67 Days

Chapitre 4

4904 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/07/2018 12:18

« Eh bien, tu dois être la définition du terme ‘lève-tôt’, à ce que je vois. »

Levi leva lentement la tête vers un homme grand, blond, et élégant. Il réalisa dans un sursaut qu'il s'était endormi dans sa chaise et pris un regard mauvais, espérant éviter plus de réprimandes. Son patron leva un sourcil avec un air amusé alors qu'un sourire prenait place sur son visage en voyant son meilleur élément se redresser.

« Va te faire foutre, » marmonna Levi avec autant de venin que possible dans ses étirements matinaux. Il regarda autour de lui, il était toujours dans le terminal, entouré par les membres de son équipe, tous endormis. Il restait un peu plus d'une demi-heure avant l'embarquement de son avion, il repoussa la couverture avec laquelle quelqu'un l'avait couvert et se leva de son siège.

« Où est-ce que tu vas? » lui demanda Erwin.

« Aux chiottes, » répondit Levi avec un signe de la main, se frottant les yeux énergiquement en se frayant un passage entre les chaises.

Il arriva enfin à destination, à moitié mort par manque de sommeil. Il se traîna jusqu'aux lavabos avec une démarche d'ivrogne, heureux de ne pas avoir de témoins. Levi fit l'erreur de regarder sa réflexion dans un miroir, et son visage se renfrogna. Il ne ressemblait à rien. Cernes plus noires que d'habitude, visage pâle et sombre à la fois. Ses yeux autrefois d'un argenté vivace le fixaient, désormais gris et ternes. Ses traits avaient l'air plus fins, presque décharnés par perte de poids. Ses cheveux étaient bien trop longs à son goût, ils lui bouchaient presque la vue.

Il dévisagea cette vision de lui-même et se demanda pourquoi il avait l'air si mal-nourri. En y repensant, quand est-ce qu'il avait mangé pour la dernière fois...?

La porte s'ouvrit, mais Levi ne fit même pas l'effort de tourner la tête avant que la voix malicieuse d'Erwin n'atteigne ses tympans. « Tu es tombé dedans? »

« Ta gueule, » rétorqua le corbeau. Il passa méticuleusement la main dans ses cheveux jusqu'à en défaire le dernier noeud et jeta un regard à la réflexion de son employeur. « Qu'est-ce que tu veux, le vieux? T'espérais voir ma bite? C'est un peu trop tard pour ça. »

Erwin leva les yeux au ciel, appuyé contre un mur, et fixa Levi qui retirait un élastique de son poignet pour pouvoir dégager sa vision. « Tu es certain d'être prêt pour la mission? »

« Je suis prêt. Arrête de demander, ou ça pourrait changer. »

« Tu ressembles à un cadavre. »

Levi détacha son regard du miroir en grimaçant. « Je sais, mais je fais jamais la même erreur deux fois. Je serais pas venu si je ne pouvais pas y arriver. Et puis, ils ont besoin de moi. »

« Je sais, » soupira Erwin. Il plaça une main sur l'épaule du plus petit et plongea ses yeux inquiets dans deux abysses grises. « Mais si quelque chose ne va pas, si tu ne te sens plus à la hauteur, tu n'as qu'un mot à me dire. »

« Compris. »

Un accord silencieux se fit entre eux, renforcé par un sens réciproque de respect et d'autorité. La confiance, voilà comment Levi appelait ça. Un sentiment impérissable de confiance, de camaraderie et de foi. Chacun croyait en l'autre. Ils étaient plus proches que de simples supérieur et subordonné, des vieux amis, d'anciens partenaires.

Deux de leurs collègues étaient éveillés quand ils revinrent, le blond à la carrure de battant qui s'étirait et l'autre qui sirotait un café en ébouriffant ses cheveux noirs. Une tasse fut offerte au corbeau qui l'accepta sans rechigner. C'était peut-être de la merde d'aéroport, mais c'était quand même de la caféine.

« On réveille les autres? »

« Ouais, et rassemblez vos affaires, on va bientôt embarquer. »

Les deux hommes s'afférèrent à réveiller leurs compagnons alors que Levi retrouva son siège en vue de prendre ses affaires. Il chargea son sac sur son dos et donna un léger coup de coude à la rousse dans le siège adjacent. Petra se recroquevilla sur elle-même avec un marmonnement irrité, puis s'immobilisa de nouveau. Levi grogna légèrement et pris son revolver pour le loger dans son étui à sa ceinture.

« Petra. »

« Commandant, » fut sa faible réponse.

« Ne m'oblige pas à le dire. »

Un oeil couleur miel s'ouvrit enfin dans un regard fatigué. « Faites de votre mieux. »

« Alors, ce sera la prise du pompier. »

Petra ne le prenait pas au sérieux au départ, mais quand il essaya d'enrouler son bras autour de sa taille, un cri peu élégant se fit entendre. Elle tentait de se débattre alors qu'il la soulevait sur son épaule; il se surpris à rire quand elle parvint à se libérer et tomba au sol, la tête la première. Elle jeta un regard sombre à son commandant qui le lui rendit avec un léger levé de sourcil. Elle accepta enfin son sort et rassembla ses affaires.

« Z'êtes trop bruyants, bordel, » grogna Oluo en se grattant la tête. « On est prêts à y aller, commandant? »

« Si tout le monde est prêt, oui. Le jet nous attend. »

L'embarquement était toujours pareil; passage rapide à l'authentification d'identité, vérification du badge et prise en main des bagages. Ils s'installèrent confortablement dans leurs sièges respectifs, Petra s'endormi presque immédiatement. Levi pris son téléphone et ouvrit rapidement Skype. Il cliqua directement sur sa conversation avec le brun. Apparemment il n'était pas encore réveillé, donc pas d'adieux avant le vol. Il laissa s'échapper un soupir et écrit un rapide au revoir avant d'activer le mode avion. Il se laissa tomber contre son siège et se frotta les yeux.

« Ce soupir ne me dit rien qui vaille, » dit Erwin en prenant place à côté de lui.

« Vraiment? » Marmonna Levi avant de se tourner vers son supérieur. Erwin le regardait avec une expression à la fois douce et sérieuse, celle que le corbeau détestait le plus. Levi savait qu'Erwin était au courant de son trouble intérieur. Voilà une chose qu'il ne supportait pas chez son boss et vieil ami; sa capacité à le lire si facilement.

« Qu'est-ce qui ne va pas? » demanda le blond.

« Rien qui pourrait affecter la mission, » dit simplement Levi. Il ne voulait pas dire à Erwin qu'il s'inquiétait pour quelqu'un à des centaines de kilomètres. Quelqu'un qu'il n'avait même pas vraiment rencontré. Quelqu'un qu'il n'avait jamais vu. De plus, il savait qu'il avait raison - au milieu du champ de bataille, il ne serait pas exactement concentré sur Eren.

« Tu en es sur? »

« Positif. »

Quelque chose sur son visage avait du pousser Erwin à ne pas le croire, parce qu'il insista. « Si quelque chose ne va pas, je te retirerai de la mission. C'est une opération dangereuse, et je refuse de te laisser te tourmenter si ça tourne au vinaigre et qu'il y a des blessés. On peut envoyer l'escouade de Mike sans problème. »

« Arrête de me faire chier, » rétorqua Levi. « Je crois que t'as déjà assez prouvé que mon état mental ne fait pas partie de tes calculs, et que ça n'arrivera jamais. »

La cabine resta dans un silence de mort après cela, et aucun mot ne fut prononcé jusqu'à la fin du vol, hormis une réponse d'Erwin.

« Fais ce qui te semble être le mieux. Souviens-toi juste que tu m'avais dit que ça allait la dernière fois aussi, et on sait tous comment ça s'est terminé. »


.-.-.-.-.-.-.-.


titanicjaeger: Désolé, si j'avais été réveillé, je t'aurais souhaité bonne chance. Ne meurs pas, d'accord? Je sais même pas si tu verras ce message, vu que tu pourrais ne revenir que dans trois semaines, ou même jamais. Je compte sur la première option.

Il avait environ une heure pour discuter pendant que tout le monde s’installait dans sa chambre, et Levi était surement trop excité de voir qu’il n’avait reçu le message qu’une demi-heure auparavant. Le morveux était réveillé, sans doute en train de perdre son temps sur un site de chat. Une vague de soulagement envahit le corbeau et il appuya sur le bouton « appeler ». Il pouvait au moins prendre des nouvelles d’Eren avant d’aller au meeting – sans mentionner le fait que l’humour du petit l’aiderait à se relaxer après l’atmosphère tendue du vol.

Dring, dring, dring …

Étrange. Eren ne prenait jamais si longtemps pour décrocher. Salle de bain, se dit Levi en haussant les épaules. Il posa son téléphone sur le lit le temps de se changer, ne s’inquiétant pas outre mesure. Une fois sa tenue plus présentable, chemise immaculée et cravate, il réitéra l’expérience.

Toujours rien du côté de titanicjeager. Levi fronça les sourcils en regardant intensément l’écran et appuya encore sur l’icône d’appel. En ligne, mais inactif. Dans la douche, peut-être… ? Endormi ? Non, un appel Skype l’avait déjà réveillé plus d’une fois…

« Les taux de dépression et de suicide montent en flèche pendant les mois sombres, tu sais- »

L’atmosphère devint glacée avec cette réalisation. Il appuya encore sur l’icône, tapant du pied impatiemment en écoutant la sonnerie interminable. Avec chaque dring, la température chutait d’un degré, apportant un autre pic de panique. Encore une sonnerie si lente, presque agonisante, le son se mariant aux battements de plus en plus rapides de son cœur.

Réponds, bordel !

Trente secondes n’avaient jamais autant ressemblé à une éternité.

Putain, réponds-moi !

L’appel pris fin. Levi se tenait là, immobile, en regardant l’écran de son téléphone. Ses pensées le rattrapèrent en un instant, et la peur s’installa alors que les mots d’Hanji se répétaient encore et encore dans son esprit. Il mit de côté la panique et s’empressa d’appeler un numéro qu’il connaissait par cœur. Il se battait contre la peur irrationnelle que cet appel aussi reste ignoré et frappait le sol du pied.

« Yo, le nain ! » Chantonna Hanji sur un fond d’interférences sûrement dues au vent. « T’es pas sensé aller à un meeting bientôt ? C’est quoi le problème, petit gars ? »

« C’est Eren, » répondit Levi, lui-même surpris par le ton désespéré de sa voix, en essayant de ne pas paniquer.

Le ton d’Hanji changea en un instant, désormais bas et préoccupé. « Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Je sais pas. Il me répond pas. »

« Est-ce que tu penses réagir de façon excessive ? »

Ce n’était ni accusateur, ni sceptique. Juste un moyen d’évaluer la situation, et le corbeau le savait. Il prit une grande inspiration. « Aucune idée. Mais c’est pas normal. Je sais pas pourquoi, j’ai un mauvais pressentiment. »

« Je suppose que tu n’as pas le temps d’attendre ? »

« Non. Tu peux t’en occuper ? »

« Bien sûr, Levi. » Voilà pourquoi il pouvait toujours compter sur elle ; elle savait où placer ses limites, quand son humour omniprésent devait laisser place au sérieux. « Je te tiendrai au courant. Ne te laisse pas distraire. Je gère. »

Et il lui faisait entièrement confiance. « Je sais. Merci. Je te rappelle plus tard. »

Click.

Levi prit quelques inspirations, réajusta sa cravate et regarda sa montre. Il devrait y aller. Avec un dernier regard en direction de son téléphone, il passa la porte.


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« C’est un honneur de vous recevoir, » fut l’accueil direct de Nile Dawk, chef de la police du NYPD. Il fit un rapide signe de tête en direction d’Erwin. « Asseyez-vous, je vous en prie. »

Chacun choisit une chaise, et Levi remarqua les nombreux yeux l’observant alors qu’il prenait place à la droite d’Erwin. Il devait sûrement avoir une réputation depuis le temps, mais c’était juste ridicule. Après huit meetings, une semaine et demi de planification, les petits nouveaux du SWAT du NYPD le regardaient toujours comme une sorte de dieu. Non seulement c’était extrêmement peu professionnel, mais ça le rendait mal à l’aise.

Il était sensé aider ces gens. Guider les nouveaux dans la bataille. Ces gamins. Ils ne devraient pas lui porter un culte. Ils devraient avoir peur pour leur vie. Bientôt, ils réaliseraient la gravité de la situation. Inévitablement, certains d’entre eux, si pas tous, mourraient. Et ils se détesteraient pour le restant de leur vie.

Cette pensée amena une douleur ancienne et familière à Levi. Quand il laissa s’échapper un grognement du fond de sa gorge, Petra et Erwin lui lancèrent tous deux des regards inquiets. Il leur fit un signe de la main et jeta quelques regards noirs à la table en attendant que la sensation disparaisse.

« Ce fut une longue semaine de préparations stratégiques et d’explications de nos divers experts criminels, ainsi que de nos agents sous couverture. » Nile rentra directement dans le vif du sujet. « Je voudrais tous vous remercier grandement pour travailler avec nous sur cette affaire, même si certains se sont montrés quelque peu… difficiles. »

Sur ce dernier mot, il lança un regard en direction d’Erwin. Levi arriva difficilement à ne pas rire. Depuis leur accueil – ou, plutôt, le manque d’accueil, vu l’ignorance totale du NYPD au niveau de l’hospitalité – Erwin s’était amusé à exprimer ses désaccords. Le plus souvent sous forme de critiques immédiates ; Nile présentait un plan d’attaque ou une opinion sur comment devaient se dérouler les choses, et Erwin refusait instantanément la décision et méprisait le manque de réflexion de Nile.

Attaque frontale ? Vous êtes dérangé ? Nous n’avons pas assez d’hommes pour ça. On n’a aucune idée de ce à quoi on aura à faire. On pourrait même être attaqués depuis les fenêtres. On serait complètement à découvert.

A travers les fenêtres ? La seule façon de faire ça silencieusement inclus des outils bien trop gros et difficiles à transporter.

Un hélico ? Vraiment ? Vous avez réfléchi ou pas du tout pour celle-là ?

Bon, peut-être qu’Erwin restait plus courtois, mais Levi savait bien ce qu’il pensait. Simplement parce qu’il ne le disait pas tout haut ne voulait pas dire qu’il n’était pas aussi vulgaire que Levi.

« Je n’arrive pas à voir l’utilité d’une telle réflexion dans notre situation actuelle, » dit Erwin. « Nous n’avons pas encore complété la mission, et nos officiers n’ont pas fait grand chose jusqu’à maintenant. Nous perdons un temps précieux. »

« Oui, bien, » tenta de se rattraper Nile. Il se racla la gorge, ne trouvant aucune réponse, et continua en ignorant les mots d d’Erwin. « J’ai bien peur qu’il ne nous reste que peu de temps. Nous devons accélérer les choses. Une de nos sources nous a informés que le leader du réseau, ses meilleurs passeurs et ses têtes pensantes vont bientôt être relocalisés. Personne sauf eux ne sait où. Nous n’avons pas beaucoup de temps d’entraînement, nous devons donc faire de notre mieux dès maintenant. »

Levi hocha la tête en même temps que tout le monde. Nile montra une carte du bâtiment visé. Erwin y traçait différents chemins. Les routes que devraient prendre chaque escouade. Chaque tournant, chaque mur devaient être mémorisés pour éviter la moindre bavure.

« Comme dit précédemment, l’escouade Dreyse entrera par la sortie sud. Notre source devrait être là à exactement 21 :03. Il portera la tenue prévue et attendra votre signal. Il vous donnera un double des clés de cette sortie et vous attendrez là jusqu’à recevoir l’ordre de l’escouade Ackerman.

« Levi, ton équipe sera au bâtiment ouest. »

Le concerné hocha la tête. Il pouvait imaginer les lieux parfaitement. Ils avaient préparé un terrain quasiment identique pour leurs entraînements et avaient des vues satellites des bâtiments cibles. Il pouvait déjà voir son escouade avec lui, à couvert à une des entrées, celle en face du bâtiment principal.

« La patrouille approchera vers 20 :50. Vous devrez attirer les deux ou trois hommes dans le bâtiment abandonné, et les tuer le plus discrètement possible. »

Gunther et Eld s’occuperaient sûrement de cette partie ; Leurs mains fortes et larges pouvaient briser quelque chose d’aussi fragile qu’un cou en un instant, sans aucun bruit de la part des victimes. Il l’avait observé auparavant, la façon dont les yeux d’un homme s’écarquillaient de peur, comment leur pomme d’Adam bougeait dans une tentative de cri qui serait stoppé si vite.

C’était étrange. Il n’avait jamais vu Gunther ou Eld en action. Pas comme ça, en tout cas. Ils ne s’occupaient que des plus petits boulots depuis la dernière grosse mission de Levi. Alors pourquoi pouvait-il le voir si clairement… ?

« Ackerman, ai-je votre attention ? » lui lança soudainement Nile. Levi ouvrit les yeux et il était prêt à rétorquer avec quelques insultes quand Erwin l’en empêcha.

« Chef Dawk, j’apprécierai que vous n’interrompiez pas la concentration de mon officier, » dit froidement le blond, avec la première once d’émotion que Levi avait pu détecter en lui depuis leur arrivée. « Ackerman a reçu un entraînement spécial depuis qu’il est entré dans nos forces armées. Je peux vous assurer qu’il vous porte la plus grande attention. Maintenant, si vous m’excuserez. »

Nile lui lança un regard mais ne répondit pas, Erwin continua.

« Ral crochètera la serrure de l’entrée la plus proche de vous, notre source ayant promis que la pièce serait vide. Une fois à l’intérieur, vous contacterez Dreyse. Le code couleur a déjà été établi. »

La rêverie revint aussi vivement. Des cheveux roux étaient visibles même dans le noir, à couvert devant une porte alors que deux hommes montaient la garde dans l’allée. Mais ces cheveux étaient plus rouges que ceux de Petra, et ces hommes ne correspondaient pas à la description ou à la carrure de qui que ce soit dans l’équipe de Levi. On leur fit un signe de la main et ils purent entrer dans le bâtiment vétuste, un des deux hommes contactait l’escouade à l’autre bout du bâtiment.

« Une fois à l’intérieur, restez sur vos gardes. Si vous rencontrez des membres, éliminez-les le plus silencieusement possible pour éviter qu’ils déclenchent l’alarme pendant que vous vous dirigez vers la cible… »

La voix d’Erwin se fondait avec le décor, ce qui était inhabituel pour un moment si crucial, mais Levi n’arrivait pas à se reconnecter. Est-ce qu’il s’endormait ? Il pouvait toujours voir ces couettes rouges et l’expression tendue de l’homme à côté de lui.

« Izzy ! » lança le plus vieux, ce qui envoya un frisson à Levi. Il se figea complètement quand cette voix familière continua. « Recule, idiote ! »

Isabel s’arrêta et attendit les autres membres de son équipe. Elle lança une mine boudeuse à Farlan qui lui renvoya un regard dur. Levi ressenti quelque chose ressemblant à de l’admiration envers elle qui pouvait apporter un peu d’humour dans de telles situations, mais Farlan avait raison : ils devaient rester silencieux et ensemble.

Kenny leur fit signe de s’arrêter. Leur oncle fit quelques gestes de la main et tout le monde comprit. Deux hommes dans la pièce d’en face, un tourné vers l’entrée, tous deux armés. La main de Levi sortit une pierre de sa poche en réponse. Il la lança loin dans le couloir, l’écoutant percuter le sol dans le silence. Les deux hommes réagirent immédiatement, approchant la sortie de la pièce pour enquêter sur la source du bruit.

Isabel leur tomba dessus en un instant, maniant deux couteaux qui terminèrent dans leurs gorges. Ils ne purent que grogner en s’écroulant au sol. Farlan et Levi étaient prêts à les rattraper au vol, au cas où quelqu’un soit assez proche pour les entendre tomber. Kenny partit en éclaireur pendant qu’ils déplaçaient les corps. Le couloir était maintenant vide.

« Vous pensez à ce que je pense ? » marmonna Kenny dans sa voix rauque. Les voix du passé figeaient chaque fois Levi sur place. Il se détendit quand Farlan parla.

« On dirait un piège. »

« On doit quand même continuer, » Levi s’entendit lui-même parler. Il ne contrôlait pas sa voix, même lorsque chaque fibre de son corps lui hurlait de faire demi-tour et de s’en aller à l’instant, tant pis pour l’escouade Zoe. « Vous avez entendu Erwin ; c’est sûrement notre seule chance. »

« Tu as raison, »acquiesça Farlan à contrecœur, et Levi voulait hurler. Non ! Il avait tort ! Ils devaient partir, maintenant ! Mais il n’arrivait pas à le dire. « Allons-y. Restez sur vos gardes. »

Voilà les mots qui scellèrent leur destin. Un coup de feu résonna dans la pièce, et Kenny tomba au sol. Du sang s’écoulait de sa gorge, il bougeait la mâchoire comme pour parler, ses dernières paroles, mais rien ne vint et il stoppa tout mouvement, yeux grands ouverts, en état de choc.

« Enfin, » dit une voix glaçante et familière, bien que le Levi du passé ne l’aie jamais entendue. « Je vous attendait, mes petits amis. »

Les yeux de Levi s’ouvrirent subitement, il laissa s’échapper un son étranglé au lieu d’un cri alors qu’il se levait rapidement. Chaque paire d’yeux dans la pièce tomba sur lui. Son regard argenté chercha immédiatement le bleu perçant des yeux d’Erwin, et il y vit de l’inquiétude.

« Levi. » La voix du blond traversa le flot assourdissant du sang dans les oreilles de Levi. Sa vision assombrie revint à son état normal en rencontrant le regard de son supérieur, son regard calme qui le fit remettre les pieds sur terre. La voix du blond était ferme, mais son visage trahissait les nombreuses questions qu’il se posait, la principale s’inquiétant de l’état du corbeau.

« Besoin d’un café, » marmonna Levi. « Ta voix était tellement chiante que je m’endormais. Explique-moi plus tard. »

Nile tenta de poser une question, mais Levi ne pouvait plus rien entendre. Son cœur était trop bruyant. Sa vision recommençait à devenir sombre et il dû mobiliser toutes ses forces pour calmement sortir de la pièce. Au moment où il arriva dans la cafétéria, il agrippa le comptoir comme si sa vie en dépendait, rendant ses doigts blancs sous la pression.

Grandes inspirations. Doucement. Calme-toi…

Les bips familiers quand il tapa le numéro d’Hanji le calmèrent un peu. Il approcha le téléphone de son oreille et fut soulagé quand elle décrocha presque instantanément.

« T’es sensé être à un meeting. »

« Je sais. »

La voix d’Hanji changea en un instant. « Levi, ta voix tremble. Qu’est ce qui s’est passé ? Tout le monde va bien ? »

« Tout va bien, bigleuse. Tu as su contacter Eren ? J’ai pas pu regarder si il m’a répondu. »

La brune compris ses intentions immédiatement. Avec un léger soupir, elle répondit, sachant à quel point une simple conversation pouvait le calmer. « Il va bien. Depuis que t’es parti, il passe la plupart de son temps à dormir. Je pense pas qu’il soit aux anges mais il ne va pas trop mal non plus. Tu es sûr que ça va ? Qu’est-ce qu’il y a, Levi ? »

« Heureux de l’apprendre. » Levi fit une pause. Il voyait bien mieux, maintenant. Sa tête avait arrêté de tourner. La voix d’Hanji était claire. « C’est rien, t’inquiètes. Je me suis enfui de ce meeting chiant à souhait, je pouvais presque sentir mon cerveau fondre. Erwin et Nile ont passé la semaine à se chamailler comme des gamins. C’était drôle au début, mais ça devient juste ridicule. »

« Ouais, c’est le genre de trucs qu’Erwin ferait. »

Avant que le corbeau ne puisse répondre avec un rapport des conneries qu’il avait entendu cette dernière semaine, Erwin en personne entra dans la pièce. En voyant Levi, il s’approcha. « A qui parles-tu ? »

« Ça te concerne pas, connard, » répondit Levi sans réelle agression en levant les yeux au ciel. Il lui tourna le dos pour lui faire comprendre qu’il était occupé. « Je dois y aller. Mets-moi au courant si quelque chose change. »

« Aye, aye ! »

Levi raccrocha mais garda son regard fixé sur l’écran. Il observait le design simple du bout de métal, son fond d’écran inchangé depuis son achat. Il savait qu’Erwin voulait son attention. Il savait que les questions arrivaient, et il ne voulait pas y répondre. Il ne voulait pas avoir cette conversation.

« Levi. » Le corbeau ne fit qu’un grognement en guise de réponse, et Erwin soupira. « Regarde-moi. »

Levi leva une fois de plus les yeux au ciel avant de rencontrer le regard du blond. Ces yeux ne montraient que de l’inquiétude. « Quoi ? »

« Dis-moi ce qui s’est passé là-bas. »

« Je me suis endormi. »

« Menteur. »

Le mot le fit vaciller. L’accusation le fit repenser aux autres fois où il l’avait entendu, dit sur un ton dur alors que la même personne lui posait la même question, encore et encore et encore. Il pouvait sentir ses poignets brûler et les frotta en grimaçant.

« Tu les as vus, non ? » Supposa Erwin, sa voix indiquait qu’il le savait bien. Qu’il savait tout. Que c’était évident. Mais pour personne d’autre, espérons-le.

« Et ? » cracha-t-il, sur la défensive. « Ça ne veut rien dire. »

« Ce n’est pas un problème si tu as besoin de temps, »lui dit Erwin. « Si tu repousses trop tes limites, ton esprit en souffrira, et il ne manquera pas une occasion de te rappeler ce qui s’est passé. Est-ce que je dois te renvoyer chez toi ? L’équipe de Mike peut toujours venir. »

« Je vois, » rétorqua Levi. « C’est pas de l’inquiétude pour moi. Tu veux que tes pions soient en condition parfaite. »

Les yeux d’Erwin rétrécirent à l’accusation. « Si c’est comme ça que tu veux le voir, ne te gène pas. Mais réponds à ceci : Es-tu capable de mener à bien cette opération ? »

Levi fit la moue inconsciemment et se retourna, prenant une tasse au passage. « Ma santé mentale ne te concerne pas, » dit-il durement, en prenant du café. « Je peux toujours m’infiltrer. Je peux toujours me battre. Je peux toujours tuer. »

Erwin prit la cafetière des mains de Levi pendant que ce dernier commença à boire, sans rien ajouter.

« Alors je te fais confiance. L’échec n’est pas une option, Levi. »

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