My Beautiful Beast (LevixEren)
My Beautiful Beast
Chapitre 12: Caporal Levi Ackermann
C’était un jour comme les autres dans le quartier Est de Shinganshina.
Les rues étaient sales, le ciel gris, comme tous les automnes. Une bruine continue mouillait les immeubles. L’odeur du béton, froid et humide se mêlait aux parfums rances de pollution et de crasse. Et comme ça arrivait de plus en plus souvent les sirènes de la Garnison résonnaient dans toutes les rues. Quand elles ne faisaient pas que passer, elles se réunissaient en masse autour de certains blocs, comme aujourd’hui.
C’était ce qu’ils appelaient, un cordon de sécurité.
Le crépuscule étendait son ciel rougeâtre au-dessus des têtes des habitants mais personne n’admirait son spectacle. Pas besoin de lever les yeux pour observer les portes de l’enfer. C’était l’enfer qui venait frapper à leurs portes. « Chef Hannes, le périmètre est sécurisé… » Une vingtaine d’hommes en tenues d’intervention attendaient ses ordres. Hannes poussa un soupire. Comment diable est-ce que les choses avaient pu autant dégénérer ? Au départ, c’était pourtant une intervention de routine.
Depuis la grande réforme Smith, près de sept ans auparavant, la Garnison était le nouveau nom qui avait été décidé pour désigner les services de police. Erwin Smith, aidé de Dot Pixis devenu le nouveau commandant de la Garnison, avait effectué un véritable nettoyage en profondeur du service. Tous les ripoux avaient été méthodiquement éliminés ou traînés devant la justice. La Garnison était chargée de la sécurité publique. Leurs missions ? Faire respecter les lois établies par le gouvernement, par tous les citoyens lambda. Voilà exactement pourquoi Hannes avait ordonné qu’on appréhende Joe.
Joe était l’alias utilisé par Jordan Leblanc, un jeune homme de 26 ans, châtain, 1m74 environ 64 kg. Ils le surveillaient depuis des mois. Il était soupçonné dans au moins une dizaine d’affaires d’agressions sexuelles sur mineures. Comment auraient-ils pu deviner que Joe était aussi l’un de ces fameux Emissaires titanesques ?
Cela faisait environ deux ans que la légendaire Brigade d’Intervention, aussi appelée les Ailes de la Liberté, avait informé les autres services de leur existence.
Les Emissaires titanesques étaient des criminels d’apparence ‘banale’ qui en réalité, s’avéraient être de dangereux malfaiteurs à la solde du plus que légendaire gang des Titans. Ce qui faisait la particularité du gang des Titans ? L’impression qu’ils se trouvaient absolument partout et nulle part à la fois. L’impossibilité d’identifier ne serait-ce qu’un seul de leurs leaders. Leur violence (absolument tout groupe représentant un maillon faible et/ou un ennemi potentiel était immédiatement oblitéré) et les moyens dont ils disposaient (armements militaires et avant-gardistes, espions…)
Oui, appréhender Joe aurait dû être l’affaire de quelques minutes, s’il n’avait été soutenu par les Titans. Les policiers chargés de l’affaire s’était donc rendu sur son lieu de travail, une vieille maison de retraite sans histoire, afin de l’en déloger. Mais arrivés sur place, ils n’en étaient jamais ressortis vivants. C’était un passant qui avait appelé les renforts après avoir entendu des coups de feu. Les premières forces mobilisées pensaient alors avoir affaire à un criminel éculé et armé qui avait pris en otages de pauvres résidents. Il n’étaient que quatre.
Ça avait été leur seconde erreur.
Une fois arrivée sur place, ils avaient fini canardés par une salve de tirs nourris. Le bilan s’élevait déjà à six morts et un blessé grave lorsque toute l’unité d’Hannes avait finalement été mobilisée. Apparemment, Joe et ses complices avaient cédé à la panique, lorsqu’ils avaient vu arriver les forces de l’ordre. Ils avaient cru qu’on avait découvert leur implication dans quelque chose de beaucoup plus gros que de simples agressions sexuelles. Restait maintenant à savoir quoi…
Hannes et ses hommes n’étaient ni équipés, ni vraiment formés, pour faire face à ce genre de situation à haut risque. Comment savoir combien d’assaillants ils devaient affronter ? Où étaient les otages ?
Ils avaient bien essayé d’envoyer un négociateur mais le type avait terminé en sixième victime…
Hannes n’avait pu que mobiliser les forces à sa disposition. Il leur avait ordonné de porter le meilleur équipement mis à leur disposition. Et maintenant, qu’était-il censé faire ? Le cordon de sécurité, prévu pour empêcher toute fuite des malfrats étaient en place…Que pouvait-il faire de plus ? Hannes connaissait les limites de ses capacités. Il avait toujours voulu bien faire mais il savait qu’il n’était pas un héros.
Son regard se posa sur les visages des riverains qui s’étaient agglutinés derrière le barrage policier afin d’observer la situation. Ils avaient l’air blasés, presque apathiques et leurs expressions n’exprimaient que mépris et indifférence. C’était toujours comme ça avec la Garnison. Les policiers, même réformés, n’étaient pas à la hauteur. Le quotidien de ces citoyens continuait d’être parsemé de violence et d’injustice. Les lueurs rougeâtres du crépuscule se reflétaient dans leurs yeux éteints et Hannes eut l’impression de faire face à une armée de morts vivants. Tout au fond de lui, une petite voix lui criait qu’il devait faire quelque chose de plus, comme prendre des initiatives ou essayer de sauver ces pauvres vieux… « Ils arrivent ! »
Hannes fit volteface et toutes ses pensées négatives s’envolèrent comme plumes au vent.
Enfin. Ils étaient là. Les Ailes de la Liberté.
La foule s’était écartée et une lueur enflammée s’était allumé dans leurs regards. Certains s’étaient même mis à hurler: « Allez-y !
- Défoncez-les !
- A bas la racaille !
- Rendez-nous notre liberté !
- La Brigade triomphera !
- Mort aux criminels ! » Eux, ils étaient de véritables héros. En tête, celui dont on scandait le nom partout dans le pays, l’homme le plus fort de Paradiz. Vêtu tout de noir, son long manteau flottait au vent, caressant de temps à autre le bas de son pantalon. Ses boots militaires claquaient sur le béton tandis qu’il s’avançait avec assurance. Il portait tout l’attirail caractéristique des forces d’intervention. Les sangles autour du haut des cuisses et des épaules, l’oreillette, les lunettes de soleil (beaucoup disait qu’en plus de leur permettre de voir dans le noir, elles leurs permettaient de voir à travers les murs)… et bien entendu son signe distinctif, accrochées au dos, les deux épées légendaires du Caporal Levi.
Son regard bleu-acier était résolument fixé vers le bâtiment encerclé et il paraissait complètement indifférent aux clameurs de la foule. Derrière lui, un van blindé portant le symbole de sa Brigade, deux ailes, une noire et une blanche entrelacées, roulait au pas.
Hannes avait beau l’avoir rencontré plus souvent qu’il ne l’aurait souhaité, il avait toujours la même envie lorsqu’il se retrouvait face à son aura écrasante. Celle de s’agenouiller. Une envie partagé par tous visiblement puisque tous ses hommes se mirent tout à coup au garde à vous, le poing droit plaqué sur le cœur. Alors que Levi venait se placer devant Hannes, le blindé à carrosserie noire se garait légèrement en retrait. Le Caporal laissa glisser ses yeux sur la droite puis sur la gauche avant de grogner : « Une bande de charognards putrides et sans couilles… » Connaissant le personnage, Hannes savait qu’il parlait de la foule de citoyens.
Par contre, ses hommes, eux, parurent pris au dépourvu.
Ils buvaient chacune des paroles de Levi même lorsqu’ils étaient incapables d’en comprendre un traitre mot. Le Caporal leva les yeux vers Hannes. Oui, lever. Levi avait beau être l’homme le plus fort de Paradiz, il n’en demeurait pas moins qu’il ne mesurait au bas mot qu’1m69. S’il n’était aussi large d’épaules et parfaitement musclé, beaucoup aurait pu le prendre de dos pour un adolescent. Il ne fallait pas se fier à son visage enfantin, Levi avait déjà 23 ans. « Hey ! Vieil alcoolo, quelle est la situation ? » Hannes sursauta, bien que l’appellation puisse encore surprendre certains hommes de la Garnison non au fait des relations qui existaient entre les différents chefs de services, elle était parfaitement habituelle (et puis c’était vrai. Avant la réforme, Hannes avait effectivement eu des problèmes avec la boisson) : « Hum…nous devions appréhender un jeune homme portant l’alias de Joe…
- Pas ça ! On nous a déjà débriefés sur la route ! » Le regard de tueur qu’il venait de leur lancer fit reculer d’un pas plusieurs hommes. Hannes ne broncha pas. Il était habitué à bien pire: « Nous n’avons aucun moyen de le confirmer mais nous pensons qu’il y a au moins une dizaine de tireurs, armés de semi-automatiques et répartis sur tout l’étage du bas. Ils détiennent très certainement les résidents en otages…
- Combien d’otages ?
- Hum…selon un employé en congés que nous sommes parvenus à contacter, au moins une vingtaine. Peut-être largement plus. C’est le weekend après tout donc…
- Je sais qu’on est un foutu weekend ! J’avais largement mieux à faire que de venir m’occuper d’une bande barjes kidnappeurs de grand-mères ! » D’autres hommes reculèrent d’un pas.
Hannes comprenait leur réaction. Il était difficile de résister à l’intensité de Levi.
Une main vint se placer nonchalamment sur l’épaule du Caporal. Un homme blond dont la longue chevelure était coiffée en une haute queue de cheval leur adressait un large sourire : « Veuillez excuser notre Caporal pour sa rudesse, mais il avait rendez-vous avec Angel et votre petit appel a remis la chose à plus tard… » Hannes haussa un sourcil : « Oh ! Un rendez-vous…» Levi écarta la main posée sur son épaule d’un geste avant de grogner : « La ferme Eld ou je t’envoie en reconnaissance en slip.
- Caporal, tu portes encore des slips ? C’est tellement démodé ! Un boxer, c’est ce que se doit de porter tout homme qui se respecte ! Comment veux-tu séduire des femmes si tu te balades en slips ? » Un autre homme, brun, grand, musclé et à l’allure effrayante (il portait une coupe militaire, rasé de très près) se tenait debout derrière le blond : « Eld. Tout le monde n’est pas comme toi, on ne passe pas notre vie à sauter sur tout ce qui bouge. Bien que je sois impressionné par ta résistance génétique aux MST. Je dois avouer que j’espère, s’il y a une justice, que ta prochaine conquête te refilera des chlamydias. » Eld s’insurgea : « Gunther ! Arrête de dire n’importe quoi ! Tu vas finir par leur faire croire que tu dis la vérité ! Je te signale que ma femme travaille à la Garnison ! Ce sont peut-être devant ses collègues que tu racontes…
- …Si vous connaissez une certaine Félicia Jinn, surtout dites-lui de quitter son mari. Ce type flirte avec tout ce qui bouge… » Une rouquine, petite, menue, qui ressemblait à une poupée avec ses grands yeux couleur miel venait de rejoindre le groupe. Si elle n’avait pas, elle aussi, portée l’uniforme noir de la Brigade d’Intervention et un long fusil de sniper dans le dos, personne n’aurait pu s’imaginer qu’elle puisse en faire partie. Eld gémit : « Petraaaa ! –il fit face aux hommes qui se tenaient, interdits en retrait- Ils racontent n’importe quoi ! J’aime ma petite Féli d’amour et je ne drague personne ! Dites-lui bien que je l’aime ! » Une main vint se poser sur son épaule : « Eld, plus tu te justifies et plus tu parais louche. Tu le sais ça, non ? » C’était un autre brun, tout aussi grand que le premier mais plus élancé et à l’air avenant. Ses cheveux était séparé au milieu par une raie, ce qui le rajeunissait un peu.
Tout le monde le connaissait. Moblit Berner, l’inventeur de génie, l’homme à l’origine de tous les équipements de la Brigade d’Intervention mais aussi de ceux de la Garnison et de la Brigade Spéciale (chargée de la protection des habitants de l’intérieur du mur).
Il salua Hannes d’un geste de tête avant de déclarer : « On nous a dit que la situation était urgente. Alors nous voilà. » L’homme à la droite d’Hannes jeta un regard incrédule à leur petit groupe : « Euh…où sont les autres ? » Hannes lui adressa un sourire retord : « Mon jeune Thomas, si un jour tout l’Escadron du Caporal est mobilisée pour une intervention, la capitale sera mise à feu et à sang.. » Le jeune officier, ahuris jeta un nouveau coup d’œil vers les cinq gugusses qui se tenaient face à eux. Comme tout le monde, il avait entendu les légendes qui circulaient au sujet de la Brigade d’Intervention. Et plus précisément celles qui parlaient de l’Escadron du Caporal Levi. Mais, dans les faits réels, la Garnison avait mobilisée plus d’une trentaine d’hommes pour mettre en place ce cordon de sécurité. Et même aussi nombreux, ils étaient coincés dans une situation inextricable. N’aurait-il pas mieux valu que la Brigande d’Intervention prenne leur appel au sérieux et déploie plus de moyens pour maîtriser les criminels ?
Levi s’était avancé vers la maison de retraite et avait observé la situation pendant quelques minutes.
Pendant ce temps, Moblit et Eld se chargeaient de recueillir autant d’informations que possible sur la disposition des lieux et les observations des policiers sur l’armement ennemi. Quand ils eurent terminés, Thomas demanda : « Euh…est-ce que le Caporal ne devrait pas lui aussi entendre tout ça ? » Eld et Moblit haussèrent un sourcil avant de rire de bon cœur : « Pas la peine ! Notre Caporal est un monstre ! Il doit déjà avoir reniflé le nombre d’ennemis…
- Déterminé leur armement grâce aux douilles présentes sur le sol… » Petra se joignit à leur petit jeu : « …Trouvé la position des otages en se fiant aux modulations du vent…
- Et trouvé à quel groupe nous avons réellement affaire grâce à sa super vision rayons X… » Thomas incrédule raffermit sa prise sur arme : « Est-ce qu’il est vraiment capable de faire tout ça ? » Ils éclatèrent à nouveau de rire. Moment que choisit Levi pour revenir vers eux : « Je suppose que si vous êtes en train de vous marrer comme des hyènes c’est que vous avez terminé votre boulot, hein ? » Ils s’étranglèrent tous les quatre avant de reprendre leur sérieux sous le regard incrédule de Thomas. Ils répondirent en chœur : « Oui Caporal. » Le regard de Levi était tombant et en dépit de toute l’agitation qui les entourait il paraissait tout à fait ennuyé.
Il déclara : « Il est 17h30. Après 19h la binoclarde m’interdira les visites...On est Vendredi. » Et comme si cette phrase expliquait tout, les expressions de chaque membre de l’Escadron s’étaient métamorphosées. L’aura qui entourait le groupe avait radicalement changé. C’était devenu quelque chose de lourd, d’effrayant et de presque palpable. Moblit soupira : « Bien. Ce sera plier en 30min. Hanji vient de me dire à l’oreillette qu’elle a fini de télécharger les plans de l’immeuble. » Eld, Petra et Gunther mirent leurs lunettes. Elles ressemblaient à des lunettes de soleil un peu futuristes. Thomas, fan inconditionnel de films rétro (ceux qui leur venaient de la banque de données d’Antya et qui dataient de la période Terrienne) crut reconnaître le design des lunettes que portait Néo lorsqu’il pénétrait dans la Matrix…
A défaut d’être réellement capable des exploits qu’on leur attribuait, l’Escadron avait une classe folle.
Après un instant de silence, Eld siffla : « Eh ben…c’est qu’ils ne se faisaient pas chier les vieux… » Moblit qui avait lui aussi enfilé ses lunettes commenta : « Nous pensons que la maison de retraite servait de base d’opérations pour le groupe des Marchands de Sable… » Petra grogna : « On aurait jamais pu deviner ! » Eld demanda : « Quoi ? Que les vieux transportaient sûrement des kilos et des kilos de drogues dans leurs petits caddies de courses ? Moi, si ! Je déteste les vieux… » Gunther souffla : « Tu seras vieux aussi un jour Eld. Si tu continues de survivre aux MST… » Levi avait croisé les bras sur son torse et Thomas ne put s’empêcher de l’admirer. Même sous ce long manteau, on pouvait voir ses muscles se dessiner. Il se dégageait de l’homme un tel concentré de puissance qu’il était quasiment visible à l’œil nu.
La tête baissée vers le sol, Levi sembla s’être endormi debout, droit dans ses bottes. Tout à coup, il leva le nez en l’air et tourna la tête vers les hauts immeubles qui encadraient la zone. Il claqua de la langue et ses hommes se turent : « On passe par le toit. On part pour un BF648. » Eld gémit : « Oh non…pas une stratégie de catégorie B… » Petra soupira : « Il est pressé Eld, à quoi tu t’attendais… » Thomas se pencha vers Hannes et parla doucement de peur de passer pour un idiot : « Euh, qu’est-ce que c’est un BF648 ? » Hannes laissa échapper un petit rire avant de répondre : « Qui sait ? Tout ce que je peux te dire, c’est qu’à la fin, plus rien ne tiendra debout… »
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Ils s’étaient séparés en deux groupes.
Gunther et Eld sur l’immeuble de gauche. Levi et Petra sur celui de droite. Après que Moblit, resté superviser les opérations dans le van leur en ait donné le signal, Petra et Eld tirèrent en direction des tuyaux d’aération situés en contrebas sur le toit de la maison de retraite. Leur grappin s’y accrocha. Ils vérifièrent la solidité de leur prise avant d’ancrer l’autre bout sur l’attache spéciale prévue à cet effet qu’ils avaient planté sur le haut des immeubles. Puis sans attendre, ils ouvrirent leur ceinture et en sortirent le mousqueton qui leur permettrait d’utiliser la corde comme une tyrolienne. Il ne fallut que quelques secondes avant qu’ils ne s’élancent dans le vide. Oublieux des kilomètres de distance qui les séparaient du sol.
Vu d’en bas, les six étages qu’ils étaient en train de traverser dans les airs, soutenus par un simple fil paraissaient encore plus impressionnant. La foule retenait son souffle.
A peine atterris sur le toit, ils se détachèrent et sans un mot, signèrent leurs futures instructions. Ils avaient l’habitude d’affronter les sous-groupes du gang des Titans. Ils ne se faisaient absolument aucune illusion. Ils savaient qu’il n’y avait déjà plus aucun otage à sauver. Les Titans avaient pour habitude d’effacer absolument toute trace de leur passage. Du coup, pour eux, l’enjeu c’était de parvenir à récupérer des preuves et s’en sortir sans subir aucune perte.
Le plan était simple.
Hanji avait réussi à déterminer d’après la structure de l’établissement que leurs bureaux devaient se trouver dans les étages supérieurs tandis que leur laboratoire (pour rester dissimulé en cas d’inspection des services sociaux) se situait approximativement au cœur du bâtiment.
Levi et Petra se chargeraient d’essayer de récupérer un échantillon de drogues tandis qu’Eld et Gunther s’occuperaient de la récupération des documents.
Ils se déplaçaient avec la force de l’habitude, comme si chacun d’eux étaient l’extension des autres. Une fois qu’ils eurent pénétrés dans le bâtiment, Eld plaça un brouilleur pour mettre hors d’état nuire tout éventuel système de surveillance vidéo. Et au bout de quelques mètres, toujours dans le plus grand des silences, ils se séparèrent.
L’infiltration avait été réussie et ils ne rencontrèrent presque personne. Les forces ennemies devaient être concentrées au rez-de-chaussée afin d’empêcher la Garnison d’entrer en force. En ça, la police jouait parfaitement son rôle de leurres.
Ils maîtrisèrent les quelques hommes qu’ils rencontrèrent sans faire un seul esclandre. Coup de fusil en pleine tête, nuque brisée ou (dans le cas de Levi) une coupe chirurgicale au niveau de la trachée. Et le tour était joué. Ils semèrent des cadavres sur leur route jusqu’à ne plus pouvoir avancer sans prendre beaucoup plus de précautions.
Des sentinelles avaient été placées devant les lieux stratégiques.
Eld et Gunther purent ainsi parfaitement identifier le bureau où les Marchands de Sable avaient dû dissimuler tous leurs registres.
De leur côté au moins deux étages plus bas, Petra et Levi rencontraient la même difficulté. Face à eux, deux grandes portes gardées par deux malabars armés jusqu’aux dents, paraissaient mener au laboratoire. Sauf que contrairement à Eld et Gunther, ce n’était pas un couloir mais une véritable allée qui menait à la salle. Autant dire que la disposition des lieux ne favorisait pas du tout une entrée en toute discrétion. Ils se mirent en standby sachant qu’Eld et Gunther auraient besoin de temps pour récupérer le maximum d’informations possibles.
Eld se retenait à grande peine de siffloter alors qu’il installait le silencieux au bout de son M700p.
Il l’avait personnalisé en y faisant graver ses initiales et celles de sa chère femme. C’était un peu son arme fétiche. Une fois sa tâche terminé, il signa en direction de Gunther : « Alors, combien tu paris que je me fais les deux avec une seule balle ? » Le géant jeta un coup d’œil dans le couloir, prit visiblement le temps de réfléchir un instant et répondit par signe : « Ne me prend pas pour un con, je sais très bien que tu peux les atteindre tous les deux avec une seule balle. Même mon fils de 6 mois serait capable de le faire avec une telle inclinaison…
- Oh ! Mauvais joueur ! Alors, combien on paris que je peux atteindre les deux, avec une balle, qui traverserait leur deux tempes juste au-dessus de l’oreille ?
-…Ok, là on parle d’un pari. Y en a un d’environ 1m75 et l’autre d’à peine 1m70 comment tu comptes t’y prendre ?
- Minute papillon, combien on paris ?
-…Si tu continues dans cette voie, Félicia ne te quittera pas juste parce que tu es un obsédé sexuel mais aussi un accro aux jeux…
- Espère de connard radin ! Tu joues ou tu ne joues pas ?
-….Ok. Deux jours de corvées de nettoyage sous la supervision du Caporal pour le perdant… » Eld marqua une pause. Un large sourire fendit ses lèvres : « C’est ce que j’appelle jouer gros ! J’aime ça ! » Eld se redressa, ferma les yeux et souffla longuement. Lorsqu’il rouvrit les yeux, ses pupilles bleus Prusse avaient perdu tout leur éclat. Il fouilla discrètement dans la pochette qui était accrochée à sa cuisse et en sortit une petite boule blanche estampillée du blason de la Brigade d’Intervention. Il la serra dans sa main jusqu’à entendre un petit clic.
Gunther l’imita lorsqu’il plaça ses lunettes sur son nez. Ils se figèrent pendant cinq secondes puis Eld balança la boule en direction des deux sentinelles. Dans un minuscule claquement, la boule explosa libérant une décharge de lumière aveuglante. Avant même que les sentinelles n’esquisse le moindre mouvement, éblouis, le blond avait chargé droit dans leur direction. Aussi agile qu’un chat, il se servit du mur de gauche pour se propulser en l’air. Une fois projeté, il corrigea sa position d’une torsion du buste et l’œil dans la visée, tira.
Eld atterrit quelques mètres plus loin en mettant un genou à terre avant d’effectuer une courte roulade sur le côté pour amortir sa chute. L’éclat de lumière avait déjà disparu et Gunther était presque déjà arrivé à sa hauteur avant qu’il n’ait le temps de se redresser. Aucun d’eux n’avait douté du fait qu’il réussirait à atteindre ses cibles. Gunther s’accroupit devant les cadavres et les bougea du bout de sa main gantée. Un grognement de dégout franchit ses lèvres alors qu’il se retournait pour faire face à Eld : « Ok salopard. T’as gagné pour cette fois. » Le blond sauta de joie.
Petra et Levi n’attendirent qu’une dizaine de minutes avant que la voix de Gunther ne retentisse dans leur oreillette : « Mission accomplie. Demande permission de passer à la phase suivante. »
Levi acquiesça doucement de la tête avant de se souvenir qu’il était obligé de parler pour que ça fonctionne (il détestait ces maudits engins) : « Permission accordée. Tentez de fouiller l’étage. Nous allons devoir faire du grabuge. » Un petit rire accueillit sa réplique et Eld s’écria : « Comme d’habitude Caporal. Amusez-vous bien ! » Levi grogna et interrompit le signal d’une tape sur l’oreille. Moblit n’avait toujours pas réussi à faire en sorte que les grésillements n’agacent pas son ouïe hyper sensible.
Bien, il était temps de passer aux choses sérieuses.
Les deux gorilles avaient le doigt posé sur la gâchette et l’air parfaitement alerte. Après tout, ils étaient bien plus proches de la bataille que leurs camarades des étages supérieurs. Une boule aveuglante risquait de leur faire tirer devant eux à l’aveuglette et les blesser par inadvertance dans un tir croisé. Bien que l’équipement pare-balles dont les avait équipé Moblit fût le meilleur de toutes les Brigades, mieux valait ne pas prendre de risque. Levi dégaina doucement sa seconde épée et agita le menton en direction de Petra.
Elle acquiesça et plaça immédiatement le silencieux sur son SSG69. En une fraction de secondes, elle était en position, aplatie sur le sol, l’œil dans le viseur. Un souffle. Un tir. Et la sentinelle s’effondra, une balle logée entre les deux yeux. Le temps que son collègue comprenne ce qu’il se passait et tourne la tête vers le bout de l’allée, une silhouette virevoltante fondait sur lui.
L’homme se servait des murs comme d’un appui pour passer de la gauche à la droite comme s’il était un foutu ninja, même si la sentinelle paniquée essayait de le viser pour l’abattre, c’était impossible. Les balles paraissaient l’éviter.
Sa détente était extraordinaire et c’était comme s’il volait. La dernière chose que vit le garde avant que sa tête ne roule sur le sol fut un regard bleu-acier glacial qui s’imprima sur sa rétine. Levi atterrit en douceur alors que le corps décapité terminait de s’écrouler. Petra était déjà presque arrivée à ses côtés quand Levi termina de repousser le cadavre sur le côté du bout de sa botte.
Il essuya patiemment ses lames noires à l’aide d’un des mouchoirs qu’il trimballait partout.
Petra ne put s’empêcher de sourire, même dans une situation pareille, Levi ne pouvait s’empêcher d’être maniaque. Le sang du garde avait même paru l’esquiver pour aller tapisser la porte. Petra était sûre qu’il avait eu le temps de calculer l’angle de son attaque pour s’épargner les éclaboussures….Levi brancha une sorte de micro-clé USB sur le côté du boitier qui contrôlait le système de sécurité. En deux minutes, l’équipe d’hacking de la Brigade avaient terminé son œuvre et une lumière verte leur indiquait que les portes venaient d’être déverrouillées. Petra se plaça sur le côté de la porte gauche et Levi sur la droite.
Dès qu’elles s’ouvrirent un salve de balles vola dans leur direction.
Visiblement, ils avaient reçu l’ordre d’attaquer toute personne tentant de pénétrer dans le laboratoire. Levi rangea calmement ses lames et saisit le 45 ACP qu’il gardait dans l’étui placé sur sa cuisse gauche. Il ôta le cran de sécurité, leva la main en direction de Petra pour lui ordonner de ne pas bouger de sa position et sans perdre une minute il profita du court un instant de répit entre deux salves pour s’enfoncer dans la salle d’une roulade avant.
Son premier tir frappa l’un des tireurs en pleine tête.
La surprise ralentit les autres et ça lui suffit largement pour se mettre à l’abri derrière l’une des tables du laboratoire. Il visa ensuite deux des tubes qui se trouvaient sur la table d’en face. Lorsque les deux produits entrèrent en contact, une mini explosion se produisit. Le système incendie se déclencha alors que Levi saisissait le poignard qu’il rangeait près de sa cheville droite.
Il posa les yeux sur la grande horloge mural et grogna : « Plus que cinq minutes… »
Il profita de leur confusion pour s’avancer dans l’étroite allée de gauche en marchant à ras le sol. Arrivée à hauteur du premier groupe de tireurs qui avaient encore le nez en l’air tentant de comprendre ce qui venait de se passer, il leur fondit dessus. Il lacéra la cheville du premier avant de se redresser et lui agripper la nuque pour s’en servir comme bouclier humain.
Le second tira dans le tas avant de se rendre compte qu’il était en train de trouer de balles son coéquipier.
Levi lui balança dessus le cadavre avant de retourner l’arme qu’il tenait à la main contre tous les autres tireurs. Une fois la boucherie terminée, le Caporal se retourna, plaça les mains de chaque côté du visage du survivant et d’un geste expert lui brisa la nuque.
Dès que le silence retomba dans la salle et que le seul bruit qu’elle put entendre fut celui des arroseurs automatiques, Petra jeta un œil dans la pièce. Levi se tenait seul debout au beau milieu du laboratoire et était visiblement en pleine conversation avec Moblit. Il avait la main posée sur son oreille et grimaçait comme il le faisait toujours quand il était obligé d’allumer l’engin. Elle s’avança. Une fois qu’elle fut à sa hauteur il déclara : « Coupe en raie vient de me dire qu’ils stockaient sûrement leur daube dans l’arrière-boutique. » Petra acquiesça, ce devait aussi être là que se cachaient les travailleurs.
Ils traversèrent la salle et s’approchèrent de la porte du fond.
Levi, la main posée sur la poignée marqua une pause. Il avait un peu de mal à le confirmer à cause du système d’arrosage automatique mais…il récupéra son arme, se mit en position pour tenir en joug un éventuel adversaire et ouvrit la porte en se dissimulant à moitié derrière le mur…
Maintenant que la porte était ouverte plus aucun doute à avoir. C’était bien l’odeur pourrissante de la mort, de l’essence…et…du gaz ?
Il jeta un œil à l’intérieur de la pièce. Un tas de cadavres amoncelés les uns sur les autres. Des résidents sûrement, ainsi que quelques coupeurs chargés de préparer la drogue des Marchands de Sable. Et là, au fond, dans l’ombre, un mouvement. La silhouette était énorme. Elle devait faire au moins deux mètres de haut si ce n’était plus, repliée sur elle-même et recouverte d’une grande cape dont le capuchon dissimulait ses traits, elle paraissait essayer de se faire petite…La lumière qui pénétra dans la pièce lui fit relever la tête dans leur direction. Levi aperçut deux pupilles d’un jaune luisant. Un grondement sourd échappa à la silhouette alors qu’elle laissait tomber sur les cadavres imbibés une lueur que Levi crut identifier comme étant une allumette allumée.
Levi écarquilla les yeux.
En une fraction de seconde, il se retourna, souleva Petra du sol pour la placer sur son épaule comme si elle ne pesait pas plus d’une plume et s’élança vers la sortie. Arrivés près des deux grandes portes du laboratoire il tapota sur son oreillette d’une main et ordonna : « Retrait immédiat ! Prenez la première fenêtre en vue et barrez-vous ! Ca va péter ! » Il fonça tout droit devant lui, ramena Petra vers l’avant en la portant comme une princesse et se replia autour d’elle alors qu’il brisait de son corps la fenêtre de l’allée.
Une fois dans les airs, il se déplia, attrapa le pistolet à grappin de Petra et visa le mur.
Du coin de l’œil, il vit les silhouettes de Gunther et Eld au-dessus d’eux qui terminaient eux aussi d’accrocher leur grappin dans le béton de la résidence. Levi plaça ses jambes de façon à accuser le choc contre le mur. La corde se tendit entre ses doigts. D’une main, ça n’allait pas être facile de descendre en rappel. Surtout pas avant que…Il hurla : « Petra, accroche-toi. » Elle lui agrippa le cou de toutes ses forces alors qu’il la lâchait pour attraper son propre pistolet à grappin. Il visa légèrement en dessous avant de se laisser tomber en chute libre.
L’explosion fit éclater toutes les vitres de l’étage. Puis une réaction en chaîne commença à faire exploser chacun des étages suivants et précédents.
La foule retint son souffle à nouveau alors que la résidence entière semblait secouée d’un tremblement. Un large nuage de débris noircit l’air et obscurcit leur vision. Il commençait à peine à se dissiper quand des silhouettes se détachèrent de la pénombre. Couverts de poussières, légèrement brûlés, les quatre membres de l’Escadron traversèrent cette scène post-apocalyptique en donnant l’impression de revenir d’un SPA. Ils s’arrêtèrent un instant devant Hannes et Levi parut chercher ses mots avant de lâcher un : « Bon travail. » presque péremptoire.
L’officier Thomas avait la bouche entrouverte et comme une bonne partie des nouvelles recrues de la Garnison, il n’en croyait pas ses yeux : « Mais…ils n’avaient pas d’explosifs avec eux en entrant, n’est-ce pas ? » Hannes agita la tête : « …On ne sait pas comment ils se débrouillent. Mais dès qu’ils sont de sortie les gars de la Brigade d’Intervention démolissent absolument tout… » Comme pour appuyer ses dires, l’un des étages de la résidence s’effondra sur celui d’en dessous.
Hannes soupira : « Et ils n’étaient que cinq… »
Puis plus fort il ordonna : « Bon les gars ! Il n’y a plus rien à voir ! Dissipez moi cette foule en délire et appelez les Nettoyeurs ! » Derrière eux la foule scandait : « Caporal ! Levi ! Caporal ! Levi ! » Hannes observa le dos du Caporal alors qu’il s’entretenait calmement avec Moblit près de leur van blindé. Une brise souleva légèrement son long manteau et les ailes qui y étaient dessinées parurent prendre leur envol.
Hannes poussa un nouveau soupire.
Il n’était peut-être pas un héros. Mais lui au moins, il n’aurait pas à expliquer à leurs supérieurs pourquoi une maison de retraite, potentiellement encore bourrée de résidents innocents venaient d’exploser en plein centre-ville…