à ceux de poupées. Erna attendait là que quelque chose arrive. Ses yeux reflétaient le gris resplendissant de ses iris malgré le fait que ses paupières soient fermées. 

Les deux somnolaient à poings fermés, certes dans des positions très différentes mais toujours sans remarquer ma présence. Alors toujours en restant très silencieuse, j’ouvrais la porte principale et m’échappais de la maison des Boyle. La nuit et les ténèbres me faisaient désormais face et faire marche arrière n’était plus une option. Je m’étais moi même condamnée à un destin tragique me permettant au moins de ne plus avoir à subir le fardeau de ce pouvoir incontrôlable. 

Je m’étais alors élancé dans les forêts environnantes, là où chaque arbre, chaque buisson voire même chaque racine pouvait abriter un danger plus grand encore que ces centaines de soldats Mahr déboulant encore à cette heure sur Shiganshina. Je les entendais crier de toute leurs forces malgré la distance nous séparant, et pourtant, je continuais de descendre la colline nous liant aux ruines. 

Je n’y voyais vraiment rien, et il m’arrivait souvent de trébucher sur quelques roches ou branches déposées çà et là. Du moins, je me rattrapais toujours et ne m’arrêtais pas dans ma marche. J’avais encore du mal à me rendre compte de ce que je m’apprêtais à faire. J’avais beau avoir planifié une stratégie afin de ne pas supporter ce fardeaux, je n’arrivais toujours pas à comprendre réellement ce qui allait se passer. 

J’étais très sereine et calme. Du moins, avant que je n’arrive aux ruines de Shiganshina. 

Je me souviendrais toujours de cette matinée d’été où, rentrant d’une expédition s’étant plutôt bien déroulée, j’avais fait la rencontre de cet étrange personnage. Je ne connaissais ni son nom, ni son âge, ni ses goûts et pourtant dès notre premier échange de regard, j’avais comme subie un ensorcellement. Une certaine alchimie s’était instantanément créée entre nous et elle s’était même mit à m’appeler « Sœurette » comme si nous avions toujours fait parti de la même famille. Mais j’appréciais comme il se fallait ce petit surnom et nous coulions des journées heureuses ensemble. Lorsque je revenais de mes expéditions, elle avait le chic de m’attendre à la maison, elle et Hedwig qui prenait le soin de ne pas me notifier de sa venue. C’était alors toujours une surprise de la voir débouler dans la pièce principale, un grand sourire aux coins des lèvres. 

Parfois un soupçons de mélancolie se mélangeait à son humeur et il en résultait des rencontres moins joyeuses et plus sérieuse. Elle aimait cependant me raconter ces quelques aventures vécues avec ses anciennes amies. Elle faisait partie des Serveurs et me contait avec une justesse incroyable les jeux qu’elle et ses copines organisaient. Je n’ai d’ailleurs jamais sue pourquoi ni comment elle avait perdu de vue ses camarades car elle même ne semblait pas le savoir. Alors je ne lui posais pas de question et me contentais de l’écouter, mes mains retenant mon menton et mon corps allongé sur un lit, les oreilles grandes ouvertes. 

Un jours seulement elle me révéla son âge. Dix-huit ans, soit cinq ans de plus que moi. Et malgré cette différence d’âge, notre relation devenait de plus en plus forte et me décrocher d’elle ne serait-ce qu’un seul mois aurait suffit à me mettre hors d’état de nuire. Alors nous nous rejoignions tous les mercredi soirs devant la statue brisées de cet « Armin Arlert » placée juste à côté de la fontaine principale de Shiganshina. 

Nous en avions passés du bon temps et me voir obligée de transmettre ce fléau à cette dernière me dérangea au plus haut point, cependant, il me faudrait lui donner ces responsabilités. 

J’étais enfin arrivée, après de longues minutes de marches, à un petit tournant m’amenant directement au centre de Shiganshina. Je suivais alors le petite chemin et arrivais à quelques décombres étalées par terre. Je les enjambais, me baissais pour passer en dessous de planches détruites et pénétrais enfin dans les ruines. De là où je m’étais arrêtée, la ville semblait normale. Devant moi se dessinait simplement une petite ruelle remplie de petites cabanes servant d’habitats. Un chemin horizontal me séparait de celle-ci. Je le traversais en prenant soin de rester accroupie et continuais ma route. 

Il y faisait si noir qu’il m’arrivait de me cogner contre des murs mais peu à peu, ma vision s’était habituée à rester dans la pénombre. J’étais désormais aussi habile, discrète et maline qu’un petit chat et me voir bondir d’un bout à l’autre des cachettes me donnait réellement l’air d’être un de ses petits félins que je chérissais tant. 

À un moment, j’entendis devant moi quelques bruissements. Automatiquement, je me rapprochais et tentais d’écouter les discussions. Je n’y voyais rien par peur d’être découverte mais je discernais la voix d’une vieille femme et de deux hommes. L’un semblait dodu tandis que l’autre avait une voix stridente très proche d’un crissement de porte. 

-Qu… Qu’est-ce que vous me voulez ?! 

-Où est-elle ?! beugla le gros.

-Mais de qui parlez-vous ?!

-Elle est têtue celle-la. Répond ou j’te flingue sur place !! rajouta l’autre.

La vieille femme sembla pleurer et s’agenouilla aux pied des deux inconnus. Une source de lumière illuminait la scène mais seul mes oreilles pouvaient témoigner de cet instant. 

-Putain de démons…

Un flash encore plus puissant que la lumière s’échappant explosa et un puissant claquement résonna dans mes oreilles. Puis, tout se calma. Le son d’une douille roulant sur le sol en terre se fit entendre et l’un des deux hommes rechargea son arme. Une petite fumée remonta le long du canon d’un des hommes et son odeur vint me percuter les narines. Cette odeur de poudre et de plomb me fit terriblement peur. 

-Tu t’occupes du corps ? demanda l’autre.

-Encore ? Je croyais que c’était ton tours !

-Ouais mais c’est moi qui l’ai buté, alors tu ramasses le corps. Allez, fait pas cette tête, la prochaine j’te la laisse. 

Les deux soldats se mirent à l’œuvre et récupérèrent le cadavre de la vieille dame. Puis, ils disparurent dans d’autres rues. Je continuais d’avancer mais une chose me dérangeait désormais plus qu’avant : la peur de mourir à tout instant. Et à intervalle régulier, des coups de feux étaient tirées un peu partout. Au moindre petite bruit environnant, je me cachais et ne faisais aucun bruit. Généralement, les soldats se contentaient de passer à côté de moi ou poursuivaient des Eldiens. Enfants ou père de famille, chacun y passait et tous laissaient derrière eux des immenses marres de sang. Et entre les bains de ce liquide pourpre et les pleurs résonnants un peu partout, il m’était désormais presque impossible de rester tout le temps concentrée. 

Comme propulsée par mes jambes, j’atteignais parfois une vitesse de pointe folle et calmais ensuite mes ardeurs en me plaçant derrière un baril ou une porte arrachée. La peur ne m’avait jamais autant fait bouger, si bien que, lorsque j’atteignais enfin cette maison totalement dévastée, j’étais à cours de souffle et de la sueur coulait le long de mon front et de mes jambes. Je suais de partout mais j’avais enfin réussi la première partie de mon plan.

Cette petite maison délabrée tenait presque autours de rien. Toutes les autres habitations, immeubles comme résidences individuelles, s’étaient retrouvées totalement détruite. Les murs s’étaient brisés et les toit, n’étant plus retenus, étaient alors tombés sans que quelque chose ne les retiennes. 

Devant moi s’étendait un Shiganshina inimaginable. Jamais je ne miserais dis que tout serrait autant détruit, que ces ruines déjà sévèrement amochées seraient autant mise à feu et à sang. Malgré la nuit, les quelques lumières portatives de soldats Mahr marchant tout autour de moi éclairaient plutôt bien et, malgré le fait qu’il soient très éloignés de moi et dispersés un peu partout, j’arrivais à discerner le bas des escaliers. 

D’ailleurs, cette maison me faisait énormément pensés à celles dessinées dans les livres qu’avaient étudiés les autres alors que je restais là, à les écouter parler de mon sort. Elle n’avait rien à voir avec les cabanes dans lesquelles nous étions habitués à dormir. Entre la maison des Boyle et celle-ci, je faisais décidément d’étranges découvertes en une seule journée. 

Un pied après l’autre, je descendais peu à peu vers le sous-sol tant convoité. Au bout de la troisième marche, un vent brusque me stoppa. Il s’échappait de la porte ouverte et vint également se glisser le long de mon cou. Le passage avait beau être totalement ouvert, je ne voyais en rien l’intérieur de cette cave froide et poussiéreuse. 

Aucune autre sensation ne me parvint si ce n’est une forte odeur désagréable lorsque j’atteignis la dernière marche. Puis, je reposais mon pied sur le sol presque intégralement recouvert de toiles d’araignées, heureusement que mes bottes me permirent de me protéger de ces nids à bêtes poilues aux yeux vermeils. Je fis quelques pas et arrivais devant le passage. L’odeur s’accentua et les contours de la pièce se dessinèrent. 

Elle était réellement branlante. Chaque meuble semblait aussi fragile qu’une feuille morte et tout pouvait chuter et se casser à tout moment. De la poussière et des toiles la recouvrait de partout et chaque pas fait rendait le prochain plus du r à supporter tant l’odeur impossible à supporter attaquait les narines. Je fus obligée de me boucher le nez pour ne pas tomber dans les pommes. 

Et, m’arrêtant pour réfléchir, j’en venais à essayer de me souvenir de ces rêves m’indiquant l’emplacement de ce que j’étais venu chercher. Un flash passa devant mon regard et, comme si j’avais revu tous les souvenirs d’un seul coup, je savais où trouver ce que je voulais. 

Alors j’avançais, toujours à pas de loup, tendant mes bras devant moi. Mon majeur toucha finalement un meuble et je reconnus immédiatement de par sa texture auquel j’avais affaire. Je posais alors mes deux paumes dessus, me baissais afin de coller mon oreille droite au sol crasseux et passais ma main dans le petit espace en dessous du meuble. J’y attrapais une petite boite rectangulaire fait de cuir et sur laquelle était inscrite un étrange signe sur le dessus. Mes bras la ramenèrent. 

Une fois relevée, je pouvais observer plus en profondeur ce boîtier dont le contenu ne m’était encore pas dévoilé. Néanmoins, je savais très bien ce que comportait cette petite boite. Et c’est d’un pas décidé que je quittais la cave, laissant derrière moi les sombres vices de cette salle décéder peu à peu. 


****


Le retour en ville fut évidement bien plus ardu. Devoir nous cacher, la boite et moi demandait réellement un effort de ma part et je sentais que, malgré le fait que ce pouvoir me rendait plus agile, il m’affaiblissait tout autant. Ou peut-être était-ce la peur de devoir le transmettre ou la culpabilité de trahir mes plus proches connaissances ainsi qu’à mes amis juste pour me permettre de vivre sereinement. 

Même après mures réflexions lors de mon escapade, je doutais encore de la fiabilité de ces hypothèses. Je gravissais pourtant la terre à un rythme soutenu pour que mon cerveau puisse tout gérer à la fois mais rien ne venait. J’avais peur et étais stressée et pourtant, je ne ressentais désormais plus l’envie de m’arrêter dans ma folie et d’accepter mon sort. Non, il me faudrait terminer ce que j’étais censée faire. Il me fallait déroger à ma règle, à mon poste et à ma vie pour qu’enfin je puisse bénéficier de ce petit paradis que tout le monde redoutait alors même que les Eldiens étaient les premiers concernés. 

J’enjambais encore une dizaine de racines, plaquais quelques feuilles sur leurs arbres, désépaississais le chemin et arrivais finalement à la petite clairière séparant la maison des Boyle à Shiganshina. 

Sans raison précise, je me stoppais dans ma marche. Écoutant le chant des oiseaux et les bruits clairs de l’eau roulant le long de pierres, je profitais d’un dernier instant de calme. Tout, ici, était apaisant. Rien que les bruissements de feuilles se mêlant dans les branches suffisaient à me faire oublier mes troubles, mes douleurs et mes peines. Tout s’arrêtait et, en ouvrant les yeux, je découvrais comme un autre monde. Une autre île du paradis, sans crainte, sans haine. Un havre de paix où régnaient calme et sérénité.

J’aurais voulue rester ici plus longtemps, alors comme adieux à cette forêt j’offrais mon regard. Je voyais les pétales tomber, la lune inégalable et flottante dans le ciel obscur comme une bille en verre. J’oyais les quelques hurlements restant venant de Shiganshina.

Ce spectacle, teinté de beauté ainsi qu’empoisonné par la corruption et la haine reflétait, en mon sens, parfaitement ce monde et les dangers que je rencontrais en le subissant. Je n’étais plus rien et ma fonction s’était alors résumée à être la mère porteuse de tout espoir de l’humanité Eldienne. 

Alors d’un pas décidé, je passais à travers le ruisseau. Il m’avait d’ailleurs fait pensé à celui que nous avions enjambés pour aller voir cet arbre. Ce satané arbre m’ayant condamnée à un sinistre sort. Si seulement il n’avait jamais figuré dans ma vie. 

Si seulement nous n’avions jamais fait tout ce chemin afin de voir cet arbre de nos propres yeux et de risquer nos vies en se frottant à des soldats Mahr. Si seulement tout cela n’était pas arrivé, je n’en serais pas là, à gravir la colline, une boite en cuir aux mains alors que le temps pressait.

Je continuais de monter. 

Arrivée en haut de la colline, et donc, à quelques mètres de la maison, je fis la découverte du paysage que j’avais vu il y a peu de temps mais d’un point de vue différent. La maison était toujours éclairée de la même manière, signe que personne ne s’était réveillé ou au moins que rien n’avait beaucoup changé. Elle semblait beaucoup moins imposante qu’à son intérieur et ressemblait presque à l’identique à la cabane de Kei à l’exception que les fenêtres étaient plus grandes et vitrées. Un toit en tuiles était également en plus par rapport à la petite demeure poisseuse de Kei.

Mais soudainement apparurent dans le noir total et la forêt entourant la maison, deux hommes aux étranges carrures, courants vers l’habitat. L’un étant habillé d’un simple pantalon déchiré et troué tandis que l’autre ne portait qu’un haut et un short aussi si ce n’est plus piteux que celui de son camarade. Les deux se trimballaient pieds nus et semblaient sortis de n’importe où.

L’homme torse nu portait avec lui une longue barbe brune arrivant jusqu’à sa pomme d’Adam et des cheveux ébouriffés de la même couleurs lui tombaient sur le front. L’autre était presque invisible, à vrai dire je ne voyais à sa place qu’une sorte d’ombre polyvalente et uniforme voguant derrière son allié. 

Je me rapprochais et à peine eus-je lame temps de faire un pas de plus qu’ils s’arrêtèrent, me regardant dans le blanc des yeux. L’homme à la barbe se ramena vers moi. Il puait l’alcool et pleins d’autres odeurs peu recommandables mais il s’adressa tout de même à moi. 

-Hé p’tite… Tu sais où je pourrais aller à Shiganshina ? 

L’autre se contenta de rester discret et de se cacher derrière lui. 

-Euh…

-Répond vite c’est urgent !! continua-t-il. 

Sans que j’use le temps de répondre, l’ambiance devint de plus en plus pesante. Ces deux types n’avaient décidément pas l’ai très aimables et je devais n’être qu’une simple aide sur leurs routes. Le barbu chercha alors dans son pantalon déchiqueté et en sortit une arme blanche à la lame très aiguisée. 

-J’t’ai dis d’me répondre !!

Son regard transperçait le miens et je compris son appel à l’aide. Cependant, un problème me traversa l’esprit. Les autres ne formaient pas neufs possesseurs et cet homme à l’étrange carrure se trouvait être semblable comme deux gouttes d’eaux à un Eldien de par sa façon de parler et sa couleur de peau très blanche. Je savais alors ce qu’il me faudrait faire. 

Prise d’une profonde peur, je posais la boite sur le sol et désarmais je ne sais trop comment le barbu. Mes bras se mirent à bouger de manière étrange et, malgré le fait que je me sois toujours avouée comme pacifiste, je sentais que cette réaction était le fruit d’une terreur pure et sincère. 

Le barbu serra violemment les dents et me regarda de ses yeux grands ouverts. L’autre se ramena et tenta de récupérer le couteau tombé dans l’herbe. J’obstruais sa tentative en passant furtivement dans le dos du barbu tout en continuant de le retenir et frappais un grand coup l’autre au niveau de l’abdomen. Un choc brusque immobilisa presque mon corps et chacun de mes os se mirent à vibrer. J’avais comme usé d’une force supérieure à celle m’étant donnée de base. 

Le barbu contempla son coéquipier s’écraser sur le sol tandis que je me mis à moins le tenir fermement. Il gémit de douleur et grogna :

-Sale garce !!

D’une balayette à peine forcée, je le fis tomber sur le dos contre le terrain. Je le retenais, récupérais ensuite ma boite en cuir, l’ouvrais et en sortais une des longues seringues planquées dedans. Le barbu sembla terrifié à la vue de la pointe que j’approchais de son avant bras nu. 

-C’est quoi c’bordel ?! Tu fais quoi ?!

Je me devais de lui dire ne serait-ce qu’une petite partie de ce que j’avais derrière la tête. Mais mon visage transpirait sûrement la peur et il voyait dans mes iris que le temps pressait. 

-Si je fais ça, c’est pour plus avoir à porter ce fardeaux sur moi. Si je vous me transmet… C’est juste parce que je n’assumerais pas de porter le poids de l’humanité sur mes frêles épaules ! 

Il sembla encore plus désappointé qu’avant que je sorte une aiguille. 

-Mais surtout… surtout… n’oubliez pas que vous n’êtes pas seuls dans cette guerre !!

La sueur de mon front s’échouait sur celui du barbu. D’un geste sec, je plantais la seringue dans son avant bras. Il se débattit de toutes ses forces, poussant des gémissement mais il était déjà trop tard, la machine était enclenchée. 

J’assénais alors un grand coup sur son crâne et le fit tomber totalement dans les pommes. Puis, j’appuyais à l’aide de mes doigts sur le mécanisme poussant le liquide à pénétrer dans son corps. Sa tête était posée sur le sol et ses yeux, refermés, me rendirent encore plus coupable. 

Mais le doute n’était plus de la partie et je me jetais, toujours accompagné de la boite de seringue, vers la porte des Boyle. J’avais d’ailleurs laissé la précédente dans les herbes. 

Et tours à tours, j’injectais cet étrange liquide dans le bras de mes compagnons. Je prenais soin d’être discrète et de ne pas paraitre présente. Les seringues s’éparpillaient les unes après les autres à différents endroits de la maison. 

Transmettre le liquide était plus ou moins facile selon les personnes. Je le donnais plutôt facilement à des inconnus comme Enos ou Kate. Mais pour Kei, Lewis, Hedwig et surtout Erna, ce fut une autre paire de manches. 

Je m’imaginais ce qu’elle allait penser de moi à son réveil. Quelle tête elle tirerait à son retour mais surtout, sur lequel des titans elle risquait de tomber. Mais le mal était déjà fait. 

J’injectais le liquide dit « cérébro-spinal » dans leurs bras et sortais finalement de la maison. Là, la brise douce du matin me caressait et le soleil commençait peu à peu à se lever. Les quelques minuscules premiers raillons se montraient d’ores-et déjà.


Ça y était. J’en avais fini et il ne me suffisait désormais plus que de crier une dernière fois pour que tous se transforment et accomplissent alors le cycle dont j’étais l’inquisitrice. J’avais fais ma part du marché, malgré la lâcheté accumulée et décidais de mettre fin à cette souffrance en hurlant une dernière fois. 

Mon aboiement fut si intense que toute la terre autours de moi se mit à trembler et le ciel gronda. Neufs lumières transperçant l’irréel naquirent et d’imposants êtres au moins quatre fois plus grands que moi apparurent. J’avais beau ne voir que leurs fantômes dans la fumée, j’avais compris que tout s’était étrangement déroulé comme prévu.

J’avais accomplis ma mission et avec moi avais emporté toutes mes douleurs. 





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