Le chant des étincelles

Chapitre 6 : Contrat

5737 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/09/2022 18:36

Charlie Hanson 

 

Haletant de stress, je resserrais ma cravate. Rudolf me suivait à la trace dans les longs couloirs aux architectures peintes à la main. Il semblait tout aussi anxieux que moi, voire plus. Si lui était dans cet état, alors nous risquerions d'avoir du mal à entamer les discussions importantes.  

-On la joue calme, okay ? dis-je en me retournant.  

-Comment ça ?  

Il joua avec mon regard comme s'il manipulait de petites balles se collant dans la paume de la main.  

-Je sais pas, t'as pas l'air détendu. Peut-être que t'es trop stressé.  

-Hum... Possible.  

-C'est les enjeux qui te mettent dans cet état.  

-Je... Pense pas. C'est plus dû au fait de devoir passer devant des inconnus.  

-Pourtant tu t'es vite intégré au groupe. Je te trouvais à l'aise avec les autres.  

-Alors ça doit être les enjeux qui me font si peur.  

Nous nous étions totalement arrêtés dans notre marche et il nous restait peu de temps encore avant d'atteindre le fond du couloir mais il était primordial de voir si tout se passait bien de son côté.  

-D'ailleurs, tu n'avais pas dis vouloir faire venir Lewis à cet entretient ? demanda-t-il.  

-Si, mais il était beaucoup trop intimidé. Dommage, il aurait clairement pu servir de porte parole, lui et ses bouquins.  

-C'est vrai que ce petit en connait un paquet sur l'histoire des titans depuis qu'ils a cherché dans la bibliothèque des Boyle. Étrange d'ailleurs qu'ils avaient tous ces livres sur ce sujet.  

-"Étrange" ? C'est clairement normal chez les Eldiens Valhut d'avoir ce genre d'ouvrages.  

-Je vois. Ils considèrent ces livres comme des sortes de Bibles ?  

-Entre autre.  

Je resserrais une nouvelle fois ma cravate qui m'empêchait presque de respirer et reprenais la marche. Rudolf me suivit, silencieux comme toujours. Lui qui avait toujours un air sage ne parlait qu'en cas de réel intérêt.  

-Cette discussion va être l'une des plus sérieuse que l'on aura dans notre vie. Il faut être à l'affut de la moindre opportunité pour convaincre.  

-J'ai l'impression qu'on se dirige vers la mort, lâcha-t-il.  

Même si nous ne nous arrêtions pas, je sentais la peur dans sa voix. Il était clairement terrorisé.  

-La mort ? On y a échappé à plusieurs occasions, sois déjà heureux que l'on soit ici.  

-Justement...  

Il marqua une pause avant de reprendre : 

-J'ai peur de mourir à tout instant depuis que j'ai rencontré Lora.  

-T'as trente-et un an, ressaisi toi, rappliquais-je impassible.  

Il sembla sécher quelques une de ses larmes et continuer d'aller de l'avant.  

-Je t'imaginais plus ferme, chuchotais-je.  

-Mon allure y est beaucoup pour ça, mais au fond de moi, j'ai peur.  

-On a tous profondément peur, Rudolf. Il faut s'y faire. C'est pendant le voyage que je m'en suis rendu compte, qu'il fallait aller de l'avant.  

Une certaine fougue se dégagea de ma marche et j'accentuais inconsciemment la vitesse de mes mouvements.  

-On a mis ça au clair, on continuera d'aller de l'avant et de se battre, quand bien même on doit y laisser nos vies.  

-Ça serait une sorte de sacrifice collectif pour la gloire d'Eldia ? Comme pendant la paix nous séparant du grand terrassement ?  

-Pas seulement... 

Nous arrivions finalement devant le garde qui nous attendait en face d'une porte. Il faisait fier allure, lui et son arme accroché à l'épaule. Il ouvrit lentement la porte en nous voyant et nous laissa entrer.  

La salle contenait des centaines de livres, elle en était remplie par tous les côtés. Chaque mur était une véritable bibliothèque à elle même. Au centre se dressait une petite table basse entouré de deux canapés mis en parallèles. Sur l'un deux étaient assis trois personnes aux yeux bridés et au sourire inexistant. Enfin, derrière deuxième canapé dans lequel nous nous installions s'étalait une immense vitre à peine visible dû au grand rideau nous le cachant. La salle n'était alors éclaircie que par des lampes électriques cachées çà et là. Voire tout ce changement technologique nous avait grandement étonné, mais la claque était désormais flagrante. On aurait dit un tout autre monde.  

Deux hommes entouraient alors une femme sur le canapé en face, aucun n'avait l'air amical. Leurs habits étaient sobres, totalement noirs à l'exception de ceux de la dame qui étaient ornés de différentes babioles dorées. Sûrement des récompenses de guerre.  

Tout nous rendait ridicule. On pensait avoir besoin de Lewis et sa connaissance en livre, ils en avaient des tonnes et en savaient plus que nous. On pensait avoir vécu les galères de la vie à Shiganshina mais ils semblaient bien plus expérimentés. L'un d'eux avait d'ailleurs un étrange bout de bois taillé de manière à le faire tenir sur patte. L'une de ses jambes était totalement coupée, c'était celle de droite.  

L'autre, assis à gauche, n'avait qu'un œil. Sa cicatrice était totalement cachée par une cache-œil.  

Nous n'étions réellement que des êtres insignifiants et rien ne semblait vouloir nous accueillir. Nous n'étions que des passagers. Étrangers que les Azumabito se forceraient d'écouter par faute d'obligation.  

Quelqu'un vint nous servir un thé dans des tasses gravées en or et le cyclope m'adressa la parole avec un accent asiatique particulièrement prononcé : 

-Vous vous êtes bien habillés pour l'occasion.  

J'acquiesçais, faute de savoir quoi répondre.  

-Tant mieux. Nous avions peur de vous voir dans un piteux état. Mais vous semblez en bonne forme.  

-Nous vous laissons vous présenter, dit la femme.  

Je fis légèrement racler ma bouche. Un frison de peur parcouru ma trachée.  

-Je me prénomme Charlie. Charlie Hanson, ancien habitant des ruines de Shiganshina, situées sur l'ile du Paradis.  

Rudolf comprit ensuite, dû au silence, qu'il était temps pour lui de se présenter. Il fit un raclement identique au miens et prit directement sa grande voix roque. Il savait pertinemment que les enjeux étaient plus que décisifs.  

-Quand à moi, je me nomme Rudolf Kruger. J'ai également habité sur l'ile du Paradis. Seulement mon village n'était pas Shiganshina, mais un autre nommé Laorhut.  

-Et votre travail ? demanda celui de droite.  

-J'étais superviseur dans la Brigade de conquête.  

-Superviseur ? Les registres n'indiquent pas cette profession.  

Rudolf commença légèrement à tapoter du pied sur le parquet. Il semblait en difficulté.  

-Les registres indiquent votre état comme "vagabond".  

La femme au centre jeta un regard noir à Rudolf. Elle avait vraiment l'air de lui en vouloir. La tension monta et, toujours sans émotion, elle le questionna : 

-Où avez-vous grandis ?  

De sa voix commençant à flancher, il expliqua : 

-À Laorhut. J'y ai vécu mon enfance lors des débuts de la guerre et de l'occupation Mahr.  

-Vous mentez, Kruger. Les formulaires stipulent que votre position, il y a quelques semaines, a brutalement changé. Vous êtes passé de Revelio à Laorhut en à peine deux jours.  

-Comment ? marmonnais-je surpris.  

La femme sembla étonnée et se tourna vers moi. Son regard s'apaisa, quelques rides au niveau de ses yeux disparurent.  

-Vous ne saviez pas que votre camarade était un vagabond ?  

-N... Nan... Pas du tout.  

Nous croisions nos regard. Il semblait réellement mal en point. Je lisais parfaitement la peur dans ses yeux. Maintenant qu'ils savaient que Rudolf avait menti, il ne nous considérerait plus comme de simples êtres inférieurs mais comme des personnes en qui la confiance ne peut pas être donnée. Nous étions comme des enfants racontant des bobards, quand bien même j'avais cru au baratin de Rudolf. Mais jamais je ne m'étais remis en question à propose de ce qu'il disait. Je pensais qu'il aurait clairement eu autre chose à faire que de mentir à propos de ses origines.  

-Je vois que n'êtes pas une très bonne fréquentation, monsieur Kruger. 

Il serra les poings.  

-Co... Comment avez-vous eu accès à de telles informations ?  

-Les murs ont des oreilles. Il faut bien comprendre qu'en temps de guerre, il est primordial de récolter le plus d'information possible.  

Rudolf regardait, accablé, la femme aux traits asiatiques.  

-Nous avons des yeux partout, monsieur Kruger. Et nul n'est inconnu à l'état dans notre territoire.  

-Nous ne pouvons pas laisser un tel individus en ces lieux. Si nous ne pouvons même pas le croire sur son statut, pourquoi devrions-nous lui laisser s'entretenir à propos de la guerre, demanda l'unijambiste.  

-Parce que notre offre pourrait bien vous intéresser, dis-je d'un ton sûr.  

-J'espère bien, marmonna-t-il.  

J'échangeais un regard rapide avec mon camarade. Il tripota sa cravate comme à son habitude et replaça son poing fermé sur sa cuisse.  

-Notre groupe clandestin ainsi que moi-même... sommes porteurs de titans primordiaux.  

Un malaise général se fit ressentir. Les interlocuteurs nous dévisageaient tour à tour. Il n'étaient clairement pas informés à propos de ce que nous venions faire. À leurs yeux, nous n'étions qu'une bande de gamin bien trop présomptueux, mais il n'en était rien. Cette simple phrase réussi à le faire prendre compte le poids de la réponse qu'ils devaient nous accorder. La femme replaça une mèche rebelle derrière son oreilles.  

-Pardon... ? lâcha-t-elle.  

-Vous avez bien entendus. Nous sommes chacun porteur d'un des neufs titans primordiaux.  

-C'est impossible... Cela fait trois cent ans qu'il n'en existe plus de la surface de la Terre.  

-C'était aussi ce que nous pensions avant de voir se dresser un arbre au dessus de toute forêt. Il portait en lui l'essence même de ce pouvoir.  

-Une des personnes du groupe est malheureusement tombée dans une entre taillée en son milieu. À peine une dizaine de seconde après est apparue une masse sombre s'élevant bien au delà de tout être vivant. Un titan à la capacité de transmettre son pouvoir à d'autres Eldiens.  

Rudolf marqua une pause dans sa phrase. Il reprit enfin : 

-Nous.  

L'unijambiste posa sa main sur une poche de son manteau. Un petit cliquetis en fer se fit entendre. La femme lui fit un signe.  

-Pas besoin d'en arriver aux extrêmes, lui dit-elle.  

-Comment pourrions-nous leur faire confiance ? Et si c'était du bluff ? chuchota-t-il.  

-Vous avez raison d'être prudent, mon cher, confirma Rudolf. Seulement nous pouvons vous faire une démonstration en direct de nos capacités.  

-Ce serait avec beaucoup de prudence qu'il faudrait faire une démonstration. Lequel des neufs détenez-vous ?  

-Nous n'en avons aucune idée. En réalité nous n'avons pas eu l'occasion de nous transformer pour l'instant.  

-Vue l'étendu destructeur des transformations et des titans en général, il serait judicieux de tester dans un endroit totalement vide, où quelques dégâts occasionnels seraient acceptable, rajoutais-je.  

Les trois asiatiques de regardèrent et échangèrent dans leurs langues d'origine. Je ne reconnaissais vraiment aucune sonorité. C'était un étrange mélange avec quelques voyelles et des lettres comme "K" ou "J" se répétant de nombreuses fois. Leurs tons variaient étrangement, formant des vagues dans leurs phrase. Mais réellement aucune des syllabes ne pouvait être déchiffrée.  

Ils se tournèrent finalement vers nous après quelques minutes de dialogue. La femme hocha la tête et appela un garde toujours dans son dialecte étrange.  

-Nous acceptons votre proposition à condition de savoir quel usage comptez-vous faire de ses titans, du moins s'ils sont bel et bien réels.  

-Nous comptions effectuer une alliance entre Eldiens et Azumabito dans le but de faire reculer les forces Mahr dans la guerre de territoires.  

-Les faire reculer ? répéta le cyclope. Cela semble peu réaliste.  

-Et pourtant, il vaut mieux ne pas sous-estimer la puissance de certains titans, répliqua Rudolf.  

Il en disait un peu trop à mon goût. Mais depuis que nous avions appris qu'il nous mentait, il avait réussi à susciter l'intérêt des dirigeants.  

Un soldat arriva finalement et nous tendit un léger appareil en forme de petite bulle ronde. L'objet était présenté sur un petit coussin rouge.  

-Cet écouteur permettra à celui qui se transformera de nous entendre. Vous n'avez plus qu'à designer le cobaye et il n'aura qu'à se transformer devant nos yeux.  

Elle fit un signe de la main et le rideau situé derrière nous disparu sur le côté. Il laissa sa place à un long paysage industriel. En réalité, il ressemblait à un long couloir à l'air libre où se tenait quelques troupes ainsi que des véhicules militaire rangés de part et d'autres. Cet espace avait vraiment l'air d'être le plus adéquate pour une mission de ce genre.  

Rudolf me tapota légèrement l'épaule.  

-T'y vas ? me chuchota-t-il.  

-Pourquoi pas toi ?  

-J'ai... Un peu la trouille.  

Je le regardais longuement. Le devoir devait être accompli, et je savais qu'il ne souhaitait pas se dévouer directement.  

-Bon d'accord. 

Je me levais, attrapais l'écouteur et le plaçais dans mon oreille droite. J'essayais de bien le mettre avant de me rendre compte que tout le monde m'observait bizarrement.  

-Pas besoin de l'enfoncer à ce point, m'expliqua le cyclope.  

-Oh, pardon. Nous n'avions pas ce genre de technologies sur Paradis.  

C'est à ce moment que je remarquais que l'unijambiste continuait de m'épier du regard, la main toujours sur le manteau, prêt à dégainer au moindre faut mouvement.  

-Il me faudrait quelque chose de coupant, dis-je en regardant dans le blanc des yeux la femme.  

-Pourquoi faire ?  

-La transformation nécessite une blessure sanglante, sinon, rien ne se passe.  

-Je vois... Ce n'est pas sur commande.  

Elle sorti de la petite table en bois un couteau au premiers abords mal aiguisé et me le passa.  

-Cela suffira ?  

-Je pense, oui.  

Elle parla une nouvelle fois aux gardes qui m'emmenèrent en dehors de la pièce. Je priais alors pour que tout marche. Si l'opération ne se déroulait pas comme prévu, alors notre réputation serait saquée et nous ne serions plus pris au sérieux.  

Le silence pesait sur mes épaules lors de la descente des marches. Tout reposait désormais sur ma capacité à me transformer. 

Des sueurs froides se mirent à apparaitre lorsque je me mis à descendre les escaliers tout de noir vêtu aux côtés des imposants soldats Azumabito. Je me mettais à transpirer à grosses goutes partout sur mon visage. Mes yeux transmettaient la peur qui me traversait.  

Étais-je réellement prêt, à dix-neufs ans, à effectuer ce genre de tâches. À emmagasiner tant de pression sur mes épaules. Je n'avais rien demandé à personne. Cette destinée m'était tombée dessus sans que je ne la demande et désormais, le devoir qui me guidait semblait tout tracé. Je fonçais tête baissée vers une mort certaine.  

Et encore une fois je me faisais la réflexion de ce qu'il aurait pu m'arriver si je n'étais pas parti chercher Lewis ce jours là. Peut-être que la petit Lora n'aurait  pas enclenché la transmission et aurait gardé secret son pouvoir. La purge Ackerman aurait eu lieu sans désagrément. Kate et moi se seraient cachés dans le sous-sol, là où personne ne pouvait nous atteindre. Mais le sort et cette petite Lora en avaient décidé autrement. Et une idée me traversa vaguement la tête. Peut-être que Lewis aurait perdu la vie.  

Les soldats ouvrirent la porte et laissèrent au passage une once de vent rentrer dans le bâtiments aux magnifiques parures accrochées. Je savais ce qu'il me restait à faire.  

Ma main droite serra le couteau durement, et enfin je fus capable d'assumer le poids des responsabilités.  

 

**** 

 

 

Rudolf Kruger 

 

-Le seul titan que nous avons utilisés jusqu'à maintenant était le féminin. Il appartient à Kate Aleit. 

-Mais nous n'avons accueillis que sept personnes depuis ce matin. Il manque deux porteurs, n'est-ce pas ? se questionna le cyclope.  

-En effet, les deux manquants ne nous ont pas rejoins pour le moment, pour cause de différents à propos de la manière dont nous devrions utiliser ces pouvoirs.  

La femme resta suspicieuse. Je n'appréciais vraiment pas lorsqu'elle me regardait avec ses yeux terrifiants.  

-Vous vous rendez-compte à quel point il est dangereux de les laisser hors du groupe. Si ce que vous nous raconter est vrai, il faudrait absolument les récupérer, expliqua la femme.  

-Nous en sommes conscient. Cela fait aussi partie de notre plan.  

Le petit appareil au centre de la table se mit à expulser un profond soupir métallique, puis vint à mes oreilles la voix de Charlie.  

-Je suis sur place, disait-il.  

Je me retournais alors vers la baie vitrée et observait longuement le terrain bétonné s'étalant sur des centaines de mètres. En son centre se tenait minablement une petite ombre. C'était Charlie.  

Tous les véhicules avaient été dégagés afin de ne subir aucun dégât. Il ne restait que Charlie, le sol gris et le ciel d'un bleu pur.  

-Tout est en ordre, monsieur Hanson. Effectuer le test lorsque vous vous sentirez prêts.  

La femme avait beau avoir l'air d'être prudente, elle semblait néanmoins être compatissante avec Charlie qui se tenait sur le terrain. Elle devait comprendre ce qu'il ressentait et la peur d'échouer qu'il éprouvait.  

On entendit quelques expirations grisonnantes dans le boitier. Il reprit enfin : 

-Je suis prêt... 

Une petite seconde passa et un gémissement de douleur se fit entendre à travers l'appareil. On voyait sur la version miniature et éloignée de lui qu'il s'était tranché la peau à grands coups de couteau. Le sang écarlate s'échappait d'ailleurs de sa main et venait lamentablement s'échouer sur le sol noir.  

-Merde... marmonnait-il.  

D'autres gémissements de douleurs se firent entendre, puis de petits cris trahissant son désespoir et sa douleur.  

-Fais chier... pensais-je à haute voix.  

-Le test ne semble pas concluant, constata l'unijambiste qui avait d'ailleurs rangé sa main lorsque Charlie était parti de la pièce.  

-Effectivement, j'ai bien peur que l'expérience ne marche pas, ou bien que vous ne soyez que d'affreux menteurs.  

-Non... ! Je vous prie d'attendre un peu, supplia Charlie au bout du fil.  

-Nous n'allons pas attendre encore plusieurs heures, monsieur Hanson. Et encore moins en temps de guerre.  

-Merde... lâchais-je.  

Il me fallait faire quelque chose. Le temps pressait, il lui fallait une bonne raison de se transformer, telle était la deuxième condition.  

-Ça fait un mal de chien bordel... ! 

-Est-ce que... Il y a moyen de le faire se tirer dessus par un soldat ?  

Les dirigeants me regardèrent encore une fois. Ils ne semblaient pas convaincus.  

-Il faut accomplir une deuxième condition pour voir un être se transformer et elle est simple. Le porteur doit avoir une bonne raison de se transformer.  

-Le risque de mourir par la balle d'un soldat s'il ne se transforme pas pourrait être suffisant ?  

-Je pense que oui, confirmais-je.  

-Co... Comment ça ?! s'exclama Charlie.  

-Très bien, dit la femme avant de donner à nouveau des ordres dans sa langue d'origine.  

Je vis ensuite la silhouette de Charlie se rapprocher rapidement des vitrines. Sa voix transpirait la terreur à plein nez. 

-Nan !! Je vous en supplie pas ça ! 

-Tenez-vous en à ce que vous nous avez expliqué et contentez vous de vous transformer.  

Un violent coup de feu vint illuminer le terrain et nous vriller les tympans. La balle avait été tirée de loin par un sniper caché. Et avant même que le son ne parvienne à notre salle, la tête de Charlie était partie en marre de sang. On aurait dit une fontaine d'hémoglobine s'éparpillant partout autours de lui. La liaison entre nous cessa par la disparition de sa tête et de son corps émana instantanément un puissant flash doré qui nous aveugla pendant plusieurs secondes. Un crissement aigu résonna dans l'air et la foudre s'abattit violemment son son cadavre. Un rugissement féroce fit vibrer les carreaux de la vitre à les briser. De fins copeaux de verre s'envolèrent de part et d'autre de la salle. Puis d'immenses rafales de vent balayèrent tout se qui se trouvait autours de nous. Les canapés manquèrent de se soulever plus d'une fois et les tapis s'envolèrent de chaque côtés. La pièce baignait dans une imposante couleur rouge tournant vers l'orange. Et nous furent obligés de nous cacher le visage avec nos mains pour ne pas subir la puissance salvatrice de la tempête.  

Tout se calma finalement pour laisser place à un être défiguré de la tête aux pieds. En réalité son corps était apparu intégralement, à l'exception de ses genoux et de ce qui en découlait. De ces membres s'échappait d'ailleurs une imposante fumée grise. Son visage n'était pas aussi tout à fait complet. Il lui manquait un œil qui venait de s'échapper de ses globes oculaires pour venir s'échouer sur le sol. Il tenait dans une étrange position et semblait se décomposer peu à peu. 

Mais dans l'ensemble, le résultat était là, devant nos yeux. Et il semblait si impressionnant que les dirigeants lâchèrent quelques légers gémissements de surprise. Ils chuchotèrent quelques mots dans leur langue et regardèrent longuement le titan de Charlie.  

La couleur cuivrée des plaques sur son corps était formelle et reconnaissable. Nous avions affaire à l'un des plus importants titans primordial. Il repensait à mes yeux le dernier rempart d'Eldia. Il était celui qui nous protégerait des jugements des dirigeants.  

-Le titan cuirassé... expliqua le cyclope.  

Et qui de mieux que Charlie pour représenter le bouclier du groupe. Malgré le résultat atrophié, je soupirais et respirais lentement. J'étais rassuré, les Azumabito allaient enfin nous croire et mettre un peu plus de sérieux dans la conversation.  

-Je ne pensais pas en voir un de mes propres yeux, déclara la femme.  

Je me tournais vers les trois asiatiques. Ils étaient réellement surpris de voir se qui se dressait devant eux.  

-Il y a donc six autres porteurs de titans. La transformation est précipitée et donc quelque peu légèrement incomplète, mais d'après les savoir contés dans différents livres, l'utilisation optimale des porteurs viendraient avec l'entrainement.  

-Je... Je suis sincèrement bluffé...  

La femme tenta de rétablir la connexion avec l'oreillette de Charlie mais tout ce que nous arrivions à capter c'était un bruit de électrique grisonnant.  

La carcasse du titan cuirassé chuta finalement dans un grondement majestueux.  

-Notre accord serait alors d'allier vos forces militaires avec nos pouvoirs afin de riposter sur le champ de bataille à l'aide de nos différents titans.  

-Je pense que l'idée est bonne, expliqua l'unijambiste. Seulement il nous faudra plus d'un titan incomplet pour nous convaincre.  

-Certes le titan cuirassé nous serait d'une grande aide, surtout dans l'assaut et la reprise de territoire, mais si les autres titans ne sont pas aussi intéressant, ce ne serait que se tirer une balle dans le pied, continua le cyclope.  

-Je suis convaincue, conclue la femme. J'ai longuement étudié l'art de la guerre et par extension, l'histoire de la guerre. Et depuis la disparition des titans il y a de cela trois cent ans, aucune arme humaine n'a pu égaler la puissance et l'aspect pratique de certains titans. Je pense que l'idée de s'allier à vous est intéressante et pourrait faire avancer les choses. Seulement il y a aussi cette histoire de différents à propos des deux manquants qu'il faudrait régler.  

En quoi consisterait votre plan pour les rallier à notre cause ?  

-Il consisterait à se rendre sur l'ile du Paradis afin de récupérer par la manière forte les deux manquants. Puis nous reviendrions par avion au champ de bataille et tenterions de regagner du terrain par rapport aux troupes Mahr. L'assassina du dirigeant Yal Mark serait le fin mot de la guerre.  

-Vous êtes plutôt optimiste. Yal Mark ne sera pas aussi facile à tuer que ce que l'on peut penser, expliqua la femme.  

-Je sais. Mais les choses ne vont pas changer dès votre accord, il nous faudra longuement nous entrainer à manier ces titans.  

-Entendu. Néanmoins, la seule autre condition que j'omettrais sera de savoir avant l'accord les titans et les porteurs que vous avez dans le groupe.  

-Tout à fait. Nous pouvons d'ores et  déjà rassembler ici chaque détenteur.  

La femme hocha la tête et appela encore une fois un garde. Pendant ce temps, j'entendis un petit son dans mon dos. Me retournant, je découvrais que le corps de Charlie se détachait de sa carcasse. Ses beaux habits s'étaient tâchés par le sang et étaient déchirés à certains endroits.  

Enfin, nous avions réussi à obtenir la confiance de nos interlocuteur, et déjà je sentais l'espoir revenir.  

**** 

 

Kei Hammerwald 

 

Je redécouvrais finalement la douceur de l'air extérieur. Rester dans cette chair brulante m'avait longuement comprimé dans une espèce de vapeur toxique qui m'empêchait à certains moment de respirer pleinement.  

Les quelques filaments attachés à différents endroits de mon visage et de mes mains lâchèrent sous mes petits mouvements et mes jambes se mirent à légèrement cogiter pour s'extirper.  

La brise me caressait doucement le visage tandis que les marques tracés sous mes yeux continuaient de chauffer. Là, posé comme si j'étais plongé dans le coma, j'observais calmement le ciel bleu. Il était si pur et parfait que presque aucun nuage n'y était visible. Un soleil perçant se trouvait en son centre et quelques oiseaux volaient au dessus de ma tête. Un léger gémissement de fatigue s'échappa de ma gorge sèche. À vrai dire, la secousse que j'avais subi quelques secondes plus tôt m'avait tellement foudroyée que j'avais encore du mal à me rendre compte de mon état. Mais le trou placé dans le torse qui fumait commençait lentement à se reboucher.  

Et encore une fois, j'eus l'étrange vision de me retrouver dans cet océan de sable en pleine nuit, une lumière bleu aveuglante en face de moi. J'entendais dans ces visions la voix d'une petite fille que je connaissais bien, je reconnaissais ce timbre enfantin, mais aucun des mots qu'elle sortait de sa bouche n'était compréhensible. C'était comme si j'avais les oreilles totalement bouchées. Puis, venait ses petites mains tendres. Elle prenait une poignée de quelque chose au sol, la mélangeait à l'eau et rebouchait mon torse avec. Cette sensation était si... Chaleureuse.  

Finalement, ce fut le cris de Lewis qui me réveilla. On me retira de mon titan et m'emmena plus loin, dans une salle à l'abris du soleil.  

Au réveil, je frottais doucement mes yeux. Mes habits s'étaient totalement froissés voire même mouillés. Je ne comprenais pas non plus où l'on m'avait posé mais les personnes autours de moi étaient bien reconnaissables. Tous étaient là, à l'exception d'Erna et d'Hedwig.  

Nous n'étions plus dans la salle où avaient longuement discutés Rudolf, Charlie et les dirigeants Azumabito. J'avais d'ailleurs été doucement posé sur un canapé. Cette salle était la chambre où nous nous étions réfugié le matin même.  

-Enfin levé ? remarqua Lewis.  

Ce dernier, qui était apparu à ma gauche, inspecta mon torse en déboutonnant mon haut. Il passa légèrement la main dessus et murmura : 

-C'est fascinant... Il n'y a vraiment aucune marque de balle.  

-Hé... ! Pourquoi tu me touches comme ça ? 

-Oh... Pardon. 

Il retira rapidement sa main et me tendit une assiette remplie de mets inconnus.  

-Tiens, mange ça te fera du bien.  

Je l'attrapais et commençais à manger. Ces saveurs étaient réellement nouvelles pour moi, et pourtant il semblait y avoir les mêmes ingrédients que ceux cuisinés à Shiganshina.  

-L'accord a été signé, expliqua Charlie.  

Ce dernier était posé sur une chaise au fond de la pièce. Il regardait par la fenêtre les rues adjacentes grouillants d'habitants Azumabito.  

-Nous nous mettrons au travail dès demain matin. Pour l'instant, il nous faut récupérer. La journée a été longue pour tout le monde.  

-Vous voulez vous coucher à cette heure ? demanda Lyam.  

-Oui, répondit Kate. C'est le meilleur moyen d'être en forme pour demain, même si le soleil ne fait que se coucher.  

-Dommage... Je voulais profiter un peu de la soirée.... 

-Tu en profiteras un autre soir. Pour l'instant il faut se reposer.  

Tandis que je terminais mon assiette et me dirigeais vers la chambre des enfants, les autres membres du groupe s'installèrent autours d'une table ronde. Ils firent disparaitre toute lumière et nous forcèrent à aller dormir. J'eus seulement le temps d'aller prendre une petite douche et d'uriner. Enfin, je rejoignais Lyam et Lewis déjà couchés. Il faisait nuit noire dans la chambre, alors je me contentais de me coller sous ma couette et de me forcer à fermer les yeux. Seulement cette technique avait ses limites, et quand bien même elle permettait de m'apaiser, il était impossible que mon corps s'endorme si tôt. Alors je veillais, dans l'obscurité, attendant que le sommeil ne me rattrape.  

-Dis, tu sais de quoi ils parlent ? m'interrogea une petite voix fluette à ma gauche.  

-Non... Des choses de grands sûrement, répondais-je.  

-Des choses pas intéressantes... rajouta Lewis.  

-Peut-être qu'ils parlent de la suite de la mission, continua Lyam.  

-Non, sinon ils nous auraient laissé les écouter, corrigeais-je.  

Un nouveau silence pesa.  

-Du coup... Ils vont faire de nous des soldats ? demanda la voix enfantine.  

-Pas vraiment. Je pense que nos titans vont êtres utilisés à des endroits stratégiques, c'était ce qu'on avait prévu, Kei ?  

-Oui... D'ailleurs, je ne sais toujours pas quel titan je possède.  

-Oh bien sûr. Tu as été le dernier à passer, mais tu n'as vu aucun des précédents. Je crois que tu possèdes le Titan Marteau-d'arme.  

-Marteau d'arme ? répéta bêtement Lyam.  

-Les vieux livres disaient qu'il avait la capacité de faire apparaitre à sa guise n'importe quelle arme ou objet en durcissement. C'est expliqué grâce à un mélange particulier des molécules présentes dans l'air. Mais j'ai à peine pigé la moitié des explications des bouquins, c'est bien trop compliqué à expliquer.  

-Et le tiens, Lewis ?  

-Moi... J'ai le Mâchoire. Il est réputé pour être très athlétique et rapide. 

-Sa bouche est renforcée, non ?  

-Comment tu sais ça ? me questionna Lewis.  

-J'ai lu quelques bouquins à propos de l'histoire moi aussi. Mais très peu à vrai dire. 

Je revins à mes pensées. Celui de Lyam m'intriguait, lequel des neufs titans primordiaux avait-il bien pu avoir ?  

-Et toi, Lyam ?  

-Lyam a... Malheureusement eu le Colossal.  

-Le Colossal ? Mais... Ce n'est pas censé... 

-Être le plus dangereux... ? me coupa l'enfant à la voix fluette. Si... Et ça m'effraye.  

-Lyam a peur de savoir ce qu'ils vont faire de lui.  

-Oh...  

Je me mis à légèrement compatir.  

-Tu sais... À ta place je serais aussi effrayé... Je pense qu'on le serait tous.  

-Oui, c'est vrai, confirma Lewis.  

Il resta sans voix, nous laissant seul dans le noir complet.  

-Ne vous inquiétez pas pour moi... j'ai la tête dure.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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